Choco, qui es-tu ?
Chapitre 7 : Une seule nuit
Le lendemain, Choco se rendit au petit parc où l’attendaient Yurika et Kakeru. Encore une fois, elle se précipita dans leurs bras pour les embrasser. Mais cette fois, ni l’un ni l’autre n’en ressentit la moindre gêne. La page était bien tournée pour tous les deux, et leur attirance pour Choco avait fait place à une sincère amitié.
-Mes amis, comme je suis heureuse de vous revoir ! Alors, vous deux, c’est enfin le grand amour ?
-Euh… Kakeru, mon chéri, tu veux bien aller nous chercher quelque chose à boire ? Et prends ton temps. J’ai à parler à Choco.
-Ah, je vois. Des trucs de filles. Bon, je vous laisse tranquilles. À plus, Choco !
Une fois Kakeru parti, Yurika sauta au cou de Choco. Ce qui étonna fort cette dernière, les démonstrations d’affection la gênaient beaucoup, d’habitude.
-Merci, Choco, merci, merci beaucoup. C’est grâce à toi que nous sommes ensemble.
-Oh, je n’ai pas fait grand-chose. Il ne demandait qu’à être poussé un peu et n’a pas trop hésité à te donner ce premier rendez-vous. Mais dis-moi, où en êtes-vous, si ce n’est pas trop indiscret ?
-Eh bien… Ça y est. Nous avons… enfin, tu comprends…
-Non, vous avez fait l’amour ? Raconte, comment c’était ?
-C’était… Oh, c’était fabuleux. Je n’aurais jamais cru ça possible. De telles sensations, de tels plaisirs… J’en ai encore la chair de poule rien que d’y penser.
-J’en suis vraiment très heureuse pour vous. Mais, tu fais attention, au moins ?
-Bien sûr. Ma camériste Bara, qui est censée tout ignorer, m’a été d’un grand secours pour ça. Ma vraie mère n’aurait pas fait mieux. Euh… Choco, j’ai un aveu à te faire…
-Allons bon. Tu m’inquiètes, là. De quoi s’agit-il ? Vas-y, je peux tout entendre.
-Eh bien, pendant longtemps… ne ris pas, d’accord ? Pendant longtemps, sans comprendre pourquoi, j’ai été attirée par toi. Et pourtant, c’est Kakeru que j’aimais…
-Ouf ! Tu me rassures. Pourquoi crois-tu que je te prenais si souvent dans mes bras ? C’était pour te taquiner, car je me doutais un peu de ça.
-Oh la salle bête ! Tu le faisais exprès ! Mais je n’ai jamais compris pourquoi tu…
-C’est simple, ma chérie. C’est tout simplement parce que je suis irrésistible ! Allez, assez plaisanté. Va vite rejoindre ton amoureux. Je suis sûre qu’il t’attend au coin de la rue.
-Mais, et toi ? J’ai des scrupules à te laisser seule alors que nous venons à peine de nous retrouver.
-Ne t’en fais pas pour moi. Je vais bientôt faire des courses avec OnÄ“chan. Allez, sauve-toi vite. Tu dois déjà lui manquer.
Effectivement, Kakeru n’était pas loin, et ils se sauvèrent main dans la main à la recherche d’un coin tranquille pour cacher leurs baisers et leurs caresses.
Chitose était ravie que Choco l’accompagne pour les courses, comme elle le faisait avant qu’elle se mette avec Haruma. Choco lui avait beaucoup manqué à elle aussi et elle pouvait à présent l’appeler « petite sœur », ce qu’elle n’osait faire auparavant. Bien sûr, Choco souffrait de sa présence, mais en même temps, elle était heureuse du bonheur de sa rivale. Elle aurait souvent à supporter cette souffrance, mais s’y était préparée.
-Dis, petite sœur, que dirais-tu de dîner tous ensemble ce soir pour fêter ton retour ? Je me chargerai du repas. Tu veux bien prévenir Makoto-san ? Je suis sûre qu’elle sautera sur l’occasion.
-C’est une très bonne idée, OnÄ“chan. Ça fait longtemps que nous ne l’avons pas fait.
Le dîner fut très joyeux et l’atmosphère détendue fit oublier un moment à Choco sa peine. Pour l’occasion, Haruma lui permit exceptionnellement de boire une petite gorgée de bière. Choco en fut ravie, mais le regretta aussitôt. Comment pouvaient-ils boire quelque chose d’aussi dégoûtant ? Pour faire passer l’amertume de cette boisson, elle prit d’affilée plusieurs verres de jus d’orange. La réaction de Choco fit bien rire les trois adultes.
