Inconnue au bataillon

Chapitre 8

1260 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/06/2018 21:40

Durant toute la matinée du lendemain Caïn, Delambre et Borel pataugeaient. Legrand, de son côté, continuait de retracer patiemment le trajet qu'avait suivi Alice ces deux dernières semaines. Caïn n'appréciait pas beaucoup de voir qu'elle l'avait suivi pendant des jours entiers et qu'il n'avait rien vu, qu'il n'avait même rien soupçonné. Alice avait aussi suivi Delambre, Borel et Legrand sans qu'ils ne sentent rien non plus. Ce n'était une amatrice.


  • Si elle s'est baladée partout dans Marseille, une caméra l'aura forcément vu, avait déclarer Borel aux alentours de 9 heure.


Mais à 16 heure il était encore en train de chercher. Elle semblait éviter les caméras comme la peste. Cette idée resta pourtant dans la tête de l'équipe alors que Legrand ajoutait toujours des points à la carte. Soudain Caïn eut une idée.


  • Elle évite les caméras comme personne mais certaines étaient inévitables si elle voulait me suivre.
  • C'est-à-dire ?, s'enquit Lucie.
  • Alice doit avoir une voiture et elle n'avait aucune chance d'éviter les caméras sur la route.
  • Son garage à l'hôpital était vide et on n'a pas trouvé de clés de voiture sur elle, protesta Legrand.
  • Elle était de sortie, normal que la voiture ne soit plus à l'écurie.
  • C'est peut-être là-bas qu'on trouvera la serrure à ma petite clé.
  • Vous avez raison Borel. Au boulot.
  • J'ai déjà remarqué tout à l'heure qu'entre ces deux points, là et là, Alice avait dû être obligée de prendre cette route-là, déclara Delambre.


Avec la mémoire du capitaine et les lieux donnés par les photos ils trouvèrent 12 caméras de surveillance ayant vu passer la Saab jaune. Ils prirent donc le temps de lister à chaque fois les marques, couleurs et plaques des 20 voitures suivantes. Ils parvinrent enfin à trouver une piste sur leur fileuse, une BMW noire élégante mais pas tape à l’œil, juste assez vieille pour qu'on ne la regarde pas. Borel était déjà sur l'ordinateur pour entrer leurs références.


  • Bingo ! J'ai une BM noire correspondant à notre immatriculation qui a été emmené ce matin à la fourrière pour stationnement abusif … à 100 mètres de la scène du crime. La carte grise est enregistrée au nom de Marienna Manzeni. J'ai une adresse.
  • Et bien allons rendre une petite visite à Madame Manzeni et vous Borel vous allez à la fourrière pour me trouver cette voiture.


Caïn était déjà sorti. Trouver enfin une piste après tant de patinage dans la semoule l'avait revigoré. Delambre et Legrand étaient sur ses talons, Borel les suivait à quelques pas derrière. Alors qu'ils se rendaient chez le propriétaire de la voiture, la commandante reçut un message de l'hôpital.


  • Alice n'a plus besoin d'assistance respiratoire. Les médecins sont de plus en plus confiants. Ils parlent d'un « quand » et plus d'un « si » elle se réveille.
  • Elle vous plaît vraiment cette gamine.
  • Elle n'est pas si jeune que ça.
  • Excusez-moi mais je suis plutôt bien placé pour savoir que Lucie n'est pas … comme ça, interrompit Legrand.
  • Vous le préviendrez en premier si vous changer de bord, hein Lucie ?, demanda Caïn avec un sourire.


Delambre sembla trouver cette remarque très drôle mais pas le principal concerné qui afficha une expression légèrement confuse lorsque la commandante ne daigna même pas apporter de réponse. Eux étaient tellement habitués à ne rien se dire qu'une non réponse était une réponse quand même. Legrand, lui, ne voyait qu'une chose : à chaque fois que Lucie ne répondait pas c'est que la question touchait à ses sentiments, Frédéric Caïn ou les deux. Il s'inquiétait souvent de voir à quel point ces deux notions étaient proches chez Lucie.


