Si j'avais

Chapitre 6

3883 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/04/2019 21:24

Sunlight Cabaret,

Quartier de Shinjuku, Tokyo,



Le cabaret ne désemplissait pas et les va-et-vient incessant des clients commençaient sérieusement à taper sur le nerfs de Ryô. Se laissant aller contre le dossier de la banquette, il observa avec détachement les différentes scènes qui se jouaient à présent sous ses yeux.


Il y avait cet homme, un peu bedonnant, les cheveux plus gris que noir, d'une cinquantaine d'années environ, qui essayait de retrouver sa prime jeunesse dans les bras d'une jolie hôtesse moyennant de fortes sommes d'argent.


Puis cet homme marié, blasé de l'indifférence d'une femme trop occupée par l'éducation de leurs trois enfants, tentant d'oublier ses déboires conjugaux dans l'alcool et les éclats de rire d'une serveuse.


Et ce tout jeune étudiant, d'une timidité maladive, presque paralysante même, qui espérait vaincre son complexe et se désinhibait un peu en côtoyant ce genre d'établissement.


Le spectacle de tous ces hommes trop heureux d'attirer, même pour quelques petites heures seulement, l'attention d'une magnifique jeune femme arracha à l'homme un sourire des plus ironique. Pathétique même.


Il n'était donc pas seul.


Il n'était donc pas le seul à souffrir de l'indifférence d'une femme.


Les traits tirés, Ryô n'eut pas le temps de s'attarder sur ses sombres pensées que Mick revint à leur table, deux verres de whisky à la main. " Double whisky avec de la glace... Eh, Ryô mate un peu la nouvelle serveuse ! Elle a un corps à se faire damner un saint !" Le ton se voulait léger et insouciant mais Ryô ne se dérida pas. Il affichait cet air désabusé qui voulait tout dire.

Il était d'une humeur massacrante ce soir.


La vérité, c'était qu'il était d'une humeur massacrante depuis près d'un mois maintenant. Et Mick savait exactement pourquoi.


" Ouais, mais j'te parie qu'elle s'est faite refaire de partout ! ... C'est pas naturel tout ça, crois-en l'expert !", tout en observant la fille, Ryô exhala une bouffée de cigarette. C'est vrai qu'elle était belle. Qu'elle était désirable. Mais bizarrement, elle ne lui faisait aucun d'effet. Elle ne l'attirait pas.


" Et celle là, comment tu la trouves ? " enchaîna Mick qui observait avec un sens du détail impressionnant toutes les jeunes femmes qui avaient la mauvaise idée de travailler au Sunlight cabaret.


" Celle là, j' lui mettrai un bon 8/10... J'ai toujours préféré les brunes aux blondes et aux rousses." Affalé sur la banquette rouge, Ryô examina d'un air blasé la fumée qui s'échappait de sa cigarette. Trouble et obscure. Comme sa vie à présent.


" Ouais... mais le problème Ryô, c'est que cette fille est un mec... Un mec un peu efféminé, je te l'accorde... mais un mec quand même", expliqua Mick Angel d'un sourire plein d'ironie qui dévoilait des dents parfaitement blanches et alignées. " Sérieusement Ryô, soit tu commences à avoir besoin de lunettes soit le départ de Kaori t'as retourné bien plus que tu ne veux l'admettre. J'ai pas raison ? "


Pour toute réponse, Ryô avala d'une traite son double whisky et le reposa avec un peu trop brutalement sur la table. Assombri, il s'essuya la bouche du revers de la main et nota les quelques glaçons éparpillés un peu partout sur la nappe rouge. Ryô fit une grimace. Il s'en fichait.


" Alors Ryô? Qu'as-tu à répondre à ça ?" L'air renfrogné, Ryô foudroya du regard son collègue qui affichait à présent un sourire malicieux. Mick était content de lui. Il avait enfin réussi à mettre sur le tapis le sujet qui lui tenait à cœur. Et dieu seul sait que ça n'avait pas été facile.


