Ramène-moi ! (version 2.0)

Chapitre 8 : Jacques a dit...

3864 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/04/2024 15:26


Quelques heures plus tard, ils rentraient tranquillement chez eux après avoir dîné dans un restaurant qui leur était inconnu. 

— Autant ne pas avoir à justifier pourquoi tu ne te rappelles plus du nom du proprio, avait dit Kaori en entrant dans l'établissement choisi au hasard. 


À la demande de Ryo, il n'avait pas été question de son passé pendant tout le repas. Ils en avaient profité pour parler de tout et rien, de la ville, des choses à visiter, des endroits touristiques, des films préférés de Kaori. Elle en avait profité pour lui raconter toutes les comédies romantiques qu'elle connaissait par cœur, ravie de ne pas se faire interrompre par des remarques moqueuses ou narquoises. Finalement, ils avaient passé une bonne soirée... 


En sortant du restaurant, Ryo lui avait offert spontanément son bras et Kaori avait accepté, savourant un moment un peu hors du temps, comme quand ils étaient sortis ensemble lors de cette fameuse soirée, alors qu'il ignorait qui elle était réellement. C'était il y a si longtemps.... Ils marchaient en silence, sans se presser. Il était déjà très tard et les rues de ce quartier plutôt tranquille étaient désertes. Soudain, Ryo lui demanda :

— Que pensez-vous de Mick Angel, Kaori ?

— Comment ça ?

— Est-il quelqu'un de fiable ? Un ami sur lequel on peut compter ?

— Fiable, Mick ? Oui, je le pense. Ça reste un pro donc il a une certaine ligne de conduite. Un ami ? Oui, j'aime le croire. Pourquoi cette question ?

— Il semble que nous n'ayons pas toujours été copain-copain et que ... Enfin, bref, je suis assez troublé d'apprendre que lui et Falcon étaient mes ennemis. Ils n'ont pas voulu m'en dire plus, c'est que ça doit pas être folichon. Que pouvez-vous m'en raconter, Kaori ? 

— Ah ... Je ... Heuuu... Ce que je peux t'en raconter ? De ton passé avec Mick ou avec Falcon ? Bahhh, pas grand-chose. Enfin, si, je sais bien quelques trucs... les grandes lignes, on va dire.... et depuis pas très longtemps... Tu es très ... secret sur ton passé en général.

— Et je commence à comprendre pourquoi. Non seulement, c'est étrange de découvrir qui on est par les propos de quelqu'un d'autre mais en plus, on me révèle des facettes de ma personnalité que je n'apprécie pas vraiment.

— On a tous des bons et des mauvais côtés, tu sais.

— Mouais, j'en accumule quand même plus de mauvais que de bons apparemment ! Et surtout, de ce que Mick a fini par m'avouer, ce n'est pas pour rien que nous avons mis fin à notre partenariat et que je suis venu ici, au Japon. Non, Kaori, pas la peine de poser la question, je ne dirai rien. Il me l'a fait promettre. Et, même si je ne suis pas parfait, j'aimerais croire que je suis un homme qui tient ses promesses auprès de ses amis... Puisqu'effectivement, Mick Angel est un ami.


Kaori baissa les yeux en soupirant : 

— Oui, c'est vrai. Tu es ce genre d'homme. Tu tiens tes promesses. Quoi qu'il t'en coûte.

— Me voilà soulagé. J'ai au moins une qualité ! répondit-t-il d'un ton léger. 


Cependant, son sourire s'effaça rapidement quand il remarqua que Kaori s'était arrêtée et qu'elle fixait du regard une zone située dans l'ombre d'une ruelle adjacente.

— Que se pa…


Avant qu'il ait pu prononcer sa question, une silhouette sombre vêtue d'un blouson de cuir noir surgit de derrière une poubelle et pointa une arme sur eux : 

— Tiens, tiens, tiens, ça serait pas le duo numéro un, des fois ? Le Grand City Hunter ? dit l'homme d'une voix éraillée. 


