Elementary

Chapitre 13 : Révélations, une noirceur qui grandit...

7541 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/03/2021 16:17

 

 

 

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Chapitre 13

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Seuls, l'un contre l'autre et emmitouflés dans des couettes bien chaudes, Shaolan et Sakura dormaient paisiblement alors que les rayons du soleil commençaient à les illuminer doucement. Leur respiration, calme et légèrement sifflante, tenait un même rythme, en parfaite harmonie. Le silence et la sérénité dominaient cette pièce où un jour nouveau se levait quand...

« Kyyyyyaaaaaaah ! »

Hurlant à s'en briser les cordes vocales, Meiling, en furie, se tenait dans l'entrée de la chambre. Ce cri retentissant avait amplement suffi pour réveiller les deux adolescents en sursaut.

« Qu’est-ce que… toi ? » bredouilla Sakura, totalement désorientée, alors que Shaolan se contentait de lâcher un son plus proche d’un grognement que de paroles réellement audibles.

« Vous... cracha Meiling, plus sombre que jamais. Vous faites quoi ensemble dans un même lit ? »

La jeune aquavia laissa son regard vagabonder dans la pièce, rassemblant les éléments peu à peu. Elle tentait de comprendre la scène. N'étant pas du genre matinal, il lui fallut beaucoup d'efforts pour cerner où se trouvait le problème. Elle regarda Meiling. Elle semble en colère. On dirait presque qu'elle veut me tuer... non ? Sakura se frotta les yeux puis tourna son regard à côté d'elle où elle put voir Shaolan, torse nu. Lui, il semble plutôt... stupéfait ? Non... ce n'est pas vraiment ça... contrarié ? piégé peut-être ? ou un mélange des trois plutôt ? Elle se frotta la tête, faisant voyager ses yeux entre Meiling et Shaolan.

Soudain, une lumière traversa son esprit. Comprenant ce que pouvait imaginer Meiling, le rouge lui vint aux joues de manière spectaculaire ! Et cette réaction eut pour effet de conforter la pauvre cousine dans ses soupçons, la faisant grimper davantage dans son animosité.

« Ce... Ce n'est pas ce que tu crois, Mei… tenta Shaolan en se levant du lit brusquement.

– Oh, je pense qu'au contraire, c'est tout à fait ce que je pense ! Regarde comment elle rougit celle-là ! Et tu veux encore me faire croire qu'il ne s'est rien passé ? s'énerva-t-elle, de plus en plus agitée.

– C'est juste qu'elle est gênée par la situation ! Elle voulait juste de la compagnie hier, rien de plus !

– Et il y avait besoin de la prendre comme ça dans tes bras alors que tu es à moitié dénudé ? » s'écria-t-elle, agacée d'être prise pour une idiote.

Shaolan eut un mouvement de recul. Il ne savait plus quoi dire. Jamais il n'avait vu Meiling aussi en colère... Et, au fond, il comprenait pourquoi elle s'emportait de cette façon. Lui aussi se serait fait des idées s'il avait surpris deux personnes de sexe opposé partageant le même lit et dans une telle position. Mais tout s'était fait si naturellement la veille... À aucun moment il n'avait pensé à de quelconques répercussions. Et maintenant, il devait payer les conséquences de son manque total de réflexion.

« Désolé, Mei... Je...

– N'en dis pas plus. » le coupa-t-elle.

Shaolan se stoppa et regarda sa cousine, sans plus savoir quoi faire. Meiling, pleine de rage, fixait Sakura avec des yeux menaçants. Celle-ci, en réaction, ne put rien faire d'autre que de remonter la couette contre sa poitrine, comme s'il y avait là quelque chose de honteux à cacher. En vérité, elle ne savait pas ce qu'elle devait faire. Tout était allé si vite et elle avait du mal à comprendre la relation qui liait Meiling et Shaolan... En participant à cette altercation, elle avait l'impression de s'immiscer dans une intimité qui ne lui était pas permise. Elle se contentait donc d'observer Meiling, sans dire quoi que ce soit. Elle la regardait droit dans les yeux, sans fuir, mais sans non plus chercher à être provocatrice. Elle savait qu'elle n'était pas en position pour l'être.

Meiling, devant le peu de réaction de Sakura, resserra ses poings avec véhémence, se retenant ainsi de faire un geste qu'elle pourrait regretter. Ce n'était pas qu'elle estimait Sakura, bien au contraire, elle la haïssait profondément, c'était un sentiment on ne peut plus clair dans son esprit maintenant. Mais elle savait que si elle ne posait ne serait-ce qu'un petit doigt sur elle, Eriol, ou plutôt Clow Reed, n'hésiterait pas à le lui faire payer très cher. Sakura était comme une déesse sacrée. C'est stupide... La furie se concentra pour garder son sang-froid et, une fois qu'elle parvint à se calmer, elle se détourna pour sortir de la chambre, gardant un silence des plus glaciaux avec elle.

Shaolan tendit la main comme s'il désirait la rattraper mais il se ravisa. Il savait qu'elle avait besoin d'un peu de temps pour se calmer et que, dans l'état où elle était, elle ne pourrait en aucun cas s'ouvrir au dialogue. Elle resterait bornée sur sa position et s'énerverait inutilement, il ne la connaissait que trop bien.

Une fois que Meiling eut disparu quelque part dans le couloir, un malaise persista entre Shaolan et Sakura. Peut-être parce qu'aucun des deux ne savait comment repartir sur une conversation normale après une telle scène... Ce fut finalement Shaolan qui fit le premier pas, sans non plus avoir la force de la regarder dans les yeux.

« Désolé pour ça... Je parlerai avec elle, ne t'inquiète pas.