Ryô Saeba n'a jamais été un homme très expansif. Et encore moins démonstratif. Poser lui une question et il se contentera de répondre par oui ou par non. Ou par un hochement de tête. Et Mick, qui avait été son partenaire pendant quelque années, était le premier à le reconnaître. Ryô était un être solitaire. Secret. Un homme à l'état brut qui ne fonctionnait qu'à l'instinct et à l'envie. Un sorte de fauve indompté et indomptable qui ne trouvait son salut que dans l'action et le désir presque obsessionnel de plaire aux jolies femmes.


Pourtant derrière ses airs de coureur de jupon et d'obsédé sexuel, se cachait l'un des hommes les plus craint de tous. Le plus redouté. Le plus admiré aussi.


Il était terrifiant tout autant qu'il était respecté. La simple formulation de son nom suffisait à faire naître une indéchiffrable panique dans les yeux de nombreux nettoyeurs du Japon et des autres continents.

Provoqué des centaines de fois par les plus grands tueurs du monde entier, il était toujours là. Toujours prêt à relever les défis. Toujours prêt à affronter le moindre danger.


Et de plus en plus fort. De plus en plus humain. De plus en plus bon. Nettoyeur sans scrupule à ses débuts, Mick avait retrouvé un Ryô Saeba devenu, par la force du destin, l'ennemi numéro un des mafieux, des assassins, des politiciens véreux et autres pourritures affamées de pouvoir et de richesse. Un homme épris de justice.


On raconte même dans le milieu que Ryô Saeba serait immortel. Qu'il aurait trouvé son Saint Graal. Le miracle qui pousserait chaque être humain à rester en vie et à donner le meilleur de lui-même.


Mick lança un regard envieux à son ex-partenaire. Le saint Graal de Ryô se résumait en quelques mots.


Douceur. Générosité. Amour. Dévouement.


Kaori Makimura.


D'un geste de la main, Ryô fit signe à une jolie serveuse brune de lui servir un autre verre de Whisky et se mit en devoir de rectifier les choses. " Arrête un peu de dire des conneries Mick... Je n'ai jamais été aussi heureux depuis le départ de Kaori... Je rentre à l'heure que je veux, je drague qui je veux et enfin je ne reçois plus de coup de massue à toute heure de la journée. Le rêve quoi !"


Ryô tiqua. Comment arrivait-il à mentir aussi facilement ?


Ne pourrait-il pas être un peu plus honnête avec lui-même et avec les autres au moins une fois dans sa misérable vie ?


Ryô soupira d'agacement. Non. Il ne pouvait pas. Il ne voulait en aucun cas que Mick découvre ses états d'âmes. Il n'exposerait jamais à cet obsédé ce sentiment d'abandon mêlé de souffrance qui lui vrillait le cœur. Kaori s'était enfuie et il vivait ça comme une défaite. Comme l'échec de toute une vie.


Leur amitié. Leur complicité. Leur amour. Leur si bel amour .


Tout s'était cassé. Brisé. Déchiré. En mille éclats. En mille douleurs.


Kaori était partie et elle avait emmené avec elle l'essence même de sa vie. Car l'étalon de Shinjuku, le dragueur le plus invétéré du Japon, n'éprouvait plus aucun désir. Plus aucune envie. Plus aucun plaisir.

Et Ryô ne comprenait pas pourquoi. Pourquoi il était devenu si vide en si peu de temps.


" Vraiment ?", s'enquit Mick dans un haussement de sourcils. "Alors explique-moi pourquoi tu as mis 10/10 à toutes les filles qui ressemblaient plus ou moins à Kaori ?"