-Alors, Choco, j’espère que tu as compris, cette fois. Tu pourras boire quand tu auras au moins vingt ans ! En attendant, continue aux jus de fruit.
-Ne t’inquiète pas, OnÄ«chan, je ne suis pas prête de recommencer. Quelle horreur, cette bière !
Cette nuit encore, Haruma dormit chez Chitose, aussi Choco put-elle s’abandonner sans retenue à son chagrin. Il semblait si heureux avec Chitose qu’elle en avait le cœur serré.
Les jours succédèrent aux jours, les mois aux mois et deux ans passèrent ainsi sans qu’on s’en rendît compte. Choco partageait son temps entre la pension et ses visites à sa mère. Elle était devenue une ravissante jeune fille et elle faisait la fierté et le bonheur de Yumiko. Leur relation s’était bien approfondie, et Choco se sentait presque prête à lui parler de ce qui la tourmentait. La seule chose qui la retenait encore était que sa mère soit choquée par cet aveu. Après tout, elle considérait Choco comme la petite sœur de son fils, même si elle savait qu’ils n’avaient aucun lien de sang.
Et puis un jour, l’inconcevable se produisit. Choco était assise sur un banc du petit parc lorsqu’elle vit venir à elle l’assistante du Père Noël, celle-là même qui l’avait amenée à Haruma.
-Bonjour, Choco. C’est bien ainsi qu’on t’appelle ?
-Oui. Mais qui êtes-vous donc ? Est-ce qu’on se connaît ?
-Il y a trois ans et demie, j’étais assise ici même à broyer du noir, et tu m’as offert un gâteau pour me remonter le moral, tu t’en souviens ?
-Ah oui ! Je vous avais même donné la part d’OnÄ«chan ! J’ai été très gênée quand je l’ai vu après.
-Et il t’a dit qu’il avait déjà reçu le plus merveilleux des cadeaux, n’est-ce pas ? Ce cadeau, c’était toi. Mais je dois t’annoncer quelque chose. Tu n’as été offerte comme petite sœur que pour une durée limitée à 5 ans.
-Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? Je vais à nouveau disparaître ? Que se passera-t-il après pour moi ?
-Au matin du 25 décembre de cette année, tu retourneras dans l’atelier de Santa-san. Ta mémoire sera effacée, tu seras rajeunie et à nouveau offerte comme petite sœur à celui qui l’a commandée il y a dix ans. Toute trace de toi va disparaître ainsi que ton souvenir dans la mémoire de ceux qui t’ont connue.
-Il ne me reste donc que six mois à « vivre ». Mon journal aussi va disparaître ?
-Oui, cette fois nous ne l’oublierons pas comme la dernière fois.
-Encore une question : est-il nécessaire que je reste vierge ? Parce que, je suis amoureuse et…
-Bon, disons que je n’ai rien entendu et que je ne suis pas au courant. Je ne te refuserai pas ce dernier bonheur. De toute façon, tu n’en auras aucun souvenir après. C’est moi qui viendrai te chercher.
Choco était choquée par cette annonce et décida de n’en rien dire à Haruma. Elle savait à présent ce qu’il lui restait à faire. La seule personne à qui elle pouvait en parler était… sa mère. Elle seule pourrait comprendre et elle allait pouvoir enfin lui avouer ce qui la faisait tant souffrir. Elle se rendit donc encore une fois à Nagano pour y soulager son cœur. Comme d’habitude, Yumiko l’attendait à la gare. Dès qu’elle descendit du train, Choco se jeta dans les bras de sa mère.
-OkÄsan, comme ça me fait du bien de te revoir !
-Moi aussi, ma chérie. Tu commençais à me manquer. Mais viens, rentrons à la maison.
-OkÄsan, il va falloir qu’on discute sérieusement. J’ai… quelque chose d’important à te dire.
Le cœur de Yumiko se mit à battre plus vite. Allait-elle enfin se confier à elle, lui dire ce qui la tourmentait depuis si longtemps ? Elle serait prête à l’écouter et à la réconforter, comme une mère avec sa fille, ce qu’elles étaient vraiment devenues au fil du temps.
Une fois arrivées, Choco voulut parler tout de suite, tant qu’elle en avait encore le courage.
-OkÄsan, tu sais dans quelles circonstances je suis apparue dans la vie d’OnÄ«chan et la tienne.
