Shanshu II - Wolfram & Hart

Chapitre 20 : Chapitre 20 LA SORCIERE DU CREPUSCULE

19623 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/08/2024 16:20

CHAPITRE 20 LA SORCIERE DU CREPUSCULE

 

 

- Les nouvelles fraiches d'Altor... La gazette du magicien est sortie... Les news sont arrivés... Veuillez-vous approcher... L'annonce du festival... La grande prêtresse... Vous saurez tout... Approchez mesdames et messieurs...

 

Au centre de la grande place, un hologramme, identifiable à ses traits saccadés et partiellement transparents, représentait un enfant vêtu d'un béret et d'un pantalon trop large pour lui, projetant aux quatre vents des journaux imprimés. Bien que l'enfant ne soit pas réel, les prospectus en papier se révélaient plus vrais que nature.

 

La grande place était bordée de bâtiments haussmanniens aux teintes variées, allant du rose au blanc en passant par le gris. En son centre trônait majestueusement une Arche, dont l'accès, clôturée par des barreaux de chaque côté, restait momentanément fermé au public.

 

Autour, une foule de passants gravitaient, vacant à leurs occupations quotidiennes. Nombre d’entre eux s'enquéraient des nouvelles du jour en saisissant les journaux au vol. Les papiers ne trouvant pas preneur s'affalaient sur le sol sans s'y fixer, s'effritant jusqu'à devenir poussière. Il y en eut un parmi la multitude qui, par un heureux concours de circonstance, fut sauvé d'une main ferme, à quelque centimètre de sa désintégration.

 

Parvenue à dénicher un exemplaire, Leina l'examina avec intérêt. Le gros titre annonçait “Cérémonie en honneur de la grande prêtresse” tandis qu’une photo en noir et blanc dévoilait une silhouette sombre et indistincte, assise sur un trône aux contours vaguement perceptibles. En fixant l'image, la jeune femme pensa d’abord à un trouble de la vision. La photo n'était pas statique. A la manière d'un film projeté sur un écran, la silhouette se mouvait à l'intérieur. Elle se levait de son siège pour rejoindre le bord de l’estrade. Un effet de dézoom révélait une foule grossièrement dessinée à ses pieds, en train de l’acclamer. L'image animée retournait inexorablement à son point de départ pour rejouer la même scène en boucle.

 

Rejointe par Seyia et Alex dans son désarroi, Leina resta sans voix. Kteal, quant à lui, n’avait pas l’air surpris et apparaissait comme à son habitude, imperturbable.

 

-Cette ville regorge de magie, annonça-t-il comme s'il ne s'agissait là que d'une banalité. Si vous êtes émerveillé par si peu, alors vous n'avez pas fini.

 

-Si peu? réagit Leina excédée par son stoïcisme. On est littéralement dans le monde d'Harry Potter et tu oses dire, si peu.

 

-Je me verrai bien griffon d'or, ajouta Alex. Après tout, Harry avait une cicatrice et moi j'ai un cache œil de pirate, ce qui me donne un attrait autrement plus sexy.

 

-Griffon d'or? aucun intérêt, reprit-elle. Moi je me verrai bien être une Serpentard. Severus Rogue, y a pas à dire, c'est le plus captivant.

 

Kteal et Seyia se montrèrent accablés par leur réaction commune. Alex les soupçonna de méconnaitre cette référence, qui en son temps, avait rencontré un succès colossal, que ce soit en roman ou par le biais des grands écrans. Malgré cet engouement manifeste, la tendance humaine à se lasser rapidement des nouveautés, fussent-elles extraordinaires, œuvra, à force de visionnages à répétition, à en banaliser l'expérience.

 

Remise de ses émotions, Leina se décida à en lire le contenu à voix haute.

 

“La célébration aura lieu comme chaque année, le jour de grâce de la fondation. Tous les citoyens d'Altor sont conviés à festoyer dans les rues pour acclamer notre grande prêtresse. Le défilé, instauré il y a quelques années, parviendra à son point culminant sous la grande arche de la place de la liberté. Que ce jour nous soit à tous profitable et que l'on n'oublie jamais les sacrifices consentis à la préservation de notre mode de vie. Gloire à la grande prêtresse protectrice de nos âmes et garante de notre liberté''

 

-C'est fou ! s'étonna Leina en se délestant du papier. A peu de choses près, on croirait entendre un discours de propagande perpétré par Wolfram et Hart.

 

-Ouais, acquiesça Alex. Ça en dit long sur l'ambiance qui règne ici.

 

La mine sombre, Kteal affichait un air perturbé. La tueuse, percevant le malaise, leva le regard sur ce dernier.

 

-Kteal ? Est-ce que tout va bien?

 

Il acquiesça d'un hochement de tête timide. La sensation éprouvée en regagnant la ville était à mille lieux de celle espérée. Suite à son bannissement, il avait tiré une croix sur l'espoir de retrouver un jour la capitale. Aujourd'hui, alors que son plus grand désir se réalisait, le sentiment de ne pas s'y trouver à sa place prédominait sur tout le reste. 

 

-Allons-y, ne restons pas ici, dit-il en battant le pavé.

 

Le reste du groupe se hâta de le rejoindre, avides de découvrir les multiples facettes de cette ville imprégnée de mysticisme.

 

-Je peux savoir où on va ? demanda Seyia.

 

Peu enclin à dévoiler son plan, Kteal continua son chemin sans dire un mot. La tueuse se tourna vers Alex et Leina dont les regards trahissaient le même désarroi. Ils décidèrent néanmoins de le suivre sans poser davantage de questions, espérant en leur for intérieur que les réponses ne tarderaient pas.

 

En remontant le long de la grande place ou chaque espace se voulait dédié à une étrangeté visuelle, ils eurent tout loisir d'observer leur environnement et de s'accoutumer aux mœurs local. Partout où leurs regards portaient, l'initiation à la sorcellerie se pratiquait avec ferveur et passion. Un attroupement de personnes faisait léviter des objets en apesanteur lorsqu'ils ne flottaient pas eux même. À l'est de la zone, des pratiquants s'adonnaient au contrôle des éléments. Certains maîtrisaient le feu, d'autres le vent, et les plus artistes d'entre eux s'amusaient à élaborer des sculptures de glace aux mesures totalement disproportionnées, et cela sans efforts apparents.

 

Plus loin, un concert musical improvisé se jouait en plein air. La chanteuse, vêtu en rock star, offrait un spectacle saisissant, créant des illusions pyrotechnique effrayantes. Des démons et des dragons crachant des torrents de flammes prenaient forme, émerveillant la foule enhardie.

 

La vision la plus fascinante pour Leina fut cette famille pique niquant sur l’herbe, avec autour d'eux, des lapins volants, des biches sautillantes et luisantes, ainsi que des papillons aux milles couleurs que leur enfant tentait vainement de saisir de ses petites mains.

 

Le soleil brillait si haut dans le ciel que cette journée s'apparentait à une magnifique fin de matinée estivale. L'air pur et fleuri attisait une morosité morbide chez la magicienne néophyte qui ne put s'empêcher de corréler son monde à celui-ci, idéalisé.

 

Alors qu'ils arpentèrent l'une des deux grandes rue principales juxtaposée à la grande place, une fée aux petites ailes lumineuse fusa, manquant de peu d'entrer en collision avec Leina, avant d'exploser en plein vol quelque mètres plus loin. Une poignée de seconde plus tard, la jeune femme fut bousculée par un adolescent à la poursuite de son œuvre ratée. Il s'arrêta pour se morfondre sur son échec, puis repartit de plus belle en se jurant de persévérer jusqu'à la réussite. Cet incident eut pour effet de la sortir de son état de semi-absence.

 

-Les gens ont l'air vraiment insouciants ici, apprécia-t-elle avec un soupçon de mélancolie. Ils ont tous l'air heureux.

 

Kteal tourna légèrement la tête dans sa direction.

 

-Ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg. Ne vous fiez pas à ce que vous voyez.

 

Visualisant sa femme en proie au spleen, Alex lui saisit tendrement la main.

 

-Allez, on a une mission à accomplir, l'encouragea-t-il. Ce monde n'est pas réel, n'oublies pas.

 

Les hauts bâtiments plongeaient la rue dans une obscurité terne, les éloignant pas à pas de la luminosité revigorante régnant sur la grande place. L'ombre des maisonnées accueillait le souffle léger du vent, si bien que leurs ponchos à capuche ondulaient en vague tandis qu'ils persistaient à suivre le grand axe en serpentin, traversé de part et d’autre par des ruelles plus étroites.

 

Chaque intersection leur fournissaient l'occasion d’aboutir à une découverte captivante. Les rues se prévalaient toutes d’un attrait et d’une extravagance bien définie. Ainsi, se succédait sur quelques lieux, une diversité de palettes thermiques et architecturales. En quelques pas, les aventuriers éprouvaient le sentiment de traverser différents biomes, dédiés chacun à une artère spécifique auréolée d'un panneau à l'intitulé évocateur.