– Mmh. »

Sakura avait presque ancré son regard sur cette couette qu'elle avait tout juste remonté. Pourquoi je me suis recouverte ? se demandait-elle, perplexe. Elle avait eu cette réaction comme un automatisme mais elle ne la comprenait pas. Elle n'était pas nue, alors qu'avait-elle voulu cacher ? Étrangement, ce sentiment la perturbait. De quoi avait-elle eu honte ? Ils n'avaient pourtant fait de spécial. Ou peut-être que si ? Devait-elle culpabiliser d'avoir été découverte dans cette situation ? Sakura resserra un peu plus ses doigts autour de sa couette.

« Tu es sûre que ça va ? » demanda Shaolan qui s'était approché d'elle sans qu'elle s'en soit rendue compte.

Surprise par cette soudaine proximité, Sakura eut un mouvement de recul puis tourna instantanément le regard, les joues rougissantes. Pourquoi j'agis comme ça ? On dirait une gamine... Elle détestait perdre le contrôle d'elle-même comme ça. Elle ne voulait pas que Shaolan la voit comme ça.

« Je suis désolé. »

Ces trois mots, ces simples mots, suffirent à extirper Sakura de ses pensées. Pourquoi ?... Elle releva le regard et croisa les yeux de Shaolan. Celui-ci semblait vraiment souffrir. Elle ne pouvait pas laisser passer ça.

« Je suis désolé... Peut-être que j'aurais vraiment dû dormir sur le canapé hier. Tu étais certainement trop vulnérable hier... Je ne voulais en aucun cas profiter de cette occasion. C'est juste que tu semblais si triste à l'idée d'être seule... Mais j'imagine que j'aurais dû résister, alors... excuse-moi. »

Sakura continuait de le regarder, les yeux écarquillés. Pourquoi ressent-il toujours le besoin de s'excuser alors même qu'il n'est pas en tort ?

« … à vrai dire, j'ai encore du mal à m'habituer aux coutumes humaines. Les relations entre les deux sexes semblent si compliquées pour vous. Il y a tellement d'étapes à respecter si on ne veut pas paraître trop brusque... Je...

– Pourquoi ? se demanda-t-elle, cette fois à haute voix.

– Pourquoi ? » répéta Shaolan, un peu hébété.

Sakura plaça soudainement une main devant sa bouche, se rendant compte qu'elle avait parlé sans même s'en rendre compte. D'abord paniquée, elle finit par se calmer en voyant le visage interrogateur de Shaolan. Lui aussi semblait vouloir des réponses, et ce n'était certainement pas en restant dans un silence inutile et futile qu'ils pourraient avancer.

« En fait, reprit-elle d'une voix douce, je me demandais pourquoi tu t'excuses toujours ? Quand je t'ai demandé si tu voulais dormir avec moi hier, c'était bien ma décision, et non pas la tienne. Donc, si quelqu'un doit réellement s'excuser pour cette situation, c'est moi. Pas toi. »

Shaolan, devant de telles paroles, resta figé quelques instants avant de se laisser tomber sur son siège de bureau. Il lâcha un soupir monumental en face d'une Sakura totalement déconcertée devant une telle réaction.

« Alala... Et moi qui pensais que je t'avais blessée ! C'est vraiment difficile de savoir ce que tu penses en fait. » ronchonna-t-il, l'air un peu bougon.

Il avait une telle mine d'enfant vexé que Sakura ne put s'empêcher de rigoler. Elle trouvait ça amusant que Shaolan travaille autant à deviner ses pensées. Il est plus attentionné qu'il veut le laisser paraître, on dirait... Elle se sentait un peu touchée. Elle avait l'impression qu'il lui offrait la possibilité de découvrir des facettes de sa personnalité qu'il avait l'habitude de garder bien cachées. Comme si elle était une privilégiée à ses yeux...

« Personne n'est facile à déchiffrer tu sais, et le temps que tu ne poseras pas les bonnes questions, tu auras toujours tendance à mal interpréter, expliqua Sakura avec un petit sourire.

– Tu as sans doute raison, acquiesça Shaolan en lui offrant aussi un beau sourire en retour.

– N'hésite pas si tu as d'autres questions à propos des émotions humaines, après tout, d'après ce que j'ai compris, je garde le rôle de l'humaine depuis bien plus longtemps que toi, non ? le taquina-t-elle doucement avant de se lever à son tour.

– Ah... oui. »

Shaolan avait répondu sans réellement faire attention à ce que venait de lui dire Sakura. Il avait perdu le fil de la conversation dès le moment où la jeune fille avait commencé à s'extirper de ses draps. Il pouvait à nouveau voir l’hypnotisante nuisette noire que Sakura portait si bien. À la lumière du jour, elle semblait encore plus belle. Il pouvait voir les détails de la dentelle sur le décolleté, mais aussi sur le bas du vêtement... Les bretelles paraissaient si fragiles, comme si le moindre mouvement brusque aurait pu les arracher en un instant. En un instant... Shaolan se secoua la tête énergétiquement. Non mais à quoi tu penses encore là, arrête tout de suite ! se réprima-t-il, énervé intérieurement. Sa propre cousine venait de partir, plus énervée que jamais, et lui il pensait à... ce genre de choses. Il se sentait tout bonnement damné.

« Ça va aller ? demanda Sakura qui était sur le point de partir de la chambre.

– Oui, oui... T'inquiète. Tu vas où ? la questionna-t-il, encore un peu à l'ouest.

– Je vais juste me laver un coup et m'habiller, pourquoi ? On a cours je te rappelle, on devrait se dépêcher si on ne veut pas arriver en retard.

