Ramène-moi ! (version 2.0)
Chapitre 5 : A la recherche du Ryo perdu
3382 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 06/03/2024 10:39
Les trois compagnons gravirent les cinq étages qui les séparaient de l'appartement que Ryo et Kaori occupaient depuis presque sept ans maintenant. Le grand brun amnésique entra dans le salon, sous les yeux scrutateurs, soucieux et attentifs de son ami et de sa partenaire. Il tourna autour du canapé et de la table centrale, se rendit dans la cuisine, ouvrit la porte des toilettes puis celle de la salle de bain, inspectant un placard, effleurant un livre, un bibelot, la bouteille de son whisky préféré, son paquet de cigarettes entamé.
Derrière lui, Kaori et Mick guettaient la moindre de ses réactions. Se sentant épié, Ryo se tourna vers eux, déconcerté :
— Je suis navré, je ne me rappelle pas... Mais, c'est un peu comme dans la voiture ou dans la salle de tir. C'est un endroit familier, je me sens en sécurité, c'est... comment dire ? Apaisant. Oui, je me sens apaisé depuis que je suis entré ici. Mais, je suis incapable de trouver des souvenirs liés à cet endroit.
Kaori sentit les larmes lui monter aux yeux et elle se précipita vers la cuisine, tournant le dos aux deux hommes pour ainsi leur dissimuler sa peine :
— Non mais vous avez vu l'heure ! Vous devez avoir faim ! Je vais préparer le repas. Mick, tu te joins à nous ?
C'était plus une supplique qu'une véritable question.
— Avec plaisir. Kazue est au travail jusqu'à ce soir, alors, j'ai tout mon temps. On va en profiter pour discuter un peu entre potes ! répliqua-t-il en donnant une bourrade amicale dans le dos de Ryo qui se trouva projeté violemment en avant.
— Heyyy ! Doucement ! C'est comme ça que vous traitez vos amis ?
Mick se gratta la tête, gêné :
— Excuse-moi, et pourtant, j'y suis allé mollo... Je te sers un verre ?
— C'est quelque chose que j'ai l'habitude de faire ?
— Ça nous arrive de temps en temps quand Kaori est en train de préparer le repas, nous on papote dans le salon avec un verre. Mais interdit de fumer ici, précisa-t-il en désignant le paquet rouge et blanc posé sur la table basse. Kaori devient chonchon quand ça sent le tabac à l'intérieur.
Mick ouvrit alors le petit buffet contenant les bouteilles d'alcool et servit deux verres de whisky "sec".
— Allez, à ton retour, my friend ! dit Mick en lui tendant un des verres.
— Heu... santé !
Ryo hésita quelques secondes puis imita son acolyte, avalant une grande gorgée. Il toussota, les yeux écarquillés mais sembla apprécier :
— Fort mais bon... Je comprends mieux pourquoi j'ai pris l'habitude ...
— Ça, c'est parce que c'est moi qui te l'ai déniché dans cette boutique anglaise. Il vient d’Écosse ! On peut dire ce qu'on veut, c'est là-bas qu'on fait le meilleur whisky. Légèrement ambré et très tourbé. C'est comme ça qu'il faut le boire. Le reste, c'est de la mauvaise imitation...
Et Mick poursuivit sur son sujet favori juste après les techniques de drague : la dégustation du whisky. Ryo écoutait d'une oreille et se perdit dans la contemplation de son appartement quand une voix chantante leur parvint de la cuisine :
— Voilà, c'est prêt, à table !
En s'installant à sa place habituelle, Ryo s'exclama :
— Waouh, il y en a pour un régiment ! Comment avez-vous fait pour préparer tout ça en si peu de temps ?
— Oh, et bien ... J'avoue, je m'y suis prise à l'avance... Et pour les quantités, c'est généralement ce qu'il vous faut quand vous mangez là tous les deux ! Bon appétit.
Pendant le repas, on n'entendit uniquement le son des baguettes et les bruits de mastication enthousiastes. Quand les plats furent entièrement vidés, Ryo soupira et s'exclama :
— Et bien ! J'ai jamais rien mangé d'aussi bon !