Legrand fut soulagé lorsque le capitaine stoppa la voiture. Il s'était arrêté devant une petite maison au portail usé. La bande de pelouse à l'avant de l'entrée était certes fournie mais plus en mauvaises herbes qu'en gazon. Le lieutenant alla sonner à la porte pendant que Lucie aidait Caïn avec les quelques marches du perron. Alors qu'ils se retournaient la porte s'ouvrit, découvrant un petit bout de femme fatiguée. Le monde semblait posé sur ses épaules et lui avait courbé le dos. Ses yeux étaient enfoncés dans son crâne avec un effet accentué encore par ses rides profondes. Elle avait les cheveux encore très noirs pour son âge mais ses derniers étaient si fins qu'on les eu dit prêt à casser.


  • Que puis-je pour vous ?
  • Avez-vous une BMW noire ?, commença Caïn sur le ton de la conversation.
  • Oui.
  • Où est-elle en ce moment ?
  • À la fourrière.
  • Pourquoi ?
  • Stationnement abusif il me semble.
  • Pourquoi n'êtes-vous pas allé la chercher ?, demanda Legrand.


Cette fois-ci madame Manzani ne répondit pas. Elle s'écarta du passage pour laisser entrer le capitaine et sa suite. L'intérieur de la maison était sensiblement similaire à l'extérieur : vieux et usé mais propre. Sur un tapis au fond du salon un chien aux babines grises les salua en remuant la queue. Elle les invita à s'asseoir.


  • Ce n'était pas dans le contrat, dit-elle alors.


Delambre et Legrand restèrent interdits face à cette réponse mais Caïn, lui, continua la discussion.


  • Quel contrat ?
  • Pour la voiture. Je le loue à qui veut bien. En ce moment c'est une jeune fille qui l'a.
  • Vous savez son nom ?, s'enquit Legrand.
  • Jeune homme, j'ai gardé très peu de choses de mon mari mais ne jamais demander de nom à ceux prêt à payer en liquide est une habitude tenace.


Legrand s'apprêtait à ouvrir la bouche pour demander autre chose mais Caïn le coupa en désignant un cadre sur la table basse.


  • Vous êtes la femme d'Alfredo ?


Madame Manzeni lui sourit sans répondre.


  • Pourquoi vous intéressez-vous à cette fille ?
  • On a essayé de l'assassiner.
  • Pourquoi s'en prend-t-on toujours aux bons ?


Elle semblait sincèrement attristée de cette nouvelle. Le capitaine s'approcha d'elle et lui prit une main. Delambre était surprise de voir Caïn se montrer réconfortant. Legrand reprit ses questions.


  • Vous la connaissez donc.
  • À force de voir passer devant mes yeux toute la lie de Marseille on apprend vite à reconnaître les gens dignes de confiance. Cette fille est juste, aimable, loyale. Je ne sais pas qui a fait ça mais je vous en prie, arrêtez-le.
  • On ne vous a jamais dit que nous étions de la police, déclara Legrand, suspicieux.
  • Voyons bel Aimé, vous suintez le condé à des kilomètres à la ronde, répondit Caïn. Madame Manzeni nous allons devoir fouiller votre voiture. Je demanderais à mon lieutenant de faire attention et nous vous la ramènerons dès que nous aurons fini.
  • Merci. Mais dites-moi, j'ai l'impression de vous connaître.


Caïn lui sourit en se dirigeant vers la porte. Delambre et Lergrand le suivirent. Le capitaine avait la main sur la porte lorsqu'il répondit.


  • Frédéric Caïn. À l'époque j'étais sûrement un peu plus grand.
  • Le policier ? Mon mari ne vous a jamais aimé.
  • Sachez, madame Manzeni, que c'était réciproque.


Ils avaient dit cela avec un tel sourire que Legrand se demanda si ces mots étaient bien ce qu'ils semblaient être. Après tout le capitaine avait ses secrets.  


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