– Ah... oui, c'est vrai. Vas-y, je vais... oui, vas-y. » bégaya-t-il, fronçant les sourcils devant sa propre confusion.

Sakura se mit à sourire à nouveau, amusée par la soudaine vulnérabilité de Shaolan. Il serait presque mignon comme ça... se dit-elle. Elle sortit finalement, prenant la direction de la salle de bain sans attendre. Au moment où la porte se referma, Shaolan se laissa tomber sur son lit. Il n'était pas habitué à ressentir autant d'émotions alors qu'il venait à peine de se réveiller. D'un côté, il était vraiment frustré que Meiling soit partie avant même qu'il puisse lui donner la moindre explication convaincante mais, d'un autre côté, il était incroyablement heureux. Heureux... et confus. Confus d'être aussi heureux en fait. Il avait dormi avec Sakura. Il l'avait prise dans ses bras. Il lui avait confié son passé, ses faiblesses. Elle l'avait écouté, réconforté.

Inconsciemment, il replaça sa main sur sa joue, exactement à l'endroit où Sakura avait elle-même posé sa main. Sakura... Étrangement, ce prénom lui semblait plus beau, plus doux, plus désirable. Avant même qu'il ait pu prendre le contrôle de lui-même, il s'était mis à ressentir ces sentiments qu'il n'aurait certainement jamais connus dans la société des Elementary. Décidément... Qu'est-ce que tu me fais, Sakura ? Il plongea son visage dans ses paumes de main grandes ouvertes. Comment allait-il gérer ça ? Est-ce qu'il devait ne serait-ce que s'autoriser à ressentir de telles choses ?

 

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« Ouvre-moi tout de suite ! hurlait Meiling, à bout de souffle, valise à la main. Ouvre-moi je t'ai dit ! »

Elle frappait frénétiquement à la très large porte de ce grand manoir qu'habitait Eriol. La grande bâtisse avait l’allure de ces grandes maisons de la noblesse britannique et, malgré son air sinistre et sombre, elle paraissait très luxueuse, non seulement par sa taille mais aussi par les ornements et les détails de la façade. Meiling, emportée par ses émotions, semblait possédée, presque folle tant sa rage était grande. Et, alors que les mains de la jeune fille commençaient à être douloureuses, la porte finit par s'ouvrir d'elle-même dans un grincement des plus désagréables. Meiling resta interdite quelques instants, se demandant s'il s'agissait bien d'une invitation à entrer.

Puis, quand elle se décida enfin à faire quelques pas à l'intérieur de la maison, la porte se referma toute seule comme elle s'était ouverte. Meiling se retourna pour fixer cette porte, l'air inquiet.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé de si important pour que tu te mettes à beugler devant ma porte de si bon matin ? » demanda une voix aussi lugubre qu'angoissante.

Un long frisson prit Meiling, comme si le danger venait tout juste de s'immiscer sous son épiderme. Elle chercha le porteur de cette voix si terrifiante et ne fut pas étonnée de voir Eriol, en haut d'un immense escalier, habillé d'un simple peignoir bleu marine. Il dégageait une aura si menaçante et maléfique qu'elle ne put s'empêcher de faire quelques pas en arrière, tentant vainement de prendre une distance de sécurité. C'était dans ces moments-là qu'elle reconnaissait en lui le monstre qu’il avait toujours été.

« Parle ! insista-t-il, visiblement très agacé.

– Je... je ne peux plus vivre avec Kinomoto et Shaolan... bredouilla-t-elle, soudainement moins confiante.

– Et pour quelle raison ? » la questionna-t-il d'une voix encore plus pressante, comme si son irritation ne cessait de monter en flèche rien qu’en observant cette Meiling hésitante.

L'explosion semblait imminente, elle arrivait. Elle pesait dans l'air.

« Ils... Je les ai vus... Ils ont partagé le même lit.

– Comment ? » s'exclama Clow Reed, effaré.

Sous le coup de la colère, il abattit son poing sur la rampe d'escalier qui céda instantanément. Une vague de chaleur fut expulsée de son corps et vînt frôler la peau de la pauvre nomagis de sa caresse brûlante. Le regard qu'il avait était si sombre que Meiling eut l'impression d'avoir un aperçu des enfers rien qu'en le croisant. Jamais il ne lui avait paru aussi terrifiant qu'à ce moment précis.

« Il l'a touchée ? l'interrogea Clow, le regard fou. Est-ce qu'il a souillé ma Sakura ? Est-ce qu'il a osé faire ça ? Réponds ! »

Meiling fit un nouveau pas en arrière, se retrouvant piégée, le dos plaqué contre la porte.

« Ce... ce n'est pas la faute de Shaolan, tenta-t-elle, le souffle coupé.

– Sakura est pure, jamais elle n'aurait partagé le même lit qu'un homme sans y être forcée ! C'est évident ! C'est ce Shaolan qui est pourri jusqu'à la moelle... Il a décidé de me voler celle qui m'appartient... Comment a-t-il pu... Je vais... »

Meiling sentait sa peur grandir en elle. Non, non... Qu'est-ce que j'ai fait ? Elle aurait facilement pu se l'imaginer mais, dans sa furie, elle avait totalement oublié de réfléchir. Clow venait de diriger toute sa haine contre Shaolan. Lui seul. Elle venait elle-même d'amener son amour sur l’échafaud... La frayeur s'emparait d'elle. Qu'allait-elle faire si Clow décidait de tuer Shaolan ? Pourrait-elle seulement l'en empêcher ? Elle n'était qu'une présumée nomagis... Un être dépourvu de pouvoirs, impuissant. Elle se mit à réfléchir, elle devait trouver un moyen pour que Clow n'ait pas à tuer Shaolan. Pour cela, elle devait se demander quel intérêt aurait Clow à le garder en vie ? Elle ne voyait rien... Mais, alors qu'elle cédait à nouveau à son pessimisme, une idée lui traversa l'esprit.

