Elementary

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Chapitre 4

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Il était enfin là, plus imposant que jamais. L'Aquarium de Tomoeda, de toute sa superbe, faisait face à la jeune Sakura qui, au seuil de l'hystérie, ne savait plus réellement ce qu'elle faisait. Elle n'avait plus l'impression de contrôler son corps, elle ne faisait que suivre son instinct. Encore haletante, elle poussa les deux lourdes portes de verre qui constituaient l'entrée du bâtiment, s'étonnant au passage qu'elles soient déjà ouvertes... Mais sa consternation fut de courte durée. Car, lorsqu'elle passa à côté de la loge du gardien et qu'elle ne vit qu'un homme profondément endormi sur son siège de cuir, elle comprit un peu mieux comment l'individu qui avait enlevé Tomoyo avait pu passer sans problème...

Elle arriva dans la première salle qui n'était éclairée que par la lumière des différents bassins qui entouraient la pièce. Une douce lumière bleutée projetait sur les murs quelques ombres flottant au rythme du va-et-vient des créatures aquatiques, créant une atmosphère presque onirique... Habituellement, elle aurait été fascinée par cette ambiance féerique et la beauté des poissons exotiques nageant dans un même mouvement, parfaitement synchronisés. Toutefois, son état d'alerte était tel qu'elle ne les remarquait même pas. Elle resta quelques instants sans bouger, ne savant par où elle devait se diriger pour rejoindre Tomoyo le plus rapidement possible... Et alors qu'elle sentait presque son cœur se suspendre au son des tuyaux qui versaient inlassablement l'eau dans les aquariums, une voix, relayée par des interphones au quatre coins de la salle, l'interpella.

« Va jusqu'au bassin des pingouins, il ne te reste que trois minutes. » l'avertit la voix grésillante.

Sans attendre, Sakura se remit en route, plus empressée que jamais. Elle ne mit guère plus d'une minute pour rejoindre le lieu que l'inconnue lui avait indiqué et, ce qu'elle vit sur place, la foudroya d'effroi. Tomoyo était pieds et mains liés, suspendue au dessus du bassin comme le serait un appât, avec un ruban adhésif collé sur la bouche. L'air lui manqua. Sakura se précipita vers le bassin, plaquant ses deux mains contre la paroi de verre.

« Tomoyo ! » s'époumona-t-elle en donnant un coup de poing contre la vitre.

En réponse, elle ne put que constater les larmes de sa meilleure amie qui coulaient le long de ses joues... C'en était trop pour elle, il fallait qu'elle la sorte de là au plus vite ! Mais alors qu'elle prenait du recul pour tenter de voir par où elle pourrait passer pour rejoindre le haut du bassin, la voix reprit la parole.

« Si tu veux sauver ton amie, je te conseille de réagir vite... Car je ne pense pas qu'elle résistera longtemps sous l'eau. »

À ces mots, le crochet qui retenait Tomoyo par les poignets lâcha, et la pauvre jeune fille se retrouva totalement immergée... Ses membres étant férocement attachés, la noyade semblait imminente. Les yeux de Sakura s'écarquillèrent devant l'horreur de la scène. Comment cela était possible ? Comment une personne pouvait être assez cruelle pour la forcer à observer sa meilleure amie mourir sous ses yeux, impuissante ? Prise d'une rage incontrôlable, elle se mit à hurler, claquant ses poings serrés contre la paroi jusqu'à les faire saigner. Elle devenait complètement hystérique, elle ne paraissait déjà plus réellement humaine...

Dans les sous-sols du bâtiment, Meiling observait la scène grâce à des caméras qui entouraient le bassin des pingouins. Elle savait qu'elle ne pouvait plus faire machine arrière mais elle souhaitait réellement, du plus profond de son cœur, que les pouvoirs de Sakura puissent enfin se manifester... Car, si cela n'arrivait pas, Tomoyo n'avait aucun moyen de s'en sortir. La petite criminelle se mit alors à pleurer malgré elle. Elle savait qu'elle n'était pas en droit d'éprouver de la tristesse en tant que bourreau, mais elle ne pouvait s'empêcher de trouver cette situation cruelle. Esclave de ses ambitions, elle avait suivi docilement les instructions qu'on lui avait données et, maintenant qu'elle faisait face aux conséquences, le regret la rongeait. Elle pouvait voir Sakura s'acharner contre la vitre... Elle pouvait voir dans ses yeux la folie dans sa pire forme, une folie qui dévorait la jeune fille de l'intérieur, lui causant des souffrances indicibles. Elle pouvait entendre dans ses cris toute la douleur qu'elle éprouvait... En face d'elle, Tomoyo coulait à pique et tentait, par des efforts vains, de se dégager de ses liens. Et alors que Meiling pensait devenir définitivement une meurtrière en observant les dernières bulles qui s'échappaient de la bouche de sa pauvre victime, tout s'accéléra brusquement.