Le type était presque aussi grand que Ryo et ses cheveux courts coupés à la brosse auraient certainement fait rire Kaori en d'autres circonstances. Mais là... 

Ryo, interdit, le dévisageait sans un mot et elle sentit un frisson de peur parcourir son dos de bas en haut. Dissimulant son angoisse, elle invectiva l'importun : 

— T’es qui, toi ? Et ne me sors pas un énième nom d'oiseau, parce que je commence à faire une indigestion de bestioles !


La Brosse manqua de s'étrangler : 

— Et, c'est qu'elle serait insolente, la Greluche !


Kaori passa la main dans son sac et en sortit son arme, l'ancien revolver de son frère que Ryo avait correctement réglé quelques mois auparavant. Elle la leva ostensiblement, veillant à la tenir d'une main ferme. Elle arma le chien, repensant à une scène mythique d'un de ses films préférés, qu'elle avait par ailleurs raconté à Ryo en long en large et en travers, Thelma et Louise

— La Greluche a un nom, mon gros. C'est Jacques… Jacques a dit, pour être tout à fait exacte.


Elle n'avait pas le charisme naturel de Brad Pitt ou de Geena Davis mais qu'importe, elle devait en retenir l'essentiel : avoir confiance et le reste suivrait tout seul. Ce qui n'était pas tout à fait faux puisque la tête brossée sembla hésiter quelques secondes :

— Quoi ? Non mais qu'est-ce que c'est que ce nom ?

— Jacques a dit. Jamais entendu ? Tu aurais dû ...

— Hein ? Mais elle débloque complètement celle-ci !

— C'est le nom d'un jeu, tu connais pas ? Dommage. Les règles sont assez simples, tu vas voir ! Tu fais ce que je te dis et tout ira bien pour toi... Alors, Jacques a dit “jette ton arme au sol et tire toi ou j’te dégomme”. Je vise assez mal en général mais à cette distance, je ne te louperai pas.

— Kaori... murmura Ryo dans son dos.


La jeune femme jeta un coup d'oeil rapide derrière son épaule. Elle découvrit son partenaire, à quelques mètres derrière elle, pâle et en sueur, s'agrippant au lampadaire de toutes ses forces pour conserver son équilibre. Ses jambes, flageolantes, semblaient prêtes à se dérober sous lui. 


Malheureusement leur agresseur le remarqua lui aussi, et, tenant toujours Kaori en joue, il s'approcha jusqu'à venir s'interposer entre eux deux, obligeant la jeune femme à reculer et à s'éloigner de Ryo en descendant du trottoir. Elle regarda, impuissante, la Brosse se mettre à la hauteur de Ryo.

— T'approche pas plus ! hurla-t-elle.

L'homme éclata de rire et braqua son arme sur Ryo.

— Je t'interdis de faire ça ! cria-t-elle à nouveau.


L'homme eut un rictus mauvais avant d'éclater d'un rire moqueur : 

— Ah ah ah ah ... Alors, c'est ça, Les City Hunter ! Une pouffiasse arrogante et une mauviette ?

— Tu sais ce qu'elle te dit, la pouffiasse arrogante ! répliqua Kaori d'un ton sec tout en avançant d'un pas.

— Elle dit qu'elle va lâcher son arme et se tenir bien sage, comme une gentille petite fille... sinon je le descends, répondit la Brosse en pointant son revolver vers le front de Ryo. 


Les yeux exorbités d'effroi, ce dernier recula de quelques pas. Ne bénéficiant plus du soutien du lampadaire, le nettoyeur Numéro Un du Japon s'écroula au sol, faisant résonner la tôle de la poubelle quand son dos la heurta de plein fouet.

— Je ne ferais pas ça, si j'étais toi, tenta Kaori d'une voix qui se voulait assurée et non totalement paniquée.

Et pourtant, intérieurement, elle l'était, paniquée... et pas qu'un peu.

— Et pourquoi donc, MissJacassJeNeSaisPasQuoi ?


