Elementary

Chapitre 12 : Confessions

6780 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/03/2021 16:05

 

 

 

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Chapitre 12

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Dans l'obscurité grandissante de sa chambre, Sakura s'était peu à peu apaisée dans ces bras réconfortants qui lui avaient été offerts. Et, inconsciemment, elle avait passé ses mains dans le dos de son protecteur pour agripper fermement le haut de sa chemise, comme si elle voulait l'empêcher de partir. Comme si elle ne voulait pas qu'il l'abandonne. En réalisant ce geste, elle comprit son erreur. Elle venait de se dévoiler à celui qu'elle n'avait cessé de détester depuis son arrivée au lycée.

Mais, malgré cette haine obstinée, c'était bien tout contre lui qu'elle avait enfin pleuré. C'était dans ses bras qu'elle se sentait si bien à cet instant précis. Dans un état second, les paupières à demi-closes, elle fixait le tissu blanc de la chemise de Shaolan sans pouvoir s'en détacher. Elle se sentait étrangement en sécurité et voulait prolonger ce moment jusqu'à ce que... jusqu'à ce que ? Un pincement au cœur lui fit mordre sa lèvre inférieure avec violence. Car oui, il allait y avoir une fin. Mais comment allait-elle s'en sortir maintenant qu'il connaissait sa fragilité ? Elle n'y avait pas réfléchi. Guidée par ses émotions, elle n'avait pas eu le temps de se poser les bonnes questions. Tout s'était fait instinctivement, naturellement. Elle n'osait même pas lever son regard vers celui de Shaolan, craignant d'y découvrir ne serait-ce qu'une once de moquerie au fond de ses belles prunelles brunes. Elle voulait juste oublier qui il était encore quelques secondes, voire quelques infimes minutes. Sakura prit une profonde inspiration et se cala un peu plus contre le corps de Shaolan. Il était brûlant, réconfortant.

Le jeune homme, de son côté, prenait conscience d'une chose qui lui avait longtemps échappé. Sakura n'était qu'une frêle jeune fille. À cause de sa personnalité volcanique et téméraire, il en avait presque oublié qu'elle était si mince, si fragile, si humaine. Il pouvait la sentir trembler tout contre son corps. Des tremblements qu'il n'aurait peut-être jamais perçus s'il n'y avait pas eu ce contact si intime entre eux. Il découvrait une nouvelle facette de Sakura et cela ne faisait qu'accroître son intérêt pour elle. Combien d'autres expressions cachait-elle ? Combien d'autres sentiments pouvait-elle lui montrer ? Il savait que cette pensée n'était pas si éloignée d'une forme de voyeurisme dépravé, et cela le rebutait, pourtant, il ne pouvait pas s'en empêcher. Il voulait qu'elle lui dévoile encore plus la profondeur de son être et, surtout, il voulait être le seul à pouvoir l'observer de cette manière.

« Sakura... » lâcha-t-il faiblement, se surprenant lui-même.

L'interpellée eut un léger sursaut et resserra un peu plus ses poings sur la chemise du jeune. La façon dont il avait prononcé son prénom l'avait faite frissonner. Comme s'il était parvenu à transformer ces trois syllabes en une merveilleuse mélodie capable d'atteindre les tréfonds de son âme. Elle sentait son corps se réchauffer de l'intérieur... Une chaleur qui remonta jusqu'à son visage pour lui enflammer les joues.

« Ne m'appelle pas comme ça, s'il te plaît... le supplia-t-elle d'une voix presque inaudible.

– Désolé... Je ne voulais pas t'embarrasser. C'est juste que cela fait un moment que je voulais t'appeler par ton prénom. » admit-il, un peu plus assuré.

Sakura, gênée, n'avait pas la force de lui répondre. Il venait d'avouer quelque chose d'important, elle le savait, mais elle ne pouvait être sûre de la manière dont elle devait interpréter ces quelques mots. Quelle signification cela avait-il pour lui d'appeler une personne par son prénom ? Ce qui était sûr, c'est qu'il ne l'avait fait avec personne d'autre au lycée, sauf sa cousine évidemment. Cela voulait-il dire qu'elle était spéciale à ses yeux ? Elle avait peur d'y croire. Car si cela s'avérait être vrai, elle ne saurait pas encore comment répondre à ce type de sentiments. Elle était totalement perdue. Hésitante, Sakura se retira et tourna le dos à Shaolan. Elle ne pouvait plus affronter son regard.

« Kinomoto... Tu veux vraiment rester ici ? demanda Shaolan, la transperçant de ses yeux remplis d'espoir.

– Évidemment que je voudrais rester ici... »

Shaolan resserra la mâchoire. C’était douloureux pour lui d’entendre cela.

« … après tout » reprit-elle en tournant légèrement son visage vers son interlocuteur « il s'agit de ma famille, je ressens sans cesse le besoin d'être à leurs côtés, mais...

– Mais ? répéta-t-il, suspendu à ces lèvres qu'il ne pouvait que deviner.