Sakura, qui avait à nouveau plaqué ses deux mains contre la paroi dans un geste de rage incommensurable, avait lâché un cri déchirant qui provoqua une véritable explosion ! Le verre, qui pourtant était extrêmement résistant par ses six centimètres d'épaisseur, éclata en mille morceaux et la salle toute entière fut submergée par une vague colossale. Le choc fut tel que Sakura perdit immédiatement conscience.

Dans un brouillard absolu, la jeune fille avait l'impression de flotter, n'ayant autour d'elle rien d'autre qu'une profonde obscurité... Elle se crut morte. Peut-être le fut-elle réellement pendant un bref instant. Des images vinrent se former devant elle. Il ne s'agissait d'abord que de silhouettes grisâtres qu'elle ne sut distinguer. Elles s'animaient sous ses yeux brumeux, comme si elles voulaient lui montrer quelque chose, comme si elles voulaient qu'elle comprenne quelque chose… Sakura tenta de se concentrer pour mieux voir ces ombres. Peu à peu, elle put apercevoir des couleurs. Une des silhouettes s'approcha d'elle, apportant avec elle une luminosité presque aveuglante pour la jeune fille. Elle fut alors dans la capacité de détailler son visage… Il s'agissait de sa mère.

« Maman… » murmura-t-elle, d'une voix enfantine et tout juste audible.

Sa mère lui sourit tendrement puis la prit délicatement dans ses bras. La jeune fille pouvait sentir sa chaleur, son odeur… Elle sentait la nature, la fraîcheur d'un été en pleine forêt. Elle se sentait comme enveloppée par cet amour maternel. C'était agréable, profondément apaisant. Sakura voulut la serrer à son tour mais ses mains, au moment où elles s'approchèrent, traversèrent le corps de la belle Nadeshiko sans parvenir à la toucher… Surprise, elle releva sa tête vers sa mère qui, elle, continuait de lui sourire, imperturbable.

Tout à coup, la lumière qui se dégageait de la silhouette maternelle s'assombrit peu à peu, tournant vers un rouge sombre des plus inquiétants. Sakura fut touchée par une sensation déplaisante, une sensation qui s'accentua quand sa mère la relâcha, montrant alors une expression marquée par une profonde tristesse...

« Tu vas devoir te cacher... Va dans cette armoire et surtout, qu'importe ce qui arrive, ne sors pas de là, d'accord Sakura ?

– Non, souffla la jeune fille, les larmes aux yeux. »

Mais il était déjà trop tard, sa mère refermait les portes du placard sur elle.

« Non, je ne veux pas... »

Nadeshiko s'éloignait peu à peu, sans détourner le regard.

« Non, reviens ! »

Sakura tendait les mains devant elle, elle voulait ouvrir cette armoire et rejoindre sa mère, mais cela lui était tout bonnement impossible. Elle ne pouvait plus bouger.

« Maman ! hurla-t-elle. Ne m'abandonne pas ! Pas encore une fois, je t'en supplie ! »

Soudain, elle reconnut un son, presque imperceptible. Un petit gémissement. Un simple et minuscule gémissement. Le corps de sa mère tomba lourdement sur le sol, inerte. L'homme, l'assassin, sortit de l'ombre, entrant dans la pièce avec sa lame aiguisée à la main. Sakura écarquilla les yeux, sans savoir quoi faire. Elle voulait crier, sortir de là, aider sa mère... Mais c'était impossible, juste impossible. Elle allait revoir le meurtre de sa mère, encore une fois, impuissante.

