Vice-versa
- Vous avez reçu du courrier.
- Quoi ? Ici ?
- Oui. C'est mon adresse mais votre nom.
- Personne ne sait que je crèche ici pourtant.
- Peut-être que l'expéditeur voulait que je vous la transmette.
Caïn prit la lettre. Il la retourna pour observer l'écriture. On aurait dit Gaëlle. Il faillit aller chercher un couteau pour l'ouvrit proprement mais finalement déchira le papier. Comme l'extérieur le laissait penser, l'enveloppe contenait un petit paquet de feuilles mais la lecture de la première ligne de celle qui chapeautait le tout lui suffit.
De rage, il jeta les papiers au loin. L’agrafe qui les liait empêcha qu'ils ne s'éparpillent.
- C'est Gaëlle. Elle demande le divorce.
- Je sais. Je suis désolée.
- Comment ça vous savez ?
- Votre femme est venue me parler durant la semaine. Elle m'a confié, entre autre, qu'elle avait été voir un avocat.
- Pourquoi vous ne m'avez rien dit ?
- Comment vouliez-vous que moi je vous annonce que votre femme vous quitte ?
- Au lieu de venir me parler à moi, elle est allée parler avec vous ! Mais le monde marche sur la tête ! Elle vous a dit quoi au juste ? Est-ce qu'elle vous a expliqué pourquoi soudainement elle me jette comme ça. Elle a quelqu'un c'est ça ?
- Selon elle vous avez changé.
- C'est ce qu'elle voulait non ? Et maintenant qu'elle admet que c'est le cas, elle coupe les ponts ?
Caïn ne laissa même pas le temps à Delambre de répondre quoi que ce soit et partit. Il aurait dû prendre sa moto, c'eut été beaucoup plus rapide mais s'il ne voulait pas tout casser en arrivant chez Gaëlle, il devait se défouler alors il irait en courant.
Il arriva devant la maison complètement essoufflé, ne frappa pas et entra directement. Gaëlle était assise à table avec un autre homme.
- Pars, Antoine.
Le grand brun se leva sans poser de question. Caïn sentit qu'il se méfiait en passant à son niveau. Il ne bougea pas et resta à souffler comme un bœuf. Trop de choses contradictoires lui passaient par la tête si bien qu'il ne fit rien avant que la porte ne se soit refermée derrière le-dit Antoine.
- Alors c'est à cause de lui que tu m'as envoyé les papiers.
- Ne retourne pas le problème, Fred.
- Comment ça ! Je rentre chez moi, je trouve un mec en train de te faire les yeux doux, tu voulais que je vous tienne la chandelle.
- Antoine est un ami.
- Il faudrait que tu le préviennes.
- Je ne vais pas te dire qu'il n'est pas intéressé mais il se montre compréhensif de ma situation.
- Notre situation.
- Bref, il est prêt à attendre.
- Et toi apparemment, tu ne veux pas le faire patienter.
- J'avais pris ma décision bien avant qu'Antoine entre dans ma vie. Avant que tu ne dises quoi que ce soit, répond simplement à une question. Où est-ce que tu habites en ce moment ?
Caïn ferma les yeux. Que pourrait-il répondre ? De toute façon si Gaëlle posait cette question, c'est qu'elle avait déjà une idée de la réponse.
- Tu t'es trahi dès ce matin, Fred. Je doute que Lucie t'ait envoyé un SMS pour ça. Elle aurait attendu de te le donner en mains propres au SRPJ. Si tu es déjà là, c'est que tu étais chez elle.
- Ce n'est pas comme ça …
- Pourquoi ? Regarde-moi dans les yeux et ose me dire que tu n'as pas remarqué sa beauté. C'est une bonne flic, Jacques me l'a dit. Vous formez une équipe hors pair, il me l'a dit aussi. Moi je ne lui ai pas beaucoup parlé mais j'ai senti que c'était quelqu'un de bien. Elle est intelligente, indépendante, forte …
- C'est bon. J'ai compris. Qu'est-ce que ça a à voir avec nous ?
- Donnes-moi une seule bonne raison pour laquelle tu ne serais pas tombé amoureux de cette femme, Fred.
- On ne commande pas ça. Nous sommes devenus amis, de bons amis même à notre façon.
- Jacques est ton meilleur ami depuis des années.
- Je n'ai pas dit qu'ils étaient en compétition.
- Je suis ta femme depuis des années. Pourtant ni lui, ni moi n'avons jamais réussi à te faire changer.
- J'ai arrêté la daube.
- Oui mais ce n'est pas grâce à moi. Durant toutes ces années de mariage je t'ai souvent menacée. Ça n'a jamais rien changé. Elle est arrivée, et en quelques mois, elle a réussi là où j'avais échoué durant toute notre vie commune.
- Cette fois-ci j'étais prêt, c'est tout.
- Est-ce que c'est simplement un mensonge que tu me sers ou tu essayes de te convaincre toi-même. Tu ne te rends même pas compte à quel point tu es différent. Ce n'est pas simplement la drogue ou ta vision sur les handicapés.
- Et bien alors ? Justement ! Pourquoi tu me quittes maintenant ?
- J'espère qu'un jour tu le comprendras.