 

La rue de la mélancolie, baignée d'une pluie constante et surplombée de nuages effroyablement grisonnants, déversait son spleen sur la capitale. Un peu plus loin, la rue du plaisir, scintillante d'hologrammes vantant l'apologie du Sexe, exhibait ses façades vitrées, desquelles s'échappaient quelques sourds gémissements orgasmiques. Une autre ruelle dédiée aux sucreries diffusait ses saveurs parfumées et épicées, par l’intermédiaire de ses habitations construites en bonbons et en pain d'épice.

 

Chaque carrefour détenait sa propre singularité. Pourtant, il existait un point commun à toutes ces ruelles. Une misère ambiante presque tangible. Sur les paliers, adossées contre les façades ou déambulant sur le pavé, certaines âmes apparaissaient apathiques, comme totalement hermétiques à leur environnement.

 

Faisant fi de cette constatation troublante, ils délaissèrent l'artère principale pour aborder la rue de cristal et son étroite allée scintillante couverte de neige. Les étalages des façades illuminées propageaient une délicieuse odeur de marron et de vin chaud.

 

-Hm! ça sent bon, savoura Leina. Ça me rappelle le vieux continent pendant la période des fêtes !

 

-Mouais, déplora Alex. Pour moi qui ai grandis sous le soleil de Sunnydale, la périodes des fêtes ne ressemblait pas vraiment à ça. Quoiqu'une fois, il a neigé et c'était plutôt cool.

 

Pour Seyia, cette neige et ce blanc immaculé sur les toits lui évoquaient les hivers passés au manoir et, fatalement, les nombreuses missions en compagnie de ses coéquipières, bien avant qu'elle ne prenne la tête de l'escouade. Des mauvais souvenirs sur l'heure que le temps avait adoucis, les teintant désormais d’une légère nostalgie. Cette neige n'avait pourtant pas la même saveur. Elle semblait plus douce, plus artificielle, comme un décor simulant à la perfection la texture, mais sans en dévoiler sa véritable substance. Lorsqu'elle observa Kteal hâtant le pas, elle se demanda si dans sa condition de bête, ses sens souffraient des mêmes maux ou s'ils étaient altérés. Une question trop indiscrète qu'elle n'osa pas poser.

 

Au-delà de cette beauté apparente, la joie de vivre affichée de la grande place contrastait vivement avec la morosité de sa proche banlieue. Heureusement, la rencontre de personnes tout à fait saines d'esprit la rassura quelque peu, mais à ces dernières venaient s'ajouter toutes les autres. Celles pourvues de ce même regard absent. Kteal ne semblait pas y prêter attention, mais pour Seyia, Alex et Leina, cela relevait de l'évidence. Beaucoup de ces passants marchaient comme des zombies, et titubaient lorsqu'ils n'étaient pas allongés à même le sol à attendre, imperturbables. Alors qu'Alex croisa l'une de ces personnes sur sa trajectoire, il dut s’écarter pour éviter la collision frontale. L'inconnu poursuivit sa route sans se retourner.

 

-Cet homme. C'était comme-ci il n'avait aucune conscience de ce qui l'entourait. J'étais sur son chemin et il n'a fait aucun cas de ma personne. Son regard, il semblait éteint.

 

-Et ce n'est pas le premier qu'on découvre dans cet état, continua Leina. Kteal qu'est ce qui se passe ici ?

 

Le cornu soupira profondément.

 

-C'est ce qui arrive lorsqu'on abuse de la magie, annonça-t-il l'air cynique. Les ravages sont plus visibles qu'avant. Il y a quelque chose que je ne m'explique pas. Suivez-moi, nous n'allons pas tarder à trouver des réponses.

 

Dévalant la longue rue et passant en revue quelques habitations, Kteal s'arrêta au-devant d'un perron en pierre, menant sur le seuil d'une porte en bois massif. Sur le battant était incrusté le symbole d'un rameau de frêne. À la vision de cette gravure, le cornu fut accablé d'un effroyable dégout. Devant l’œil perplexe de ses compagnons, sa main glissa lentement sur la matière, épousant les sillons creusés à même le bois. Leina s'approcha en lui posant une main sur l'épaule.

 

-Ce signe, si je ne me trompes pas...

 

-Némésis, rétorqua gravement Kteal. La déesse de la vengeance et du châtiment. Ce signe est celui de la trahison.

 

-Tu nous expliques ? insista Seyia.

 

Le cornu invita, d'un regard, la sorcière à prendre le relais.

 

-Ce signe représente un rameaux de frêne. Celui-ci est intrinsèquement lié à la déesse Némésis, connue également sous le nom d'Adrastée. Je l'ai étudié quand j'étais toute petite, à l'école des observateurs. Cette déesse de la vengeance est connue pour représenter une sorte de justice divine totalement arbitraire. Elle se chargeait de punir les coupables selon son estime. Elle châtiait toutes les personnes qui n'étaient pas rétribuées en proportion de leur véritable valeur, et toutes celles pourvues d'un orgueil démesuré, sans oublier celles coupables de crime. En gros, elle se faisait juge et bourreaux.

 

-Merci, mais je ne suis pas plus avancé pour autant, s'impatienta la tueuse.

 

Sans demander son reste, Kteal actionna la poignée de la porte et poussa le battant.

 

-T'es cinglé, réagit Alex. On ne rentre pas chez les gens comme...

 

Leina coupa l'élan moralisateur de son mari d’un signe de la main. Kteal, en élargissant l'embrasure de la porte, se trouva nez à nez avec la propriétaire des lieux. Surprise et effrayée par cette entrée illégitime, l'habitante incanta un sort de feu que le cornu encaissa sans sourciller en lui saisissant le poignet. Il apposa aussitôt sa main velue à ses lèvres pour l'empêcher d'alerter du monde à l'extérieur, et l’entraina de force à l’intérieur. Observant la scène avec effroi, Seyia tenta de le raisonner.

 

-Arrêtes ça, insista-t-elle en lui agrippant le bras. Tu vas finir par la blesser.

 

Solide comme un roc, le cornu la repoussa d'une violente impulsion. Dans l'élan, le dos de la tueuse heurta la commode. Alex et Leina tentèrent à leur tour de l'agripper sans toutefois parvenir à entraver sa posture. Les yeux révulsés, la victime se débattit avec la férocité d’une lionne, mais n'étant pas de taille, sa fougue s'épuisa et ses mouvements se firent moins abruptes. D’abord hésitante, Seyia ne comptait plus se retenir. La tueuse s’empara de sa scythe écarlate qui donnait l'impression de scintiller dans l'obscurité morne de la pièce.

 

...C'est la dernière fois que j’te le demandes Kteal. Je ne plaisante pas.

 

À l’évocation de son nom, un bouleversement profond opéra dans l'esprit de la victime, qui cessa soudainement de se débattre. Son regard, empreint d’effroi, changea radicalement d'expression, au profit d'une stupéfaction accablante. Kteal, désormais assuré qu'elle ne hurlerait pas à la mort, relâcha son emprise. Le femme recula de quelque pas pour s'appuyer sur le rebord du premier meuble à sa portée. Peinant à maîtriser ses émotions, elle semblait sur le point de tressaillir lorsque lui fut révélée l'identité du prétendu agresseur. En état de choc, elle le dévisagea comme pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas.

 

Kteal, immobile et silencieux, plongea son regard bestial dans les yeux noires de cette femme à la beauté d'ébène. De l'extérieur, il ne faisait aucun doute que ces deux-là se connaissaient. Désormais libérée de son emprise, rien ne l’empêchait de lui jeter un sort ou de crier, mais elle n'en fit rien.

 

La femme se redressa lentement et s'approcha de Kteal, hésitante et un peu effrayée, mais néanmoins courageuse. La distance entre eux se réduisit jusqu'à ce qu'elle se décide à oser le contact. Elle lui caressa le visage avec appréhension tout d'abord, puis avec entrain. Plongeant ses yeux lentement dans les siens, elle posa délicatement sa main sur la blessure à l'abdomen qu'elle venait de lui infliger. Kteal grogna légèrement sous la douleur, mais ce n'était rien en comparaison du touché délicat de cette peau dont il avait en partie oublié la douceur. Un peu honteux de sa condition, il n'osa pas complètement soutenir son regard, mais lorsqu'elle s'accapara son visage de bête entre ses mains, alors il comprit que son apparence n'avait pas d'importance.

 

-Kteal ? exprima-t-elle comme un rêve inavoué. C'est vraiment toi...

 

-Lia ! hésita-t-il toujours un peu craintif. Je.. !