Ryô bougonna dans son coin. Mick ne lâchera sûrement pas l'affaire aussi facilement. Il en était convaincu. Voyant l'état quasi apathique de son vieil acolyte, Mick lui piqua une cigarette et les yeux plissés se chargea de le mettre au pas. " Tu sais Ryô, Kaori n'est pas en très grande forme, ces temps-ci... Elle passe énormément de temps enfermée dans sa chambre ou dans le petit parc en face de la maison de Miki et Falcon... Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais elle a une sacrée dent contre toi ! "


Ryô se passa une main dans les cheveux et apprécia du regard la jeune femme brune qui s'asseyait à une table au fond de la pièce. " Lâche-moi un peu, tu veux... J'ai tenté plusieurs fois de lui parler mais c'est comme si elle faisait tout pour m'éviter... Après tout, elle fait ce qu'elle veut... C'est une grande fille maintenant... Ne compte surtout pas sur moi pour me mettre à genoux pour la faire revenir..." Ryô écrasa sa cigarette dans un vieux cendrier en verre. " Elle reviendra simplement lorsqu'elle aura fini de faire sa tête de cochon." Ryô surpris le regard sévère de Mick sur lui mais ne fit aucun commentaire.

Mais qui essayait-il donc de convaincre ?


Malgré ses épaules voûtées, Ryô tenta de paraître le plus indifférent possible. Mais pour la première fois de sa vie, il se sentait complètement dépassé par les événements.


" Tu as du être très dur avec elle cette fois-ci Ryô !... Tu te rends compte que ça va faire pratiquement un mois que vous ne vous êtes pas vus !", la voix de Mick était tranchante. Il ne rigolait plus. Kaori était toujours aussi importante à ses yeux et ce malgré la présence rassurante de Kazue. Mick Angel ne supportait pas qu'on fasse souffrir sa douce Kaori et Ryô en était plus que conscient. "Bon sang mais qu'est ce que tu lui as fait ?"


Ryô baissa la tête. Bonne question. Il attendait depuis longtemps la réponse. Mais que diable lui avait-il fait ?


" ..."


Quel réponse pouvait-il donné à ce crétin d'américain alors qu'il ne la connaissait pas lui-même ?


Que pouvait-il donc faire ? Il avait beau retourné encore et encore la situation dans tous les sens, il se sentait perdu comme jamais il ne l'avait été de sa vie. Kaori était partie du jour au lendemain. Sans aucune explication. Dans le silence le plus total.


Encore aujourd'hui, elle refusait obstinément de lui parler. Avait-elle peur de sa réaction ?


Elle devait pourtant savoir qu'il ne lui en voudrait pas. Il ne la blâmerait pas. Au contraire. Il comprenait très bien qu'après leur violente dispute, elle eut besoin de retrouver du réconfort et de la compréhension auprès de Miki. Il n'avait même pas été étonné qu'elle reste quelques jours chez elle pour prendre du recul et pour digérer ces dernières semaines de tension presque étouffante.

En fait ce qu'il ne comprenait pas, c'était ce mur et cette distance infranchissable qu'elle avait mis entre eux deux durant ce dernier mois.


" Il faut que tu lui parles Ryô !... Tu joues les mecs indifférents et insensibles mais je suis persuadé que cette situation te bouleverse plus que tu ne veux le montrer ", attaqua Mick d'une voix ferme.

Touché. Mick le connaissait que trop bien et Ryô n'aimait pas ça. Il fallait faire une diversion.


Plongé dans ses pensées, Ryô finit son verre. Il eut un petit rictus ironique et ricana de dépit. " Pourquoi tu ne saisis pas l'occasion, hein Mick ?...Kaori est célibataire et je sais très bien ce que tu éprouves pour elle !" Mick écarquilla les yeux de stupeur. " Allez, vas-y Mick !... Je te promets de consoler Kazue du mieux que je pourrais !"


Mick était comme pétrifié par l'attitude de son ami. Comment pouvait-il parler de cette manière de Kaori ? Comment pouvait-il la diffamer de la sorte ? Vert de rage, l'américain attrapa violemment Ryô par le col de son tee-shirt et le secoua avec une brutalité non contenue.


