Ramène-moi ! (version 2.0)
Chapitre 9 : "Tout ça, c'est ma faute..."
3604 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 24/04/2024 16:03
Et voilà qu'elle se retrouvait à nouveau assise à l'arrière de la Jeep de Falcon, avec la tête de Ryo sur les genoux, guettant en vain une réaction quelconque.
Quelques instants auparavant, alors qu'elle venait de s'asseoir brusquement sur l'asphalte dure et froide, le corps inerte de Ryo serré contre elle, elle avait sursauté. Elle n'avait même pas remarqué l'homme qui s'était approché d'elle pour simplement lui demander, inquiet, s'il devait appeler une ambulance. Kaori avait poliment refusé.
— Vous êtes sûre ? Il semble plutôt mal en point, avait demandé l'homme en lorgnant Ryo d'un air soupçonneux.
Il avait même fait un pas en arrière, méfiant :
— Ou peut-être que je ferais mieux d'appeler la police ?
La police ? Oh non, pas ça, surtout pas ça ! Si cet homme décidait d'appeler les forces de l'ordre, elle se retrouverait dans une de ces m***... dans "une deep shit pas possible" comme aurait dit Mick !
Electrisé, son cerveau s'était mis à évaluer toutes les options en une fraction de seconde : il était parfaitement évident qu'elle serait incapable de fuir en portant Ryo sur son dos, il était bien trop lourd pour elle ; de même que l'abandonner derrière elle aurait été au-dessus de ses forces. Surtout que si la justice lui mettait la main dessus... Non, non, non... Impossible.
Elle devait trouver une solution et vite, parce que le monsieur était déjà en train de reculer, prêt à se diriger vers une cabine ou n'importe quel téléphone du coin.
Mais qu'aurait-elle bien pu faire pour empêcher cet homme de prévenir les flics ? Elle n'allait quand même pas le menacer avec son revolver pour qu'il obtempère ? Elle n'avait jamais pointé son arme sur quelqu'un pour intimider ou faire peur ; jusqu'à présent, elle n'avait fait que se défendre ou protéger Ryo ou les clients de City Hunter.
Mais quoi alors ?
Elle devrait se laisser embarquer ? Bon, elle aurait toujours l'option "Appelez Saeko Nogami" mais pas sûre que...
Ah mais ! Voilà, la bonne idée ! Saeko, la Reine des Manipulatrices ! Que ferait Saeko dans une telle situation ? Sans ouvrir le décolleté, hein... parce que là... avec cette tenue, jeans, sweat, baskets, impossible d'être sexy.
Allez, creuse-toi la cervelle, ma fille ! Tu vas trouver !
Et d'un coup, Kaori avait réussi à mentir avec une assurance qui l'avait elle-même surprise :
— C'est que ... Il a juste un peu trop abusé du saké, vous voyez ?
— Humm... Il n'a pas l'air ivre mort...
— Ah... Oui, c'est vrai. Mais, c'est parce qu'il ne supporte pas. Il... Pardonnez-moi, je suis confuse. C'est tellement gênant comme situation…
Elle avait resserré ses bras autour d'elle et baissé la tête ; elle avait choisi de mentir sans le regarder dans les yeux, c'était moins difficile ainsi.
— En fait, il a voulu faire le costaud, tout à l'heure, en dînant avec son patron et voyez comment je le récupère. Oh, les hommes et leur fierté !
Le promeneur avait commencé à se radoucir devant la détresse de la jeune femme mais il avait encore eu quelques soupçons :
— On voit traîner pas mal de types pas très recommandables dans le quartier, ces derniers temps. Vous ne feriez pas partie d'un clan, par hasard ?
— Je ressemble à un yakuza, vous trouvez ? s'était indignée Kaori.
Elle avait surjoué l'outrage, tout en songeant que si le type s'était pointé cinq minutes avant, alors qu'elle aspergeait deux blousons noirs avec sa bombe au poivre et que Ryo cassait la figure à d'autres, il ne l'aurait certainement pas crue.
— Oh, heuuu, non, non ...
— Parce qu'en plus, le quartier est mal famé ? Mais comment vais-je faire ? J'ai-teeellement-peuuur !
— Vous ... Vous voulez que je vous appelle un taxi ?
Effectivement, jouer les demoiselles en détresse, ça marchait plutôt pas mal. Notre actrice en herbe avait failli sourire mais elle s'était retenue et avait avoué, sans mentir cette fois :
— Je n'ai plus un sou en poche. Appelez le Cat's Eyes, c'est un café tenu par des amis. Je vais vous donner le numéro.