Cependant, une chose changea. Une chose qui, avant, ne s'était jamais présentée dans ses souvenirs. L'assassin avait un visage, un visage qu'elle pouvait clairement voir et décrire ! L'individu était très grand, pâle avec des cheveux noirs et des yeux d'un bleu étonnant… Il portait de fines lunettes rondes et semblait plus âgé que sa mère.

« Oh… Nadeshiko... Comment as-tu pu commettre une si délicieuse erreur… »

En plus d'être doté d'un visage clair et défini, il parlait ! L'assassin avait parlé, sans qu'elle ne se soit jamais rappelé de ses paroles. Sakura se rapprocha de la porte de sa cachette, ne voulant louper aucun des mots que prononcerait l'homme de ses cauchemars.

« Transmettre tes pouvoirs à ta fille... Quelle idiote tu fais ! s'exclama-t-il, riant comme un diable. Regarde la facilité avec laquelle je peux faire saigner ton corps maintenant... Impossible pour toi de le liquéfier ou même de le solidifier, tu es perdue.

– Mais au moins, je suis maintenant certaine que ma fille sera une aquavia assez forte pour te vaincre... » répliqua-t-elle, d'une voix nettement affaiblie, alors qu’un épais filet rouge carmin s’écoulait de sa bouche. « La prophétie se réalisera et tu ne pourras rien faire pour la contrer… Tu mourras. »

Nadeshiko se tourna sur le côté, crachant un peu plus de sang à cause de l’hémorragie qui commençait déjà à affecter son corps.

« Jamais ta fille ne parviendra à me vaincre. Ton sacrifice est pire qu'inutile... Il est pitoyable. » lâcha l'homme, d'une voix venimeuse.

La belle aquavia ne répondit à cette attaque que par un simple sourire, un sourire faible mais d'une intense chaleur. Cette réaction eut pour effet de redoubler la colère de l'homme. Il se laissa tomber de tout son poids sur le corps de sa victime et commença à asséner ces coups de couteau que Sakura ne connaissait que trop bien...

Elle pleurait alors que cet inlassable spectacle se déroulait sous ses yeux. Mais les émotions qui l'habitaient maintenant étaient différentes. Il n'y avait plus seulement de la douleur et de la tristesse, elle ressentait aussi de la consternation, de l'incompréhension. Une aquavia ? Qu'est ce que cela signifie ? s'interrogea-t-elle intérieurement, totalement perdue. Elle n'avait jamais entendu un tel mot, existait-il ne serait-ce que dans le dictionnaire ? Était-ce une langue étrangère ? Ces interrogations se multipliaient sans qu'elle puisse réellement leur trouver des réponses. Qui avait réellement été sa mère ? Et qui était-elle elle-même ? Elle n'en savait rien... Elle sentait bien que ces mots qui avaient été refoulés dans son esprit depuis des années étaient, en vérité, d'une importance capitale, mais elle ne parvenait pas à saisir leur sens. Pourquoi parlait-il de pouvoirs transmis ? Pourquoi sa mère aurait pu liquéfier ou solidifier son corps ? Cela n'avait strictement aucun sens à ses yeux !

L'incompréhension s'intensifiait dans son esprit, les mots se croisaient, s'entrechoquaient sans jamais être éclairés. À bout, elle hurla et tout le décor de ses souvenirs s'effondra. Sakura fut à nouveau replongée dans le noir complet... Elle resserra ses genoux contre sa poitrine. Une angoisse indescriptible la hantait. Pourquoi n'arrivait-elle pas à comprendre ces paroles qui semblaient pourtant si importantes... Pourquoi ? Toujours dans l'obscurité, elle se mit à entendre des voix, des voix inconnues qui criaient, hurlaient puis s'évanouissaient dans le néant le plus absolu... Une chaleur se fit à nouveau sentir, mais elle n'avait rien à voir avec les bras réconfortants de sa mère. Cette chaleur-là était infernale, suffocante. Quand le silence revint, Sakura pensa que tout était définitivement fini, qu'elle pouvait enfin se reposer de toutes ces émotions... Mais une voix revint, tout près d'elle, celle du meurtrier. Deux portes, réapparues au milieu de toute la noirceur, s'ouvrirent d'un coup vif. L'homme était devant elle, grand, imposant, avec un sourire mauvais aux lèvres.