– Mais... si rester ici revient à les mettre en danger, je ne peux vraiment pas faire autre chose que de changer de foyer le temps que je devienne plus forte. À vrai dire, je suis venue sur un coup de tête, j'avais besoin de réfléchir... Ce n'est pas facile de quitter sa maison du jour au lendemain. J'ai toujours vécu ici, cette chambre a toujours été la mienne. J'avais besoin de la retrouver ne serait-ce que pour une nuit... Je sais, j'ai été assez égoïste... excuse-moi. »

Shaolan esquissa un petit sourire, c'était la seconde fois qu'elle essayait de se faire pardonner auprès de lui. La première fois, c'était quand elle lui avait apporté le petit-déjeuner, elle s'était alors rendue compte qu'il avait été de son côté depuis le départ. Mais cette fois, elle formulait ses excuses d'une manière plus claire et l'expression qu'elle affichait, même s'il pouvait à peine la percevoir, était tout bonnement adorable. Ses sourcils étaient légèrement froncés, ses yeux fixaient fermement le sol, ses joues étaient rougissantes et sa lèvre inférieure ressortait subtilement, exprimant une forme de petite moue enfantine.

« Tu n'as pas à t'excuser, affirma-t-il, ta vie a changé du tout au tout, je n'imagine même pas à quel point cela a dû être difficile pour toi de changer aussi radicalement d'existence... Mais, comme tu l'as dit, ta présence ici est une menace pour les membres de ta famille. Donc, même si je m'en veux de devoir t'infliger ça, j'espère réellement que tu reviendras chez moi. Te savoir ici, sans ma protection, m'inquiéterait beaucoup. »

Sakura lui jeta un bref regard, stupéfaite, avant de détourner vivement la tête pour fixer la porte droit devant elle. Comment peut-il dire de tels mots aussi facilement ? Il était d'une telle franchise, elle en était incapable, pas avec lui. Elle ne pouvait mettre des mots sur ce qu'elle ressentait aussi aisément que lui pouvait le faire. Cela avait le don de la frustrer intérieurement.

« Tu sais, tu n'as pas à en faire des tonnes. Je t'aurais suivi de toutes façons, déclara-t-elle, fronçant un peu plus les sourcils, contrariée.

– Je n'exagère rien, je ne fais que dire ce que je ressens, affirma-t-il, lui jetant un regard déterminé.

– Ce que tu... ? »

Sakura n'eut pas le temps d'en dire davantage que la porte de sa chambre s'ouvrit dans un grand fracas. C'est alors qu'un Toya remonté apparut dans l'entrée, ses yeux étaient sombres et une aura menaçante émanait de lui. Sans passer par quatre chemins, le grand-frère se rua sur le pauvre Shaolan et le saisit par le col de la chemise avant de le toiser d'un regard empli de mépris.

« Qu'est-ce que tu cherches à faire avec ma petite sœur ? Réponds ! s'exclama-t-il, en furie.

– Onii-san ! Lâche-le tout de suite ! Il n'a rien fait ! s'écria Sakura, sidérée de le voir débarquer comme cela.

– Alors comment ça se fait que tu as les yeux rouges ? demanda-t-il à sa sœur, excédé. Et toi, reprit-il en regardant à nouveau Shaolan, qu'as-tu fait pour la faire pleurer ?

– Rien du tout, répondit Shaolan, l'air totalement impassible.

– C'est vrai, je t'assure, affirma Sakura en prenant son frère par le bras, lui faisant ainsi relâcher Shaolan. Il n'a rien fait de mal, au contraire, il m'a réconfortée. »

Toya, bien que surpris, ne décolérait pas. Comment ce morveux a-t-il pu s'approcher ainsi de Sakura sans que je m'en rende compte ? Elle n'a jamais osé pleurer devant qui que ce soit, même devant moi, alors pourquoi lui ? Toya observa longuement ce jeune homme qui lui faisait face. Il l'agaçait. Il ne semblait pas du tout perturbé par la situation, il ne faisait que le regarder franchement, sans ciller. Ce n'est qu'un sale arrogant... pensa Toya, énervé. Il ne pouvait cautionner qu'un type comme lui puisse se rapprocher de sa précieuse petite sœur. Il ne le laisserait pas faire !

« Olala... Toya, je t'avais dit de les laisser tranquilles et voilà que tu profites que j'ai le dos tourné pour les embêter. » s'amusa le père de Sakura qui venait de faire son entrée.

Toya, visiblement contrarié, n'eut plus d'autres choix que de se calmer. Il se tourna vers son père avant de lâcher un soupir monumental.

« C'est juste qu'ils étaient trop longs pour une simple "discussion".

– C'est qu'ils devaient avoir beaucoup de choses à se dire, pas vrai ? supposa-t-il en s'adressant aux deux plus jeunes.

– En effet. » répondit Shaolan avec un léger sourire alors que Sakura se contentait de hocher la tête, gênée comme jamais.