Kaori raffermit sa prise sur son revolver en le saisissant à deux mains, souhaitant de tout son cœur qu'elle ne tremblait pas. Elle n’osa néanmoins pas regarder son arme pour s'en assurer. Tant pis si l'autre le remarquait, elle refusait de quitter sa cible des yeux. Elle répliqua d'un ton méprisant pour gagner du temps :

— Bah, ça serait vraiment la loose pour toi.


Le type éclata de rire et elle poursuivit malgré cela :

— Tu parles d'une victoire ! Abattre un homme à terre ! Tu seras la honte du milieu. Et surtout, ça ne fera pas de toi le Numéro Un.


Le type à la brosse sourit :

— Oh, ça j'm'en fiche, c'est le résultat qui compte ! C'est moi qui aurais supprimé City Hunter ! Tous me remercieront, oui ! Je serai célèbre ! Allez, jette ton arme, Greluche. T'inquiète pas, je m'occuperai de toi ensuite.


Il passa sa langue sur ses lèvres adipeuses avant d'ajouter en la lorgnant de biais : 

— J'aime bien faire crier les insolentes comme toi et si tu arrives à gueuler assez fort, je ne te trouerai peut-être pas la peau tout de suite… 

— Dans tes rêves ! s'écria Kaori 

— Allez, jette ton arme, pétasse, ordonna la Brosse en tapant du pied.

— Ça aussi, tu peux rêv..." 


Ses mots moururent dans sa gorge car, elle venait de sentir avec horreur, le canon d'une arme se glisser entre ses côtes. Elle reconnut le bruit d'un cran de sûreté qu'on enlève. Avec un automatique, elle ne pourrait pas bloquer le chien si elle se retournait pour attraper l'arme de son adversaire comme le lui avait appris Ryo. Elle entendit ensuite derrière elle une voix doucereuse et moqueuse :

— Tu devrais apprendre à te taire et à faire preuve de respect, Mademoiselle Jacques a dit... Et aussi, à assurer tes arrières. Tu crois qu'il est assez idiot pour s'attaquer à vous deux tout seul ?


L'homme à qui appartenait la voix rit en passant son bras droit sous la gorge de Kaori pour la coller contre son torse. Elle constata qu'il était grand et costaud. Il devait avoir la même stature que Falcon, à peu de chose près. Elle était écrasée, prise en tenaille. Elle l'entendit continuer, sentant son souffle dans ses cheveux :

— Par contre, vous, vous êtes très très imprudents, pour des pros de votre envergure. Quelle idée de sortir quand on est souffrant, Monsieur City Hunter !


En effet, Ryo n'avait pas bougé d'un pouce. Il fixait toujours la Brosse, comme absent, assis par terre, le dos appuyé contre le conteneur des services de propreté de la ville. Face à lui, La Brosse le dévisageait, incrédule, les bras ballants :

— Putain de merde ! s'exclama-t-il. Hey, Mec, t'es sûr que tu t'es pas planté ? C'est pas comme ça que je m'imaginais City Hunter, franchement !

— Bien sûr que je ne me suis pas planté, trouduc ! Je ne pourrais jamais oublier le visage de ce connard. À cause de lui, j'ai dû apprendre à tenir mon arme de la main gauche !


L'homme relâcha un peu sa prise autour du cou de Kaori. Elle tenta d'en profiter pour se dégager mais il enfonça un peu plus l'arme dans son dos en lui murmurant : 

— Bouge pas, toi. Ou je te troue direct. 

Puis, il cracha à l'attention de Ryo, relevant les doigts de sa main avec un moignon à la place de l'index droit : 

—Tu te rappelles de moi, connard ?


Ryo secoua négativement la tête, l'air hagard et manquant visiblement de souffle. Il tenta de répondre quelque chose mais ne parvint qu'à bredouiller deux ou trois mots inintelligibles. Kaori lui cria : 

— Sauve-toi, Ryo, sauve-toi ! T'inquiète pas pour moi, je vais m'en sortir !


La Brosse rit bruyamment. Il se tourna vers elle mais tenait Ryo toujours fermement en joue :

— Et tu comptes faire quoi ? À cette distance, moi non plus, je ne loupe pas ma cible.