« Alors finalement, tu étais là, ma chère... »

Sakura hurla de toutes ses forces, horrifiée de le voir si proche d'elle. Non, elle ne voulait pas revivre ce moment ! Elle ne voulait pas qu'il puisse lui refaire ces choses... Elle se débattit, mais c'était peine perdue. Il la prit violemment par les cheveux pour la forcer à sortir de sa cachette. Face contre terre, la fillette qu'elle était redevenue se mit à pleurer... De véritables pleurs, des larmes qui trempaient des joues déjà salies par la cendre.

« Retourne toi, que je vois un peu mieux ton visage. »

Comme elle ne s'exécutait pas, l'homme prit la petite fille par le bras pour l'envoyer valser contre un des murs de la pièce. Un cri déchirant de douleur s'échappa de ses lèvres alors que l'homme revenait vers elle, plus terrifiant encore. Sakura leva un regard haineux vers lui et il s'arrêta net, l'observant avec intérêt.

« Si je m'attendais à cela… » chuchota-t-il, en s'accroupissant devant elle.

L'individu tendit une main pour pincer son menton entre deux doigts brûlants et lui faire relever la tête.

« Ces yeux… Cette peau… Ces lèvres… Tu es déjà incroyablement belle malgré ton jeune âge. Plus belle encore que l'était ta mère de son vivant ! » s'écria-t-il, véritablement amusé de cette découverte.

Les yeux de la fillette voyagèrent alors jusqu'au cadavre calciné de sa mère et la rage revint, puissante, dévastatrice, parvenant même à surpasser l’effroi qui l'habitait ! C'est alors que Sakura se saisît rapidement d'une chaise qui flambait juste à son côté et, bien que le feu, impitoyable, lui lacérait les mains, elle put avoir la force nécessaire pour la jeter, avec une extrême véhémence, sur son agresseur. Celui-ci, surpris, reçut l'objet en pleine figure, reculant quelque peu. Il se débarrassa de la chaise sans trop de difficultés, sous le regard ahuri de la jeune fille. Les flammes ne l'avaient même pas atteint. Il n'était pas blessé, ni même égratigné. Sakura recula d'un pas pour finalement se retrouver collée contre le mur… La rage était encore fulminante en elle, mais elle comprenait aussi la dure réalité qui s'imposait à elle. Elle n'était qu'une fillette et lui, un homme doté d'une force étonnante. Un ignivi.. lui susurra une voix dans son esprit. Un ignivi ? s'interrogea-t-elle. Un nouveau mot qu'elle ne comprenait pas… Sa tête lui tournait, comme si la fumée noire qui les entourait avait peu à peu réussi à atteindre son esprit. L'homme, toujours aussi menaçant, se releva pour se diriger vers elle.

« Tu vas comprendre, ma chère Sakura, que tu me dois un certain… respect. Mais je ne t'en veux pas, après tout, je viens juste de supprimer ta mère, il est donc normal que tu sois légèrement en colère… Mais je veux te rassurer, je ne tiens pas à te tuer pour l'instant, j'ai des projets bien plus intéressants pour toi… Tu verras… »

Dans la main de l'homme, s'agitèrent de sinistres flammes… Elle savait ce qui allait se passer, même si elle ne se rappelait plus tous les détails de cette scène, même si une partie de ses souvenirs restait refoulée malgré elle, elle pouvait se rappeler de la douleur... Cette souffrance demeurait gravée, juste en dessous de sa poitrine, depuis des années…

« Ce sera certainement douloureux, donc serre les dents, Sakura… »

Elle ne voulait pas revivre ça, elle n'était pas prête à revoir cette scène, et encore moins à ressentir ce tourment, elle ne le voulait pas ! Par désespoir, elle laissa s'échapper un dernier cri, elle hurla en rassemblant toute l'énergie qui lui restait. Tout ce qui se trouvait autour d'elle commença à s'effriter, tout se détruisait... s'envolant sous la forme de somptueux pétales noirs. Et, dans un ultime sursaut, elle se réveilla, le front trempé de sueur.