Un silence commença à s'installer entre les quatre individus, un silence pesant que Sakura avait du mal à supporter. Shaolan la fixa quelques instants puis effectua un petit mouvement de la tête comme pour l'encourager à parler. Sakura, mal à l'aise, entrouvrit légèrement la bouche, puis la referma en se pinçant les lèvres. Elle allait devoir leur en parler, elle allait devoir les quitter à nouveau.

« Papa, Toya... » lâcha-t-elle d'une voix hésitante.

Les deux concernés, un peu déconcertés, lui donnèrent toute leur attention.

« Qu'est-ce qu'il y a, ma chérie ? l'interrogea son père avec toute la bienveillance qui le caractérisait.

– Et bien, je suis désolée de ne pas rester plus longtemps, mais je vais devoir repartir vivre chez les Li pour quelques temps...

– Ce n'est pas lui qui a trouvé le moyen de te forcer au moins ? » demanda Toya en jetant un regard noir au jeune homme qui se contentait de garder un silence implacable devant cette provocation.

« Non, non ! assura Sakura d'une voix plus claire. Il n'y est pour rien. Je savais moi-même que je ne pourrais pas rester plus longtemps ici. Je ne veux pas vous attirer des ennuis, je ne suis pas encore assez forte pour vous protéger.

– Mais nous protéger de quoi ? s'énerva Toya qui ne comprenait plus rien à ce qu'il se passait.

– Toya... chuchota Fujitaka pour apaiser son fils.

– Non, je veux savoir la vérité. Contre qui Sakura devrait-elle être protégée ? Et pourquoi nous ne serions pas capables de la protéger, nous ? Vos pouvoirs ne vous rendent pas invincibles !

– Calme-toi, Toya, ça ne sert à rien de crier comme ça, continua son père, soucieux de son emportement.

– Il faut leur dire, papa ! Ces pouvoirs ne la protégeront pas ! Au contraire, si elle continue de les développer, elle ne fera que s'attirer la haine des autres Elementary de sang-pur ! Je refuse qu'elle continue de s'exposer comme ça ! Pourquoi ne pourrait-elle pas reprendre sa vie d'avant comme si ses pouvoirs ne s'étaient jamais manifestés ? Et qu'est-ce que vous avez l'intention de faire d'elle une fois qu'elle sera devenue assez forte ? Vous n'êtes que des profiteurs, tous autant que vous êtes ! La vie de notre mère vous a pas suffi ? Il faut maintenant que vous pourrissiez celle de Sakura ? »

Toya ne semblait plus pouvoir se calmer. Les mots de son père ne paraissaient plus pouvoir atteindre la tempête qu'il était devenu. Il s'acharnait sur Shaolan, le criblant de reproches comme s'il était à lui seul le représentant de tous les Elementary. Cible incontestée de sa haine. Malgré cela, Shaolan gardait un calme exemplaire. Il ne laissait transparaître aucune émotion.

« … Sakura n'a jamais rien demandé à personne ! Elle n'a jamais voulu être mêlée à votre société de pourris ! Si ma mère s'était tant éloignée de vous, ce n'est pas pour rien. Elle refusait de voir ses enfants grandir dans un univers aussi souillé ! Jamais je ne vous laisserai Sakura ! Elle est trop exceptionnelle pour vous !

– Je le sais. » sortit simplement Shaolan, rompant subitement le flot de paroles que déversait Toya avec frénésie.

« Et qu'est-ce que tu crois savoir exactement ? Tu n'es là que parce qu'on te l'a demandé !

– Je sais que Sakura est une personne exceptionnelle et que la société des Elementary ne pourrait pas lui correspondre. Elle est bien trop humaine pour eux... »

À l'entente de ces mots, Toya et Sakura écarquillèrent les yeux, stupéfaits. Il pensait donc cela de moi ? s'étonna Sakura, sans pouvoir pour autant verbaliser ses pensées.

« Si tu sais que Sakura ne pourrait jamais s'intégrer à la société des Elementary, pourquoi tu la forces à en devenir une ? le questionna Toya, partagé entre l'agacement et une réelle curiosité.

– Parce que je n'en ai pas le choix... La meneuse de notre clan, ma mère, est persuadée que Sakura est en danger, et je partage son avis. Une Elementary à demi-humaine, c'est d'une rareté absolue, elle est même le seul cas connu de cette génération, et cela attire nécessairement les mauvais regards. Si on m'a demandé de la former, ce n'est pas pour qu'elle nous rejoigne par la suite, cela reste une décision que seule elle pourra prendre, mais c'est simplement pour qu'elle puisse se défendre en cas de problèmes. Comme tu l'as si bien dit, ma société est remplie de pourris, je le sais bien. Et c'est une raison supplémentaire pour qu'elle apprenne à se battre. Dès le moment où elle s'est éveillée, Sakura s'est mise à développer une aura qui est spécifique aux Elementary. Si un de mes semblables vient ne serait-ce qu'à la croiser, il saurait immédiatement qui elle est, jusqu'au moment où elle sera assez puissante pour camoufler ses pouvoirs.

– Camoufler ses pouvoirs ? » répéta Toya, interloqué.

Sakura observa Shaolan avec beaucoup plus d'attention. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? se demanda-t-elle, abasourdie, jamais il ne lui avait parlé d'une telle possibilité.

