Si j'avais

Chapitre 10

4163 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/04/2019 21:44

Immeuble de Ryô Saeba,

Quartier de Shinjuku, Tokyo,


La magnétoscope affichait 23h05 et Miki venait de quitter l'appartement.


Les traits anormalement tendus, Ryô observait avec une curiosité dérangeante la jeune femme qui lui faisait maintenant face. " Qu'est-ce qui se passe, Ryô ? Pourquoi Miki était-elle ici ? " , la voix de Kaori tremblait légèrement comme si elle se doutait de la raison de la présence de son amie.


Une idée lui traversa rapidement l'esprit mais elle prit soin de la chasser aussi rapidement qu'elle était arrivée.


Non. Ce n'était pas possible. Elle ne pouvait pas l'avoir trahi. C'était impensable. Tout bonnement inimaginable. Miki était la fille la plus loyale qu'elle connaisse. Elle n'aurait jamais fait ça.


" Que me caches-tu, Kaori ? ", énonça-t-il d'une voix étrangement dure. Le regard perçant de Ryô glissa longuement sur elle, la faisant doucement frissonner. " Pourquoi ne pas me dire ce qui te tourmente ? "

Kaori retint son souffle alors que la pluie continuait à tomber sur la ville comme si elle voulait engloutir sous ses eaux la terre entière.


Le cœur de Kaori frappait fort, menaçant de déchirer sa poitrine et Ryô attendait.


Mal à l'aise, la jeune femme détourna vivement les yeux incapable de soutenir le regard de son partenaire. Elle ferma, quelques instants ses paupières, cherchant au plus profond de son être la force de lui mentir. " Mais enfin Ryô, de quoi parles-tu ? Je vais bien, je te l'assure ", lâcha-t-elle d'une voix qui montait étrangement dans les aiguës.


A ces mots, les lèvres de Ryô se tordirent en une grimace insatisfaite. La mâchoire contractée, l'homme s'approcha lentement de la jeune femme, d'une démarche presque féline. " Je vais te dire la même chose qu'à Miki, commença-t-il alors que ces yeux d'aciers capturèrent l'attention de la jeune femme. " Je ne te crois pas. Tu n'arrêtes pas de mentir et je veux savoir pourquoi ! ", articula-t-il d'une voix vibrante de colère.


La jeune femme ne répondit rien. Alors ses doutes étaient bien fondés. Miki était venue pour dire la vérité à Ryô et dévoiler le secret qui pesait si lourd sur ses épaules. Mais il semblerait qu'elle soit arrivée avant que cette dernière ait pu dévoiler son secret.


" Je vais bien, Ryô et je ne te cache rien. Vraiment ", tout en proférant cet énorme mensonge Kaori se mordit la lèvre inférieure. Elle prit douloureusement conscience que malgré sa volonté et son courage, elle ne pourrait jamais lui dire la vérité. Elle n'avait pas cette force là.


Pendant une minute, elle regretta d'avoir coupé Miki dans son élan. Pendant quelques secondes, elle regretta que Miki n'ai pas divulgué la vérité beaucoup plus tôt.


" Vraiment ? ", répéta Ryô d'une voix si révoltée que Kaori se raidit instantanément. Inconsciemment, la jeune femme fit un pas en arrière alors que Ryô lui attrapa le poignet. " Si tu vas si bien que ça, tu vas te soumettre sans problème à une petite expérience, le ton était tranchant et sans réplique.


"Quoi ?!... Mais...", hoqueta Kaori alors que Ryô l'entraînait d'un pas rapide hors du salon. Incapable de résister à cette force presque animale, elle n'eut pas d'autre choix que de suivre cet homme et se laisser guider, les yeux épouvantés, jusqu'à sa chambre.


Mon dieu, qu'avait-il dans la tête ?


Ryô la lâcha au milieu de la pièce et d'un pas pressé, alluma la lampe de chevet avant de revenir fermer la porte.


Le ciel grommela de plus belle.


Le cœur battant violemment dans sa poitrine, la jeune femme balaya d'un regard effarouché cet espace masculin qui lui avait ouvert les bras cet après-midi, appréhendant la suite des évènements.