Il lui fallut quelques secondes pour se rendre compte que tout ce qu'elle venait de voir faisait partie d'un nouveau cauchemar... Elle avait le souffle court, les yeux embués de larmes. Elle se frotta les paupières brièvement et tenta de reprendre son calme. Elle jeta un coup d’œil autour d'elle mais ne reconnut pas sa chambre. Les draps dans lesquels elle se trouvait n'étaient pas les siens, ce bureau qui lui faisait face ne lui appartenait pas et ces meubles assortis encore moins... Sans parler de ce vieil homme qui lui souriait, debout juste à côté du lit, habillé comme un majordome. Sa tête ne lui revenait absolument pas.

« Comment vous sentez-vous Mlle Kinomoto ? » lui demanda le vieil homme, avec un sourire professionnel figé sur son visage.

Elle le dévisagea, méfiante, sans lui répondre.

« Devrais-je appeler M. Li pour que vous puissiez retrouver un visage familier ? »

Sakura le regarda avec étonnement. M. Li ? Comme Shaolan Li ? Pourquoi voulait-il l'appeler ? Et, avant même qu'elle puisse poser ne serait-ce qu'une seule question, le majordome se détourna d'elle pour sortir de la chambre. À peine fut-elle seule qu'elle sortit du lit en toute vitesse, se rendant compte au passage qu'elle n'était habillée que d'un top blanc et d'une culotte de la même couleur. Ayant peur de se demander qui l'avait changée, elle se précipita vers la fenêtre sans se poser plus de questions. Et alors qu'elle venait d'ouvrir les deux battants et qu'elle avait déjà un pied sur le rebord, la porte s'ouvrit à nouveau.

« À ta place, je n'essaierais pas de m'enfuir par là, on est quand même au deuxième étage… »

Elle tourna sa tête, choquée par la voix qu'elle venait tout juste de reconnaître. Elle put voir Shaolan, habillé de son uniforme scolaire, qui fermait la porte derrière lui, avant de se tourner vers elle.

« Maintenant, fais moi plaisir et ferme cette fenêtre avant que je n'aie besoin de m'énerver… »

Elle fronça les sourcils et se retourna vers la fenêtre, décidée à sortir quand même. Elle passa une première jambe sous le regard menaçant de Shaolan.

« Je t'ai dit d'arrêter, insista-t-il.

– Je dois y aller, je dois savoir si Tomoyo va bien. »

Au moment même où elle disait ça, les événements qui s'étaient déroulés à l'Aquarium lui revinrent sous la forme de flashs. Elle revoyait sa meilleure amie se débattant dans l'eau pour survivre… L'explosion soudaine de la vitre qui avait submergée la totalité de la salle… Mais, le reste était encore assez flou dans son esprit. Tomoyo avait-elle survécu ? Le regard de Sakura devint livide. Tranquillement, Shaolan continuait de l’observer, prenant place sur le siège qui faisait face au bureau.

 « Elle va bien, affirma-t-il en faisant tranquillement basculer son siège, l'air indifférent.

– Comment tu peux le savoir ? Et aussi, comment ça se fait que je suis ici avec toi ?

– Qu'est-ce que tu es agaçante avec tes questions…

– Réponds moi franchement, est-ce que tu es lié à ce qui est arrivé à Tomoyo à l'Aquarium ? »

À cette question, le regard de Sakura s'assombrît de façon inquiétante. Shaolan jeta un coup d'œil à son interlocutrice, il sentait bien qu'il avait plutôt intérêt à rester sur ses gardes. Elle venait tout juste de s'éveiller et elle était très instable émotionnellement parlant… Pourtant, sa tendance à toujours la provoquer semblait bien plus forte que sa prudence.

« J'avoue que… je ne sais pas à quel point on peut me considérer comme impliqué dans cet incident… fit-il semblant d'admettre, toujours avec ce même masque impassible.

– Espèce de… »

Sakura se retira de la fenêtre pour se ruer sur lui, la haine au bout des lèvres. Le jeune hybride se leva à son tour et saisit la jambe que la jeune fille avait prévu de lui envoyer dans les côtes. Il la repoussa rapidement sur le lit et immédiatement se mit au dessus d'elle pour maintenir ses poignets plaqués contre le matelas. Sakura se débattait comme une diablesse mais elle ne pouvait pas grand chose contre la force de son rival... Ce dernier, amusé, descendit lentement sa bouche à l'oreille de la jeune fille.