« Oui, les Elementary capables de dissimuler leur aura sont très peu nombreux. Il faut une très grande maîtrise de ses pouvoirs pour réussir à diminuer leur intensité et cette capacité n'est réservée qu'aux plus puissants. Je sais qu'elle peut y arriver. Je ne l'ai entraînée que peu de fois, mais cela m'a suffi pour me rendre compte de sa puissance. Elle apprend de façon intuitive, elle n'a même pas besoin de se forcer, tout lui vient naturellement. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle deviendra une très grande Elementary, même plus forte que sa mère... mais pour cela, il lui faut de l'entraînement. Il n'y a que de cette manière qu'elle pourra décider de son mode de vie sans se sentir inquiétée. »

Le père de Sakura, qui était resté simple spectateur, se mit à sourire tendrement. Il était vraiment heureux. Cette détermination qu'il pouvait apercevoir au fond des yeux du jeune homme le confortait dans l'idée qu'il avait bien fait de lui confier sa fille. Il était bien le digne fils de Yelan Li, il n'y avait aucun doute possible.

De son côté, Toya semblait avoir perdu sa si glorieuse répartie. Il fixait Shaolan sans pouvoir ajouter quoi que ce soit. Pensait-il réellement ce qu'il disait ou était-ce simplement une façon de le manipuler ? Usait-il de ces mots uniquement dans le but de récupérer Sakura ? Il ne pouvait en être sûr. Ce qui était certain, c'est que le jeune homme qui lui faisait face ne céderait pas. À bout d'arguments, Toya soupira avant de se passer la main dans les cheveux.

« Alors, selon toi, une fois qu'elle sera capable de camoufler sa puissance, elle pourra revivre comme n'importe quelle fille de son âge ? C'est bien cela ? demanda Toya, un peu plus calme.

– Oui, même si, au début, ce besoin constant de cacher sa véritable nature la fatiguera. Il lui faudra quelques temps avant de le faire naturellement. »

Le grand-frère surprotecteur sembla prendre quelques secondes pour y réfléchir sérieusement puis il se tourna vers Sakura.

« Je peux le croire ?

– Il m'a déjà menti dans le but de protéger sa cousine, mais je ne le pense pas capable de manipuler quelqu'un pour son propre intérêt, déclara Sakura, sûre d'elle.

– Et tu as vraiment envie de continuer cet entraînement ?

– Oui. »

Toya dévisagea sa petite sœur, sceptique. Il pouvait clairement voir qu'elle était résolue, qu'elle avait ce choix de son propre chef. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. Il avait peur qu'en fréquentant cette autre race qu'il détestait tant, elle ne finisse par devenir comme eux. Il ne voulait pas qu'ils puissent la changer. Sakura était si pure, si innocente... La manipuler, pour eux, serait un jeu d'enfant. Ils étaient si peu réticents à l'usage de méthodes malsaines, il le savait. S'il l'avait pu, il aurait empêché Sakura de les fréquenter. Mais son père avait déjà placé Sakura sous la protection de ces êtres douteux avant même qu'il puisse émettre un simple avis. Il n'avait pas compris cette décision.

Maintenant, c'était à Sakura de choisir ce qu'elle jugeait être le mieux pour elle. Il ne voulait pas lui imposer quoi que ce soit, parce qu'il savait que, s'il s'aventurait sur ce terrain-là, Sakura se ferait un plaisir de prendre le contre-pied de son opinion. Elle n'avait jamais aimé qu'on la prenne de haut.

« Dans ce cas, reprit Toya en se détournant, fais ce que tu veux. Mais... sache que la porte te sera toujours grande ouverte. »

Sur ces mots, il quitta la pièce, le cœur lourd. Il ne voulait pas la voir partir de ses propres yeux, cela lui serait insupportable. Une fois que Toya eut disparu, le père se tourna vers Sakura en lui souriant.

« Cette fois, tu auras le temps de préparer tes affaires comme tu le souhaites, affirma-t-il, toujours aussi optimiste.

– C'est vrai. » admit Sakura en souriant à son tour.

Son père avait toujours eu le don de trouver la remarque qui lui redonnerait le sourire et qui lui ferait oublier son appréhension, sa tristesse ou même sa colère. Il avait toujours été ainsi, aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir. Jamais elle ne l'avait vu triste ou déprimé, elle l'admirait pour cette force mentale infaillible. Après lui avoir brièvement caressé le dessus de la tête, Fujitaka quitta la pièce pour rejoindre Toya et vérifier s'il allait bien. Après un moment de silence inévitable, Shaolan se décida à son tour.

« Je vais t'attendre en bas, lâcha-t-il avant de se diriger vers la sortie.

– Ok. »

Qu'aurait-elle pu répondre d'autre ? Elle était tellement troublée... Il avait dit tant de belles choses à son sujet, tant de choses qu'elle n'aurait jamais soupçonnées. « Sakura est une personne exceptionnelle », le rouge lui revint aux joues. Si quelqu'un lui avait dit, il y a une semaine, que Shaolan Li, son ennemi juré, dirait cela d'elle, elle aurait bien ri. Jamais elle ne l'aurait cru, jamais. Pourtant, il venait bien de le dire. Il l'avait dit avec une intensité et un sérieux déstabilisants. Comment aurait-elle pu rester indifférente ?