« Si on sépare Kinomoto et Shaolan, tout rentrerait dans l'ordre, non ? » demanda-t-elle, presque désespérée dans le ton de voix qu'elle utilisait.

Son interlocuteur ne lui répondit pas immédiatement. Il se contenta de la fixer, impassible. Il avait peu à peu repris son calme, comme s'il essayait d'analyser la pertinence de cette proposition.

« Je crois que je n'ai plus le choix... soupira-t-il en descendant les escaliers.

– Quoi ? le questionna Meiling, la peur au bout des lèvres.

– J'aurais voulu attendre encore quelques temps... J'aurais voulu l'observer encore quelques mois, insouciante et pure, mais j'imagine que je n'ai plus le choix maintenant. Si je veux qu'elle reste mienne, il va falloir que je me l'accapare de façon définitive. »

La jeune fille le regardait, interloquée. Elle ne savait plus quoi penser. Elle sentait bien que ce qui allait suivre n'allait pas lui plaire, mais elle avait besoin de sauver Shaolan. Il ne devait plus être en danger, il ne devait plus être aussi proche de cette Kinomoto. Et elle serait capable de tout pour le mettre en sécurité, quitte à blesser à nouveau. La cour des Miracles pourrait penser ce qu'elle veut, elle pourrait la bannir qu'elle s'en ficherait.

« J'espère que tu es prête à m'aider sur ce coup ? finit par l'interroger Clow, la regardant d'un air profondément hautain.

– Si votre plan ne porte pas atteinte à la vie de Shaolan, je serai prête à tout. » affirma-t-elle, donnant corps à sa pensée.

Clow Reed la regarda avec un petit sourire satisfait. Il savait que le temps qu'il maintenait une menace au-dessus de Shaolan, cette petite insouciante serait un animal des plus obéissants. Il n'avait qu'à se retenir de tuer cet arrogant jusqu'à ce qu'il n'ait plus besoin d'elle, c'était aussi simple que cela. C'est toujours bon d'avoir une idiote dans le creux de sa main, toujours... se réjouit-il intérieurement, observant la dite idiote avec une amabilité aussi fausse que forcée.

« Très bien, dans ce cas, préparons-nous à enlever cette chère Sakura... Ainsi, elle ne sera qu'à moi et toi, tu auras la voie libre avec ton... enfin, je pense que tu m'as compris, déclara-t-il avec nonchalance.

– L'enlever ? s'étonna Meiling, abasourdie. Vous dites cela comme si c'était simple. Cette fille est toujours surveillée par Shaolan, il ne la lâche pas du regard !

– Dans ce cas, il faut juste faire en sorte que son regard se porte ailleurs, n'est-ce pas ? supposa-t-il, le sourire aux lèvres.

– Qu'allez-vous faire ? l'interrogea Meiling, effrayée et perplexe à la fois.

– Un tour de magie, un simple tour de magie...

À ces mots, un sourire sardonique se dessina sur les lèvres de l'Elementary. Il n'avait maintenant plus qu'une seule hâte, séparer Sakura de ce Shaolan et ce, de façon définitive. Jamais plus il ne laisserait cet individu poser ses sales pattes sur celle qu'il convoitait depuis tant d'années. La fille de Nadeshiko... Ma Sakura...

 

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« Sakura ! s'exclama Tomoyo en se jetant sur la jeune fille.

– Tu es vraiment pleine d'énergie aujourd'hui Tomoyo, ça fait vraiment plaisir ! » s'enthousiasma la toute jeune Elementary, visiblement aussi joyeuse qu'elle, en serrant son amie contre elle.

Elle venait à peine de franchir l'entrée de la classe que Sakura était déjà aux anges. Voir Tomoyo dans cet état lui suffisait pour lui faire oublier tous ses soucis. Elle était comme une bouffée d'air frais après un été étouffant.

« Oh ça, c'est parce que j'ai une excellente nouvelle !

– Ah bon ? s'étonna Sakura, toujours aussi égayée.

– Oh que oui ! Tu te souviens des photos que j'avais montrées à l'École de photographie de Tokyo ? Celles que j'avais prises de toi, évidemment.

– Euh oui... s'inquiéta soudainement Sakura dont le cursus de joie s'effondrait peu à peu.

– Et bien, je n'avais pas osé te le dire car j'avais peur que tu te mettes en colère mais je leur avais laissé un book entier de photos te concernant...

– Quoi ? s'écria la jeune fille, horrifiée.

– Oui, oui, je sais... Mais bon, ce n'est pas le plus important. Je t'ai gardé le meilleur ! En fait, il y a deux jours, un grand photographe qui donne des cours dans cette école, Abe Okamoto, est tombé sur ce book et a trouvé que mon travail était génial ! Tu te rends compte ? »

Sakura en croyait à peine ses oreilles. Elle regardait son amie sauter sur place, comme si elle venait de décrocher le plus gros lot de la loterie, mais elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas comment elle devait réagir devant une telle situation. Elle était heureuse pour son amie, mais ces photos… exposées contre son gré, restaient un problème.

« Du coup, il va non seulement faire en sorte que je puisse rejoindre l’école dès l’année prochaine, mais je deviendrai aussi son assistante lors de ses rendez-vous professionnels !

– Mais c’est vraiment super, Tomoyo ! » s’exclama Sakura.