 

La créature en lui l'empêchait de manifester autre chose qu'une légère distance malgré l'élan de son être intérieur, mais elle raya ses doutes en s'abandonnant dans ses bras. Seyia, Alex et Leina se réjouirent de la tournure des événements en observant leur étreinte avec soulagement. La tueuse rengaina son arme. Leur enlacement perdura quelques longues secondes avant que Kteal ne daigne faire les présentations.

 

-Je vous présente Lia, ma femme.

 

Ne souhaitant pas paraître impolie, elle détourna son attention de son mari, et prit soin de saluer les étrangers à ses côtés.

 

-Je ne crois pas vous connaître, mais si vous êtes des amis de Kteal alors vous êtes les bienvenus dans ma demeure.

 

Les invités se présentèrent tour à tour en exprimant leur surprise de découvrir en leur compagnon de route, un démon marié.

 

-Kteal nous avait caché l’existence de sa famille, affirma Seyia, avec un regard réprobateur. Mais nous sommes ravis de faire votre connaissance.

 

-Oui ! assura Alex. Kteal est un petit cachottier. Pas le genre très communicatif.

 

Leina, totalement fascinée par la beauté de cette femme, trouva étrange qu'Alex ne soit pas prostré devant elle, la langue pendante comme un chien criant à la lune. Elle devait bien admettre que la compagne de Kteal possédait un charme fou malgré ses vêtements de peu de fortune. Drapée d'une longue robe bleue à l'étoffe modeste, cette dernière portait un chemiser ouvert sur sa poitrine, ornée d'un pendentif turquoise soutenu par un fin collier d'or. Sa longue chevelure tombait en légères bouclettes sur ses épaules tandis que ses sourcils hauts inspiraient à son visage angulaire une expression de force et de fierté. Trouvant le couple particulièrement bien assorti, Leina se questionna sur la véritable apparence de Kteal, bien avant la malédiction. S'étant habituée à la créature et l'ayant connu exclusivement sous cette forme, elle peinait à se l'imaginer autrement.

 

Lia les invita à s'asseoir autour de la table de bois usée. L'intérieur de la demeure ne comportait aucune marque de richesse. Tout y apparaissait terne et minimaliste. La pièce se trouvait plongée dans une obscurité naturelle que la baie vitrée courbée et en saillie sur la façade, n'amenuisait que très légèrement. Tout à l'intérieur transpirait le vieux meuble. Le parquet délavé et grinçant, bien que propre, donnait une impression de crasse indûment liée à son aspect décrépit. Une statuette entreposée sur un guéridon, représentant la déesse égyptienne Isis à genoux, les bras ouverts et les ailes déployées, venait garnir le séjour comme unique objet de décoration. Kteal, ne souhaitant pas perdre de temps, s'enquit de l'état de sa femme qu'il considérait fortement diminuée.

 

-Est-ce que tu vas bien ?

 

-Oui, esquissa-t-elle d'un léger sourire. Maintenant que je te sais en vie, tout va pour le mieux. Mais que s'est-il passé durant toutes ces années ? j'ai tellement espéré. Je n'y croyais plus.

 

-C'est une longue histoire. J'aurai aimé te rejoindre plus tôt, mais c'était impossible.

 

-Peu importe le passé. Tu es là et c'est tout ce qui compte, savoura Lia avant de prendre conscience de la situation. Mais... tu ne peux pas rester ici.

 

La panique venait de la gagner subitement.

 

...Tu es en danger. Si jamais on te découvre, ils te tueront. C'est le sort qu'ils réservent à tous ceux qui ont été excommuniés. Tu dois partir, toi et tes amis.

 

Kteal l'appréhenda fermement par les épaules.

 

-Calmes toi ! Tout va bien. Ils ne me trouveront pas. Si je suis venu, c'est pour réparer mes erreurs. Je ne partirai pas tant que ça ne sera pas fait.

 

-Mais, s'ils apprennent ton retour, ton fils...

 

Les confidences inachevées de Lia captivèrent l'auditoire, avare en révélation inattendue.

 

-Une de plus ou de moins, réagit la tueuse avec ironie. On est plus à ça prêt.

 

-Et tu comptais nous en parler quand ? continua Alex légèrement remonté. Au point où on en est, y a d'autres choses qu'on devrait savoir ?

 

-Kteal est papa, raisonna Leina comme pour se faire à l'idée. J'aurai jamais cru.

 

-S'il vous plaît, implora Lia agacée par les remarques. C'est déjà assez difficile comme ça.

 

N'osant pas interférer dans une histoire de famille, le trio se terra dans le silence.

 

-Shahin, souffla Kteal. Ou est-il ?

 

Le comportement élusif de sa femme ne fut pas pour le rassurer.

 

-Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes !

 

-Parles Lia !

 

-Ton fils travaille pour la prêtresse, avoua-t-elle avec retenue. Il est devenu l'un de ses serviteurs.

 

Kteal accusa le coup. Cette confidence lui procura l'effet d'un poignard dans le dos. Lorsqu'il fut banni, Shahin était âgé d'une douzaine d'année et il devait désormais aller sur ses dix-sept ans. Le cornu se refusait à imaginer sa propre ligné au service de qui que ce soit, surtout à considérer l'enseignement inculqué à sa famille sur les notions de valeur et de liberté.

 

-Nous avons quitté une terre dévastée pour fuir de faux Dieux, pas pour en servir d'autres.

 

-Je ne pense pas mériter ta colère, pas après tout ce que nous avons vécu. Tu sais ce que signifie ce signe sur notre porte. Nous avons été marqués du sceau de la traîtrise. De par tes actes, ton fils et moi étions la cible de toutes les médisances. J'étais la femme du traître et ton fils en a souffert plus que quiconque.

 

Kteal baissa les yeux en reconsidérant les moments difficiles vécus par ses proches.

 

-Je suis navré! déplora-t-il sincèrement.

 

-Je ne demande ni ta pitié, ni ton pardon, insista-t-elle écorchée par les larmes et la colère. Je demande ton écoute et ta compréhension. Ton fils a longtemps protégé ton honneur, mais voyant que tu ne reviendrais plus, il a fini par croire à ta traîtrise. Pour me protéger et laver notre nom, il s'est mis au service de la prêtresse, celle la même t'ayant infligé cette malédiction. Te rends tu comptes de ce qu'il a dû endurer en servant celle qui a châtié son propre père. Il a ravalé sa rancune et sa colère pour devenir un mage puissant capable de protéger sa famille. Depuis, les attaques envers ma personne ont cessées. Ton fils est devenu quelqu'un de respectable. Je ne te demande pas de le comprendre ni de l'approuver, mais de t'en accommoder.

 

Kteal fut absent trop longtemps pour oser remettre en cause le choix de ses proches. Apprendre que son fils travaillait pour sa plus redoutable ennemie l'ulcérait, mais il ne lui vouait aucune rancune. Que ce soit volontaire ou non, il les avait abandonnés à leur sorts. Toutes ces années perdues, sans doute irrécupérables, ternissaient le bonheur de leur retrouvaille, au point où le ressentiment prit l'ascendant. Seyia, ne supportant plus la situation, s'imposa en bravant la volonté de leur hôte.

 

-Écoutez tous les deux, les interrompit-elle en appuyant fermement ses deux mains sur la table. Le passé est ce qu'il est. Quoique vous fassiez, vous ne reviendrez jamais en arrière. Si nous sommes là, c'est pour libérer notre amie. Nous n'avons pas de temps à perdre avec vos histoires de famille. J'aimerai que ça ait une quelconque importance, mais le sort de la terre est en jeu, et plus vite nous quitterons cette dimension, mieux ce sera.

 

Alex se leva à son tour, suivi de Leina.

 

-Écoutes mon pote, continua-t-il. Si jamais on peut aider ton fils à revenir sur le droit chemin, alors tu peux compter sur nous, mais là tout de suite, ce qui importe, c'est de trouver le moyen de vaincre cette sorcière, et la seule qui peut nous y aider, c'est Willow. D'Hoffryn l'a dit lui-même. Si Willow retrouve ses pouvoirs alors personne ne sera en mesure de l'arrêter.

 

-Vous n'y pensez pas ? s'indigna Lia, les yeux révulsés. Vous n'êtes pas de taille. Personne ne l'est. La prêtresse est bien trop puissante. Elle est soutenue par tout un peuple. Willow, la plus puissante d'entre nous a été vaincue. C'est de la folie.

 

-Tu prétends qu'elle est soutenue par tout un peuple ? s'étonna Leina. Si c'est le cas, alors comment expliques-tu toutes ces âmes égarées dans les rues. Si tu penses que ton peuple vit bien alors tu n'as qu'à sortir de chez toi pour constater que ce n'est qu'une illusion. Tu ne le vois peut-être pas à force de vivre parmi eux, mais pour des étrangers comme nous, ça saute aux yeux.