" Écoute-moi bien Ryô !" , la voix de Mick sonnait comme une sourde menace. " Tu vas te bouger un peu et arrêter de te débiter toutes ces conneries... T'entends ? Bouge-toi un peu ! " Mick avait l'impression de parler à un mur. Encore plus énervé par le manque de répondant de Ryô, Mick le balança soudainement contre le dossier de la banquette et se rassit pour retrouver un semblant de calme. Il soupira de faiblesse. " Pfff... ce n'est pas en te bourrant la gueule tous les soirs que tu arrivera à faire revenir Kaori. Elle mérite mieux que ça, merde !"


Ryô fit tourner son verre à moitié vide dans ses mains. Mick remarqua pour la première fois à quel point ces yeux étaient vides. Douloureusement vides. Seul l'alcool leur donnait un semblant de brillance.


" Elle ne veut plus de moi, Mick. Elle ne veut pas que je la touche. Elle veut simplement que je la laisse tranquille", Ryô articula ces mots un à un. D'une voix rauque et tendue. Comme pour s'en convaincre lui-même.

Une nouvelle fois, Mick était complètement abasourdi. " Quoi ? "


Ryô ne répondit pas. Il remarqua alors son verre vide et se demanda quand il l'avait terminé. Alors mécaniquement, il héla une serveuse pour qu'elle lui en apporte un autre. Il avait besoin de réconfort et l'alcool était le seul remède qu'il avait trouvé. Les femmes, autre que Kaori, ne lui était d'un aucun secours. Elles ne l'intéressaient pas.


" Merde Ryô ! Qu'est-ce que tu as voulu dire... Je ne te suis pas..." Mick lança un regard désapprobateur sur le nouveau verre qu'une hôtesse venait d'apporter. Il commanda un café.


" Tu as très bien entendu, Mick... Kaori ne veut plus de moi, et tu vois je crois que je ne peux rien y faire ! "


Irrité, Ryô tapa violemment sur la table au point de faire déborder le café chaud fraîchement servi de Mick.


Bon dieu mais qu'était-il passé dans la tête de sa partenaire pour qu'elle lui dise des choses pareilles ?


" Ne m'approche pas Ryô ! plus jamais ! "


Encore sous le choc, Ryô ferma les yeux et se passa les mains sur son visage fatigué. Il laissa échappé un soupir de lassitude. Kaori ne pouvait se douter combien ces mots l'avaient blessé. Combien ces mots l'avaient totalement anéanti.


Oui. Lui. Le grand. Le fort. L'impitoyable Ryô Saeba. L'homme qui avait survécu à la guérilla. A la poussière d'ange. A l'appel des balles. A ce monde violent et haineux.


Qui pourrait se douter qu'il était complètement paumé sans la femme qu'il aimait ?


Qu'il était un être incapable de faire face à ses propres sentiments alors qu'il était capable de désamorcer en trente secondes une bombe atomique qui menaçait de détruire Tokyo et ses alentours ?


Il se sentait tellement impuissant. Tellement perdu. Tellement seul.


Kaori était sa lumière. Et sans elle, il retournait dans l'ombre et l'indifférence.


Ryô rouvrit les yeux et ressentit le besoin de penser à autre chose. Il attrapa son verre et s'apprêtait à le boire lorsque Mick posa sa main sur son bras. " Tu ne crois pas que tu as assez bu ? "


Ryô eut un sourire moqueur et tenta de répondre avec désinvolture " J'ai arrêté de compter lorsque que cette jolie petite hôtesse a commencé son service !" Ryô pointa du doigt la fille que Mick avait trouvé à son goût en début de soirée et lui fit un clin d'œil complice. L'effet fut immédiat. La demoiselle rougit jusqu'aux oreilles.


Mais Mick s'en fichait pas mal de cette fille. Il voulait éclaircir les choses. " Bordel, Ryô... Je ne te crois pas ! Kaori est amoureuse de toi depuis qu'elle a quinze ans ! On ne passe pas de l'amour à la haine en si peu de temps !"


Troublé par ce qu'il venait d'entendre, Ryô se remémora la dernière fois qu'il avait vu Kaori. Alors qu'il était sur le point de lui exprimer toute la tendresse et l'amour qu'il ressentait pour elle, elle l'avait rejeté. Tout bonnement et simplement repoussé. Avec une violence mal dissimulée d'ailleurs.