Elle était réellement ravie. Et même si elle gardait une petite rancune à l’idée d’avoir été exhibée à des yeux inconnus malgré elle, elle devait bien reconnaître que ce genre de bonnes nouvelles permettait de la faire replonger dans un semblant de normalité. Cela faisait si longtemps qu’elle désirait entrer dans cette école, donc si elle avait lui permis d’accéder à son rêve, simplement en posant sur quelques clichés, elle devait admettre que c’était peu cher payé.

« Et qu’est-ce qu’on va faire pour fêter ça ? demanda Sakura, avec un sourire mutin.

– Je pense que tu as assez bu pour toute une vie avec la dernière fois, hors de question que je te ramasse à nouveau à la petite cuillère. »

Cette voix n'était autre que celle de Shaolan, c'était une évidence. Il était arrivé au lycée en même temps que Sakura mais avait fait un petit détour pour parler avec des camarades de classe. Sakura eut un léger sursaut de surprise avant de se retourner pour le réprimander, lui rappelant qu'il n'était pas très poli de surprendre une personne alors qu'elle était en pleine conversation. Shaolan lui répondait avec nonchalance, énervant encore plus la jeune fille autoritaire. Tomoyo observait calmement cette scène. Ils se sont vraiment rapprochés ces deux-là... pensa-t-elle, un doux sourire aux lèvres.

« Et si j’ai envie de boire, je bois ! Tu n’es pas mon père, Li !

– Li ? répéta Shaolan, en arquant un sourcil, l’air amusé. Tu n’as pas à te montrer aussi formelle uniquement parce que nous sommes en public tu sais… » il avait presque susurré ces derniers mots, pinçant légèrement le menton de la jeune fille pour qu’elle le regarde dans les yeux.

Sakura piqua un fard, avant de le repousser violemment, prise par la gêne.

« Mais ça va pas de dire des choses pareilles ? s’exclama-t-elle, totalement rouge d’embarras.

– T’es trop drôle quand t’es embarrassée, Ki-no-mo-to… »

Shaolan riait aux éclats alors que Sakura continuait à le gronder. Une vraie scène de ménage. Et c’est toujours dans les chamailleries qu’ils avancèrent vers la salle de cours, accompagnés d’une Tomoyo qui ne se lassait pas d’assister à leurs enfantillages.

Le trio finit par arriver en cours, sans trop de dégâts. Si les deux tourtereaux étaient bien trop occupés pour cela, Tomoyo fut bien la seule à ressentir un frisson désagréable en franchissant le pas de la porte. Après avoir balayé la salle du regard, elle tomba sur les yeux sombres d’Eriol. Elle se figea. Il était d’une telle noirceur… Et ce regard assassin se portait sur le duo tapageur.

Tomoyo s’inquiétait. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi, mais elle sentait que ce nouvel élève n’était pas clair… Bienveillant à outrance devant Sakura, puis capable de sortir de telles expressions une fois qu’elle a le dos tourné. Et même si elle sentait bien qu’elle devait se méfier, elle était loin d’imaginer tout ce qui se cachait derrière…

 

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« Alors... J'ai bien mon portefeuille, mon argent, ma carte de fidélité... »

Sakura, d'humeur joviale, s'activait avec sa petite liste. Pour la première fois depuis bien trop longtemps, elle allait pouvoir profiter d'un week-end ordinaire. Enfin, elle allait pouvoir souffler et s'engouffrer dans un univers qui lui rappelait sa douce vie d'adolescente insouciante : le centre commercial. Elle ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'elle avait mis les pieds là-bas, certainement une éternité... pensa-t-elle, avec un soupçon de nostalgie.

À l'origine, le lèche-vitrine était déjà une activité assez plaisante pour elle mais, dans ces circonstances, elle le vivait presque comme un retour aux sources. Pendant l'espace d'une journée, elle ne serait plus une Elementary mais juste Sakura Kinomoto, une jeune fille comme les autres. Satisfaite, elle referma son petit sac à main de cuir noir et le passa à son épaule. Personne ne l'arrêterait.

La veille, quand elle avait reçu le message de Neko-Woo, une marque importante de prêt-à-porter féminin, concernant des ventes privées pour les clients VIP, elle avait sauté sur l'occasion. Sans attendre, elle avait prévenu Shaolan qu'il devrait la laisser tranquille pour ce jour-ci, qu'elle ne voulait rien entendre à propos des Elementary et qu'elle serait d'une humeur massacrante s'il envisageait de l'en empêcher. Étonnamment, le jeune homme ne s'était pas opposé à cette sortie. Il l'avait juste averti, lui demandant d'être prudente parce qu'il ne pourrait pas être là. J'ai une réunion importante avec d'autres Elementary, je reviendrai dimanche dans l'après-midi, avait-il simplement déclaré. Sakura s'était un peu sentie curieuse... D'autres Elementary... C'est vrai que, jusqu'à maintenant, elle n'en connaissait pas des masses. Sa mère en avait été une, elle le savait maintenant, et, à ce jour, elle n'avait que Yelan, Meiling et Shaolan à ajouter à cette liste. Et Wei ? Enfin... Est-ce qu'il est vraiment un Elementary ? Mais, un nom de plus ou de moins ne changeait pas grand-chose. La vérité était qu'elle était encore comme exclue de cette société. Ou du moins, c'est de cette façon qu'elle le ressentait...

Depuis peu, elle avait commencé à se poser des questions. Par exemple, sur ses grands-parents maternels. Jamais elle ne les avait vus, jamais ils n'avaient semblé chercher à la voir. Devait-elle alors croire qu'elle n'était pas la bienvenue dans cette communauté marginale ? Ce n'était pas qu'elle avait spécialement envie d'en faire partie, mais elle ne pouvait nier que cette famille inconnue restait une partie d'elle. D'un point de vue génétique, tout du moins.