Le tonnerre la fit sursauter alors qu'au même moment les mains de Ryô se posèrent sur ses épaules. Elles étaient chaudes et viriles et la jeune femme frissonna malgré elle à ce contact déroutant. " Regarde, Kaori ", souffla-t-il tout près de son oreille. " Regarde-toi et dis-moi que tu vas bien ", tout en parlant Ryô poussa doucement la jeune femme et la posta devant le miroir de sa chambre.


Ryô fit un pas en arrière, la laissant seule face à elle-même.


Incrédule, la jeune femme posa des yeux un peu perdu sur son reflet. Teint pâle, yeux cernés triste, cheveux plats, Kaori avait l'impression de découvrir une étrangère. La petite flamme qui brillait habituellement dans son regard avait définitivement disparu, remplacé par une lueur mélancolique. Son sourire ne vivait presque plus. Instinctivement, elle se passa une main dans ses cheveux espérant leur donner un peu plus de volume et de vitalité avant de fermer les yeux et de baisser la tête.


Comment avait-elle été aussi aveugle ? Comment avait-elle pu croire que son mal-être ne se voyait pas de l'extérieur ? Comment avait-elle pu croire que Ryô n'aurait rien remarqué ? Comment ?

Peut-être parce que depuis deux mois, elle fuyait les miroirs et tous objets qui puissent lui renvoyaient un semblant d'image. Peut-être parce que son corps la dégoûtait et lui faisait horreur. Peut-être parce qu'inconsciemment, elle se sentait presque morte et qu'une morte ne se regarde pas dans une glace.


Sans bruit, Ryô s'approcha d'elle. Et doucement, il glissa sa main dans la main froide de sa partenaire.


L'atmosphère se fit lourde de sous-entendus et de désir inavoué. Kaori sentit la colère de Ryô s'évaporer instantanément et laisser place à un sentiment de tendresse apaisant.


Lentement, elle ouvrit les yeux et plongea dans ce regard ténébreux qui enveloppait son reflet dans le miroir. Il se tenait juste derrière elle. Il était tout près, tellement proche qu'elle pouvait sentir la chaleur de son partenaire, à travers le fine étoffe du débardeur qui lui servait de haut de pyjama.


Aucun des deux ne prit la parole.


L'image que la glace lui renvoyait la troubla au plus haut point. Le regard magnétique de Ryô glissait longuement sur son corps, examinant avec une perspicacité bouleversante chaque courbe de sa silhouette presque parfaite, malgré la perte de quelques kilos. Le cœur battant, elle sentit ces yeux se poser sur sa bouche légèrement entrouverte et se surprit à vouloir sentir la pression de ses lèvres sur les siennes. Il la scrutait, l'étudiait et l'observait avec une telle ardeur que Kaori se laissa happer par une troublante torpeur.


Étrangement aucune peur, aucune crainte ne se fit sentir.


Hypnotisée par la lueur fiévreuse qu'elle pouvait lire dans les prunelles sombres de l'homme, Kaori n'esquissa aucun geste. Elle écoutait simplement les battements de son propre cœur s'harmonisait avec le bruit de la pluie qui s'évertuait à frapper les vitres de la chambre.


Il n'y avait plus de questions à poser ni de réponses à donner. Le vérité n'avait plus court et le mensonge ne servait plus à rien. Il y avait juste cet homme et cette femme qui s'attendaient et s'aimaient depuis près de huit ans maintenant.


Un léger souffle dans le cou et le corps de la jeune femme frémit doucement. Instinctivement, elle ferma les yeux et se concentra sur les sensations plus que troublantes que cette simple caresse avait fait naître en elle. " Kaori... " , la voix de Ryô était tellement suave, empreinte d'un amour inéluctable que la jeune femme sentit les dernières barrières de la raison s'effondrer une à une. Fascinée par son partenaire, la jeune femme se trouva incapable de réfléchir, d'analyser ou même de comprendre la réaction de son corps qui d'habitude se révoltait face à de telles attentions.

Elle se sentait merveilleusement bien et c'était tout ce qui comptait pour le moment


Elle aurait du trembler de peur. Elle aurait du lutter contre une vague d'angoisse qui la paralyserait. Mais il n'en était rien.