La tête remplie de pensées contradictoires, elle enfournait ses affaires dans un grand sac de sport. Il fallait qu'elle fasse vite, sinon elle continuerait à réfléchir à des choses idiotes... Une fois fermé, elle passa la lanière de son sac au-dessus de son épaule et sortit de sa chambre à toute allure. Elle allait quitter sa maison une nouvelle fois. Arrivée en bas des escaliers, elle eut un moment d'hésitation. Elle fit un pas, s'arrêta, se détourna. Lentement, elle se dirigea vers sa cuisine. Son regard se balada jusqu'à ce qu'il tombe sur une petite table où trônait la photo d'une belle jeune femme joliment encadrée. Elle fit couler son doigt le long du cadre noir ébène et fixa tendrement cette femme. Nadeshiko Kinomoto. Maman, penses-tu que je fais le bon choix ? Elle aurait tellement voulu qu'elle soit encore vivante pour la guider. En tant qu'Elementary, elle aurait certainement su quoi faire. Sakura sentit une main chaude et rassurante se poser sur son épaule, elle se tourna sachant pertinemment de qui il s'agissait.

« Papa... lança-t-elle en se réfugiant dans ses bras.

– Elle aurait été fière de toi, j'en suis certain. » affirma-t-il en la resserrant contre lui.

Sakura frotta le bout de son nez contre le torse de son père. Elle ne voulait pas le laisser. La première fois, la décision avait été prise contre son gré... Mais cette fois, c'était elle qui avait fait le choix de les quitter. Même si ce n'était que temporaire, le fait que cette décision venait d'elle rendait la séparation encore plus difficile.

« Je suis sûr que tu as fait le bon choix, Sakura... assura Fujitaka. Ta mère aurait pensé la même chose. Tu es une fille extrêmement courageuse, tu deviendras rapidement une puissante Elementary et tu nous reviendras, d'accord ? »

Sakura sentait les larmes lui monter. Ne voulant pas montrer sa tristesse à ce père qui avait toujours tout fait pour paraître le plus positif possible, elle se mordit l'intérieur des joues. Il fallait qu'elle se ressaisisse. Elle se concentra et afficha le plus beau sourire qu'elle avait en réserve avant de regarder son père droit dans les yeux.

« Oui, papa. »

Fujitaka lui tapota le sommet du crâne en souriant. Elle était exactement comme sa mère. Forte, courageuse, belle. Il avait l'impression de voir Nadeshiko en elle, ce qui était étrange et rassurant à la fois. Elle saurait surmonter toutes les épreuves, il en était persuadé. En apercevant Shaolan qui regardait la scène de loin, Fujitaka mit fin à cette embrassade. Il ne voulait pas lui rendre la situation plus inconfortable. Sakura eut un moment d'incompréhension avant de se retourner et de remarquer, à son tour, la présence de Shaolan.

« Tu es prête ? » demanda-t-il, impassible.

Est-il en colère ? Elle n'en était pas sûre. Son comportement avait changé, mais il ne semblait pas en colère pour autant. Triste, peut-être ? Mais dans ce cas, pourquoi ? Elle n'aimait vraiment quand il arborait cette expression froide et dépourvue d'émotions. En espérant que cela pourrait l'apaiser, elle dévoila un sourire éclatant.

« Bien sûr, on peut y aller maintenant. »

Sakura allait partir quand son père lui attrapa le bras pour l'arrêter.

« Attends, prends ça avec toi. »

Il lui tendit alors le cadre avec la photo que Sakura observait quelques instants plus tôt. Sakura sembla douter puis se décida finalement à l'accepter, ravie par cette si douce attention. Elle le mit dans son sac, prenant soin de le placer entre deux vêtements pour le protéger. Elle se dirigea ensuite vers la sortie avec Shaolan qui la suivit sans dire quoi que ce soit. Dehors, Wei les attendait déjà dans une élégante voiture noire.

 

La route parut incroyablement longue tant le silence avait été pesant entre les deux adolescents. Quand ils arrivèrent enfin à la demeure des Li, Sakura se mordit la lèvre inférieure, angoissée. Pourquoi ne lui avait-il pas parlé durant le trajet ? Pire encore, pourquoi n'avait-elle pas été capable de lui dire quoi que ce soit ? Elle ne le comprenait pas. Il avait dit tellement de belles paroles à son sujet et là, il était muet comme une carpe. Est-ce qu'il avait été gentil simplement dans le but qu'elle revienne chez lui sans rechigner ? Cette pensée la vexait. Elle ne voulait pas croire qu'elle avait été assez idiote pour tomber dans le panneau. Pour savoir la vérité, elle n'aurait pas d'autres choix que de lui parler. Il fallait qu'elle le sache, sinon elle ne pourrait vraiment pas fermer l’œil de la nuit, trop accaparée par ses réflexions.