« C'est que la Présidente a l'air d'être mécontente... lui susurra-t-il d'un ton provocateur.

– Lâche moi ! s'énerva-t-elle alors que le rouge commençait à lui monter aux joues.

– Certainement pas... Surtout que... ta tenue est assez légère... Tu sembles oublier que je ne suis pas que ton ennemi, je suis aussi un homme.

– Tu parles d'un homme, que de la gueule et pas de couilles !

– Ne parle pas de ce que tu ne sais pas... lui rétorqua-t-il, d'un air arrogant.

– On va vérifier dans ce cas. »

En disant cela, Sakura se tortilla et parvint à dégager son genou pour lui offrir un joli coup bien placé qui eut un effet immédiat. Shaolan s'était replié sur le côté, exprimant sa douleur par un râle significatif.

Elle voulut profiter de cet instant de vulnérabilité pour s'enfuir par la fenêtre encore ouverte, mais Shaolan, l'ayant remarquée, exécuta un geste de la main qui lui permit, grâce à ses pouvoirs d'aerevi, de fermer l'unique échappatoire qui se présentait à la jeune fille. Surprise, Sakura se tourna vers lui.

« Comment t'as fait ça ? »

Shaolan ne lui répondit pas dans l'instant, il préféra l'observer. Les yeux de la jeune fille s'étaient teintés d'une peur nouvelle, c'était la première fois qu'il les voyait comme ça. L'arrogante avait toujours été trop fière pour lui montrer ne serait-ce qu'une once de crainte. Mais, à cet instant précis, elle était là, devant lui, la respiration lourde et le teint aussi pâle que le mur qui se trouvait derrière elle... Cela le perturbait réellement. Il voulut se lever, mais elle recula instinctivement. Sa main tremblante semblait chercher désespérément la poignée de la fenêtre mais ses yeux écarquillés ne pouvaient plus quitter Shaolan.

Le jeune homme resta assis sur le rebord du lit, sans bouger. Ce qui l'étonnait le plus n'était même pas la frayeur qui animait Sakura... Au fond, il se disait que c'était naturel quand une personne qui avait passé sa vie à agir comme une humaine se retrouvait face à des phénomènes qui dépassaient sa perception. Mais il était plutôt intrigué par les sentiments qu'il ressentait lui-même... Une sensation désagréable grossissait dans sa poitrine à mesure que la jeune Sakura tentait de s'éloigner de lui, effrayée. Il soupira...

« Je ne te ferai pas de mal...

– Qu'est-ce que tu es, Li ? osa-t-elle lui demander, la main figée sur la poignée.

– Un Elementary, comme toi. »

Il s'était dit que s'il voulait espérer réduire l'angoisse de Sakura, il valait mieux lui dire toute la vérité au plus vite...

« Un Elementary ? » répéta-t-elle d'une voix faible.

Shaolan montra le siège du bureau à Sakura d'un mouvement de tête, l'invitant ainsi à s'asseoir, mais elle ne bougea pas. Elle attendait une réponse et elle la voulait maintenant. Elle en avait marre de rien savoir, elle en avait plus qu'assez d'entendre des choses qui lui paraissaient importantes mais qui échappaient entièrement à sa compréhension. Elle en avait marre de cette tête qui lui faisait mal, de cet esprit embrouillé... Elle avait besoin de ces réponses, c'était presque devenu vital pour elle.

« Si je me base sur l'imaginaire des humains, je dirais qu'un Elementary serait assez proche d'un magicien pour toi, ou un sorcier... C'est juste qu'on a la particularité de maîtriser un élément de la nature, voire deux dans les cas les plus rares.

– Tu te trompes... sortit-elle dans un souffle. Je ne peux pas être... ça. Je m'en serais rendue compte...

– Tu ne pouvais pas t'en rendre compte avant que tu ne te sois éveillée. »

Sakura se crispa et le jeune homme comprit qu'il allait devoir expliciter son propos.

« Par éveillée, je veux dire que tu as passé une certaine période importante dans la vie d'un Elementary... Celle où les pouvoirs commencent à émerger. Habituellement, elle arrive vers l'âge de seize ans, mais tu as été plus tardive.