Au contraire, le corps de la jeune femme répondit naturellement à l'invitation de l'homme. Ses mains tremblaient d'un désir qu'elle avait de plus en plus de mal à contenir. Son sang battait violemment à ses tempes, la menant vers un délicieux vertige alors son cœur s'affola une nouvelle fois dans sa poitrine lui rappelant la joie d'être un être humain.


C'était comme si son corps s'éveillait une nouvelle fois à la vie et qu'elle se réveillait enfin d'un long sommeil sans aucun rêve ni aucun espoir.


Et toutes ces sensations étaient merveilleusement bouleversantes.


Une nouvelle caresse sur sa joue et elle rouvrit les yeux. Ryô la dévorait littéralement du regard et la jeune femme, prise d'un brusque accès de timidité, baissa la tête et fixa son attention sur ses pieds. Elle avait l'impression d'être mise à nue, comme dépouillée de cette carapace qu'elle s'était forgée au fil toutes ces années et qui était devenue presque indestructible par la force des choses. A cet instant précis, elle se sentait femme et fragile en même temps. A la fois confiante et déstabilisée par cette chaleur qui envahissait trop rapidement chaque parcelle de son être, la plongeant avec délectation dans un engourdissement étourdissant. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle n'avait jamais ressenti ça de sa vie. Une désir tellement fort qu'il en devenait presque indécent.


Est-ce cela le véritable amour ?


Elle ouvrit de grands yeux quand elle sentit les mains de Ryô errer voluptueusement sur ses hanches et se faufilaient, avec agilité, sous son débardeur. Elle frissonna sous le contact de ses mains brûlantes sur sa peau froide et lisse. Incapable de résister à l'appel de ses sens, la jeune femme retint naturellement son souffle lorsqu'il déposa un baiser volatile à la base dans son cou. Un effleurement presque imperceptible qui fit naître en elle un intense sentiment de frustration.


Que lui arrivait-il ? C'était comme si son corps voulait plus.


Les doigts de Ryô courraient amoureusement sur la taille de la jeune femme, lui prodiguant des caresses aussi douces que de la soie. D'un geste pleine délicatesse, il la fit pivoter dans ses bras pour découvrir et contempler le visage transformée de sa partenaire. Les joues rougies par l'émotion, les yeux éclatants d'une magnifique sincérité, Kaori se perdit avec ferveur dans des yeux voilés de désir. Intimidée d'être la source d'un tel émoi, elle baissa à nouveau le regard, se laissant aller contre le torse puissant de l'homme.


Il l'aimait. Elle l'aimait. Et rien ne pourrait plus jamais les séparer.


Lentement, Kaori posa sa tête contre sa poitrine et se concentra sur les battements de cœur de son compagnon. Un sourire de bien-être se dessina sur ses lèvres quand elle prit conscience que leurs deux cœurs frémissaient à l'unisson, sur un même rythme frénétique et langoureux.


Elle voulait passer le reste de sa vie dans ses bras fort et protecteurs.


" Kaori ?", la voix de Ryô était diaboliquement sensuel. La jeune femme leva les yeux, fascinée par ce timbre sensuel. Comme dans un rêve, elle vit le visage de l'homme s'approchait avec lenteur, ces yeux avides sur sa bouche. Le cœur au bord des lèvres, elle s'agrippa à la chemise de Ryô alors que ses lèvres frôlèrent la commissures de ses lèvres avant de les toucher tendrement dans un premier baiser velouté. Kaori vibra de tout son être

.

Alors c'était ça le plaisir ?


Kaori n'eut pas le temps de s'appesantir sur l'émotion que ce premier baiser avait suscité en elle que Ryô captura une nouvelle fois ses lèvres dans un tourbillon de passion et d'adoration jamais égalée. Le corps en feu, la jeune femme s'ouvrit sans complexe à ces nouvelles sensations qui envahissaient son être et lui procuraient un plaisir qu'elle ne soupçonnait même pas.


Pour la première fois depuis deux mois, elle se sentait vivante. Prête à mordre la vie à pleine dent et à tout recommencer.