Quand ils passèrent l'entrée, Sakura attendit que Wei soit parti déposer ses bagages dans la chambre de Shoalan avant de saisir le bas de la chemise de celui-ci. Le jeune homme se figea, stupéfait.

« Qu'est-ce qu'il y a, Kinomoto ? la questionna-t-il, toujours aussi indifférent.

– Kinomoto ? répéta-t-elle, irritée. Tu es fâché contre moi ? »

Shaolan parut étonné, n'était-ce pas elle qui l'avait empêché de l'appeler Sakura ? Il détourna quelques secondes le regard avant de poser à nouveau ses yeux sur elle.

« Non, désolé... Il m'arrive de penser à des choses stupides. N'y prête pas attention.

– Quel genre de choses ? » demanda-t-elle, intriguée.

Le jeune homme sembla hésiter. Il ouvrit la bouche, la referma puis regarda finalement le cadran de son téléphone : vingt-trois heures trente-six.

« Je t'en parlerai peut-être une prochaine fois. Pour l'heure, il vaut mieux qu'on aille se coucher. »

Et alors que Shaolan partait vers le salon pour une nouvelle nuit dans le canapé, Sakura lui saisit précipitamment le bras, sans réfléchir. Shaolan se retourna vers elle à nouveau, attendant qu'elle dise ce qu'elle avait à dire. Gênée, Sakura n'osait pas formuler la pensée qui venait de lui traverser l'esprit. Elle savait que ce qu'elle allait demander était idiot, déplacé même, mais elle en éprouvait l'envie, là, à cet instant précis. Elle ne voulait pas être seule.

« Tu ne veux pas... qu'on partage la même chambre ? Tu dois avoir du mal à te reposer dans un canapé... » bredouilla-t-elle.

Cette pensée, une fois exprimée, lui semblait encore plus indécente. Elle relâcha soudainement le bras de Shaolan et détourna le regard, les joues empourprées.

« Partager la même chambre ? répéta-t-il, abasourdi. Si je m'attendais à ce que tu sois si entreprenante ! » lança-t-il, un peu moqueur.

Il venait de sourire. Il venait juste de sourire comme il l'aurait fait habituellement quand il la tournait en ridicule. Étrangement, cela la soulagea et, emportée par cet élan de joie, elle continua sur la même voie.

« Ne rêve pas, il ne se passerait rien. On dormirait simplement, comme on le fait dans n'importe quelle chambre, assura Sakura, avec un semblant de défi dans son regard.

– Tu es sûre qu'on ne fait que dormir généralement dans une chambre ? demanda-t-il, soudainement d'humeur taquine.

– Bon, si tu as envie, j'accepterai de te lire une petite histoire pour que tu puisses mieux dormir, ça te va ? » se moqua-t-elle gentiment, en lui adressant un petit clin d’œil.

Shaolan se mit à rire, amusé par la répartie de Sakura. Il regarda les escaliers, puis le salon, comme s'il essayait de résoudre un dilemme. Sakura retenait son souffle, quelle décision allait-il prendre ? Bizarrement, elle ressentait vraiment le besoin de dormir avec lui cette nuit. Peut-être simplement parce qu'elle était effrayée à l'idée d'être seule alors qu'elle venait tout juste de laisser sa famille derrière elle... mais elle sentait qu'il y avait autre chose. Comme si elle voulait s'assurer qu'un rapprochement s'était bien fait entre eux, comme si elle voulait que lui aussi exprime son envie d'être proche d'elle. Elle ne comprenait pas vraiment ce besoin, mais elle ne pouvait pas l'ignorer. Il était là, en elle.

« D'accord. »

Ce simple mot suffit à la sortir de ses pensées.

« On va donc dormir dans la même chambre ? demanda-t-elle, voulant s'assurer qu'il n'y avait aucun malentendu.

– Oui, c'est vrai que ça fait longtemps que je n'ai pas dormi dans un vrai lit... Et puis, mon lit est assez grand pour qu'on puisse avoir chacun notre espace, n'est-ce pas ? »

Sakura hocha la tête avec enthousiasme.

« Oui, oui, il est tellement grand qu'on pourrait même y dormir à quatre ! s'exclama-t-elle.

– Tu n'exagères pas un peu ? » s'amusa Shaolan en montant les escaliers.

Sakura sourit, l'air embarrassé. Oui, elle s'était un peu emportée sur ce coup. Mais bon, elle était si contente qu'il ait accepté. Non, elle ne serait pas seule et non, Shaolan ne l'abandonnerait pas.

Quand ils arrivèrent dans la chambre, l'exaltation de Sakura se transforma peu à peu en une appréhension grandissante. Plus les minutes s'écoulaient et plus elle se rendait compte de ce qu'elle était sur le point de faire. Avec la fatigue et l'ambiance nocturne, elle n'avait plus réellement toute sa tête. Elle disait juste ce qui lui passait, sans réfléchir et, parfois, lors de ses étincelles de lucidité, elle commençait à comprendre la situation telle qu'elle était véritablement. Elle jeta un coup d’œil à Shaolan. Celui-ci ne semblait pas du tout perturbé, au contraire, il avait une attitude presque nonchalante, comme si tout était absolument normal.