-Oui, et je remercie le ciel tous les jours de m’avoir fait un si merveilleux cadeau.
-Eh bien, j’ai appris dernièrement que je n’étais sur Terre que pour une durée de 5 ans. Ce qui veut dire que le jour de Noël, au petit matin, je disparaîtrai.
-Mais c’est affreux, ce que tu me dis là. Qu’allons-nous devenir, nous qui t’aimons tant ? Comment vais-je pouvoir être heureuse sans ma fille chérie.
Des larmes coulaient sur les joues de Yumiko. Choco se précipita dans ses bras.
-Ne pleure pas, OkÄsan. Je disparaîtrai aussi de la mémoire de tous ceux qui m’on connue. Pour vous, ce sera comme si je n’avais jamais existé. Mais j’ai autre chose à t’avouer, et il n’y a qu’à toi que je peux le dire.
-Tu peux tout me dire, ma chérie. Je sais que quelque chose te fait du mal. C’est à ce sujet ?
-Oui. Voilà, depuis longtemps, je… j’aime OnÄ«chan. Je l’aime non plus comme un frère, mais comme l’homme qu’il est. Mais je suis trop jeune pour lui, et il m’a toujours vue comme sa petite sœur. Je ne te fais pas horreur, dis…
-Non, ma chérie. Et je comprends maintenant à quel point tu as dû souffrir. Il est vrai que vous n’êtes pas réellement frère et sœur, et je me demande si de son côté… Tu sais, j’ai remarqué la dernière fois de quelle façon il te regarde. Alors, peut-être que lui aussi…
-Tu crois que lui aussi pourrait m’aimer ? Ce serait formidable. Mais il est trop tard maintenant, puisque bientôt je ne serai plus là. Heureusement, il aura toujours Kanrinin-san.
Choco se sentait soulagée d’avoir confié son secret à sa mère et d’avoir été réconfortée par elle.
Yurika avait découvert par hasard dans le petit bois derrière sa résidence un vieux pavillon de chasse. L’intérieur était délaissé, mais la chambre était encore en bon état, et la salle de bain attenante avait toujours l’eau courante. Quels amours défendues avait-il abrité dans le passé, elle ne saurait le dire. Mais pour elle, c’était inespéré. Il pourrait servir de nid aux amours tout aussi interdites de Kakeru et elle. Ils s’y retrouvèrent donc la nuit, une fois tout le monde endormi et ne se séparaient que juste avant l’aube. Bara avait surpris le manège de la jeune fille, mais jugea bon de ne pas lui en parler. C’était assez risqué, étant donné la proximité de la résidence, mais tant qu’ils prenaient suffisamment de précautions, il n’y aurait rien à dire.
Haruma avait commencé sa dernière année d’études, et si ses résultats n’étaient pas extraordinaires, ils étaient pour le moins honorables. Il se montrait toujours attentionné et tendre avec Chitose, que d’une certaine façon, il aimait vraiment. Mais au plus profond de lui, son attirance pour Choco n’avait pas disparu. Elle s’était même amplifiée et le faisait souffrir silencieusement. Personne, pas même Choco, avec qui il se forçait à se conduire en onÄ«san, n’aurait pu s’en douter. Personne, sauf Makoto qui n’avait pas les yeux dans sa poche. Voir ces deux jeunes s’aimer en secret chacun de son côté lui semblait un énorme gâchis. Un jour, elle se décida à secouer Haruma.
-Haruma, combien de temps crois-tu que tu vas pouvoir tenir comme ça ?
-Qu’est-ce que tu veux dire, par là ? Explique-toi.
-Ne joue pas au plus fin avec moi. Tu es amoureux de Choco. Ose dire le contraire !
-Arrête ce délire, c’est ma petite sœur, tu as oublié ? Je ne suis pas ce genre de types !
-Ne me prends pas pour une imbécile. Je sais qu’elle a été adoptée par tes parents, donc que vous n’avez aucun lien de parenté.
Haruma blêmit. C’est sûrement Choco qui lui avait dit ça. Mais pourquoi ?
-C’est Choco qui t’a raconté ça ? Et puis en quoi ça te regarde ?
-Tu n’as jamais remarqué que la pauvre chérie se meurt d’amour pour toi ? Comment être aveugle à ce point ?
Elle m’aime ? Elle m’aime et elle me l’a caché jusqu’à présent ! Mais pourquoi a-t-elle aidé Chitose à me séduire ? Pourquoi s’être ainsi sacrifiée ?