Passer de la haine à l'amour ?


Se pourrait-il qu'à force de l'attendre, la colère et la rancœur aient pris la place de l'amour et de la tendresse ?


Si rapidement ? Si facilement ?


Mais peut-être est-ce de sa faute après tout ? Huit ans à attendre un ou deux mots gentils. Un geste tendre. Un regard caressant. Elle s'était lassée. Elle avait renoncée. Tout simplement.


Ou alors avait-elle eu peur de lui ? De sa fougue ? De son ardeur ?


Cette question trottait encore et toujours dans sa tête. Ryô s'était toujours comporté comme un homme simplement guidé par ses besoins et ses désirs. A cent lieux de l'image d'homme romantique et du prince charmant. Non, la vérité était tout autre. Il était un être instinctif. Un peu animal. Affamé. Passionné. Ardent. Tout le contraire de sa douce Kaori.

Un coup de coude dans les côtes et Ryô revint sur terre.

" Rassure-moi Ryô... Ça n'a rien à voir avec cet homme que tu disais qu'elle avait rencontré... ? " , questionna Mick en épongeant avec une serviette en papier le liquide noir qui s'était répandu sur la table.

Ryô se sentait mal à l'aise. Mick était trop curieux et toute ces questions commençaient à l'exaspérer. Il aurait été tellement plus facile de penser que Kaori était partie pour un autre homme que lui. Mais il n'en était rien.

Rongé par la jalousie et l'inquiétude, Ryô avait mené sa propre enquête et n'avait rien trouvé qui puisse confirmer ces soupçons. Il n'y avait pas d'autre homme dans la vie de sa partenaire et Ryô aurait du en être soulagé. Mais ce n'était pas le cas. Loin de là.


Elle était vraiment partie à cause de lui.


" Hé Ryô ! Réponds-moi... je veux savoir quel genre d'homme a pu mettre la main sur une fille aussi extraordinaire que Kaori !"


Ryô en avait plus qu'assez de cette conversation. Il avait envie de se saouler pour oublier, et de tenter sa chance auprès d'une jolie fille. " Il n'y a aucun homme, Mick !... Comment veux-tu qu'une fille aussi peu féminine se trouve un mec !" Ryô fit un petit signe à l'hôtesse de tout à l'heure, lui intimant de le rejoindre à sa table.


" Dégage Mick... je crois que cette jeune demoiselle me trouve irrésistible ! ", susurra Ryô avec une pointe de perversité dans la voix.


Avant de quitter l'établissement, Mick jeta un dernier regard à son ex-partenaire et mi de toujours. Il n'était pas dupe. Ryô allait mal. Très mal. Il lui faisait même pitié. Et il se doutait que de son côté, Kaori devait éprouver les mêmes souffrances.


Si proches et si loin à la fois.


Dans un dernier soupir, Mick releva le col de son imper et s'engouffra dans la froideur de la nuit.


La jeune femme posa un regard à la fois perplexe et amusé sur l'homme lamentablement avachi sur la banquette rouge. Elle fronça les sourcils. Il était vraiment bien entamé cette fois-ci. Bien plus que les autres soirs.


" Monsieur Saeba, vous désirez peut-être autre chose ? ", l'hôtesse prit une voix suave et caressante.


Ryô ouvrit un œil puis l'autre. La question était pleine de sous entendus et Ryô profita pour détailler cette jolie personne des pieds à la tête. Brune. Les cheveux courts. De grands yeux couleurs noisettes. Les joues un peu rouges. Elle ressemblait à Kaori. Mais ce n'était pas elle. Ryô la regarda avec un mélange d'avidité et de dépit.


Mais rien ne se passa. Pas la moindre petite réaction. Son corps et son cœur ne désiraient qu'une chose : Kaori Makimura.


