Partenaire
- J'ai une théorie qui explique tout, déclara Fred alors qu'il était sur le pas de la porte. Alice est une sorte de fille cachée que tu as eu étant jeune mais que tu as dû abandonner, ou alors on t'y a forcé. C'est à cause d'elle que tu as laissé la carrière de religieuse derrière toi pour celle de fliquette, n'est-ce pas ? Et puis il y a quelques mois elle est réapparut dans ta vie, tu l'héberges et tu la fais intégrer ton SRPJ pour la garder près de toi.
Fred avait cru au moins lui tirer un sourire mais Lucie resta de marbre. Il la fixa pendant un moment, cherchant à capter son regard fuyant ou à obtenir une réponse, si injurieuse soit elle. Lucie ne fit rien.
- Bonne nuit Fred.
Elle ferma la porte. Le capitaine ne bougea pas. Il resta dans l'obscurité et la fraîcheur soudaine de la nuit. Il était perplexe. Pourquoi Lucie ne lui avait-elle pas dit d'aller se faire foutre ou toute autre réjouissance ? Mais surtout pourquoi n'avait-elle même pas pris la peine de le démentir ?
Caïn avait repensé toute leur relation. Il lui était apparu qu'il s'était laissé aveuglé par ce qu'Alice aurait qualifié de « jalousie ». Que pouvait-il y faire ? Mais maintenant qu'il avait les idées claires il devait bien reconnaître que Lucie agissait plus avec la protectivité d'une mine envers Alice que d'une amante. Cela ne voulait rien dire en soi. Lucie était sans enfant, elle aurait tout à fait pu se prendre d'une affection toute la maternelle pour la jeune femme. Il arrivait même à Caïn de se rappeler à l'ordre lui-même lorsqu'une comparaison entre sa lieutenante et Ben lui venait.
Pourtant ces faits n'expliquaient pas non plus pourquoi elle n'avait rien dit ce soir et Caïn ne pouvait pas juste ignorer ce qui venait de se passer. Son instinct de flic était piqué au vif et quand tel était le cas rien ne le faisait démordre de sa proie. Il voulait la vérité surtout si elle impliquait à la fois Lucie et Alice.
Malgré son envie furieuse de frapper à la porte pour poser toutes ses questions, ce soir n'était pas le bon moment. Lucie devait être épuisée et Alice dormait déjà comme un loir. Caïn rentra donc chez lui. Sur la route il ne dépassa aucune limitation tant il était ailleurs et dans son lit, il s'endormit au son de l’interrogatoire qu'il allait faire passer à Alice. On verrait bien si elle disait autant la vérité que ce qu'elle proclamait.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Comme tous les matins, Alice s'était réveillée tôt. Elle avait mangé en faisant un minimum de bruit et s'était préparée dans le silence le plus complet. Une fois parée, elle avait vérifié que Lucie dormait confortablement avant de s'éclipser vers le commissariat. Lucie n'était, de toute façon, pas tenue de s'y rendre et Alice lui avait laissé un mot lui disant qu'elle dégagerait un moment pour qu'elles mangent ensemble à midi.
Sans surprise elle était arrivée avant les autres. Nassim la suivit de près mais ils eurent le temps de discuter pendant 1 heure et demi avant que le capitaine ne fasse irruption au SRPJ. Alice sut en un coup d’œil qu'il avait quelque chose en tête et que ça la concernait. C'est donc presque machinalement qu'elle se leva et le suivit dans son bureau.
Alice ferma la porte derrière eux et se retourna. Le capitaine lui faisait face. Elle attendit qu'il parle mais il ne disait rien. Fred semblait la contempler elle, ainsi que la question qu'il voulait poser. Alice connaissait assez le capitaine pour savoir quand il était sûr de lui, or à ce moment précis il ne l'était pas. Alice avait quelques idées de questions auxquelles le capitaine ne voudrait pas de réponses mais elle ne comprenait pas ce qui aurait pu l'amener à les poser maintenant.
- Qui est Lucie pour toi ?
Alice n'avait pas pensé que cette question-là serait source de tant de troubles chez le capitaine.
- Elle est ma supérieure hiérarchique au dessus de toi mais je pense que ta question portait plus sur une dimension privée. Et bien … Lucie m'héberge. On a appris à se connaître alors je dirais que maintenant nous sommes amies.
Fred n'était pas satisfait de cette réponse. Il attendait autre chose sans encore oser le demander directement. Il l'avait toujours soupçonné d'entretenir une liaison avec Lucie. Alice le savait et s'en amusait tant cela lui semblait absurde.
- Est-ce que Lucie est ta mère ?
Alice scruta le capitaine pour savoir ce qu'il pensait en demandant cela. Elle vit assez clairement qu'il était totalement sérieux. Elle considéra donc la question avec autant de pragmatisme que lui.
- Non. Lucie n'est pas ma mère biologique. J'ai eu une mère, elle m'a aimé, c'est d'ailleurs peut-être la seule chose de bien qu'elle ait faite pour moi. Donc non Lucie n'est pas ma mère, et même si j'aimais la mienne de tout mon cœur, j'aurais été fière que ce soit le cas.
- J'aurais été fière de t'avoir comme fille aussi.
Fred et Alice se tournèrent vers la porte d'un seul mouvement. Lucie était à peine dévoilée par l’entrebâillement de la porte. Aucune ne prêtait attention à Fred. Sans aucun mouvement brusque Alice s'approcha de Lucie. Elle lui passa les bras autour de la taille en faisant bien attention à ne pas appuyer sur l'épaule endolorie et la souleva du sol.
Lucie fut d'abord surprise mais elle se mit rapidement à rire dans la limite de ce que lui permettait sa blessure. Fred ne parvenait pas à voir le visage d'Alice qui était enfoui dans les plis des vêtements de Lucie. Il souriait lui-même de toutes ses dents malgré le pincement au cœur. À l'époque où il n'avait pas encore son fauteuil, Fred était un adepte de ce genre de démonstration de joie. Maintenant il se limitait.
En tout cas il avait eu raison sur un point, même si ce n'était pas génétique, c'était bel et bien une relation mère-fille ou presque qui unissait Lucie et Alice.