Partenaire
Caïn et Alice purent observer le témoin récalcitrant à travers la vitre teintée avant d'entrer dans l'arène. Il n'avait rien dit au capitaine Ousbir et au lieutenant Moreau, ni son nom, ni ce qu'il avait vu. Il avait tout de l'homme moyen, entrant dans la soixantaine, les cheveux grisonnants, les joues relâchées. Ils n'eurent besoin que d'un regard pour entrer en scène.
C'est Caïn qui passa la porte de la salle d'interrogatoire le premier. Alice qui le suivait de près, ferma la porte derrière elle et se présenta.
- Lieutenant Alice Alberti. « L'handicapée ».
- Et capitaine Frédéric Caïn « la fillette ». Qu'est-ce que vous voulez ?
- Si j'avais pensé que la police disposait d'une telle bande de rigolos j'aurais demandé à vous voir plus tôt.
- Ah vraiment ? Vous en trouvez souvent des cadavres ?, demanda Caïn.
- Ça m'arrive en effet mais souvent ce sont des chats ou des rats, des oiseaux à la limite mais pas des êtres humains.
- Qu'avez-vous à nous dire monsieur … ?, reprit Alice.
- Benoît. Stéphane Benoît. Je n'avais rien de particulier à dire mais j'étais curieux de voir si les rumeurs étaient vraies.
Alice fit un pas en avant pour que son coéquipier n'attaque pas tout de suite leur suspect. C'est elle qui prit la parole sur un ton calme et posé.
- Quelles rumeurs ?
- Que le fameux flic à roulettes et au fils criminel était maintenant affublé d'une minette.
- Est-ce de la jalousie ?
Alice avait profité de cette remarque pour passer derrière le capitaine et lui poser les mains sur les épaules. Une simple position dans la salle ne suffirait pas à le faire taire si ce monsieur Benoît continuait de taper dans la fourmilière. Sous ses doigts, elle sentit Caïn prendre sur lui avant de parler.
- Monsieur Benoît avez-vous vu quoi que ce soit ?
- Non. J'ai entendu le coup de feu au loin. Le son résonne bien par ici. Mais quand je suis arrivé, il n'y avait plus qu'elle.
- Vous êtes sûr ? Aucun détail, aucune précision ?
- Non.
Sans même se concerter ils se dirigèrent d'un même pas vers la porte. Ils avaient cette force de donner l'impression de marcher parfaitement à l'unisson alors même que l'un d'eux ne marchait pas. À peine sortit la capitaine Ousbir les attendait et le lieutenant Moreau revenait avec un dossier dans les mains.
- Il nous ment c'est évident, commença Nabila Ousbir.
- On ne peut être que d'accord avec vous.
- J'ai son état civil. Stéphane Benoît est originaire de Chateauneuf. Il n'a aucun casier judiciaire.
- Moreau vous me prenez ses empreintes et son ADN avant de le relâcher. On n'a pas le choix. Et vous qu'est-ce que vous allez faire ?
- À moins que vous n'ayez absolument besoin de nous, le capitaine Alice et moi-même allons retourner à Marseille. Bien sûr nous resterons joignable si vous avez besoin de quoi que ce soit pour une bonne coopération entre services.
- Entendu. Merci de vous être déplace capitaine. Je vous tiendrais au courant des avancements de l'enquête.
- Merci.
Ils se quittèrent ainsi. Le capitaine Ousbir semblait soulagée de ne pas avoir à gérer deux nouveaux enquêteurs et les-dits enquêteurs étaient ravis de pouvoir rentrer chez eux. Lucie se montra légèrement déçue qu'ils n'aient pas poussé la collaboration et après plusieurs remarques de l'un comme de l'autre, elle les renvoya chez eux.
Pendant la semaine qui suivit ils reçurent plusieurs appels du SRPJ d'Aix qui, comme à leur promesse, les tenait informé. La victime n'était pas mariée mais avait deux hommes différents dans sa vie. Stéphane Benoït était toujours aussi suspect puisque son ADN était partout tout comme ses empreintes mais ils n'avaient toujours rien contre lui. Il ne connaissait pas Louise Belavre. Rien que d'avoir à faire à leur enquête de loin , Caïn les plaignait. Ils n'avaient aucun indice quant à la signification du message laissé. « Plus près ». De quoi ? De qui ?
Une semaine jour pour jour après le meurtre de Louise Belavre, Lucie convoqua une fois encore Caïn et Alice dans son bureau. Cette fois-ci elle avait un air beaucoup plus grave.
- Caïn tu te souviens de Legerec ?
- Legerec … L'incapable responsable de la mort de Morand Brahi ?
- Lui-même. Il a été tué. On lui a mis le fusil directement dans la bouche avant de tirer.
- Pourquoi pas un suicide ?
- Un message a été écrit au sol avec son sang.
Caïn et Alice se figèrent totalement. Ils ne s'en rendirent compte qu'après mais ils avaient aussi arrêté de respirer. « Encore plus près », voilà ce que disait le message. Alice voulut joindre immédiatement le SRPJ d'Aix mais Lucie l'arrêta. Ils avaient déjà transféré tous les dossiers.
- On aurait affaire à un tueur en série ?
- Je n'espère pas mais il laisse des messages derrière lui. Il est probable qu'il est un objectif.
- Putain !
Ils partirent tous directement pour Aix. Sur place cette fois-ci Ousbir et Moreau furent ravis de les voir. Ils partagèrent volontiers leur information. Ils avaient un dossier sur chacune des deux victimes mais pas le moindre lien entre elles, même lointain. Malgré tout il devenait assez évident que le tueur frapperait encore.
Ils réinterrogèrent Stéphane Benoît. Ce dernier n'avait évidement aucun alibi pour le soir du meurtre. Comme avec Louise Belavre, il ne connaissait Legerec ni d'Adam ni de Eve. Aucune raison de le soupçonner donc. Mais les sens des deux capitaines et de leurs lieutenants leur criaient le contraire.