 

Consciente de la situation, Lia redoutait de devoir revivre ces années de souffrance alors qu'elle n'en avait pas achevé le deuil. Le déni lui semblait préférable à un espoir vain dont la finalité mettrait à néant tous les efforts consentis par son fils. Kteal la comprenait et pour mieux la préserver, changea son fusil d'épaule. Une autre de ses inquiétudes remonta à la surface bien malgré lui. Ces âmes errantes sillonnant la ville, l'intriguaient.

 

-Avant mon départ, l'excès de magie se remarquait par quelque troubles du comportement, mais aujourd'hui, ça va bien au-delà. Que s'est-il passé en mon absence ?

 

-C'est la volonté d'Hécate, déclara solennellement Lia.

 

Hécate ? répéta Leina Intriguée. La déesse de la lune et de la sorcellerie !

 

Seyia et Alex lui projetèrent à la figure toute l'expression de leur désarroi. Dépourvu de connaissance dans l’occulte, le panthéon des divinités y ayant attrait leur restait parfaitement inconnu. L’apprentie sorcière, qui possédait un savoir inégalé sur le sujet, jugea bon d'opérer une mise à jour.

 

-Hécate est la divinité à qui l'on fait appel lorsqu'on invoque des démons ou que l'on fait des sorts. Dans l'univers de la magie, elle en est la plus puissante représentante. Elle incarne la déesse protectrice des magiciens, du moins certains la voient ainsi et d'autres la considèrent comme étant liée aux forces du mal. Une chose est certaine, cette divinité représente plusieurs visages alors peut être que toutes les hypothèses sont dans le vrai.

 

-Votre amie est bien informée, confirma Kteal. La déesse aux trois visages, Hécate, fait partie de la triade lunaire. Elle est associée à Séléné et Artémis, chacune représentant un aspect de la lune. Séléné représente la pleine lune et le cycle de la vie, Artémis, le croissant de lune et la naissance, tandis qu' Hécate représente la lune noire, symbole de mort. Nous autres magiciens évitons de faire appel à ses faveurs. Trop de mystères entourent ses pouvoirs, alors nous la citons comme nous citerons le sort, ou le destin.

 

-Non ! contesta Lia. Ce n'est pas une image. La sorcière s'est liée à Hécate. Elle a imposé son sacrément pour tous les habitants. Tous les soirs, les prières vont à la déesse. Chaque famille possède son autel dédié avec sa statue en évidence.

 

-Mais pas vous ! remarqua Leina en observant la statue d'Isis.

 

Lia inclina la tête de honte comme si l'on venait de lui jeter l’opprobre.

 

-Je suis la femme d'un homme considéré comme un traître. En tant que tel, j'ai été privé de ce privilège. Seuls les méritants peuvent espérer sa bénédiction. Je n'ai droit ni à ces bienfaits ni à sa colère.

 

Kteal enrageait intérieurement. Le discours tenu par sa femme lui glaçait le sang. Lui qui l'avait connu si forte la redécouvrait totalement brisée. La colère monta en lui, alimentant une soif de vengeance sans cesse grandissante.

 

-Ne laisse personne te dire ce que tu vaux ! s'indigna-t-il. Tu es ma femme, et cette folle joue avec des forces bien trop dangereuses pour elle. Hécate ne se soumet à rien ni personne. Faire appel à ses pouvoirs est une folie. Le prix à payer est trop lourd.

 

Alex venait d’effectuer le rapprochement entre les pantins sans expression sillonnant les rues et les explications de la créature.

 

-Leurs âmes, en déduisit-il d'un ton grave en contenant le regard cynique de ses coéquipiers. Ça me paraît être un prix assez lourd.

 

La tueuse, quelque peu perplexe, se tint le menton en reconsidérant tout ce qui venait d'être dit.

 

-Il y a quelque chose de pas logique. Si c'était effectivement le cas alors comment expliquer que tous les habitants ne soient pas atteints du même mal ?

 

-Bonne question, acquiesça Leina. Ce n'est qu'une hypothèse, mais si tous étaient atteint de la même pathologie alors il n'y aurait plus personne pour vénérer la déesse Hécate et par voie de fait, sa digne représentante, la grande prêtresse. À quoi servirait un souverain sans ses sujets ?

 

-La grande prêtresse n'est pas notre seul soucis, tempéra Seyia. Il nous faut surtout retrouver Willow.

 

Naturellement, l'équipe se rassembla autour de la petite table. Chacun exprima son hypothèse et Lia, un temps consternée par les paroles dissidentes, reconsidéra peu à peu sa vision des choses. Ces longues années à encaisser jours après jours les mêmes discours avaient œuvrés à soumettre son esprit critique. Pour ne pas souffrir, elle s'était rangée dans le rang. Mais face à cette nouvelle perspective et à l’engagement sans précédent de ces étrangers, l'opportunité d'une remise en question s'insinua lentement dans son esprit. Sans s'en rendre compte, elle avait perdu ses repères en se laissant porter par le flot d'une volonté qui ne lui appartenait pas. En retrouvant ses capacités de jugement, la crainte de perdre son fils ainsi que son mari s'avérait un challenge bien plus lourd à relever.

 

-Votre amie, les interrompit-elle en accaparant leur attention. Willow, nous ne l'avons plus revue depuis l'avènement de la prêtresse, mais Shahin m'a raconté qu'elle était détenue prisonnière quelque part dans le palais, dans une sorte de stase, plongée dans un coma artificiel. Je me souviens d'une chose étrange. Il a prétendu qu'elle continuait de servir la déesse pour racheter ses fautes passées. Je n'ai pas tout compris et, à vrai dire, je n'ai pas jugé bon de m'y intéresser.

 

-Willow ? dans le coma ? s'inquiéta Alex.

 

-Ne t'en fais pas, l'encouragea Seyia. Rose ne nous aurait pas envoyé à sa recherche sans chance de la ramener. Si c'est un coma artificiel, alors on va faire en sorte de la sortir de là.

 

La discussion s’anima et chacun s’empressa d’élaborer une stratégie adéquate permettant de vaincre la sorcière. Seyia proposa l'attaque frontale, tandis qu'Alex opta pour une infiltration discrète dans le palais. Kteal les dissuada aussitôt. Selon son expérience, s'attaquer à une sorcière sans préparation était suicidaire, et pénétrer le palais de la prêtresse, compte tenu de sa garde rapprochée, ne semblait pas des plus judicieux non plus.

 

-Le festival, annonça Lia comme une délivrance.

 

Tous la scrutèrent avec un certain optimisme, à considérer l'absence totale de solutions s'offrant à eux jusqu'alors.

 

...Ce soir, la prêtresse défilera lors de la cérémonie annuelle. Shahin l'accompagnera. Le palais sera vulnérable. Vous aurez moins de chance de vous faire repérer. Elle tiendra son discours sur la place de la liberté, sous la grande arche. La foule viendra en masse pour l'acclamer.

 

Un long silence accompagna la remarque sensée de Lia. Les visages se délièrent.

 

-Content de te savoir de nouveau avec nous, se réjouit Kteal en la gratifiant d'un sourire que son visage de bête dénaturait en le rendant presque effrayant.

 

-Bien! s'avança la tueuse en prenant naturellement le commandement des opérations. C'est une chance qu'il nous faudra mettre à profit. C'est une occasion unique pour se débarrasser de la prêtresse. Entourée par la foule, elle ne nous verra pas arriver. L'effet de surprise pourrait être bénéfique.

 

-Attends deux seconde, s'inquiéta Alex. Tu veux éliminer la prêtresse ? Nous ne sommes pas des assassins. C'est hors de question.

 

-Je suis une tueuse, rétorqua-t-elle. C'est ce que je suis censé faire, tuer. Tu l'as entendu par toi-même, cette femme est maléfique.

 

Le borgne campa sur ses positions, ardemment soutenue par Leina. Face à l'abnégation de ses camarades, Seyia dut se forcer à faire amende honorable.

 

...Bien, nous allons essayer de la neutraliser, mais si c'est impossible, je ferai ce que je dois faire.

 

Cette perspective sembla lui convenir. Du reste, il s'en accommoda.

 

...OK, reprit la tueuse. Si on est d'accord, passons aux choses sérieuses. On va se diviser en deux groupes. Le premier aura pour mission de maîtriser la Prêtresse. Le deuxième sera chargé d'investir le palais pour retrouver Willow.

 

-Très bien, Leina et moi on s'occupe de Willow, appuya Alex. Vous, de la sorcière. Si ça en venait à dégénérer, on ne serait pas d'une grande utilité, par contre pour se faufiler lâchement, on est plutôt douée.

 

-Ah bon ? ironisa Leina. Moi qui pensait qu'on était nuls dans les deux cas.

 

Seyia afficha sa réticence. Laisser le couple prendre autant de risques ne l'enchantait pas, mais elle devait bien admettre que c'était la plus pragmatique des solutions. Incapable de défier l'air résolu d'Alex, elle n'eut d'autre choix que d'acquiescer.