Sakura secoua la tête énergétiquement. Centre commercial, centre commercial... Journée normale, journée normale... se répétait-elle mentalement comme une litanie, sans doute pour chasser toutes ces idées de son esprit. Non, elle ne devait pas s'occuper de tout cela, en tous cas, pas aujourd'hui. C'était son jour. Ravivée par une flamme nouvelle, elle sortit précipitamment de la chambre, dévala les escaliers et ouvrit la porte d'entrée avec tout autant d'engouement. Après quelques pas à l'extérieur de la maison, elle tomba nez à nez avec Tomoyo qui elle-même se trouvait en face d'une belle limousine de couleur noire et d'une armée de vigiles bien taciturnes.

« Tomoyo ? s'étonna Sakura qui s'attendait à passer la journée seule.

– Ah, Sakura ! » s'exclama-t-elle en se tournant vers la jeune fille.

La jeune photographe, encore plus enjouée que Sakura, se rua vers elle pour lui saisir les mains avec empressement.

« Tu as entendu parler des promotions chez Neko-Woo, je ne me trompe pas ?

– Euh... oui, répondit Sakura, un peu perplexe. Mais comment tu as été mise au courant ? Je ne t'en ai pas parlé parce que je sais que ce n'est pas le type de vêtements que tu aimes... »

En effet, Tomoyo étant la fille d'une très richissime femme d'affaires à la tête d'une multinationale, elle avait eu des conditions de vie bien plus aisées que la moyenne. Elle avait une superbe maison, des vêtements taillés sur mesure, et des loisirs très loin de ce qu'une personne normale pourrait s'offrir. La seule raison pour laquelle elle avait intégré un lycée public comme celui de Tomoeda c'était parce que Sakura s'y trouvait. Rien de plus, rien de moins.

« J'y ai pris une carte de fidélité parce que je savais que c'était ton magasin préféré, c'est pratique quand il faut te faire un cadeau à ton anniversaire, se justifia-t-elle, les joues rosies. Mais, mettons ça de côté, si je suis là aujourd'hui, c'est pour quelque chose de bien plus important !

– Ah bon ? s'inquiéta légèrement Sakura, redoutant toujours l'imprévisibilité de son amie.

– Oh oui ! s'exclama Tomoyo, les yeux soudainement enflammés. Qui dit journée au centre commercial, dit essayages, et qui dit essayages, dit photos !

Tomoyo sortit soudainement sa caméra, des étoiles pleins les yeux. Elle s'emportait à nouveau, à tel point que Sakura eut un léger mouvement de recul. Elle le sentait très mal.

« On ne pourrait pas juste faire les magasins ? tenta-t-elle d'une voix peu confiante.

– J’ai déjà pris ma caméra et j’ai vidé ma mémoire simplement pour cette occasion… tu ne vas pas me dire que j’ai fait ces efforts pour rien ? demanda sa meilleure amie, avec des yeux luisants.

– C’est injuste d’utiliser ces yeux-là, Tomoyo... »

Elle savait, elle était déjà vaincue.

« Pas du tout, fit mine de s'offusquer la jeune fille, j’utilise juste les cartes qui sont à ma portée ! »

Sakura soupira. Il était impossible de parlementer avec Tomoyo quand elle était dans cet état. Une fois qu'elle avait son idée en tête, il était totalement impossible de la faire changer d'avis. Sans perdre plus de temps, Tomoyo se saisit du poignet de la jeune Sakura et l'entraîna à l'arrière de la sublime voiture de luxe.

« Allons-y maintenant, sinon nous ne serons jamais dans les temps ! Il y a tant de choses à faire ! s'enthousiasma Tomoyo, pleine de joie.

Adieu ma douce journée ordinaire... pensa Sakura d'un air morose.

 

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De son côté, Shaolan, le visage plus fermé que jamais, s'installait dans la tribune qui se trouvait à l'arrière de la grande estrade qui servirait d'auditoire à la jeune Meiling. Il avait rarement assisté à ce type de procès dans la Cour des Miracles, il n'avait jamais trouvé l'utilité de regarder des Elementary en tous genres plaider leur innocence... Même si tous les procès qui avaient lieu dans la société des Elementary étaient ouverts au public, soi-disant par transparence. Cependant, aux yeux de Shaolan, ces procès avaient plus une valeur de divertissement ou encore, dans le meilleur des cas, d'exemple pour ceux qui s'aventureraient à dévier du droit chemin.

Il aurait préféré éviter de faire partie de ce public, il aurait préféré ne jamais assister à ce genre d'événement. Mais, comme il s'agissait maintenant de sa propre cousine, il ne pouvait pas y déroger. Elle avait besoin de sa présence, il le savait. Et ce, même s'il n'avait pas pu lui reparler depuis l'incident de ce matin-là. Il n'avait rien pu lui expliquer. Elle était simplement partie avec sa valise...

Anxieux, il observait le défilé des jurys s'avançait vers leur siège. Des sièges immenses en velours rouge placés en surplomb de l'estrade où Meiling allait bientôt se présenter. Le brouhaha continu des piètres spectateurs qui prenaient place dans la salle commençait à agacer le pauvre Shaolan qui semblait compter les secondes comme de très longues heures... Wei, qui l'avait accompagné, posa une main réconfortante sur l'épaule de l'hybride.