La Brosse fit quelques pas vers lui, menaçant. En même temps, l'arme dans le dos de Kaori s'enfonçait un peu plus entre ses côtes. Elle serra les dents, le souffle coupé. Elle croisa le regard horrifié de Ryo et son cœur se serra. 

— Allez, jette ton arme, reprit l'homme qui la tenait contre lui tout en appuyant un peu plus son bras contre sa gorge. Ou je peux t'assurer qu'il lui collera une balle entre les deux yeux.


Elle obtempéra donc à contrecœur et ne put s'empêcher de lancer son revolver vers la Brosse, l'atteignant en pleine tête. 

— Tiens, la voilà ! Et étouffe-toi avec, connard !


Un cri de douleur s'étira dans la nuit. Pendant que la Brosse invectivait la jeune femme, égrainant des noms de gazelle sans élégance, Kaori sentit, avec un frisson de terreur, ses pieds décoller du sol. Index En Moins était en train de la soulever. Quelques centimètres suffirent à écraser sa gorge contre le bras de son assaillant, lui coupant le souffle. Elle essaya bien de se débattre mais en vain. Le géant restait insensible à ses coups de pieds inutiles, quel que soit l'élan qu'elle prenait. Elle restait toujours suspendue, telle un chaton tenu par le cou, ses petites griffes ne déchirant que de l'air. 

— Allez, les gars, vous pouvez sortir, lança-t-il. Tu vois, Greluche, on n'est vraiment pas assez idiots pour s'attaquer seuls à vous deux...


Et là, depuis le fond de la ruelle, des silhouettes sombres se révélèrent dans la lumière du lampadaire.  Elle compta rapidement une bonne dizaine de types. Tous armés, tous vêtus de blousons de cuir noir aux manches retroussées, laissant voir leurs tatouages. Ce n'était pas un duo de zonards qui les avait agressés mais bien une faction d'un clan de yakuzas. Une chose était sûre, même si elle parvenait à se dégager de la poigne d'Index En Moins, son combat serait perdu d'avance. 


Remis de sa douleur, La Brosse ramassait son revolver.... SON revolver... Celui d'Hideyuki... qui était maintenant accroché à la ceinture de ce salaud. Elle faillit en pleurer de rage et d'impuissance. Il lui restait bien sa bombe au poivre mais même si elle parvenait à attraper son sac d'une manière ou d'une autre, jamais le petit spray de poche ne serait assez grand pour tous les asperger.


Elle cherchait désespérément Ryo du regard, derrière ces silhouettes qui lui masquaient la lumière du lampadaire. 

— Z'êtes... qui ? parvint-elle à articuler alors que sa gorge était tellement comprimée qu'elle ne reconnut pas sa propre voix. Vous savez que... si vous nous... descendez, vous ne vous en tirerez pas... comme ça.


Les hommes éclatèrent tous de rire.

— Ah ouais ? Tiens donc... On tremble !!!


La pression sur sa gorge lui rappelait qu'en un tournemain, le géant pourrait l'étrangler. Elle déglutit avec difficulté et chercha un peu d'air supplémentaire afin d'ajouter :

— City Hunter a ... des alliés. Et ils... ils vous tailleront... en pièces.

— Ouais, bah faudra déjà qu'ils nous trouvent... Et s'ils sont aussi efficaces que vous, on n'a pas grand-chose à craindre !


Le colosse éclata de rire, imité par tous les hommes présents qui se donnèrent des tapes dans le dos. Ils se moquaient ouvertement d'elle, certains la singeant alors qu'elle peinait à respirer, d'autres mimant ce qu'ils envisageaient de lui faire. Index En Moins lui glissa à l'oreille, avant de comprimer encore plus sa gorge :

— Je ne pense pas que tu sois en position de nous menacer, pétasse.


Elle aurait voulu appeler à l'aide mais son cri resta prisonnier dans sa gorge. Elle essaya de voler un peu d'air pour chasser sa panique mais n'y parvint pas. De ses pieds, elle frappa à nouveau les jambes du géant mais cela resta sans effet. Il avait des tibias en acier chromé ou quoi ?