 

-Très bien, mais ne prenez pas de risques inutiles, et surtout, si ça dégénère, ne jouez pas les héros. Fuyez. Si vous vous faites prendre, ne résistez pas ! rendez-vous ! Et Alex, pour l'amour du ciel, si c'est le cas, évites de trop parler. Je vous en supplie, évitez la dernière option.

 

-On fera attention, la rassura Leina. Faites-en de même de votre côté.

 

Lia vint se blottir dans les bras de Kteal.

 

-S'il te plaît. Je t'en conjure, ramènes notre fils.

 

Le cornu hocha timidement la tête. Il ferait tout son possible pour extraire son fils à l'emprise de la prêtresse.

 

Le reste de la journée fut dédié à l’élaboration du plan, sous les conseils avisés de leur hôtesse. Étant familière des lieux et possédant une parfaite connaissance du déroulement de la manifestation, Lia indiqua avec précision les points chauds susceptibles de leur apporter un avantage sur le terrain. Elle informa également Alex et Leina du chemin à parcourir pour les mener au palais. En fin d'après-midi, les deux groupes se séparèrent, convenant de se retrouver chez Kteal une fois leur mission achevée.

 

*

 

Alex et Leina remontèrent le long de l'artère principale. Déjà les habitants s'étaient massés en nombre dans les rues. Certains descendaient en direction de la place de la liberté tandis que d'autres flânaient dans l'attente du moment fatidique. Quelques-uns s'étaient installés à l'avance sur des nappes afin d'obtenir le meilleur point de vue, celui qui leur permettrait d'être au plus près de la prêtresse et de l'acclamer. Beaucoup espéraient attirer son attention et croiser son regard, ainsi pensaient-ils consentir à la faveur de leur déesse vénérée. Pour pallier à l'attente interminable, quelques badauds chantaient et dansaient derrière les barrières cloisonnant l'accès à la parade. Leina et Alex auraient pu jurer, à la difficulté de se frayer un passage parmi la peuplade, que personne ne manquait à l'appel. Toute la population semblait prendre part à la manifestation.

 

Des sons musicaux provenant des quatre coins de la ville dissonaient entre eux en épousant le brouhaha ambiant. Au centre du grand axe, des colonnes en marbre de quelques mètre de haut déversèrent une eau cristalline intarissable. Entre ces colonnes, des cracheurs de feu vomissaient des flammes aux milles couleurs. L'ambiance festive imprégna le couple qui ne cachait pas son envie de se perdre parmi la foule et de festoyer en leur compagnie. L'air exhalait une douceur estival. Malgré le crépuscule naissant, la température ambiante restait élevée. Ainsi, Alex et Leina avaient délaissé leurs vêtements de marche usés pour se vêtir à la mode de la ville, afin de mieux s'intégrer à la population et ne pas éveiller les soupçons. Lia avait pris soin de fournir à la jeune femme une robe à fleur printanière ainsi qu'un petit gilet. Alex, lui, avait troqué son pull-over pour une chemise blanche, légèrement transparente, laissant entrapercevoir la forte constitution de ses épaules robustes. La majorité des habitants était vêtue tout aussi ordinairement, mais le couple croisait parfois des individus aux tenues exubérantes. Certains portaient des accoutrements de magicien, d'autres des robes de princesses, à tel point qu'une saveur de carnaval enchantait les rues.

 

Suivant l'itinéraire prescrit, Alex et Leina s'extirpèrent du grand axe pour parvenir à un pont formé sur trois arches, en dessous duquel s'écoulait une rivière. Lia leur avait indiqué la localisation du palais qu'elle situait bien en amont de la ''Savoureuse'', la seule source d'eau parcourant la ville. La pureté et la fraîcheur de l’eau incitèrent certains à s'y baigner et d’autres à manier les particules pour créer des vagues artificielles. Depuis le pont, le point de vue offrait un spectacle saisissant. Le panorama se dévoilait à travers ces grands espaces citadins, s'étirant de part et d'autre de la rive. Accompagnant leur tracé, les hauts bâtiments Haussmannien se succédaient en ligne droite, jusqu’à s’écarter pour entourer un espace plus vaste.

 

Ainsi, ils arpentèrent une petite place animée par des théâtres musicaux, au centre de laquelle se dressait une statue de la prêtresse. Un écriteau gravé sur le piédestal commémorait sa prise de pouvoir et ses hauts faits d'arme. Une odeur de viande grillée embaumait l'air. Plusieurs stands où l'on y servait des sandwichs alléchants et des breuvages variés, accueillaient joyeusement les clients venus s'y agglutiner tout autour. Alex dut se faire violence pour ne pas succomber aux effluves languissantes, sous l'impulsion de Leina dont l'estomac ne constituait pas la première préoccupation du moment.

 

Une autre place encore plus vaste se substitua à la première, avec pour principal attrait, une immense cathédrale dont l'orgue monumental leur fut vanté par Lia lors du débriefing. À quelque pas, un kiosque entouré d'arbres vigoureux accueillait un groupe de magiciens prodiguant leurs sorts à une foule curieuse et enjouée. Alex et Leina contournèrent ce petit monde et s'engouffrèrent dans une petite ruelle pour enfin apercevoir l'objet de leur convoitise. Proches du but, ils durent lever la tête pour contempler la magnificence de l'édifice.

 

Le palais surplombait la ville depuis un promontoire rocheux. Incrusté en amont d'une falaise, le monument semblait né de cette dernière, en la dominant de sa hauteur vertigineuse. Les façades de la citadelle, à l'architecture épurée, étaient entièrement construites en briques rougeoyantes, mais ce qui subjugua le couple s'y trouvait à sa base. Incrustée dans la roche, une gigantesque statue marbrée à l'effigie de la toute puissante déesse tricéphale Hécate, trônait au pied de l’édifice. La sculpture dessinait les silhouettes de trois déesses, chacune tournant le regard dans une direction différente. Celle du centre, se tenant fièrement de face, ouvrait ses bras à hauteur de taille, tandis que les deux autres, de profil, adoptaient des postures pratiquement symétriques, l'une tournant ses paumes vers le ciel et l'autre en direction de la terre. Grâce à un habile jeux de perspective, la statue donnait l'impression que la déesse centrale possédait six bras, à la manière des divinités hindouistes. En contemplant cette représentation divine, Leina fut saisie d'un profond malaise.

 

-C'est surréaliste. Même en cherchant du côté de l’Égypte antique, je n'ai jamais rien vu d'aussi impressionnant et d'inquiétant à la fois. J'ai un mauvais pressentiment.

 

Alex pensait la même chose, mais, ne souhaitant pas effrayer sa femme, il préféra garder ses appréhensions pour lui.

 

**

 

De leur côté, Seyia et Kteal s'infiltrèrent sur la grande place, à l’extrême opposé de la ville. Le rassemblement attirait en liesse les spectateurs enthousiastes et innombrables venus prendre part à la manifestation festive. La nuit tombait progressivement et les réverbères s'enflammèrent simultanément en éclairant les lieux d'une teinte légèrement rougeâtre. Seyia espérait prendre de l'avance pour accéder aux premières loges, mais elle fut devancée par une myriade d'habitants entassées. Laissant Kteal et sa masse musculaire hors norme prendre les devants, elle n'eut pas à jouer des coudes pour se frayer un passage jusqu'à la grille. Le cornu, de par sa physionomie naturelle, imposa sa présence. Les plus téméraires à s'indigner se ravisèrent aussitôt, en se confrontant à cette montagne de muscle au grognement peu loquace.

 

Le duo ne bénéficia pas du même traitement vestimentaire que leurs compagnons. Ils arboraient de longues capes à capuche, dissimulant leur identité ainsi que leurs armes sous l'épaisse couche de tissu noir. Après une bonne heure d’attente, durant laquelle l'impatience de la tueuse se fit de plus en plus manifeste, excédée par les railleries des fans hystériques et les bousculades incessantes d'inconnus qu'elle aurait volontiers occis de sa scythe, l’annonce de l’arrivée imminente de la prêtresse sonna comme une délivrance.

 

Au loin, de puissants tambours fracassaient l'air à un rythme effréné, tandis que des cris étouffés se firent relayés par une excitation de tous les diables. C'est alors que les effets pyrotechnique illuminèrent le ciel étoilé de couleurs flamboyantes, imprégnant l'air d'une odeur de soufre. À mesure que les percussions s'alourdissaient, la pression devenait plus tangible. Seyia, le cœur battant, appréhendait l'instant où elle devrait passer à l'acte. Le temps alloué à l'élaboration du plan fut trop court pour œuvrer dans la finesse et elle savait pertinemment que les risques encourus supplantaient les chances de succès.