Figée à quelques pas de l'entrée, Sakura ne savait plus ce qu'elle devait faire. Elle essayait de réfléchir, mais ses pensées partaient dans tous les sens. Quand le jeune homme aperçut l'état de Sakura, il tenta de la rassurer.

« Ne t'inquiète pas, je mettrai un jogging au-dessus de mon caleçon pour que tu ne sois pas mal à l'aise. »

Sakura piqua un fard. Pourquoi a-t-il eu le besoin de parler de cela ? Inconsciemment, la jeune fille se mit à tricoter ses doigts. J'ai été une idiote, une profonde idiote... Pourquoi je lui ai servi cette occasion pour se moquer de moi sur un plateau d'argent ? Elle s'en voulait de s'être mise dans une telle situation. Maintenant, elle n'avait plus qu'à attendre qu'il se mette à la ridiculiser. Oui, elle n'avait plus que ça à faire.

« Tu regrettes, c'est ça ? l'interrogea soudainement Shaolan alors qu'il cherchait un jogging dans son armoire.

– Q-quoi ? bégaya-t-elle contre sa volonté.

– Tu regrettes de m'avoir proposé de dormir avec toi, c'est ça ? Tu voulais être gentille parce que j'avais l'air morose mais tu ne te sens pas prête à partager le même lit qu'un garçon. Tu as peur que je te fasse quelque chose... d'irresponsable ? »

Sakura retint son souffle. Il croit que je fais ça par gentillesse ? s'étonna-t-elle. Il semblait si sérieux, elle ne s'attendait pas du tout à cela de sa part. Des moqueries, oui, c'est exactement ce à quoi elle s'était attendue. Pourtant, le regard qu'il lui portait à ce moment précis était tout sauf moqueur. Il semblait presque... inquiet ?

« Non, je sais que tu ne me ferais pas de... Enfin… euh… tu as déjà eu l'occasion de profiter de moi lorsque je suis rentrée et que j'avais trop bu... et tu n'avais rien fait, enfin rien de réellement… tu sais… donc bon, j'en déduis que tu n'es pas du genre à forcer les filles à faire quoi que ce soit...

– Exact, admit-il, tout aussi sérieux.

– En plus, si je t'ai demandé si tu voulais bien qu'on partage la même chose... Ce n'était pas vraiment par gentillesse... En vérité, je n'avais pas envie d'être seule. »

Shaolan l’observa avec attention. Elle avait à nouveau cette expression si craquante... Les joues si roses, les yeux fuyants, la lèvre inférieure légèrement mise en avant. Adorable... Il crispa sa mâchoire. Calme-toi putain. Il devait rester maître de lui-même.

« Donc, tu es sûre que ça va aller ? » demanda-t-il, la voix légèrement étouffée.

Sakura redressa la tête et afficha un magnifique sourire.

« Oui, j'ai confiance en toi ! »

Purée, mais ne joue pas avec le feu toi aussi... pensa-t-il en resserrant ses poings. Il ne savait pas si c'était le fait qu'elle soit dans la pénombre d’une chambre – même pire, de sa chambre –, mais il la trouvait encore plus belle que d'habitude. Il devait vraiment faire tous les efforts du monde pour s'empêcher de griller les étapes avec elle... Mais sa confiance était bien plus importante que ses bas instincts, il se retiendrait. Il le devait.

Chacun leur tour, ils partirent se changer dans la salle de bain. Shaolan, comme prévu, avait vêtu un simple jogging de couleur grise et, de son côté, Sakura portait une nuisette noire qui lui arrivait presque aux genoux. Est-ce qu'elle porte des sous-vêtements sous ce genre d'habit ? se demanda Shaolan avant de se gifler intérieurement. Non mais à quoi je pense moi ! Il s'agitait, pourquoi fallait-il qu'elle porte une nuisette ? N'a-t-elle pas des pyjamas en coton avec plein de lapins dessus comme toutes les jeunes filles ? À la réflexion, même ce type de vêtement la rendrait attirante. Ne t'égare pas !

Pour se calmer, Shaolan se réfugia immédiatement sous les couettes et se tourna du côté de sa table de nuit pour ne pas avoir à affronter le regard de Sakura. Maintenant endors-toi, endors-toi tout de suite et surtout ne la regarde pas, se sermonna-t-il avec force.

« Dis, Shaolan... » chuchota Sakura d'une voix presque inaudible.

Le jeune homme hésita. Ne valait-il mieux pas qu'il fasse semblant de s'être déjà endormi dans l'état où il était ? Mais, oubliant tout filtre, il se décida à lui répondre, sans pour autant se tourner vers elle.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

– Pourquoi étais-tu énervé tout à l'heure ? l'interrogea-t-elle, intriguée.

– Ce serait trop long à t'expliquer... Je te l'ai déjà dit, répliqua-t-il, un peu amer.