" Monsieur Saeba, vous ne voulez vraiment rien ? ", la voix de la serveuse trahissait sa déception de n'avoir provoqué aucune envie chez lui. Malgré lui, Ryô se mit à sourire. " Si, si... bien sûr " La jeune fille reprit espoir. "Apportez-moi une... bouteille de Whisky. "



Café Cat'eye,

Quartier de Shinjuku, Tokyo,



Dring! Dring !


La sonnerie du téléphone résonna avec brutalité dans le silence de la chambre.


Endormie seulement que depuis quelques heures, Kaori se réveilla en sursaut. Les yeux fixaient au plafond et le cœur battant à un rythme frénétique, la jeune mit quelques longues secondes à identifier le bruit de cette agression nocturne et soupira de soulagement lorsqu'elle reconnut la sonnerie du téléphone.


Dring ! Dring !


Le yeux toujours ensommeillés, Kaori chercha d'une main fébrile l'interrupteur de sa lampe de chevet et tout en appuyant dessus, jeta un rapide coup d'œil à son radio-réveil.


Il affichait 4h55.

Qui pouvait bien l'appeler si tard dans la nuit ?


Kaori se figea. Ses pensées se tournèrent tout de suite vers Miki et Falcon.


Avaient-il eu un accident ?


Kaori se sentit tout à coup coupable. Après tout, c'était de sa faute si Miki et Falcon avaient quitté Tokyo pour le week-end. C'était bien elle qui, poussée par un besoin vitale de rester seule pour prendre un peu de recul et de faire le point sur sa vie, leur avait proposé de partir pour en week-end en amoureux.


Dring ! Dring !


D'une main tremblante, Kaori décrocha le combiné et articula d'une voix angoissée.


"Allô !"

" Je suis bien au café Cats' eye ?"


Oh mon dieu, non ! Le cœur de Kaori manqua un battement.


" O... Oui... je... qui est à l'appareil ?"


Les yeux fermés et le poing serré, Kaori attendit la réponse de l'homme.


" Eiji Konami... Le patron de Sunlight Cabaret... Désolé de vous appeler si tard, mademoiselle, mais votre ami est tellement saoul qu'il est incapable de rentrer chez lui... Il faudrait que vous veniez le chercher !"


Kaori, qui n'avait pas trop écouté, laissa échapper un soupir de soulagement. Miki et Falcon allaient bien et c'était tout ce qu'elle avait retenu de la conversation.


" Ma'zelle... J' veux pas avoir de problème moi... J'ai pas réussi à lui dégôter un taxi et c'est un miracle si j'ai pu mettre la main sur votre numéro de téléphone "


Complètement réveillée, Kaori s'assit plus confortablement sur son lit. Elle ne comprenait rien à la situation." Mais de qui parlez-vous ?"


L'homme grommela tout seul puis lâcha rapidement " Ryô Saeba ? C'est un de vos amis, non ? "


Kaori ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit. Un nom résonnait encore et encore dans sa tête.


Ryô.


Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas vu ? Ne lui avait-elle pas parler ?


" Ma'zelle, vous êtes toujours là ?!"


Les mots sortirent machinalement. Sans qu'elle s'en rende vraiment compte.


" Oui... Ne vous inquiétez pas, Monsieur Konami... J'... J'arrive tout de suite."


S'interdisant de penser, Kaori sauta rapidement de son lit et enfila les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main.


Quelques minutes plus tard, vêtue d'un jean et d'un pull noir, la jeune femme vérifia une dernière fois qu'elle avait bien fermé la porte du café avant de se diriger vers sa Fiat Panda verte.


Il ne fallait pas qu'elle réfléchisse. Il ne fallait pas qu'elle pense.


Les mains sur le volant, Kaori prit une grande respiration pour tenter de réprimer vague d'angoisse qui menaçait de l'engloutir toute entière. Elle se passa une dernière fois les mains dans les cheveux et souffla une dernière fois.


Elle mit alors le moteur en route, enclencha la première puis la seconde et se dirigea, le cœur rempli de craintes et de doutes, vers le Sunlight Cabaret.





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