— Vous êtes sûre ?
— Oui, oui, ça ira.
Malgré son regard suspicieux, l'homme avait fait ce qu'elle lui avait demandé et, à peine dix minutes plus tard, Falcon était arrivé, dans un dérapage parfaitement contrôlé. En découvrant la mine patibulaire du géant en treillis vert, le promeneur n'avait pas demandé son reste et, avant même que Kaori ait pu le remercier, il avait filé dans la nuit, plus très sûr finalement que la jolie jeune dame perdue ne faisait pas partie d'un clan. Après tout, ces derniers temps, le monde ne tournait pas tout à fait rond, alors un peu plus, un peu moins...
Après avoir chargé Ryo à l'arrière, Falcon avait roulé à vive allure sans prononcer un mot, avant de pénétrer en trombe dans la cour de la Clinique. Ryo fut emmené sur un brancard. Kaori, elle, avait l'impression que son cauchemar n'en finissait pas.
Kaori passa toute la nuit auprès de Ryo, assise sur une chaise, les mains sur les genoux, la tête courbée, prostrée, avec pour seule compagnie la régularité sonore des instruments mesurant sur le cœur de Ryo.
Bip. Bip. Bip... Voilà à quoi se résumait Ryo...
Bip. Bip. Bip... Son coeur... Juste son coeur... Et le reste ?
Bip. Bip. Bip...
On avait beau lui dire que Ryo allait bien, que chaque nouvel examen était satisfaisant, qu'il avait certainement fait un simple malaise, qu'il allait se réveiller, qu'elle devait se reposer... rien n'y faisait. Elle restait immobile dans la semi-pénombre de la chambre, et ne remarqua même pas quand le soleil se leva doucement.
C'est qu'elle s'en voulait à mort. Elle ressassait encore et encore les mêmes idées noires, les mêmes questions, le même sentiment d'injustice totale. Elle ne pouvait s'empêcher de revoir le film des événements, et se demandait sans cesse comment tout ça avait pu arriver... Derrière ses paupières closes, les images tournaient en boucle, passant du moment où Ryo lui avait murmuré: "Ramène-moi ..." à celui où il tombait en arrière, quelques jours auparavant, dans l'entrepôt. Elle revoyait son regard, elle entendait à nouveau le bruit sourd qu'avait fait sa tête quand elle avait heurté la caisse. Elle ne pouvait se pardonner son inertie à ce moment-là, elle s'en voulait de s'être précipitée pour amortir la chute du petit garçon. Elle aurait dû prévoir, elle aurait dû voir, elle aurait dû savoir ...
Comment tout ça avait pû lui arriver ? Leur arriver. Pourquoi ? Pourquoi là, pourquoi maintenant, pourquoi être passés par là, pourquoi croiser cette bande ? Pourquoi, hein ? Pourquoiiiii ????
Elle soupira, rompant le silence :
— Tout ça, c'est ma faute...
En provenance du lit blanc et immaculé où était allongé Ryo, la seule réponse qu'elle entendit consistait en une régularité lassante de bips exaspérants.
Mais, s'il avait pu, Ryo aurait protesté. Il lui aurait garanti que, non, tout ça n'était absolument pas sa faute à elle mais sa faute à lui. Il avait bien senti la deuxième aura cachée dans la charpente métallique de l'entrepôt mais il l'avait sous-estimée. Il aurait dû attendre Mick mais il avait voulu faire vite.
Et pas uniquement pour sauver le petit garçon de son amie. Non.
Et pas seulement pour le plaisir de faire taire cette petite frappe arrogante, ce Mad Dog qui voulait se mesurer à lui. Non. Pas seulement.
Pour une fois, égoïstement, il avait eu envie de rentrer à la maison, d'être tranquille, avec Kaori dans ses bras, de reprendre là où ils en étaient quand elle était descendue de la salle de bain, les cheveux encore humides et les joues rougies par la chaleur de la douche.
Il avait voulu rentrer... Et le plus vite possible. Il avait pensé régler ça rapidement. Après tout, il était le meilleur, non ?
Et il s'était planté.
En beauté ...
S'il avait pu lui dire tout ça, il l'aurait fait. Oh, oui. Mais, allongé sur le lit de la chambre numéro un de la Clinique, il ne le pouvait pas. Affaibli, aucun son ne sortait de sa gorge.