« Ne vous inquiétez pas, je suis persuadé que Mademoiselle Meiling Li a préparé une excellente défense. Elle saura s'en sortir, elle a la force des Li qui coule dans ses veines, ce n'est pas rien. »

Shaolan regarda son majordome sans vraiment réagir. C'était à peine s'il pouvait enregistrer ces paroles qui lui avaient été adressées. Il était bien trop concentré sur cette porte colossale en chêne verni. Il détaillait du regard les dessins qui avaient été sculptés dessus... Tous faisaient référence aux quatre pouvoirs élémentaires et, sur quatre grands volets se trouvaient les allégories de chacun d'entre eux. L'allégorie du feu avait une chevelure ondulée, une silhouette élancée et une position marquée par un léger contrapposto. Celle de l'eau avait, de son côté, de longs cheveux lisses qui enrobaient l'intégralité de sa silhouette, elle possédait un doux sourire, tendre et simple. La représentante de l'air avait quant à elle des cheveux très courts, coiffés dans tous les sens. Elle était habillée d'un semblant de voile qui tombait jusqu'à la moitié de ses cuisses. Et, alors qu'il allait s'attarder sur la dernière allégorie, la porte s'ouvrit enfin et Meiling apparut dans l'embrasure, l'air livide. Shaolan fronça les sourcils. Le moment fatidique était arrivé.

Un profond silence s'installa dans la salle. Tous les regards se tournèrent vers celle qui venait de faire son entrée : Meiling Li. La jeune fille, luttant intérieurement pour ne pas prendre ses jambes à son cou, s'avança timidement vers le centre de l'estrade. Seul le bruit de ses pas se faisait entendre. L'un après l'autre, chacun aussi retentissant que le précédent. Quand elle parvint enfin à l'endroit prévu pour elle, elle leva son regard vers le jury qui lui faisait face. Elle put alors voir les représentants des quatre grandes familles de sang-purs : Lauren Ignirius, Octavia Aquativa, Koryne Aere et Ulys Terrate. Ces familles, très influentes dans la société des Elementary, et appelées les Immaculés, prônaient l'exclusivité d'un pouvoir. Dans l'ordre, le premier était le représentant de la famille du feu, la seconde était celle de l'eau, ensuite, suivaient les meneurs des familles de l'air et de la terre. Enfin, au milieu de ces quatre grandes personnalités, se trouvait Yelan Li. La chef du clan des Elementary, la seule qui pouvait prendre la décision finale, la seule en droit de prononcer le jugement.

Néanmoins, ce pouvoir qui lui avait été conféré représentait aussi une immense responsabilité. En effet, en tant que chef suprême, elle devait être d'une impartialité totale pour être à la hauteur du rôle qui lui était donné. Aucun favoritisme ne saurait être toléré. Yelan n'eut donc pas d'autres choix que de regarder Meiling Li, sa propre nièce, comme une simple étrangère. Une Elementary parmi d'autres.

« En ce jour de la treizième lune, moi, Yelan Li, la cent quatorzième grande dirigeante de notre clan ancestral, déclare l'ouverture de ce procès à l'encontre de la jeune Meiling Li, seule descendante d’un père et d’une mère terravis et présumée nomagis. »

La voix de Yelan, puissante et implacable, résonnait dans la salle, faisant vibrer les âmes trop faibles pour supporter une telle autorité. Une autre voix prit alors la parole, celle d'Octavia Aquavita. Une vieille femme aux traits tirés, à l'air sévère et aux yeux aussi bleus qu'un ciel d'azur.

« Les faits reprochés sont la mise en danger de la vie d'une Elementary et d'une humaine dans la même nuit, dans une ville humaine du nom de Tomoeda. Mais aussi l'exposition du secret que constitue l'existence des Elementary, notamment aux yeux de l'humaine concernée. Des tablettes M- 0 ont dû être utilisées pour éviter que la nature des Elementary ne soit révélée au grand jour.

– Ces deux fautes constituent de graves entraves aux codes qui régissent notre espèce, renchérit Ulys Terrate, un homme d'apparence sage mais très strict.

– En ajoutant ces faits à la possibilité que l'accusée soit une nomagis, la probabilité que cette jeune fille reste l’une des nôtres paraît très faible. Elle constitue un réel danger pour notre communauté. Un danger qu'il nous faut annihiler de toute urgence. » ajouta Lauren Ignirius, les yeux enflammés par une haine féroce.

Celui-ci paraissait plus jeune que ses aînés mais possédait la même aura imprégnée d'une étrange sévérité. On pouvait presque lire une forme de sadisme dans son attitude.

« Maintenant, déclara Koryne Aere, nous attendons d'entendre la défense de l'accusée avant de pouvoir délibérer. »

Cette dernière, tout aussi âgée que les deux premiers, semblait beaucoup plus douce, bien que son expression restât neutre. Elle était la seule des quatre qui semblait vouloir laisser un peu d'espoir à la jeune fille. Yelan Li, après avoir entendu la parole de l'ensemble du jury, laissa tomber son regard sur Meiling, l'invitant à parler à son tour. Celle-ci paraissait hésiter, comme paralysée par la peur. Elle était tétanisée. Soudain, elle se remémora les paroles de Clow Reed. Il lui avait expliqué comment s'en sortir... Il lui avait donné l'autorisation d'évoquer ces choses... Elle devait s'en servir. Elle n'avait plus le choix.

« Moi, Meiling Li, réclame toute votre pitié sur mon humble sort. Les faits qui me sont reprochés sont réels, je ne les nierai pas devant vous. Cependant... »

Marquant une petite pause, Meiling prit une grande inspiration avant de planter ses yeux dans ceux de Yelan avec détermination.

