Addiction
Au milieu de la nuit, Lucie s'agita. Elle s'était autant empêtré dans les draps que dans son cauchemar. Elle poussait de petits glapissements de terreur et son corps était recouvert de frissons. Caïn ne se réveilla même pas, pourtant il se retourna pour faire face à Lucie et passa un bras autour d'elle. Petit à petit cette dernière se calma et se rapprocha un maximum du capitaine qui lui marmonnait des mots à l'oreille dont ni lui, ni elle ne se souviendraient.
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Lorsqu'ils se réveillèrent dans cette position le matin aucun d'eux ne montra la moindre gêne. Caïn en profita même pour la libérer des menottes. Lucie frotta son poignet mais ne bougea pas. Elle laissa son dos collé au torse du capitaine. Legrand serait furieux de les voir comme ça. Il se ferait des idées. Ils partageaient simplement du réconfort.
- Comment est-ce que tu te sens ?
- J'ai mal partout.
- Allez viens, manger te changera les idées.
Cependant il attendit que ce soit Lucie qui sorte du lit pour amorcer lui-même son mouvement. Là il pourrait plaider coupable devant Aimé car il avait simplement profité du contact avec Lucie. Elle sortit de la chambre. Le temps que Caïn s'extirpe du lit, s'installe sur son fauteuil et ne franchisse le seuil de la porte, Lucie avait disparu.
Le capitaine fila d'abord aux toilettes mais la porte était ouverte. Il se rendit donc jusqu'à la salle de bain et trouva Lucie en train de se couper les cheveux à grands coups de ciseaux désordonnés.
- Lucie arrêtes tu vas te blesser !
- Non, je veux …
- D'accord je comprends mais alors laisse moi faire.
Dès que Caïn proposa son aide, elle figea son mouvement. D'un geste le capitaine lui indiqua une chaise et elle s'y assit docilement. Caïn lui prit les ciseaux, passa derrière elle et recommença à lui couper les cheveux. En premier il les raccourcit presque au niveau des siens puis il passa la tondeuse et enfin, sur demande de Lucie, termina totalement le travail au rasoir. En moins d'une heure Lucie était devenue complètement chauve.
Il la força ensuite à manger et à boire même si elle ne s'en sentait pas l'envie. Dans la matinée Caïn remarqua que Lucie n'arrêtait pas de frissonner. Il la laissa attachée au canapé et enmitouflée dans une couverture alors qu'il partit chercher dans ses affaires de quoi la soulager. Il n'eut aucun mal à trouver ce qui l'intéressait puisqu'il était rangé tout près de la casquette de la veille.
- Tiens, lui dit-il en revenant.
Lucie attrapa ce qu'il lui lançait avant de chercher à savoir de quoi il s'agissait. Elle déplia la boule noire. C'était un bonnet. Il aurait pu être tout à fait banal s'il n'avait pas porté l'inscription « J'emmerde Jacques Moretti » sur le devant.
- Je ne sais pas si …, hésita Lucie.
- Jacques adorait ce bonnet. Tu ne froisseras pas son souvenir en le portant à ton tour, assura Caïn.
Elle l'enfila et sembla être tellement bien avec la tête au chaud qu'elle arrêta de se poser des questions. Elle invita Caïn à s'asseoir à côté d'elle et ils passèrent ainsi une grande partie de la journée. Lucie n'était à peu près bien que roulé en boule contre lui. Lorsque Legrand appela, le capitaine lui assura qu'il ne devait pas s'inquiéter sans pour autant lui donner la moindre explication. Lucie n'avait fait aucun geste vers son téléphone.
Durant la journée Caïn la vit parfois trembler, parfois suer à grosses gouttes. Il savait mieux que quiconque qu'aucune des phrases qu'il pourrait formuler, si réconfortante soit elle en temps normal, ne l'aiderait à se sentir mieux. Il la gardait bien hydratée et à défaut de grandes quantités, il la faisait manger à intervalles réguliers. Il se contentait d'être là.
Les mois qu'il avait passé à l'hôpital lui avait enseigné la patience, qualité que Caïn s'était ensuite toujours évertuer à tenir à distance tant elle lui rappelait ces temps infernaux. Mais en ce moment, si cela pouvait aider Lucie il tiendrait des jours entiers sans bouger une roue. C'est d'ailleurs presque ce qu'il fit durant ce week-end.
Le soir venu elle retint Caïn une nouvelle fois dans la chambre. À peine fut-il dans le lit que Lucie s'installa à ses côtés, aussi proche de lui qu'elle l'avait été dans le canapé. Une fois encore la gêne ne fut rien de ce qu'elle aurait dû être. Caïn et Lucie trouvaient leur place l'un contre l'autre avec la même aisance que sur le terrain ou dans une salle d'interrogatoire. Le capitaine lutta tout un moment pour ne pas la laisser seule mais finit par céder au sommeil. Lucie quant à elle se reposa certes, comme le reste de la journée, mais ne trouva pas une minute de sommeil.
La douleur commençait à la prendre et elle serrait les dents pour ne pas broyer Caïn. Tout du moins le haut du corps. D'abord elle avait simplement passé une jambe entre celles de Caïn, pour le réconfort et la proximité sans pour autant que celui-ci ne s'en rende compte. Puis elle avait rapidement découvert que lorsque ses muscles se contractaient sous l'effet d'un pic de douleur, cela l'aidait à rester calme de pouvoir serrer la jambe entre ses cuisses de toutes ses forces, ne se concentrer que sur ça en sachant que Caïn ne sentait rien.
Elle tint toute la nuit comme ça mais au matin, dès qu'elle sentit Caïn bouger elle l'assaillit. Après une nuit seule en enfer avec pour unique ancre un partenaire endormit, elle avait besoin de parler. Elle lui détailla toutes ses douleurs de la nuit car elle savait que lui comprendrait. Elle lui exposa tous les doutes qu'elle avait ressassé encore et encore.
- Lucie …, commença Caïn en la regardant droit dans les yeux à moins de 20 centimètres l'un de l'autre, … à peine un mois après que nous ayons commencé à travailler ensemble tu m'as remis ta lettre de démission. Je l'ai accroché avec toutes les autres que j'avais déjà reçu puis tu es revenue la chercher. Ce jour-là tu as été plus forte que tous mes lieutenants précédents. Maintenant ça fait 7 ans qu'on se connait et non seulement tu m'as supporté mais tu es devenue ma patronne. Je ne te laisserais pas gâcher cette image maintenant.
- Et pour le SRPJ ?
- Les autres n'auront rien à dire. Et pour Legrand je serais là. Je lui botterais le cul s'il la faut.