 

Kteal, en revanche, se montrait calme en apparence, mais au fond son sang bouillonnait à l’idée de retrouver son fils. Il aurait souhaité que leur rencontre se fasse dans d'autres circonstances, mais il mettrait tout en œuvre pour répondre aux espoirs de sa femme.

 

La foule se retourna d'un seul homme lorsque le cortège accéda à la grande place, sous les cris hilares et les feux d'artifice toujours plus nombreux.

 

La tueuse frissonna en portant le regard sur la silhouette sombre assise sur le trône. De grandes ailes noires décoraient l'arrière du dossier, amplifiant la prestance menaçante de sa propriétaire. La prêtresse paradait sur un immense char totalement illuminé par des néons écarlates. À l'avant de la plateforme roulante, d'immense flambeau crachaient des jets de flammes, ajoutant à la scène une aura infernale.

 

Concentré, Kteal observait avec insistance le mage se tenant fièrement debout, à l'ombre de la prêtresse. Vêtu d'une longue tunique grise qui tombait jusqu'à ses pieds, ce dernier portait sur son haut de corps, la marque d'un pentagramme entouré par deux croissants de lune inversés. Profitant d'un court flottement de lumière, le visage du protecteur se révéla au cornu. Les yeux noires, la peau mate et le crâne rasé : le jeune homme dégageait une impression de sévérité. Sa stature ne s'apparentait plus à celle d'un enfant. Son corps frêle de jadis s'était endurci pour arborer celui d'un rude gaillard. Seul son visage préservait quelques traits communs, mais jamais auparavant Kteal n'avait décelé chez son fils pareille expression de froideur. Seyia, au fait de son désarroi, lui assena un léger coup d'épaule. Le cornu la conforta aussitôt d'un regard aiguisé.

 

Le char opéra un virage, précédé par une liesse de danseurs costumés aux visages saupoudrés de blanc. Ces saltimbanques portaient des tenues d'Arlequin, dont les clochettes fixées à leurs chapeaux de bouffon teintaient à chaque mouvement de tête. Leurs déplacements inharmonieux, synchronisés au rythme envoûtant des tambours, donnaient l'impression d'une danse rituelle imprégnée d’occultisme. Seyia se montrait circonspecte face à cette performance glauque et incommodante. Plus que la prêtresse dont elle ne percevait que partiellement les sombres contours, cette troupe à l'apparence morbide suscita en elle un frisson à d’effroi. C'est en considérant les regards vitreux des danseurs qu'un soupçon l’assaillit. Ces expressions vides étaient en tout point similaires à celles de ces âmes errantes croisées plus tôt dans les rues de la ville.

 

La parade aborda le tour du périmètre jusqu'à rejoindre la grande arche. Les grilles s'ouvrirent majestueusement au passage du char et les troupes de danseurs se dispersèrent au pied du véhicule avant de se figer comme des automates. Le char se stabilisa sous la grande arche illuminée d'or, révélant aux yeux d'un peuple totalement asservi, la prêtresse dans toute sa splendeur. Celle-ci se dressa de son trône, dévoilant une silhouette gracieuse et élancée. Une robe satinée recouvrait l’entièreté de son corps jusqu'à l’extrémité de ses longues mains gantées, tandis que des plumes de corbeaux, d'une noirceur prononcée, décoraient son décolleté sur toute la surface de l'encolure. Sa chevelure ornementée de bijoux tribaux à la forme cornue et d'épingles d'or à trois branches, atténuait légèrement les veines noires sillonnant sa peau blême. Une allure inquiétante que ne reniait pas un charisme et une prestance à la hauteur de l'admiration suscitée.

 

Shahin entreprit une révérence puis elle rejoignit le bord de la plate-forme, la traîne se sa longue robe caressant le sol de sa démarche hautaine et assurée. Les salves d'ovations et d'acclamations cessèrent aussitôt qu'elle leva la main pour prendre la parole d'une voix suave et envoûtante.

 

-Cher citoyen d'Altor. Vous êtes tous ici présent pour accueillir celle que vous vénérez. Tous inclinés devant la réincarnation d'Hécate comme le bétail insignifiant que vous êtes.

 

Seyia et Kteal se toisèrent, éthérés par les invectives accablantes de la prêtresse envers une foule aliénée, ne percevant pas le sens des mots employés.

 

...Gloire à la déesse Hécate, gloire à la trinité. Vos misérables vies lui appartiennent, vous dont le crime divin aura été de fuir la main du destin. Vous célébrez aujourd'hui celle que vous condamnez depuis des générations.

 

Une fois de plus, la tueuse et le cornu observèrent autour d'eux en espérant un sursaut, mais face à la réaction admirative de la multitude, ils se sentirent bien démunis. Les regards captivés et les acclamations enthousiastes témoignaient de la soumission totale du peuple, accentuant leur sentiment d’isolement dans cette mer de dévotion aveugle.

 

...Ainsi soit-il, continua-t-elle sur le même ton dédaigneux. Une nouvelle ère va bientôt débuter. Nous allons conclure la cérémonie par un sacrifice, mais ne soyez pas envieux. Certains d'entre vous auront l'immense honneur d'y contribuer un jour.

 

À cette annonce, Seyia empoigna le manche de sa Scythe, prête à agir. La prêtresse, d’un geste impérieux, leva la main et, d'un claquement de doigt, immola les danseurs en place publique sans qu’un seul hurlement ne s’élève. Pire, le public se réjouissait du spectacle macabre se déroulant sous ses yeux. C'en était trop pour la tueuse et le cornu. Confrontés à tant de cruauté, ils réagirent instinctivement en bondissant par-dessus la barrière, déterminés à mettre un terme à ce sinistre spectacle.

 

La prêtresse, en découvrant les deux inconnus se précipiter sur elle, fut légèrement déstabilisée, mais Shahin, en bon protecteur, récita le sort et déchaîna des orbes de feu sur les intrus. Agile, la tueuse slaloma entre les torches humaines, dont les globes oculaires fondaient et éclataient sous la fournaise, tout en esquivant les rafales enflammées sur sa trajectoire. Kteal la talonnait de près. D'un bond prodigieux, ils parvinrent tous deux à poser le pied sur la plateforme où les attendait le mage protecteur.

 

Pris au dépourvu, Shahin esquissa un pas de retrait, mais déjà la tueuse était à portée, prête à l’occire de sa lame. Alors qu'il attendait le couperet, le corps de son assaillante le frôla comme un courant d'air. Il la sentit passer sans qu'elle ne daigne lui apposer un quelconque intérêt. Alors que le mage s'apprêtait à lancer le sort de la dernière chance, le souffle d'une présence dans son dos interrompit son allant. Tout juste le temps d'entamer une volteface qu'il se retrouva projeté sur le bas-côté, comme terrassé par un bulldozer. Le jeune homme tomba inconscient à quelque pas de Kteal qui focalisa aussitôt son attention sur la tueuse.

 

Dépêtrée de sa cape à capuche, Seyia fonça sur sa cible, le tranchant de sa lame scintillant dans l’air. Sa soif meurtrière ne souffrait d'aucune hésitation malgré la promesse faites à Alex. D'un geste précis et vif, elle frappa à l'horizontal. La lame, destinée à déchiqueter le bassin de la prêtresse, rencontra une résistance inattendue. Une lumière se confondant en une pléthore d'étincelles luminescentes s'étiola au contact du métal sur la membrane invisible.

 

C’est alors qu’un effet de souffle projeta la tueuse à l’extrémité de la plateforme. Observant sa partenaire à moitié inconsciente, Kteal se rua sur la prêtresse. A mi-chemin, une force intangible le stoppa net dans sa course. La prêtresse le fixa droit dans les yeux et, d'un geste de la main, le catapulta à l'extérieur du char. La créature s'écrasa à quelque pas des corps calcinés avant de sombrer sous les huées de la foule acharnée.

 

Troublée par le choc subit, Seyia peinait à se situer dans l'espace. Si proche du but, elle ne comprenait pas les raisons de son échec. Heureusement, sa Scythe n'avait pas quitté sa poigne, alors elle se redressa, titubante, mais toujours déterminée à en découdre. Le front plissé, les dents serrés, elle défia une fois de plus son opposante. La prêtresse demeura impassible, sans l'once d'une émotion apparente sur son visage.

 

Soudain, du corps de cette dernière jaillirent des milliers de particules bleutées, qui, par un effet d'attraction, se lièrent les unes aux autres pour former une onde incandescente. L'énergie circula le long de ses jambes, de ses hanches, puis de son abdomen, pour se concentrer à l’extrémité de son bras levé. Le faisceau lumineux se métamorphosa en lance de glace.

 

La tueuse, consciente que son heure avait sonnée, brava la prêtresse d'un regard courroucé. Les pupilles de la nécromancienne arboraient la couleur d'un lac endormi sous une nuit de pleine lune. Ce fut sa dernière vision avant la douleur et l'obscurité.

