La remarque de trop
Les jours passèrent et Fred tint promesse. La vie reprit son cours. Nassim, Fred, Sam. Les enfants, les cauchemars, le SRPJ. Le capitaine dégonflait un peu pour retrouver peu à peu une forme et une couleur humaine. Il profita d'un jour de beau pour organiser un grand barbecue devant la PJ. Bien qu'appartenant à l'IML, Elizabeth fut conviée aussi. Au malheur de Fred elle s'entendit très bien avec Sam et ils passèrent une partie de leur temps à le vanner.
Stunia s'inquiétait pour Caïn et se trouvait rassurée de le savoir en si bonne compagnie. Le capitaine lui fut certes quelques commentaires déplacés mais si Sam, ni Nassim n'y crurent une seconde, quant à l'intéressée, c'est à peine si elle se sentit concernée. Fred ne bernait plus personne.
- Et Sam toi tu fais quoi dans la vie ?
- Avec mon physique le plus simple c'est la sécurité. J'ai fait videur, gardien, agent de sécurité, garde du corps …
- Vous avez des congés à cette période comme ça ?
- Non j'ai quitté mon job. Je ne reste jamais longtemps au même endroit. Marseille me plaît bien, peut-être que je vais y emménager. Pour l'instant je suis dans des petites missions par intérim. Je loge chez Nassim avec Fred.
- Pauvre Borel. Vous envahissez complètement sa maison.
- Plus trop. Fred dort ailleurs en semaine alors je prends son lit.
- Il ne dort pas tous les soirs chez Nassim ?
- Non. Je ne sais pas où il dort mais pour l'instant ça à l'air de lui réussir alors on le laisse faire.
Elizabeth fut soudain prise d'une crise de rire. Sam l'interrogea.
- J'imaginais simplement Caïn dormir chez une femme.
À peine l'idée fut-elle évoquée que Samuel se mit à rire de même. Fred arriva entre eux.
- Qui a-t-il de si drôle à cela ?
- Chez une femme !
- La pauvre !
- À murmurer ton amour pour Lucie dans ton sommeil tu ne la garderais pas deux jours.
- Et bien figurez vous que je dors chez une femme !
Sam, Elizabeth et Nassim le regardèrent sans rien dire un instant s'attendant peut-être à ce qu'il modifie sa déclaration. Voyant qu'il restait buté, Elizabeth souffla du nez.
- Fred … c'est nous. Tu n'as pas besoin de te défendre ou de te justifier devant nous. Et puis on n'en a rien à faire que tu squattes le canapé de Lucie, tu fais comme tu veux.
- Comment tu …
- Moi aussi je prends plus soin de toi que tu ne le penses, répondit-elle mystérieusement.
Elizabeth lui déposa un baiser sur le front avant de partir. Elle laissa là Fred interdit. Sam et Nassim se retinrent de rire. Le lieutenant apporta un sandwich saucisse à son capitaine pour essayer de faire passer cet air bêta. Il remercia Nassim et mangea en gardant l'esprit ailleurs.
- Alors tu penses quoi d'Elizabeth ?, demanda Nassim à Sam.
- Je l'adore déjà.
- C'est une vrai tigresse lorsqu'il s'agit de défendre ceux qu'elle aime. Le capitaine est in de ses amis de longue date. Ils se sont rencontrés alors … qu'elle traversait une période assez dure. Depuis ils s'estiment autant qu'ils se respectent. Tu m'écoutes ?
Sam feignait la sourde oreille. Dès que Nassim était entré dans un sujet plus personnel il avait essayé de se concentrer ailleurs. Elizabeth lui raconterait toute cette histoire plus tard, si elle le souhaitait. Rien de mieux que quelques policiers en uniforme pour se détourner l'attention.
Il les regardait interagir ensemble plus comme des amis que comme des collègues. Travailler à la Crime devait pousser aux rapprochements. Malgré son expérience en la matière Sam aurait eu bien du mal à dire qui était les chefs et qui étaient les subordonnés. Cela donnait une jolie petite scène avec la mer par delà le quai et le ciel rosissant du soleil couchant. Une vraie carte postale.
Comme pour lui donner raison tous les policiers se figèrent. Ils regardaient vaguement dans sa direction. Sam mit quelques secondes avant de comprendre que ce n'était pas lui qu'ils visaient mais un élément derrière lui. De là où il était Sam pouvait voir Nassim, immobilisé lui aussi, les yeux ronds comme des balles.
C'est en se retournant qu'il vit Fred et sans même savoir, il comprit. Il avait les bras ballants, les sourcils froncés et la bouche pas tout à fait close. Lui aussi fixait cet endroit qui était juste derrière Sam. Il continua donc sa rotation pour découvrir ce qui avait tant retenu l'attention de tous.
Sam respira un grand coup et quand il expira tout un poids sembla s'envoler de ses épaules. Elle était là, dans la lueur rougeâtre de la soirée. Elle se tenait droite comme un i mais malgré cela il semblait qu'une brise aurait pu la faire tomber. Mais elle était bien là. Lucie Delambre.