Kaori le dévisagea, éberluée, les larmes aux yeux d'émotion. C'était bien la première fois qu'elle avait droit à un compliment sur sa cuisine de la part de Ryo. Ca lui faisait tellement plaisir car, aujourd’hui, elle était plutôt fière du travail accompli. Depuis le début de leur colocation, ce qu’elle avait préparé n’avait pas toujours été très bon. Mais elle avait fait de gros efforts pour progresser… ce que Ryo ne pouvait généralement pas reconnaître. Il ne manquait jamais de lui rappeler qu'elle était à l'origine de ses aigreurs d'estomacs ou de certains gaz bruyants s'échappant de sa personne ; enfin, ça, c'était avant qu'il ne devienne... différent.
Devant l'air surpris de Kaori, Ryo se tassa un peu sur son banc et la regarda, en se grattant l'arrière du crâne d'un air contrit :
— Ohhhh, je vous demande pardon, ce n'est pas vraiment le meilleur compliment venant d'un amnésique ! C'est pas ce que je voulais dire.
— Non, non, non, pas de problème. J'ai juste été... surprise. Ce n'est pas dans tes habitudes de me faire des compliments, c'est pour ça.
— Étrange. C'est vrai pourtant, le repas était excellent. N'est-ce pas, Mick ?
L'Américain acquiesça, petit regard espiègle et heureux sous un sourcil malicieusement levé :
— Ah moi, je suis entièrement fan de cuisine japonaise. Et Kaori se débrouille assez bien, en général, c'est vrai.
Ryo opina du chef et adressa à Kaori son plus grand et son plus sincère sourire. Troublée par tant de considération, gênée d'être le centre de l'attention des deux hommes, Kaori se leva brusquement et débarrassa la table en se raclant la gorge :
— Non, non, laissez ça, les mecs. Vous allez encore tout faire de travers et casser mes plats en porcelaine, prétexta-t-elle pour qu'ils ne s'attardent pas à débarrasser comme ils s'apprêtaient à le faire. Je vous ramène les cafés sur le toit, comme d'hab ?
Et elle en profita pour s'enfuir avec soulagement vers sa vaisselle et sa cafetière.
Elle attendit le grincement de la porte du salon quand celle-ci se referma sur les deux hommes pour soupirer de soulagement et passer un peu d'eau fraîche sur ses joues. Puis, retrouvant sa routine habituelle, elle s'affaira à ranger et nettoyer, laissant ses pensées s'échapper pendant que ses mains s'activaient toutes seules.
C'était compliqué cette situation ; le Doc les avait prévenus mais tout de même. Elle était profondément troublée... il faut bien avouer qu'il était profondément troublant. Comment pouvait-on être le même tout en étant aussi différent ? Révélait-il ainsi son véritable visage ? Sans masque ? Qui était le vrai Ryo ? Ce tête-à-claques exaspérant, mufle et obsédé qu'elle avait toujours connu, ou cet homme charmant et attentionné au sourire magnifiquement innocent et spontané ? Car, elle doit bien le reconnaître, ce Ryo-là était très attirant, si gentil, attentionné, drôle... C'était surtout son regard... Et son sourire. Mon dieu, ce sourire qu'il lui avait adressé après le repas ! Mon dieu, mon dieu ! Elle rougit en y repensant.
— Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Est-ce que je suis en train de tomber sous le charme de ton autre Toi ? se demanda-t-elle tout haut.
Elle se laissa tomber sur une chaise de cuisine, le menton dans les mains en attendant que la cafetière termine sa mission. Elle soupira, désemparée, se sentant soudain très seule, se répétant les mêmes questions sans réponse :
— Où es-tu Ryo ? Qui es-tu ? Ou bien c'est Lui, le vrai Toi ? Est-ce que tu serais devenu comme Lui si tu n'étais pas un orphelin écorché par la guerre ?
Elle en aurait certainement pleuré si le glouglou caractéristique de la faiseuse de caféine ne l'avait pas tirée de ses pensées. Elle se tapota les joues pour se redonner du courage et reprit ses activités de maîtresse de maison, disposa trois tasses sur un plateau avec un petit pot de crème et du sucre pour Mick :
— Ah ces Américains, ils massacrent toujours le café ! minauda-t-elle en singeant la réplique habituelle de Ryo.