 

***

 

Leina et Alex venaient d'investir le grand palais. Pénétrer l'antre de la prêtresse ne fut pas une mince affaire. Malgré l'absence de cette dernière, les lieux foisonnaient de moines aux toges pourpres et aux imposantes capuches masquant leur visage. Ne trouvant aucune façon d'entrer sans passer inaperçu, Leina dut accomplir un sort de paralysie sur deux d'entre eux. Faute d'expérience, elle manqua de peu de transformer l’offensive en fiasco. Heureusement, Alex savait faire parler ses poings. Une fois les prêtres assommés, ils subtilisèrent leurs vêtements, découvrant ainsi leur nature démoniaque. Leurs peaux maculées, comme brûlées par le soleil, et leurs yeux teintés d'une profonde noirceur, accentuaient leurs effroyables silhouettes. Des tatouages tribaux marquaient leur front jusqu’à la base de leur nez.

 

Surpris par cette apparence atypique, Leina et Alex furent soulager de pouvoir cacher leur visage, sans quoi ils n'auraient pas parcouru plus de quelques mètres avant d'être repérés. Les mensurations de la jeune femme, légèrement en dessous de la moyenne, l’obligèrent à rafistoler sa toge en plis pour ne pas nager à l’intérieur.

 

Chaque pas résonnait dans l’immense hall, et l’ombre des piliers gigantesques ajoutait à l’ambiance oppressante du palais. Désormais perdus dans ce vaste espace, les deux intrus explorèrent chaque pièces dans l'espoir de récolter le moindre indice permettant de localiser leur amie. A chaque fois qu'ils croisaient un frère de la confrérie, ils jouaient leur rôle à la perfection, imitant la même démarche lente et mesurée, et adoptant la posture adéquate, leurs mains jointes à la taille, dissimulées par les longues manches s’emboîtant l'une dans l'autre. Après avoir franchi la porte d'une énième pièce, une mise au point s'imposa.

 

-Bon, soupira Leina. Je ne sais pas ce qu'on fait, ni où on va, mais si on continue comme ça, on va finir par se faire griller.

 

-Je sais, mais on n’a pas le choix, répliqua Alex. Je m’vois mal aller leur demander, « hé les gars, salut ça va, au fait, vous ne sauriez pas où est détenue notre amie Willow ? » C'est déjà un miracle qu'on ait réussit à entrer et surtout à les assommer... D'ailleurs, en parlant de ça, content de constater que je n'ai pas perdu la main. Même à mon prime, il m'arrivait rarement de mettre un adversaire KO du premier coup. Peut-être bien que j’me suis amélioré avec l’âge.

 

Leina l'observa, légèrement sceptique.

 

-Ne penses pas que tu ais fais le plus gros du boulot. Si je ne les avais pas paralysés, ils t'auraient mis en pièce.

 

-Merci de préserver mon amour propre, murmura-t-il alors qu'un bruit de pas les alerta d'une présence dans la pièce contiguë.

 

Comme deux coupables, les deux amants baissèrent la tête en se réfugiant dans un silence morne. Un moine vint à leur rencontre. Leina sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine à une allure irraisonnée. L'individu leur adressa un regard suspicieux.

 

-Que faites-vous ici ? s'enquit-il de manière autoritaire. Retournez immédiatement à vos postes. L'heure n'est pas à l'oisiveté. Assurez-vous que le transfert ne souffre d'aucune défaillance.

 

-Bien chef, osa Alex sans réfléchir avant de se rendre compte de sa bourde. Euh... je veux dire, général... enfin, votre honneur...?

 

Sous l'insistance maladroite du borgne, les doutes du moine se transformèrent en certitudes.

 

-Qui êtes-vous ? ragea-t-il en s’apprêtant à alerter les troupes. Des Int....

 

Le moine n'eut pas le temps de lancer l'alerte qu'il fut cueilli par une puissante droite à la pointe du menton.

 

Alex, fort de ses exploits passés, détourna son attention vers sa femme en esquissant un sourire fier. Pourtant, elle ne lui prêta aucune considération, trop occupée à garder un œil sur le moine en train de se relever. Ce dernier, profitant de la confiance excessive du borgne, resserra ses puissantes mains rugueuses autour de son cou. Affolée, Leina s'empara du premier chandelier de métal à sa portée et, dans un mouvement désespéré, fracassa le crâne de l’agresseur. Le prêtre relâcha aussitôt son emprise et s'effondra sur le sol, son crâne ouvert pulsant des jets écarlates sur le carrelage luisant en damier.

 

-Me...Merci, souffla Alex, encore haletant.

 

Leina, tenant dans sa main l'arme du crime, venait de réaliser l’ampleur de son geste. La violence ne la répugnait pas outre mesure lorsqu'il s'agissait de se battre dans les règles de l'art, mais tuer, arracher une vie, contrevenait à tous ses principes. Elle laissa retomber le chandelier au sol et se focalisa sur le sang incrusté sur ses mains à jamais souillées. Alex se redressa, inquiet.

 

-Hé... regardes moi. Tu as parfaitement réagis. Tu n'as absolument rien à te reprocher. Si tu n'avais rien fait, je ne serai sans doute déjà plus de ce monde à l'heure qu'il est.

 

La vision de ses mains se troubla avant que le focus n'opère et que la raison ne reprenne le dessus. La situation s'était imposée de telle sorte que le geste avait précédé sa pensée. Elle ne regrettait pas les conséquences, mais commettre un tel acte la rebutait.

 

-Comment tu fais pour vivre avec tous ces morts sur la conscience ? déplora-t-elle secouée.

 

-Que veux-tu faire d'autre ? Tu sais, s’il y a bien une chose qui ne me manquait pas sur le terrain, c'est bien ça. Une vie est une vie et qu'elle soit démoniaque ou pas, ce n'est jamais facile dans le feu de l'action. Je ne dirais pas qu'on s'habitue, mais si tu veux avancer, il faut garder en tête que c'était toi ou lui, ou en l’occurrence, moi ou lui. C'est plus facile quand tu es persuadé d'avoir le rôle du gentil.

 

Le discours d'Alex ne la rassura pas autant qu’elle l’espérait, mais la mission représentait, comme on le lui avait inculqué depuis toute petite à l'école des observateurs, la priorité absolue. Elle comprenait d'autant mieux le rôles des tueuses et leur tragique destinée, les poussant à côtoyer la mort en permanence.

 

-Alex ! l'apostropha-t-elle rancunière. La prochaine fois, pour l'amour du ciel, tais-toi.

 

-Oui, acquiesça-t-il naïvement. Il faut vraiment que j’apprenne à la fermer. En attendant, on ne peut pas le laisser ici. Si quelqu'un le trouve dans cet état, notre couverture tombera à l'eau.

 

Désespérée à l'idée de se dépêtrer de cette situation, la belle inspecta la pièce dans ses moindres recoins en espérant trouver une cachette appropriée. Alex fit de même de son côté, sans parvenir à une solution adéquate.

 

...Bon sang, cette pièce est vide. Pas un placard, pas un coffre, rien.

 

-Oui. Tu sais, c'est ce qui s’appelle la vraie vie. On est pas dans un jeux vidéo. Tout n’apparaît pas au moment où on en a le plus besoin et c'est bien dommage.

 

Le borgne arborait un air réfléchi.

 

-Si j'étais un cadavre, murmura-t-il en se toisant le menton. Ou est-ce que je me cacherais ?

 

Un réflexion jugée totalement inopportune pour Leina, mais néanmoins efficace. Les longs rideaux épais feraient l'affaire. Alex s'attela à traîner la victime en prenant soin de l'envelopper dans sa propre tunique afin de ne pas épancher des traces de sangs. Pour les tâches sur le sol, il les dissimula sous un tapis.

 

-Une idée simple dans un esprit simple, jugea la sorcière blonde peu convaincue. Et tu penses que personne ne va le découvrir ?

 

-Bien sûr que si, mais j'espère qu'on aura retrouvé Willow d'ici là.

 

L'optimisme et l'assurance exacerbé d'Alex la rasséréna pour partie. Ils quittèrent leur position en espérant dénicher, au hasard des pièces traversées, un indice probant les menant à leur amie. Le palais était immense et les grandes salles, se succédant les unes après les autres, paraissaient sans fin. Il en est une qui, plus que toute autre, captiva leur attention.

