Partenaire
La blessure de Lucie n'était pas grave si bien qu'elle fut autorisée à rentrer chez elle dès le lendemain. Les journaux titraient déjà sur la tueuse en série sous les barreaux. Au lieu d'espionner Lucie toute la journée pour être certain qu'elle allait bien, Caïn flânait sur la jetée en se demandant ce qu'il pourrait bien apporter. Le soir pour être accueilli chez sa supérieure en ami. L'idée de faire la cuisine lui effleura même l'esprit avant qu'il se souvienne que ses piètres capacités dans le domaine ne serviraient qu'à empoisonner Lucie.
Le soleil s'approchait de la ligne d'horizon et il n'avait toujours pas trouvé d'idée. Il opta donc pour l'option d'acheter une bonne bouteille de vin et de voir sur place ce qu'elle voudrait. Il ne fallait pas qu'il traîne sinon elle allait avoir commencé à manger. De toute façon il ne s'habillerait pas autrement qu'à l'habitude alors il prit sa voiture et se dirigea vers chez Lucie.
Quand il arriva la nuit était tombée. Il fut soulagé de voir que toutes les lumières étaient allumées. Il aurait été compréhensible que la convalescente soit déjà au lit, Caïn n'aurait pas voulu la réveiller. Il mit la bouteille sur ses genoux, redressa les pans de sa veste et s'avança vers la porte. Il était déjà arrivé à Caïn de rentrer en douce chez la commandante mais ce soir rien ne le justifierait alors il sonna. Il attendit un instant avant d'entendre le bruit de la poignée que l'on tourne.
- Fred ! Quelle surprise. Qu'est-ce que tu fais là ? Tu aurais dû me dire que tu passerais j'aurais préparé plus à manger.
- Ce serait plutôt à moi de te retourner la question Alice.
- Ah oui c'est vrai que tu ne le sais pas. J'habite ici mais c'est une longue histoire, tu ferais mieux de rentrer.
Alice s'éloigna en lui laissant le soin de fermer la porte. Au lieu de rentrer il resta immobile un moment. Tant d'informations l'avaient assailli au même moment. Alice venait de dire qu'elle vivait avec Lucie et à la voir se déplacer jusqu'à la cuisine, cela ne faisait aucun doute. Elle portait un pantalon en polaire rouge mais en haut n'avait qu'une brassière de sport. Le reste était plus ou moins caché derrière un tablier blanc. Caïn n'arrivait pas à se décider si c'était la tenue qui le marquait le plus ou le fait qu'elle porte cette tenue chez Lucie.
- Tu entres oui ou non ?, demanda Lucie.
Caïn ne voyait pas encore d'où provenait cette voix mais entra tout de même. Elle était juste là, le bras en écharpe, elle ajoutait déjà un couvert. Au moins elle portait une tenue non suggestive. Lucie paraissait encore fatiguée mais si l'ajout d'une assiette n'était pas assez, le tutoiement était le signe qu'elle l'accueillait volontiers.
- Il doit y avoir plus désagréable que d'avoir mon adjointe à se balader à moitié à poil dans la maison.
- Fred arrêtes avec ces remarques douteuses.
- Pourquoi ne m'avoir rien dit ? Je vous vois tous les jours, toutes les deux et vous ne l'avez jamais mentionné. Vous ne pouvez pas me dire que vous n'avez pas fait exprès de me l'avoir caché.
Lucie avait détourné les yeux mais Alice sortit de la cuisine avec un grand saladier qu'elle posa au centre de la table avant de faire face à Fred.
- On n'a rien parce que Lucie savait que tu réagirais comme ça. Mais si tu as quelque chose à dire vas-y. Je suis sûre que l'on peut tirer quelque chose de très instructif de l'expression de ta jalousie.
- Alice, s'il te plaît …, l'interrompit Lucie.
- J'accumule juste un peu d'argent. Je te laisserais bientôt tranquille Lucie.
- Comme si j'allais te laisser partir, lui répondit-elle avec un sourire. Alice est un vrai cordon bleu.
- Je n'en doute pas. Suivre une recette n'a jamais été mon fort mais toi, tu dois exceller pour ce genre de choses.
Alice reconnut à Fred un bon point. Ils s'installèrent autour de la table et commencèrent à manger. Dès la première bouchée, le capitaine donna raison à Lucie. Alice leur expliqua alors comment elle s'y était prise pour préparer le repas et ils écoutèrent avec la fascination de néophytes. Bien heureusement ils mangeaient déjà sinon ils auraient salivé en entendant ce qui allait suivre.
Finalement le sujet retomba sur Lucie. Fred lui demanda comment elle se sentait, si son épaule lui faisait mal, il l'interrogea même sur la qualité de son sommeil. Lucie lui répondait avec patience. Elle ne le tenait coupable de rien même si toutes ces questions laissaient penser que lui s'en voulait.
Ils passèrent le reste du repas en essayant de ne pas parler boulot sans toutefois pouvoir réellement éviter le sujet. Ils s'attardèrent donc sur Nassim et plus tristement sur Jean-Claude. Alice se montra aussi particulièrement intéressée par Jacques. Fred n'eut aucun mal à comprendre que Lucie et Nassim lui en avaient déjà parlé. Ils aurait pu éviter le sujet mais comme toujours il était difficile de taire quelque chose à sa lieutenante qui, pour manger, avait au moins enfilé un t-shirt.
Étonnement c'est elle qui quitta la table en premier. Elle débarrassa les affaires de tous, fit chauffer une casserole d'eau et les salua avant de disparaître en direction des chambres. Une fois Lucie et Fred seuls, ils ne dirent rien jusqu'à ce que l'eau soit prête. Lucie ramena une tasse, des infusions et tendit à Fred une bouteille de whisky et un verre. Il lui fit un geste de la main.
- Je vais te suivre à l'eau chaude pour ce soir.
Lucie amena une seconde tasse et les servit tous les deux. Une fois les feuilles dans l'eau ils durent attendre mais cette fois-ci Fred ne resta pas muet.
- Je ne pensais pas que tu étais du genre à changer de bord pour une jeune paire de jambes.
- Arrêtes ça. Au lieu de faire tes sous-entendus tu devrais me poser directement la question comme ça j'aurais déjà pu te dire il y a longtemps que ce n'était pas drôle.Alice est comme une colocataire mais jamais je ne la verrais comme … ça. Ce n'est même pas une question de sexe, c'est juste que …
La seule expression que Lucie arborait était du dégoût. Sa peau était même couverte de chair de poule. Il avait donc eu faux sur toute la ligne. Fred s'excusa mais alors qu'il continuait une conversation plus banale, il restait un peu ailleurs, réexaminant dans sa tête tout ce qu'il avait observé entre les deux femmes, et ce depuis le début, à l'aune de ce qu'il venait d'apprendre.