-Oui, elle t’aime au point de s’être sacrifiée pour te pousser dans les bras de Kanrinin-san. Pour que tu ne reste pas seul, car elle croyait que jamais tu ne pourrais l’aimer comme une femme. Alors, que comptes-tu faire à présent ?
-Que veux-tu que je fasse ? Briser le cœur de Chitose en la quittant pour Choco ? Elle ne mérite vraiment pas ça. Et puis, je l’aime aussi.
-N’essaie pas de ménager les deux. L’une va forcément souffrir, et pour l’instant, c’est Choco.
Haruma fut incapable de prendre une décision et le temps passa sans que change la situation. Enfin arriva le jour du réveillon de Noël. Le cinquième et dernier pour Coco. Encore une fois furent réunis tous les pensionnaires ainsi que Yurika et Kakeru. La fête fut aussi joyeuse et réussie que les années précédentes. Avant la fin de la soirée, Choco fit une étrange requête à Haruma.
-OnÄ«chan, promets-moi de passer la nuit ici. J’ai quelque chose de très important à te dire.
-C’est que, Chitose et moi avions prévu de…
-Je t’en prie, OnÄ«chan, je ne te le demanderais pas si ce n’était pas important. Tu veux bien ?
-Bon. Finalement, ça nous reposera un peu tous les deux. Bien, je vais prévenir Chitose.
Une fois tout le monde parti, et après avoir pris leur bain, Haruma vit avec stupeur que Choco n’avait sorti qu’un seul futon, le sien.
-Pourquoi n’as-tu sorti que mon futon. Aurais-tu l’intention de dormir avec moi ?
-Pas seulement dormir, OnÄ«… Non, Haruma. Cette nuit, nous ne serons pas un frère et sa sœur, mais un homme et une femme. Seulement Haruma et Choco.
-M-Mais… pourquoi as-tu décidé ça juste ce soir ? Que va-t-il se passer ?
-Demain, très tôt le matin, je vais disparaître, et cette fois définitivement. Je ne t’ai été offerte que pour une durée de 5 ans. Je l’ai appris dernièrement. Et vous n’aurez tous plus aucun souvenir de moi. Alors, je t’en prie, cette nuit, donne-la moi. Aime-moi comme la femme que je suis, de toutes tes forces. Je sais que je t’attire, je l’avais bien compris. Aussi, Haruma…
Elle s’approche de lui et le prend dans ses bras.
-Choco, on ne devrait pas. Et Chitose, tu y penses ?
-Dès demain, tu lui appartiendras sans réserve. Tu pourras l’aimer comme elle le mérite. Mais cette nuit, cette seule nuit, sois à moi seule.
Haruma cessa de résister. Il n’en avait plus la force ni l’envie. Il la déshabilla, se déshabilla à son tour, puis, la soulevant dans ses bras, il la porta sur le futon où il s’allongea près d’elle. Il admira un instant ce corps qu’il connaissait si bien pour l’avoir vu souvent nu. Il en connaissait les moindres détails. Ses petits seins aux tétons roses, qu’il rêvait de caresser et d’embrasser. Les fossettes au dessus de ses fesses, le grain de beauté à l’intérieur de sa cuisse droite, le mont de Vénus légèrement ombragé d’un duvet soyeux. Il se pencha vers elle et lui offrit ce premier baiser dont elle avait si souvent rêvé. Il se promit de faire de son unique nuit d’amour quelque chose qui, en d’autres circonstances, aurait été inoubliable. C’est avec beaucoup de douceur et de précaution qu’il fit d’elle une femme. Puis il mit toute son ardeur et son amour pour lui faire ressentir des plaisirs qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Ils firent l’amour la plus grande partie de la nuit, puis, épuisés, ils finirent par s’endormir. Avant de s’endormir, Choco, le cœur débordant de bonheur, déposa un dernier baiser sur les lèvres d’Haruma.
Merci, OnÄ«chan. Je peux à présent disparaître sans regret. Merci de m’avoir offert la plus merveilleuse nuit de ma courte vie.
Tôt le lendemain matin, il fut surpris de se réveiller dans son futon. Ce qui le sidéra encore plus, c’est de s’apercevoir que son pyjama et son caleçon se trouvaient à l’autre bout de la pièce, et qu’il était nu comme un ver. Enfin, en regardant l’intérieur du futon, il y vit une petite tache pourpre.
On dirait du sang. Pourtant, je n’ai aucune blessure nulle part. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?
Il ne pourrait jamais répondre à ces questions, car Choco avait totalement disparu, comme si elle n’avait jamais existé.