« Cependant, je n'ai fait qu'obéir aux ordres d'un puissant Elementary qui a joué sur la vie de ceux qui me sont chers pour pouvoir me faire agir à sa guise. Il a une force sans pareille… et ne possède aucune pitié, même pour ses semblables. J’ai été forcée de lui obéir. Cet Elementary... C'est Clow Reed.

– Balivernes !

– Menteuse !

– Encore une qui essaie d'échapper à son jugement avec des sornettes !

– Quelle désespérée ! »

Les voix s'enchaînaient les unes après les autres dans le public, se superposant pour la plupart, toutes aussi furieuses les unes que les autres. Ce nom maudit, ce nom de Clow Reed n'était pas supportable pour leurs oreilles.

À l'entente de ces paroles, Yelan, ainsi que les représentants des Immaculés, s'étaient figés sous la stupéfaction. Même Shaolan en était bouche bée. Jamais il n'aurait pensé Meiling capable de lancer un tel mensonge !

« Et comment comptez-vous nous prouver la véracité de telles paroles ? finit par demander Lauren Ignirius, le regard sombre.

– Il est impossible que ces paroles soient vérité, voyons mon cher Ignirius ! Ne vous laissez pas abuser par cette sournoise nomagis, jura Otavia Aquavita, furibonde. Tout le monde sait que Clow Reed, notre cent treizième dirigeant de clan, est mort de la main de Yelan Li, notre grande souveraine actuelle. Déclarer un tel mensonge, c'est aller contre l'autorité de notre dirigeante, n'est-ce pas, Yelan Li ? »

Cette dernière continuait de dévisager Meiling en silence. Les mots ne pouvaient pas sortir de sa bouche. Meiling, prenant son courage à deux mains, fixa à nouveau Yelan dans les yeux pour l'inviter à parler.

« Je sais que seule vous, notre grande dirigeante, pouvez appuyer mes dires grâce au lien qui vous a uni et qui vous unie encore aujourd'hui à Clow Reed. Votre alliance vous permet de ressentir sa présence, de savoir s'il est vivant ou pas, où que ce soit dans le monde. Alors, je vous en supplie, laissez la vérité éclater au grand jour. Clow Reed est bien vivant. »

Tous les regards convergèrent vers Yelan, en quête de la réponse fatidique. La tension était palpable dans la pièce. Tous retenaient leur souffle, attendant le dénouement de cette affaire qui prenait une ampleur considérable. Shaolan fixait sa mère, sentant quelque chose vaciller au fond de son âme. Je l'ai tué... J'en suis sûr... Je l'ai tué... Et ma mère a bien voulu porter ce meurtre sur ses épaules pour devenir la nouvelle grande dirigeante... Il n'y a aucun doute. Aucun doute... Pourtant... Pourtant, le regard qu'avait sa mère à cet instant précis brisait toutes ses convictions. Qu'avait-il loupé ? Comment son père aurait-il pu survivre ? Le cours de sa pensée fut interrompu par la voix de sa mère qui reprenait enfin la parole.

« La vérité, je vous la dois aujourd'hui, à vous tous dans cette pièce. »

La pression était insoutenable.

« Il est vrai que Clow Reed a été assassiné, reprit Yelan d'une voix lugubre, en tous cas, son corps a été assez meurtri pour qu'il en devienne inutilisable. Pourtant... quelques années plus tard, grâce au lien de l'alliance qui nous unie, j'ai commencé à ressentir sa présence à nouveau. Mais il était très faible, vraiment très faible. J'ai voulu le chercher, le localiser. Mais la faiblesse du signal ne me l'a pas permis. Un jour, alors que j'approchais enfin de mon but, la présence de son âme a totalement disparue. Je ne pouvais plus le sentir, comme s'il avait disparu à nouveau. J'ai alors supposé que Clow Reed avait retrouvé assez de puissance pour camoufler son âme, le rendant impossible à retrouver. En ce moment, il se cache dans l'ombre. Il est peut-être même dans cette salle. Mais, tout ce que je sais, c'est qu'il ne s'est jamais manifesté et n'a jamais revendiqué cette place vacante de dirigeant qu'il a laissé après sa disparition. »

Impossible... C'est le seul mot qui venait à l'esprit de Shaolan à cet instant précis. Toutes ces révélations avaient été pour lui un véritable choc, jamais il n'aurait imaginé apprendre de telles choses à propos de sa propre famille. C'était trop difficile à encaisser, il y avait trop d'informations à enregistrer. Le jeune homme cherchait désespérément le regard de sa mère mais celle-ci semblait éviter tout contact visuel avec lui. Insupportable...

« Avec la connaissance de ces nouveaux éléments, je demande la suspension du procès. Nous allons devoir nous retirer pour étudier la complexité du cas de l'accusée mais aussi les conséquences de la résurrection de Clow Reed. »

Ce fut les derniers mots que proféra Yelan Li avant de se retirer, accompagnée des quatre Immaculés, tous aussi sombres les uns que les autres. La nouvelle avait eu un effet retentissant. À peine furent-ils sortis que le brouhaha de la salle s'éleva, beaucoup plus fort qu'à l'arrivée. Mais, cette fois-ci, Shaolan ne le remarqua même pas. Il n'avait plus qu'une seule envie : sortir, rejoindre sa mère et obtenir de véritables explications coûte que coûte. Après cela, la deuxième personne qu'il aurait tout autant besoin d'interroger était évidemment Meiling. Comment avait-elle pu prendre contact avec son père ? Et surtout, pour quelle raison exactement lui avait-elle obéi ? Tout se bousculait dans son esprit, il ne voyait plus très clair. Il était si bouleversé que Wei se retrouva obligé d'offrir son bras en appui pour que Shaolan puisse sortir dignement de la Cour des Miracles.


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