Puis, le plateau à bout de bras, elle monta rejoindre les deux hommes qui fumaient sur le toit.
Là-haut, ils échangèrent sur tout et rien et, une fois sa tasse et sa cigarette terminées, Mick prit congés de ses amis :
— Vous savez où me trouver au besoin, précisa-t-il en désignant l'immeuble d'en face. Bon courage, mon vieux. Content de te revoir chez toi.
L'après-midi promettant d'être très agréable, Kaori décida de sortir les anciennes chaises longues qui traînaient depuis des années dans un placard et de les installer sur le toit. Elle et Ryo avaient du travail en perspective. En effet, c'était maintenant à elle de commencer à lui raconter son histoire. Leur histoire. Tout depuis le début, depuis leur rencontre, ce 26 mars où il l'avait prise pour un garçon et où il l'avait surnommée Sugar Boy.
Elle lui raconta aussi ce qu'elle savait de l'assassinat d'Hideyuki, comment elle l'avait remplacé et comment, ensemble, ils avaient vengé sa mort. Elle lui narra par le détail leurs trois premières missions, décrivit leurs clientes, leurs disputes habituelles, les massues indispensables pour le tenir plus ou moins dans le droit chemin... Elle essaya de ne rien omettre, attendant le fameux déclic qui le ferait revenir. Pourtant, par pudeur peut-être, elle savait déjà qu'elle ne pourrait pas lui avouer le dernier rapprochement entre eux deux.
Ryo, quant à lui, semblait encaisser. Il restait impassible, écoutant attentivement, posant parfois quelques questions. Au bout d'un moment, Kaori interrompit son histoire :
— Bon, assez pour aujourd'hui. On reprendra demain. Il est temps de passer à autre chose. Apéro et dîner, ça te va ?
— Hummm, je fume une cigarette et je vous rejoins. J'ai besoin d'être un peu seul... Ne vous inquiétez pas, ça va aller, ajouta-t-il en découvrant son regard interrogateur. J'ai trop envie de connaître la suite !
Il se leva et s'appuya à la balustrade du bord de toit tout en portant son regard au loin, sur les immeubles en face. Le soleil commençait à décliner et le ciel se parait d'ondulations roses et violettes.
— J'aime cet endroit et la vue dégagée. C'est agréable de voir le ciel. C'est une sensation qui me plaît.
— Mmmm, c'est vrai. Tu passes beaucoup de temps ici... Même quand il pleut, d'ailleurs.
Elle rougit en se rappelant qu'il lui avait sagement embrassé le front, exactement à cet endroit, un soir sous la pluie alors qu'elle lui avait donné une date d'anniversaire.
Tout ça lui paraissait si loin.
Ryo lui paraissait si loin.
Son Ryo...
***
- "AAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH"
Le cri, en provenance de la chambre de Ryo, la réveilla en sursaut. Il fut presque immédiatement suivi d'un grand BOUM. Rejetant les draps d'une main, saisissant son revolver planqué sous son oreiller de l'autre, elle pensa :
— Merde ! Quelqu'un est entré ! On nous attaque !
Elle jeta ensuite machinalement un coup d'œil à son réveil : il affichait 06:42. Elle ouvrit sa porte sans faire de bruit et se plaqua contre le mur, arme au poing, tentant de maîtriser les battements de son cœur et sa respiration. Canalise et analyse, lui avait maintes fois répété Falcon lors de sa formation. C'était le moment d'appliquer ses conseils, surtout que là, la situation était trop dangereuse pour qu'elle ait le droit de perdre son sang-froid. Elle était la moitié de City Hunter après tout et elle se devait de protéger son autre moitié !
Elle prit une grande inspiration. Ses pensées défilèrent à toute allure. Ce serait des yakuzas ? Certains auraient-ils appris qu'ils avaient une chance de se débarrasser enfin de City Hunter ? Mais comment, bordel ? Ils n'avaient rien laissé filtrer, ni elle, ni Mick, ni le Doc, ni Falcon et elle avait une confiance absolue en eux... Donc, non. Ce n'était pas ça.