– J'ai besoin de savoir.

– Pourquoi tu en aurais besoin ?

– Parce que je ne veux pas que tu sois blessé par mégarde... » murmura-t-elle d'une voix douce.

Shaolan se retourna finalement. Il était trop curieux, il voulait voir l'expression qu'elle portait en disant ces quelques mots. Il fut surpris de la voir sérieuse, les yeux brillants comme si elle était sur le point de pleurer. Il prit le temps de réfléchir quelques instants, puis prit une profonde inspiration.

« J'imagine que j'ai été un peu jaloux...

– Jaloux ? s'étonna Sakura qui ne s'attendait certainement pas à cette réponse.

– Tu sembles avoir une relation très fusionnelle avec ton père. Et, d'après ce que j'ai compris, tu as aussi été très proche de ta mère lorsqu'elle était encore en vie... Ce n'est pas vraiment une chose que nous connaissons chez les Elementary. Ma mère est la meneuse du clan, elle a donc un statut qui ne lui permet pas de souvent me voir et, concernant mon père... »

Shaolan s'arrêta de lui-même, il ne voulait pas aller plus loin. Pourtant, au moment où Sakura posa une main tendre contre sa joue, il sentit qu'elle l'encourageait à se confier. Il déposa délicatement sa propre main sur celle de Sakura comme s'il voulait s'assurer que ce contact n'était pas le fruit de son imagination.

« Mon père... il nous battait, ma mère, mes sœurs et moi... Il disait que nous étions des abjections, des erreurs qu'il ne pourrait certainement jamais réparées. Il n'avait pas voulu de ce mariage avec ma mère et, le fait d'avoir des enfants, n'avait été pour lui qu'une obligation pour prolonger la lignée. Il voulait absolument un garçon, et pour cela il a dû passer par la naissance de quatre filles auparavant... ce qu'il a interprété comme de la malchance, un acharnement du sort...

– C'est horrible... lâcha Sakura dans un souffle en faisant aller doucement ses doigts contre la peau du jeune homme.

– Sa violence s'était accrue au fil des années... Et, un jour... »

Shaolan se stoppa une nouvelle fois, les images douloureuses commençaient à resurgir.

« Un jour... reprit Sakura pour l'inciter à continuer.

– Un jour, alors que je n'avais que quatorze ans, mon père a asséné un coup de trop. Il m'a littéralement scalpé la moitié de ma jambe en me faisant tomber sur une table en verre... En voyant ça, ma mère a voulu se rebeller et... il... »

L'émotion le reprit. La main de Sakura se fit encore plus réconfortante.

« Il l'a envoyée valser contre un mur... et... il a commencé à utiliser ses pouvoirs d'ignivi contre elle. Ce qui est normalement interdit dans les termes d'un mariage entre Elementary. Mais il l'a fait... Il a commencé à la brûler... sous mes yeux. Étrangement, je n'ai pas ressenti de peur, au contraire. La rage me submergeait. Je ne pouvais pas le laisser faire... Je ne pouvais pas le laisser la torturer comme ça. Alors j'ai laissé cette rage s'exprimer et mes pouvoirs se sont éveillés. Sur le coup, je n'ai pas trop compris ce qu'il m'arrivait, je savais juste que je devais secourir ma mère donc... j'ai utilisé mes pouvoirs contre mon propre père. Je me suis acharné contre lui, je l'ai réduit en lambeaux... Je voulais juste le détruire. J'ai probablement dû me transformer en une sorte de monstre à ce moment-là... Je ne ressentais plus rien. Le sang ne représentait plus rien, la chair déchirée ne me faisait plus trembler. »

Sakura, bien qu'effrayée par ses propos, ne put s'empêcher de se sentir touchée par ce qu'il venait de lui confier. Elle comprenait mieux sa réaction de tout à l'heure. D'une certaine manière, il enviait le mode de vie des humains, le véritable lien familial qu'ils créent entre eux. Il avait vécu des événements si horribles... Et pourtant, il restait étonnamment fort et sensible à la fois. Beaucoup auraient sombré dans la folie après un tel traumatisme, mais lui s'en était sorti. Elle se sentit plus proche de lui. Il lui ressemblait en quelques sortes... Même si elle devait avouer qu'il avait fait preuve de beaucoup plus de courage. Il avait fait de son passé une force alors que, elle, ne pouvait même pas l'affronter. Emportée par sa compassion, elle se rapprocha de lui pour se réfugier dans ses bras. D'abord surpris, Shaolan finit par passer ses bras dans le dos de la jeune fille pour la maintenir tout contre lui. Il se sentait libéré, d'une certaine façon... Il ne se souvenait plus avoir parlé de tous ces événements avec quelqu'un auparavant. Sakura devait être la première à qui il se confiait. La première...

Sans s'en rendre compte, les deux adolescents finirent par s'endormir dans cette position, leur cœur allégé. Leur destin était si semblable mais aussi si différent. Mais, les points communs entre eux ne comptaient pas réellement, l'essentiel était que ces deux destins étaient irrémédiablement liés, et pour toujours.


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