– Je n'ai aucun pouvoir ! Je ne comprends rien à ce que tu me racontes... ça n'a aucun sens ! » le contredit-elle, exaspérée.

Sakura le regardait droit dans les yeux, remplie de détresse. Elle se sentait perdue, totalement perdue. Il lui déballait tout ça, comme si tout ce qu'il disait coulait de source mais, pour elle, ses mots n'avaient strictement aucun sens ! Elle ne comprenait pas et ça la rendait folle... Comment elle aurait pu passer à côté de tout ça ? Comment aurait-elle pu s'ignorer elle-même ? À bout de force, elle se laissa glisser contre le mur pour rejoindre le sol.

« Si, tu as des pouvoirs. » reprit Shaolan après avoir attendu que son interlocutrice ait récupéré son calme. « Ils se sont éveillés à l'Aquarium. Voir ta meilleure amie sur le point de mourir, ça a réveillé ton instinct. Plus tes émotions s'accentuaient, plus la pression de l'eau contre la paroi augmentait jusqu'au moment où le verre a cédé. J'admets que pour un simple éveil, ce tour de force était assez spectaculaire...

– C'est moi qui ai fait exploser la vitre ? l'interrogea-t-elle, abasourdie.

– Oui, grâce à ta magie... Tu es vraisemblablement liée à l'eau, ce qui fait de toi une aquavia. »

Sakura écarquilla ses yeux à l'entente de ce mot. Une aquavia ? C'était exactement le terme qu'avait employé sa propre mère... Elle l'avait dit à son assassin juste avant de mourir. Elle avait dit qu'elle deviendrait une aquavia assez puissante pour... Elle ravala sa salive. Tout se bousculait à nouveau.

« Ma mère en avait parlé... murmura-t-elle comme si elle se parlait à elle-même.

– Quoi ? Ta mère avait dit quoi ? »

Malheureusement, il ne reçut aucune réponse de sa part. Il ne pouvait que l'observer, se recroqueviller peu à peu sur elle-même, marmonnant des paroles incompréhensibles. Elle sombrait, il le voyait bien... Mais il ne pouvait rien faire. Elle ne l'écoutait plus, pire elle ne l'entendait plus.

« Kinomoto... Je sais que tu n'aimes pas recevoir des conseils, surtout venant de moi, mais ce serait mieux pour toi d'essayer de te calmer et d'accepter la réalité telle qu'elle est.

– Je n'accepte rien ! hurla-t-elle en se relevant soudainement. Je ne peux pas accepter ! Car si j'y crois, si je viens à penser ne serait-ce qu'une seule seconde que ce que tu dis est vrai, cela voudrait dire que... » elle réprima un sanglot « cela voudrait dire que... »

Sans parvenir à finir sa phrase, Sakura fut prise d'un vertige et s'évanouit, vidée de toute énergie. Shaolan eut à peine le temps de se pencher pour la rattraper avant qu'elle ne rejoigne le sol. Le jeune hybride, bien qu'il n'arrivait pas encore à lui pardonner l'ignorance dont elle avait bénéficié durant toutes ces années, ne pouvait s'empêcher de ressentir un peu de compassion pour elle... Son éveil avait été si brutal... Et, à peine était-elle revenue à elle-même qu'elle avait dû apprendre que toute la vie qu'elle avait vécue jusqu'à maintenant, que toute sa parfaite petite vie d'humaine n'avait été qu'un tissu de mensonges. Tout ce qui faisait son existence propre avait été remis en question en si peu de temps.

Il la déposa avec le plus de délicatesse possible sur le lit avant de s'asseoir à son côté, il put alors voir une larme rouler sur la joue de la jeune fille... Du bout du doigt, il recueillit la perle salée. Puis, surpris de son propre geste, il secoua la tête avant de se relever. Il serra les poings, décidé. Il était maintenant temps pour lui de faire appel à la seule femme au monde qui pourrait l'aider à calmer Sakura, la seule qui savait exactement pourquoi la jeune fille avait si longtemps ignoré son statut d'aquavia, la seule qui savait ce qu'il fallait faire maintenant que Sakura était éveillée... Yelan Li.