Sentant son cœur ralentir, elle tendit l'oreille, attendit un peu, faisant le décompte de dix à zéro dans sa tête pour se donner une indication temporelle. Tout semblait silencieux. Elle se risqua donc à jeter un œil dans le couloir. Apparemment, la voie était libre. Elle prit soin de pointer son arme à droite puis à gauche pour en être sûre. Personne. Pas de bande armée jusqu'au dents dans l'appartement, donc, pas les yakuzas...
Alors quoi ? Quelqu'un se serait introduit dans la chambre de Ryo en contournant tous ses pièges ? Improbable mais... si c'était un professionnel, pourquoi pas. Mick avait bien réussi à les déjouer lors de leur duel l'année dernière.
Elle avança à pas de loup, en prenant soin d'éviter les lattes du parquet qui grinçaient. Son cerveau turbinait toujours à plein régime. Alors ça voulait dire que c'était un vrai tueur, un putain de pro ? Un qui en voudrait à la place de Numéro Un de Ryo ? Naaan, pas possible, en général, les tueurs n'attaquent pas à six heures du mat'... et puis, ça serait vraiment un drôle de hasard qu'il se pointe justement maintenant !
Oh ! Elle avait trouvé ! C'était un complice de Mad Dog qui était venu se venger !
Kaori était enfin arrivée devant la chambre de Ryo. Elle colla son oreille à la porte mais n'entendit rien. Elle l'ouvrit alors d'un coup sec, la faisant rebondir contre le mur, afin de s'assurer que personne ne se trouvait derrière. Elle pointa son arme à gauche, puis à droite, balayant la pièce du regard, tendue, prête à en découdre et à tirer sur tout ce qui ne serait pas Ryo. Et là...
Là, elle faillit en tomber à la renverse, tellement la scène qui se déroulait sous ses yeux lui semblait sortie d'un autre monde.
Ryo était assis sur le sol, tétanisé, le visage pâle, les yeux exorbités, tenant dans ses mains un numéro de PlayBoy, ses autres revues coquines étalées devant lui. Sur son lit, était déroulé un poster d'un mètre sur deux représentant une belle blonde occidentale au regard provoquant, la poitrine arrogante et dénudée, les épaules couvertes de fourrure, les jambes écartées, la taille à peine couverte par une culotte microscopique en dentelle noire.
Médusée, à la fois gênée, honteuse et horrifiée, Kaori ne savait comment réagir : tourner les talons en faisant mine de rien, aller le rassurer ou éclater de rire. Ryo se tourna lentement vers elle, la fixant de ses grands yeux craintifs :
— Dites, vous voulez bien ranger votre pétoire ?
— Heuuu... Oui, bien sûr.
Elle sortit brusquement de son inertie, remit la sécurité et posa l'arme sur la table de chevet alors que Ryo ne quittait pas le revolver des yeux. Il était visiblement très impressionné.
Kaori, elle, venait de choisir ce qu'il convenait de faire : l'aider, essayer de le comprendre le mieux possible et avec bienveillance. Même si, force était de reconnaître que l'expression de terreur de Ryo face à ses images pornographiques tant choyées lui donnait bien envie de rire...
... non, elle devait se retenir...
... ou peut-être pouvait-elle sourire ?
... Non, il le prendrait mal...
... oh, allez... juste un sourire...
... il ne remarquera peut-être rien ?
... Rien qu'un tout petit...
— Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? l'interpella sèchement Ryo, apparemment contrarié de l'amusement, par trop visible, de la jeune femme.
— Oh, rien, rien. Non, non, il n'y a rien de drôle, je t'assure, bégaya-t-elle confuse. C'est juste que... Enfin... Ce n'est pas si important.
Elle se reprit et désigna du menton tout ce qui était étalé devant eux :
— Ça te perturbe, apparemment.
— Pas vous ?
— Si. Enfin au début, avoua-t-elle. J'ai fini par m'habituer. Enfin, non, pas vraiment parce que ça m'énerve toujours. Je trouve ça dégoûtant et c'est pour ça que je t'assomme régulièrement avec une bonne massue ou un maillet dès que j'aperçois un truc de ce genre... Surtout quand ça traîne dans le salon ! Qu'est-ce que ça m'énerve, ça ! T'imagines si quelqu'un débarque à l'improviste et trouve ça sur le canapé ? Quelle honte, j'te jure !