Percevant les bips autour de lui, il décida d'ouvrir les yeux quelques secondes :
— Où suis-je ? songea-t-il. A l'hôpital ? À la Clinique ? Ou bien dans la...
Mais, il se sentit soudain nauséeux en réalisant que, brouillées et flottantes, sa vue et sa conscience lui faisaient défaut pour la première fois de sa vie. Il referma les paupières se rappelant que, non, ce n'était pas vraiment la première fois qu'il ne maîtrisait plus ses sens. La dernière fois, c'était ... c'était... Non. Il ne voulait pas repenser à ce moment-là de son passé... Hors de question !!!
Il se sentit soudain glisser loin, très loin, si loin. Tout redevint noir autour de lui. Tout se couvrit d'ombres qui l'ensevelirent lentement.
— Où suis-je ? se demanda-t-il à nouveau.
Et puis la réponse s'imposa d'elle-même à son esprit :
— Dans la boîte. Je suis dans la boîte.
Il essaya d'appeler Kaori mais en vain. Son corps ne lui obéissait déjà plus. Il n'arrivait même pas à ouvrir la bouche. Son esprit glissait encore et encore vers l'obscurité. Il était trop loin maintenant. Ryo aurait tellement voulu lui dire que ... oh, il avait tant de choses à lui dire ... mais il ne pouvait pas... Il n'était plus là.
— Ramène-moi, Kaori !
Mais lui seul entendit sa propre supplique résonner dans le noir.
Au même moment, le grincement de la porte de la chambre tira Kaori de ses pensées. Kazue entra, mains sur les hanches et petit regard réprobateur :
— J'en étais sûre ! Il faut que tu te reposes, Kaori. On ne peut rien faire quand on est au bout du rouleau. Viens, j'ai préparé un plateau petit déjeuner dans le bureau de Doc.
Sentant qu'elle n'avait pas le choix, Kaori se résolut à suivre son amie, non sans avoir encore jeté un dernier coup d'œil à Ryo qui restait toujours inerte. Arrivée dans le bureau du Doc, elle se tint quelques secondes devant le sofa en velours rose élimé puis elle s'y laissa tomber en soupirant, faisant résonner les vieux ressorts.
Devant elle, sur la table basse, un plateau offrait café, pâtisseries et un bol de riz fumant. Mais Kaori n'avait pas faim. Elle n'avait même pas envie de café et sa gorge encore douloureuse n'en était pas la seule raison.
— Tout est ma faute... murmura la jeune femme.
Elle leva alors ses yeux rougis par le manque de sommeil et les larmes contenues vers son amie qui lui répondit fermement en venant s'asseoir à ses côtés :
— Arrête. Je suis sûre que non. Ce qui est fait est fait et personne ne pourra le défaire. Par contre, ce qui peut changer la donne, c'est ce que tu vas faire maintenant... Je sais combien c'est dur de voir sa vie s'effondrer, mais tu peux gérer, j'en suis sûre.
Comme Kaori poussa un soupir qui annonçait un flot de larmes, Kazue passa son bras autour des ses épaules pour la rassurer :
— Ce n'est pas irréversible. Il y a toujours de l'espoir et il est encore vivant. Vous êtes tous les deux vivants.
— C'est vrai Kazue. Lui, il est encore vivant. Pardon ... d'avoir oublié ce qu'il t'es arrivé. Je suis désolée d'être aussi égoïste.
Kazue sourit :
— Ne dis pas de bêtises, Kaori, tu n'es pas égoïste ! Et en ce qui me concerne, j'ai tourné ma page Shinichi depuis un moment. Grâce à toi, à Ryo, à mon travail ici et ... à Mick aussi. Alors, fais moi confiance, quand je te dis que ça va finir par s'arranger. Quand on est dans l'œil du cyclone, tout paraît insurmontable. Et ensuite, ça s'apaise et on entrevoit les solutions. Et maintenant mange, ordre du médecin que je suis. Tu ne seras bonne à rien si tu t'écroules d'épuisement.
Quelques instants plus tard, alors que Kaori se forçait à ingurgiter tout ce que Kazue lui ordonnait d'avaler, le Doc vint se joindre à elles. Il s'assit dans son fauteuil en cuir derrière son bureau, joignit ses petites mains ridées et, après avoir pris une grande inspiration, il annonça :
— Alooors, Ryo a repris conscience.