Il n'y avait donc personne qui se promenait dans le coin ? Il n'était pourtant pas si tard quand même et le quartier n'était pas si infréquentable que ça ! Comment c'était possible ? Pas un promeneur de chien, pas de badaud, pas de couple  rentrant du restaurant qui aurait pu prévenir les flics ? Et Ryo ? Où était-il, bordel ? Comment allait-il ? 


En gigotant, elle parvint à entrevoir le pied du réverbère et constata que Ryo n'était plus là. Elle hurla de joie dans sa tête :

— Oh Mon Dieu ! Ryo ! Tu as réussi ? J'espère que tu es loin et que ces salauds ne t'ont rien fait !


Elle tenta encore de se dégager un peu, tira sur le bras qui lui entravait le cou, sans véritable effet notable, espérant voir la silhouette de Ryo au loin. Mais il n'en fut rien. 


À cet instant, elle perçut quelque chose, à travers les brumes de la panique et de la peur. C'était comme un frémissement dans l'air ambiant, une charge électrique. Elle sentit près d'elle une aura puissante, brûlante... 

Non, elle ne pouvait pas y croire ... 


Elle se débattit de plus belle pour tenter de la repérer plus précisément mais cela eut pour effet de crisper encore un peu plus la poigne acérée du colosse, comme si cela pouvait être encore possible. Cette fois, elle fut définitivement à court d'air ; elle ferma les paupières pour se cacher le fait qu'elle commençait à ne plus percevoir les couleurs ...


Et puis, à peine quelques secondes plus tard, elle ouvrit soudainement les yeux. Elle venait d'entendre le bruit caractéristique d'un revolver qu'on arme, et pas n'importe quel revolver, un Magnum 357. Elle reconnaîtrait ce son entre mille. Oh, oui, elle en était sûre, c'était bien un Magnum 357. LE Magnum Python 357 de City Hunter.


Une voix métallique, grave et caverneuse résonna derrière elle : 

— Lâche-la, gros tas, ou j'essuie le béton du trottoir avec ta matière grise, si t'en as.


Le ton était glaçant, méconnaissable et pourtant, elle lâcha dans le peu de souffle qui lui restait : 

— Ryo ?


Il ne lui répondit pas et continua de s'adresser au géant  : 

— Tu as entendu, gros lourdaud ? Ou tu es sourd en plus d'être suicidaire ?


Tous se figèrent. Chacun fixait d'un air grave la direction de Kaori et d'Index En Moins. Ce fut alors qu'elle sentit l'étreinte autour de son cou se desserrer doucement. Peu à peu, elle se rapprocha du sol. Quand ses pieds touchèrent terre, elle se défit de la main de fer et s'éloigna vivement du colosse. Une main posée sur sa gorge, elle sentit l'air entrer par sa bouche jusque dans ses poumons. Enfin ! Elle avala une deuxième grande bouffée faisant disparaître les petites étoiles noires qui dansaient devant ses yeux.


La Brosse voulut l'attraper mais elle eut juste le temps de passer la main dans son sac pour saisir sa bombe au poivre et l'asperger copieusement. Elle en profita pour récupérer le revolver d'Hideyuki et le passa à sa ceinture. 


Pendant ce temps, Ryo avait déjà neutralisé le géant qui gisait au sol et les autres se précipitaient sur lui. Elle vida sa bombe sur un deuxième type qui partit en toussant et en pleurant comme La Brosse. Malheureusement, l'aérosol était vide quand un troisième s'avança vers elle mais ce fut Ryo qui se chargea de lui. 


Aussi nombreux étaient-ils, ils ne firent pas le poids bien longtemps. Et pourtant, aucun coup de feu ne résonna dans la nuit. Aucun. Mais ce que Kaori entendit clairement, ce fut le son des os de mâchoire qui se brisent, des genoux qui cèdent, des épaules qui se déboîtent, des nez qui craquent. Ryo leur infligeait une bonne ? leçon, n'utilisant son arme que pour renforcer ses coups avec la crosse. L'humiliation n'en était que plus cuisante. 