Toujours assis en tailleur sur le sol, il lui répondit :
— C'est pour ça que c'était tellement bien planqué, alors ?
— Comment ça, bien planqué ?
— Oui, une cache sous le tiroir de la commode là-bas : il y avait un faux fond. Comme j'étais réveillé tôt, je me suis dit que j'allais explorer un peu ma chambre, histoire de voir si quelque chose m'évoquait des souvenirs. Je ne sais pas vraiment comment j'ai trouvé ces... ces... ces trucs. Je pense que j'ai dû me rappeler d'une manière ou d'une autre.
— La mémoire du corps, sans doute, murmura Kaori pour elle-même. Alors c'est vraiment ancré en toi ? C'en est presque désespérant…
— Pardon ?
— Non, rien. Mais dis-moi, est-ce que tous ces... “trucs-bidulles”... te rappellent quelque chose ?
Peu importait le moyen finalement, la seule chose qui comptait était de retrouver le vrai Ryo, aussi pervers et insupportable soit-il. Il se tourna vers elle, curieusement gêné, les joues roses de honte, le regard bas et contrit, les épaules courbées en avant. Il chuchota :
— En quelque sorte... mais...
Il baissa complètement les yeux, lui tourna le dos et ajouta dans un murmure qui sonnait comme une supplique :
— J'aimerais bien que vous sortiez d'ici, Kaori.
Et ce fut à cet instant qu'elle remarqua que, depuis qu'elle était entrée dans sa chambre, Ryo gardait un magazine posé en dessous de sa taille, dissimulant ainsi son entrejambe. Elle comprit immédiatement de quoi il retournait, devint rouge cramoisi et sortit brusquement de la pièce, essayant de garder un peu de dignité :
— Ouais, bah, quand tu auras fini... enfin quand ça sera... bref... quand tu seras prêt, rejoins-moi dans la cuisine, je vais faire le petit déjeuner, lâcha-t-elle avant de claquer la porte derrière elle.
Elle maugréa dans le couloir, la tête rentrée dans ses épaules, faisant trembler le parquet à chaque pas rageur :
— Ah, le salop, le pervers, le dégénéré, l'obsédé ! Il oublie ses amis et moi par la même occasion mais il se rappelle où il planque ses revues porno !!! Je rêve ! Amnésique, mes fesses, oui ! Je t'en foutrais, moi, des “J'aimerais bien que vous sortiez d'ici, Kaori”. Finalement, tu ne changeras jamais, sale vicieux dépravé !
Arrivée dans la cuisine, elle mit le café en route, sortit ce qu'elle avait préparé la veille, alluma le cuiseur à riz. Grâce à ces gestes familiers, sa colère diminua peu à peu. Elle finit même par sourire :
— Tu n'es peut-être plus si loin, Ryo... C'est que tu me manques, espèce de Mokkori ambulant ! Grrrr, quelle tête à claques, ce type, je te jure !
Avec un Ryo mal à l'aise malgré les paroles rassurantes de Kaori, le petit déjeuner fut englouti dans un silence gêné. Ensuite, la jeune femme proposa d'aider Ryo à remettre de l'ordre dans sa chambre, ce qu'il accepta comme un gage de paix. Il empila les magazines en veillant à ne pas croiser son regard et elle, elle enroula les posters en faisant bien attention à ne pas trop lorgner les photos indécentes.
Kaori avait vaillamment résisté à l'envie d'en faire un feu de joie. Elle l'aurait certainement fait dans d'autres circonstances, histoire de lui casser les pieds. Mais là ... non, elle ne pouvait pas lui faire ça.
— Pas maintenant en tous cas... Mais, fais attention, Ryo ! Maintenant que je sais où tu planques ces cochonneries, je pourrais utiliser cette information si nécessaire, murmura-t-elle en pensée à l'ancien Ryo, dont les trésors furent soigneusement remis à leur place dans leur petite cachette secrète... plus si secrète que ça !