Kaori manqua de s'étouffer avec un dorayaki et, alors que Kazue lui tapotait gentiment le dos, elle prit une grande gorgée de café pour faire passer le tout. Avant même qu'elle ait pu poser sa question, le Doc poursuivait :
— Malheureusement, sa mémoire en est toujours au même point. Les tests sont tous OK : glycémie dans les normes, pupilles symétriques et réactives, l'E.E.G. et l'E.C.G. sont normaux, la num aussi... Je pense qu'on peut éviter le scan Cé'. A mon avis, il a fait un malaise vagal avec P.C. sans T.C.
— Traduction ?
— En résumé, il va bien, expliqua Kazue. Il est simplement tombé dans les pommes à cause du stress.
— Et pour son éclair de lucidité ? s'enquit Kaori.
— Mmmm... là, je ne sais pas comment mesurer ça.
— C'était lui, Doc, j'en suis sûre !
— Je te crois, ma grande. C'est peut-être le stress du combat et le besoin de te protéger qui ont été plus forts que tout.
Elle lança alors, acerbe :
— On fait quoi, alors ? On invite tous les yakusas de la ville à venir me taper dessus dans une bagarre géante ?
Le Doc ne put réprimer un petit sourire en imaginant la scène :
— Ca pourrait régler certains problèmes du Préfet de Police, en effet, mais pas ceux de BabyFace, en l'occurrence. De plus, je doute qu'un retour aussi brusque et violent lui soit profitable. A mon avis, il ne serait qu'éphémère. Après, ce n'est qu'une intuition, je n'ai aucune preuve.
Kaori soupira et se força à boire un peu de café. Il fit une pause et il reprit :
— Vous en êtes où dans vos discussions ?
— Mick a commencé à lui raconter leur partenariat aux States... enfin je crois. Apparemment, Mick tient à garder certaines choses confidentielles.
Elle soupira en se passant une main dans les cheveux.
— Vous croyez que c'est vraiment nécessaire tout ça ? A chaque fois, il a l'air de plus en plus perturbé par ce qu'on lui raconte. Je me demande si on ne devrait pas le laisser tranquille.
— Tu as remarqué quelque chose ? Un détail auquel il aurait été plus sensible ?
— Pas vraiment.
— Mmmm, alors, continue. Allez dans des endroits que vous fréquentez habituellement. Un cadre familier... Ça peut être utile. Je me suis permis de contacter un collègue qui travaille à Seattle. C'est un neurologue, je me suis dit qu'il pourrait m'aider. Il pense que Ryo refuse de se souvenir, par une sorte de mécanisme de protection. Reste à déterminer ce qui coince exactement : toute sa vie ou un événement en particulier, une sorte de traumatisme initial, plus important que les autres et qu'il n'arrive pas à gérer. Le problème c'est qu'avec son vécu, les possibilités sont nombreuses... Lui raconter son passé peut lui permettre de comprendre qui il est et de trouver cet événement pour l'aider à l'assumer en tant voulu.
— Et si on essayait l'hypnose ? La méditation a bien fonctionné l'autre jour. Il paraît qu'on peut retrouver des souvenirs enfuis avec cette technique...
— On peut, en effet, mais encore faut-il savoir de quel événement il s'agit. Je n'ai pas envie de farfouiller dans son esprit au hasard. Le risque est de créer de nouveaux souvenirs qui peuvent être faux. En plus, l'autre inconvénient de l'hypnose, à mon sens, est qu'on force l'esprit. On le manipule en quelque sorte.
Il se leva et se mit à faire lentement les cent pas, les mains nouées derrière son dos légèrement courbé.
— Comment vous expliquer ? Hummm... en gros, la mémoire n'est pas une cassette vidéo. On ne peut appuyer sur play pour obtenir des images du passé. La mémoire est vivante. Elle peut aussi transformer la réalité à cause des émotions que l'on ressent au moment où on vit les choses. Et je pense que ce sont ses émotions qui ont pris le pas sur sa raison. Elles l'empêchent de se rappeler parce qu'elles sont trop fortes. Il doit les identifier et les maîtriser. Enfin, plus précisément, nous devons l'aider à les maîtriser. Ainsi, il pourra laisser sa mémoire revenir. Quand il aura accepté.
Il fit une pause et se planta devant Kaori et Kazue.
— C'est pour ça que je veux être sûr du souvenir que nous devrons traiter avant de faire quoi que ce soit.