Ryô s'émerveilla de l'effet que ces caresses avaient sur la jeune femme. Tout au fond de lui, il avait toujours soupçonné que, sous ces airs de garçon manqué, se cachait un être charnel et impétueux. Il l'enlaça avec plus d'ardeur, impatient de sentir le corps de la jeune femme frémir contre le sien. Il voulait goûter sa peau, s'enivrer de son odeur, la sentir frémir et gémir sous ses caresses fiévreuses. Il voulait découvrir ce corps magnifique et cette âme si généreuse et aimante. Il voulait simplement l'aimer et la rendre heureuse. Dieu qu'il la désirait ! Il la désirait tellement qu'il avait l'impression qu'il allait se transformer en fossile si elle le repoussait maintenant.


Le tonnerre se mit à gronder violemment mais les deux amants ne firent pas attention aux caprices du temps, trop heureux de s'être enfin trouvés après tant d'années de solitude et d'égoïsme.


Les yeux fermés, Kaori gémit doucement lorsque les lèvres de Ryô abandonnèrent sa bouche pour dévorait l'épaule qu'il avait prit soin de dénuder. Ses lèvres glissèrent encore et encore, laissant un brûlant sillon sur son passage. Kaori était vibrante d'émotions. Une larme de bonheur roula sur sa joue enflammée. Jamais elle n'aurait soupçonné ressentir un tel plaisir dans les bras d'un homme. Jamais elle n'aurait pensé être capable de se laisser aimer.


Enivrée par les caresses de Ryô, Kaori se laissa guidée vers le lit et ne se posa pas aucune question lorsqu'elle sentit le matelas s'affaisser sous le poids de son corps et de celui de son amant.


Elle était dans un autre monde. Un monde de plaisir et de passion. Un monde où la cruauté et la violence cédaient le pas sur l'amour et la générosité. Elle se sentait heureuse dans les bras de cet homme.


Kaori se donnait sans aucune retenue et Ryô s'enhardit face à une telle générosité. Elle était plus belle que dans ses rêves et la voir s'ouvrir à lui avec une telle confiance lui procura un plaisir et un fierté indescriptible.


Elle était tout pour lui. Elle était toute sa vie. Et après cette nuit, il savait qu'il ne pourrait plus vivre sans elle.


Caresses sensuelles. Baisers sucrés. Effleurements de lèvres. Frôlements de mains. Ryô se montrait d'une tendresse et d'une patience bouleversante. Obsédé sexuel à ces heures perdues, Ryô se révélait être enfin de compte être un homme d'une grande sensibilité. Il savait parfaitement que c'était la première fois pour Kaori. Il ne voulait pas la brusquer ni lui faire peur. Il voulait que tout soit parfait.

Alors connaissant sa timidité, il baissa l'intensité de la lampe de chevet, plongeant ainsi la chambre dans une luminosité tamisée qui accentua l'intimité de la pièce.


Mais même le plus beau des paradis pouvait se transformer en véritable enfer en l'espace de quelques secondes.


Ryô devenait de plus en plus gourmand. Ses caresses se firent plus passionnées et plus impatientes. Ses mains se faufilèrent de nouveau sous son débardeur, montant avec une lenteur calculée vers sa poitrine.


" Tu es si belle, ma douce...", susurra Ryô alors qu'il lui taquinait de sa bouche la lobe de l'oreille de la jeune femme. A ces mots, le corps de Kaori se raidit inexplicablement comme s'il répondait à une agression et commença à se fermer à toute caresse et marque de tendresse. La phrase résonna encore et encore dans la tête de la jeune femme mais ce n'était plus Ryô qui la prononçait mais le monstre qui l'avait violée.


" Kaori... N'aie pas peur, ma douce. Tout va bien se passer, je te le promets ", Ryô appréhenda la contraction de son corps comme un mouvement de timidité. Loin de se douter du malaise qui étreignait sa compagne, il continua l'exploration de son corps avec une avidité grandissante.


Peu à peu, le plaisir fit place à l'angoisse et la volupté à la peur. Lentement, Kaori replongeait dans son pire cauchemar sans pouvoir rien y faire.


Kaori se concentra sur la voix de son partenaire, essayant d'effacer le souvenir de la celle de son agresseur de sa mémoire. Mais lorsqu'elle sentit que Ryô faisait glisser lentement ses mains sur ses cuisses pour la débarrasser de son bas de pyjama, des images d'une rare violence s'imposa implacablement à son esprit. "Non... ", la gorge de Kaori était nouée par l'angoisse et le cri de protestation se mua en un semblant de gémissement.