Rapidement, plus aucun adversaire ne se sentit le courage de retourner affronter City Hunter. Tous meurtris et mal en point, les hommes lorgnaient leur chef qui gisait à terre. L'affaire était pliée, il n'y avait plus grand chose à faire. Il y en a bien un qui fit mine de sortir courageusement un revolver mais Kaori braqua le sien sur lui alors que Ryo commentait, tout en entrouvrant sa veste, laissant entrevoir son arme qui était retournée dans son holster :

— À ta place, je ne ferais pas ça. À cette distance, ma partenaire ne loupera pas sa cible ... et moi non plus.


Kaori sentit son cœur bondir dans sa poitrine mais se garda bien de montrer quoique ce soit, au risque de dévoiler leur secret. Elle jeta un coup d'œil à Ryo mais ne parvint pas à croiser son regard. 


En face d'eux, les types hésitèrent quelques secondes puis prirent tous la poudre d'escampette, en courant de façon plus ou moins élégante et discrète. Les derniers à partir furent La Brosse et Index En Moins, ce dernier soutenu par un troisième comparse. La Brosse leur lança, les yeux encore larmoyants et le nez dégoulinant :

— On se retroubera, City Hunter. On BOUS retroubera. Et cette fois, on bous aura !


Mais Kaori et Ryo ignorèrent la menace, reprenant leurs esprits. Quand la jeune femme fut certaine qu'ils avaient tous disparu au coin de la rue, quand leurs gémissements et le claquement de leurs chaussures se furent éloignés dans la nuit, elle se tourna vers son partenaire. 


Elle s'approcha de sa grande silhouette, la gorge nouée. Elle tendit la main vers lui, saisit son avant-bras mais il ne bougea pas. Tête baissée, ses cheveux dissimulant son regard, il restait immobile, les bras ballants le long de ses jambes. Elle s'approcha encore de lui, se sentant revivre, se penchant un peu en avant, cherchant à attraper son regard. Elle voulait à tout prix croiser son regard. Elle le devait ! Il le fallait ! Son regard, ses yeux, son âme... Ses yeux ! Elle voulait voir ses yeux ! Elle voulait le retrouver, lui !


Et puis, soudain, les jambes de Ryo se dérobèrent sous lui, la faisant sursauter.

— Ryoooo !!!


Elle eut juste le temps de le soutenir pour l'empêcher de tomber lourdement sur le trottoir. Elle le retint difficilement mais parvint tant bien que mal à l'asseoir sur le sol. À genoux devant lui, elle passa ses doigts sur sa joue blême et il releva enfin les yeux pour la regarder. Cependant, il les détourna rapidement, ébloui par la lumière puissante du réverbère au-dessus d'eux.

— Kaori... Qu'est-ce ... ? Où sont-ils ? Comment... bredouilla-t-il d'une voix enrouée. 


D'un geste hésitant, la main légèrement tremblante, il caressa l'angle de sa mâchoire, là où les doigts inflexibles avait laissé une marque rouge :

— Vous allez bien ?

— Oh, non, Ryo…


Elle prit son visage entre ses paumes, le forçant à la regarder malgré la lumière.

— Ryo, s'il te plaît, non, ne repars pas !


Elle sondait les iris sombres à la recherche d'un indice, d'une lueur d'espoir mais elle ne trouva rien. Elle sentit les sanglots emprisonner à nouveau sa gorge et les larmes troublèrent brusquement sa vue. Ainsi gênée, elle ne remarqua pas l'ombre qui passa dans le regard de Ryo avant qu'il ne lui murmure :

— Aide-moi, Kaori. Ramène-moi… 


Et puis, soudain, il s'affaissa dans ses bras, sa tête dodelinant mollement sur son torse.

— Ryoooo ! hurla-t-elle à nouveau.


Mais c'était inutile, il venait de perdre connaissance.



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