Kaori soupira tout en s'asseyant en tailleur sur le canapé :
— J'ai peur qu'il ait envie de laisser tomber... et qu'il choisisse de rester comme ça.
— Hummm, je vois.
Le vieil homme fit volte-face et repartit vers son bureau, songeur. Une fois qu'il eut regagné son fauteuil qui grinça sur ses ressorts malgré son faible poids, il se gratta le menton et marmonna :
— Et si nous prenions le problème dans l'autre sens ?
— Dans l'autre sens ? Quel autre sens ? demanda Kazue.
— Essayons de moins nous focaliser sur l'événement traumatique. Trouvons plutôt ce qui peut lui donner envie de se rappeler, de redevenir qui il est vraiment, dans cette vie-là. Personnellement, ce n'est pas pour rien qu'il t'a demandé de le ramener...
Le Doc lança une œillade explicite à Kaori :
— Il a compris qu'il ne retrouvera la mémoire qu'avec de la douceur..."
Kaori se leva d'un bond et croisa fermement les bras :
— Quoi ?!? Ah, non ! Vous n'allez pas remettre ça, je vous ai déjà dit non ! Et puis, moi, de la douceur, vous y croyez vraiment ? Ce serait pas plutôt une massue dont il aurait besoin ?
— Peut-être pas venant de toi alors... Il est Ryo Saeba mais il est aussi l'étalon de Shinjuku. C'est peut-être ce qu'il a voulu dire quand il t'a demandé... A toi de voir, après tout, si tu n'es pas volontaire, on peut trouver quelqu'un qui s'en chargera.
— Dooooc ! l'interrompit Kazue et elle le fusilla du regard comm s'il était un gamin pris en faute.
Face aux regards assassins des deux jeunes femmes, il rendit les armes :
— Oups, j'arrête... Tout doux, tout doux ... Pas taper, Kaori, pas taper... Bien, mais promets-moi d'y penser quand-même, ne serait-ce qu'en dernier recours.
Kaori baissa la tête et maugréa tout en se laissant retomber sur la banquette :
— Mouais, on verra.
Elle redevint soudain très pâle et releva les yeux vers le Doc :
— Je fais comment moi, en attendant ? Je veux dire ... Qu'on ne réponde pas à un XYZ, passe encore. Mais, dites : s'il ne parvient pas à tenir son arme, s'il a perdu ses réflexes et surtout s'il tombe dans les pommes à la moindre petite bagarre, nous v'là bien ! Je ne suis pas assez forte pour lutter seule contre tous les yakuzas qui nous ont dans le collimateur ; tout comme je ne peux pas le garder éternellement dans une bulle à l'appartement. Je ne peux pas non plus mentir à tous les gens qu'on croise, comme je l'ai fait tout à l'heure. Je suis une piètre comédienne ! Et puis, il faudra bien qu'il sorte un jour et il sera à même de croiser des d'anciennes connaissances qui ne lui voudront pas forcément du bien ; et puis...
Elle soupira et se cala contre le dossier du petit sofa.
— Et puis aussi, on a besoin de gagner de l'argent. Un frigo, ça ne se remplit pas tout seul ! Je devrais donc chercher un boulot normal mais quoi ? Et surtout, est-ce que je pourrai le laisser tout seul ?
Kazue soupira et posa sa main sur celle de Kaori. Le Doc rassura la jeune femme comme il put :
— C'est compliqué, ma grande. Mais tu sais, on est…
Il fut interrompu par une voix de baryton qui résonna depuis le couloir.
— On se calme, la P'tite. On a p'têtre une solution.
La grande silhouette de Falcon se découpa dans la pénombre de la porte entrouverte. Il se pencha pour pénétrer dans le bureau qui sembla soudain rétrécir alors qu'il se tenait bien droit, les bras croisés sur sa poitrine, inflexible.
— Et on a eu des infos ! ajouta une voix féminine.
Miki s'adossa au chambranle de la porte, son bras toujours en écharpe et l'autre main libre posé sur sa hanche. Soudain, derrière elle, apparut la chevelure dorée de Mick qui se penchait en souriant. Il lança d'un ton faussement guilleret :
— Et on est dans la deep shit !
— Youpi ! répliqua Kaori amère. Ça changera de ces derniers temps ...
— Oui, je sais, répondit Miki. Mais, cette fois, on a un plan d'action. Et ce n'est pas si mal !