Le tonnerre gronda une nouvelle fois, de vifs éclairs illuminant quelques instants la chambre silencieuse.


La jeune femme ferma violemment les yeux, pensant de cette manière chasser ses images de sa tête. Sans qu'elle s'en rende compte, des larmes coulèrent silencieusement alors que son corps se rebella contre une nouvelle caresse. Elle se mit à bouger de manière frénétique, empêchant Ryô de parvenir à ses fins. " Non ! Ne me touche pas comme ça ", cria-t-elle si violemment que son partenaire, effrayé, se figea sur place.


Elle le repoussa sans ménagement.


Le corps de la jeune femme était si tendu qu'il donnait l'impression qu'il allait se briser en mille morceaux au moindre contact. Maladroitement, Kaori s'assit sur le lit, cachant son visage de ses mains tremblantes " Non, ..." implora-t-elle, les joues baignées de larmes.


Recroquevillée sur le lit, elle avait l'air d'un petit animal apeuré.


" Kaori ?! ", la voix était empreinte d'une inquiétude et d'une peur vous glaçant d'effroi. Mais la jeune femme n'entendait plus rien. Elle ne voyait plus rien. Noyée dans ses propres souvenirs, la vue de Kaori s'était troublée dangereusement la rendant incapable de discerner correctement les traits du visage de l'homme qu'elle aimait plus que sa vie.


Pourtant, elle savait que l'homme qui venait de la caresser, de lui prouver qu'elle était aussi vivante qu'avant était Ryô.


Complètement perdu, Ryô tenta d'attraper le poignet de la jeune femme mais cette dernière, incapable de maîtriser sa terreur, réagit si violemment à son geste qu'il se figea littéralement sur place. " Ne me touche pas, tu entends ? Je t'interdis de me toucher ! ", hurla-t-elle en se levant du lit. Ses jambes ne la portant pratiquement plus, elle tomba douloureusement sur les genoux.

Effaré, Ryô ne voyait plus que le dos secoué de sanglots de la jeune femme.


" Je... je ne veux pas... je ne veux pas que ça recommence... je ne veux pas revire ça ... jamais ", lâcha-t-elle dans un gémissement étouffé.


Pourquoi ne voulait-elle plus qu'il la touche ? Pourquoi l'avait-elle repoussée une fois encore ?


Pourquoi ne voulait-elle pas... ?


C'était comme si il lui avait fait peur de lui et qu'elle vivait l'acte d'amour comme une agression. Comme un véritable assaut de violence. A cette pensée, les mots et les cris de Kaori résonnèrent une nouvelle fois dans sa tête. Il se remémora leur dernière rencontre et la réaction qu'elle avait eu quand il l'avait prise dans ses bras. Elle ne jouait pas. Elle ne simulait pas. Non, elle avait vraiment peur. De lui. Des hommes. De la vie.


Parce qu'...


C'est alors que Ryô comprit. Que cette vérité qu'elle voulait tant lui cacher lui éclata cruellement au visage.

...

Terrassé par l'évidence, Ryô se leva brusquement, reculant maladroitement comme s'il venait de recevoir une balle en plein cœur.


Un éclair déchira le ciel suivi du grondement impétueux de l'orage.


Les yeux écarquillés d'horreur, Ryô s'agenouilla près de la jeune femme et posa sa main sur son épaule. Elle était glacée. Comme dans le pire des cauchemars, il s'entendit articuler " Ce n'est pas vrai Kaori, hein ?... Dis-moi que tu n'as pas été violée ! Dis-moi que je me trompe... ", Ryô ne put finir sa phrase. Les mots moururent dans sa gorge.


Résignée, les épaules de Kaori s'affaissèrent. Puis elle se retourna lentement pour faire face à son partenaire, les joues ravagées de larmes et les yeux reflétant une douleur innommable. " Je suis désolée, Ryô... Je ne voulais pas que tu l'apprennes... Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça... ", souffla-t-elle un regret mêlé de souffrance dans la voix.


Ryô baissa les yeux sur le sol, incapable de regarder en face la femme qu'il aimait plus que sa vie. Les poings si serrés que ses ongles pénétrèrent dans la paume de sa main et la mâchoire douloureusement contracté, Ryô luttait contre une rage quasiment bestiale qui envahissait son être à une vitesse vertigineuse.


Le tonnerre gronda une nouvelle fois au dessus de leur tête. L'orage était tout proche près à détruire tout ce qu'il trouvera sur son passage.


Ryô se remit difficilement debout. Il était sous le choc. Perdu comme jamais. Incapable de réfléchir correctement.


" Ryô ?", Kaori s'approcha lentement de son partenaire, effrayée par le mutisme de ce dernier. " Ryô, je t'en prie parle-moi !", implora-t-elle alors que sa main tenta d'attraper le bras de l'homme.


Ryô la transperça de son regard tourmenté avant de dégager rapidement de son emprise. Les traits défigurés par le colère et la haine et la respiration saccadé, il détourna la tête et se dirigea rapidement vers la porte. Il fallait qu'il sorte de cette chambre. Il avait l'impression d'étouffer.


" Ryô !", cria Kaori quand elle comprit qu'il voulait partir. "Ryô, reste avec moi !" supplia-t-elle alors qu'il posait sa main sur la poignée de la porte. " Je t'en supplie, ne me laisse pas !... J'ai besoin de toi ! "


La voix de Kaori lui brisa le cœur. Il aurait tant voulu rester à ses côtés mais il sentait qu'il ne pouvait pas. A cet instant précis, il se sentait comme un animal enragé, capable de faire du mal à la plus douce des créatures.


Alors après un bref mouvement d'hésitation, il passa la porte de sa chambre devant une Kaori prostrée par le chagrin.


Une minute s'écoula avant qu'elle ne comprenne vraiment ce qui venait de se passer.


Il était parti. Il l'avait quittée. Mais, elle, elle ne pouvait pas vivre sans lui.


Alors, dans un dernier sursaut de courage, Kaori s'élança vers la porte prête à tout pour le garder à ses côtés. Mais l'esprit confus, elle tourna la poignée dans le mauvais sens perdant de précieuse minutes.

Pétrifiée, elle entendit le bruit de ses pas dans l'escalier. Puis le claquement assourdissant d'une porte. Et de nouveau ce silence douloureux.


" Ryô... Reviens, je t'en prie ", gémit-elle une dernière fois.


Abandonnée dans ce grand immeuble, la jeune femme resta figée quelques instant avant de donner un grand coup de poing dans cette maudite porte qui l'avait séparé de Ryô. Les yeux emplis d'une rage désespérée, elle se retourna et tomba face à son reflet, dans le miroir.


Ce qu'elle vit la glaça jusqu'au sang. Cette image était d'une insoutenable cruauté. Elle était seule. Ryô n'était plus à côté d'elle.


Alors en proie à une haine effroyable contre ce destin qui prenait un malin plaisir à la faire souffrir, Kaori attrapa le vieux cendrier de Ryô qui traînait sur une étagère et le lança avec une violence inaccoutumée contre le miroir. La glace se brisa en milles morceaux dans un fracas strident.


Elle avait tout perdu.


Pourquoi ? Qu'avait-elle fait pour mériter ça ?


Elle était à bout. Vidée de toute force et de tout courage. Elle n'avait même plus la force de pleurer. A quoi bon d'ailleurs ? Elle n'avait plus envie de continuer. Elle s'en était incapable.


Le tonnerre gémit une dernière fois.


Indifférente à la colère du ciel, Kaori regarda, de ses yeux secs, les bouts de verres qui gisaient sur la moquette. Sept ans de malheurs selon de dicton. Mais elle s'en foutait éperdument.


Le radio-réveil de la chambre afficha 00h31.


La chemise de Ryô traînait toujours sur le lit mais elle était toute froissée maintenant. Dévorée par la fatigue et le chagrin, Kaori attrapa le bout de tissu qu'elle sera contre son cœur. Elle était si fatiguée. Doucement, elle s'allongea sur les draps encore chauds et, les yeux aussi vide que son âme, se recroquevilla, espérant trouvé un semblant de paix et de repos.



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