 

La salle en question apparaissait exiguë et parsemée d'armures de métal datant de l'ancienne Égypte. Sur le mur, à droite de l'entrée, un imposant tableau dépeignait la silhouette d'un prêtre. A première vue, il ne différait pas de ceux rencontrés précédemment, pourtant celui-ci semblait jouir d'un grade élevé dans la hiérarchie, à considérer qu'il en existe une. Au fond, bien cachée derrière le décor, un pupitre supportait deux vieux livres clos et un troisième complètement ouvert. Les couvertures en cuir et leurs épaisseurs conséquente rappelaient à Leina le fameux livre des observateurs. La sorcière néophyte ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil sur les inscriptions en écriture cunéiformes. Déchiffrer un tel attirail demanderait du temps et elle n'en avait pas, alors elle abandonna l'idée et referma le bouquin à contre cœur.

 

-Allons-y, déclara-t-elle frustrée. On n’a pas de temps à perdre ici.

 

Le borgne ne répondit pas. Son regard ne décollait pas de ces vieux grimoires.

 

...Alex, insista-t-elle, c'est pas le moment.

 

Toujours silencieux, il saisit la tranche du premier livre, puis celle du second, en les alignant platement avec le troisième, les couvertures en évidences. Après les avoir replacés dans un ordre précis, il posa son regard sur Leina. Celle-ci semblait totalement désemparée.

 

...Merde ! Comment c'est possible.

 

Devant leur yeux ébahis s'étalaient, gravés sur les couvertures, les contours d'un loup, d'un cerf, et d'un bélier.

 

-Cette dimension était censé les préserver de leur emprise, réagit Alex horrifié.

 

-Il faut croire qu'ils le pensaient aussi. Quelle meilleure façon de gouverner un peuple qu'en leur cachant les détenteurs du véritable pouvoir. Ils se pensaient libres. Finalement, ce n'était qu'une apparence, un leurre. Wolfram et Hart, Hécate, la déesse aux trois visages, j'aurai dû faire le rapprochement.

 

Plongés dans leur désarroi, ils n'entendirent pas la porte s'ouvrir derrière leur dos. Une voix grave les invectiva sur l'heure.

 

-Diable, mais que faites-vous ici ? Par la trinité, le grand prêtre est en train d’opérer le rituel et vous fouinez dans son bureau ? Si nous n'avions pas besoin de vous pour établir la connexion, alors je me débarrasserais de vos carcasses et je les offrirai à Hécate sur le champ. Si la prêtresse s'éloigne trop longtemps de son hôte, elle risque de perdre de son influence. Vous êtes trois à manquer à l'appel. Suivez-moi ! dépêchez-vous !

 

Cette fois-ci, Alex acquiesça d'un simple hochement de tête, aussitôt imité par Leina. Dépourvus d'échappatoire et fatigués de cavaler dangereusement dans l'antre du serpent, ils suivirent le guide sans se poser de questions. Toute hésitation inopportune les incriminerait comme suspects, sans compter que le risque était trop grand d'opter pour une confrontation directe. À trop mettre la chance à contribution, elle finirait par tourner fatalement, aussi s'évertuèrent-ils à faire profil bas.

 

Après avoir gravi plusieurs étages, ils traversèrent un long couloir orné de fresques anciennes, jusqu'à ce que le prêtre ouvre l'imposante porte sculptée de motifs antiques. Derrière s'y trouvait un immense espace faiblement éclairé, occupé par quelques moines en méditation. Ces ascètes formaient une ronde autour d'un sarcophage ancien, à l'intérieur duquel transparaissait un rayonnement bleuté, oscillant entre lueur vive et faible. L'un d'eux, le plus imposant, récitait à l'écart des autres, les écrits sacrés du grimoire qu'il tenait en main. L'orateur, confronté à l'impossibilité d'interrompre le rituel, leur adressa un regard haineux, sans pour autant dévier de son récital. Alex se fit alors la réflexion que le leader en question correspondait à celui dépeint sur le tableau, dans le bureau ou se situaient les vieux ouvrages. Prestement, on les invita à prendre place autour du tombeau gravé de signes ésotériques. Leina et Alex s’échangèrent des regards discrets, plus déterminés que jamais à se sortir de ce guêpier.

 

-Qu'est-ce que vous attendez ? poursuivit le guide en les voyant hésiter. Dépêchez-vous de pénétrer dans le cercle ou il va se briser. Vous êtes véritablement une bande d'incapable.

 

Subissant la pression de leur geôlier, le couple joignit aussitôt les rangs en s'initiant tout naturellement à la posture de leurs nouveaux camarades. Sans réfléchir, Alex et Leina associèrent leurs mains de la même façon, en inclinant la tête et en élaborant des murmures semblables à ceux résonnant dans la pièce, malgré un manque de discernement évident. Le prêtre poursuivit son sacrement à voix haute, mais l'illusion ne perdura pas dans le temps. Le doute s’immisça dans son esprit lorsqu'il constata avec amertume, la réflexion de lumière s'amenuiser au fil de l'échéance. Conscients de l'anomalie, Alex et Leina redoutaient de se faire suspecter. Ce fut mal engagé dès lors qu'ils ressentirent peser sur eux le regard méfiant de l'orateur, décelant dans leur gestes maladroits quelques difformités évidentes. Cependant, alors que l’énergie était sur le point de disparaître, un regain d'intensité explosa à la vue de tous et les ondes se stabilisèrent à un degré de luminescence sans commune mesure.

 

Aussitôt le prêtre stoppa le rituel. Il inspira profondément, comme épris de soulagement, avant que l'on ne vienne l'interpeller pour lui signaler le retour de la prêtresse au palais. Les traits marqués, légèrement usé par cette débauche d'énergie, il se précipita en direction de la porte sans se retourner. Les moines lui emboîtèrent le pas et sortirent uns à uns de la salle. Alex et Leina, camouflés dans leur tenue écarlate, firent mine de les suivre à distance avant de s'arrêter sur le palier en les observant s'éloigner à travers l'embrasure de la porte. Désormais seuls dans la grande pièce, en compagnie du sarcophage, les deux usurpateurs se sentaient complètement vidés de toute essence.

 

-J’arrive pas à croire qu'on s'en soit sorti, savoura Alex en proie à diverses émotions.

 

Leina fut prise d'un éclat de rire nerveux qu'elle peinait à refreiner.

 

-Vraiment, j'en peux plus, gémit-elle entre rire et larmes. Alex, j'en peux vraiment plus. Je crois que je suis à bout.

 

Elle posa sa tête contre le torse musclé de son mari.

 

...S'il te plaît, il faut qu'on rentre à la maison parce que là, c'est trop. Je veux revoir Sarah.

 

Totalement admiratif de son courage et de sa détermination, Alex tenta de la réconforter en la serrant dans ses bras. Pour son compte, se retrouver dans des situations désespérées ne représentait pas une nouveauté. Il connaissait les risques, et la force de caractère forgée au gré de son vécu lui permettait de s'y confronter, mais pour sa femme, c’était différent. Ce genre d’expédition relevait d'une première pour Leina et l'intensité subie allait bien au-delà de ce qu'un être normalement constitué pouvait supporter.

 

-Ça va aller ! la réconforta-il en glissant sa main dans ses cheveux. Bientôt, on sera de retour à la maison et tu prendras Sarah dans tes bras. Je te le promets.

 

Détestant afficher son état de vulnérabilité, elle repoussa délicatement son mari en espérant retrouver la maîtrise de ses émotions.

 

-Merde, ragea-t-elle en secouant sa tête. Je suis vraiment ridicule. Tu dois me prendre pour une pleurnicheuse maintenant. Allez... je vais me reprendre... laisses moi juste quelque secondes et...

 

Alex ne lui laissa pas le temps de conclure qu'il l'embrassa d'un langoureux baiser.

 

-Désolé, mais j'en avais vraiment envie, se justifia-t-il.

 

Totalement surprise, elle le supplia du regard de continuer. Esclaves de leur pulsion, leur enlacement les transporta à proximité du sarcophage. L'espace d'un merveilleux instant, plus rien ne comptait : ni les conditions défavorables ni leurs inquiétudes. Alex couvrit son cou de baisers et dans le feu de l’action, alors qu'il ouvrit les yeux, son corps se figea brutalement.

 

...Alex ? Ça ne va pas ?

 

Son silence angoissant l'interpella tant et si bien qu'elle se délia de son étreinte. En suivant l'axe de son regard, elle fut saisie du même sentiment. Son sang ne fit qu'un tour tandis que des frissons parcouraient son épiderme. De ce torrent d’énergie bleutée émanant du sarcophage, transparaissait le visage familier de celle qu'ils avaient tant recherchée. Les yeux clos, les traits sombres, et les cheveux noircis par un mal justifiant ses veines apparentes, Willow se dévoilait sous leurs regards, paisible et endormie.

 

****

 

Quelle étrange sensation que celle d'ouvrir les yeux et de se retrouver à flotter en apesanteur, dans un lieu inconnu, avec pour seul souvenir, celui d'une douleur abdominale lancinante. La douleur s'était atténuée. Elle ressentait toujours une sorte de gêne, mais rien de comparable à la souffrance endurée jadis. En contrebas, les genoux à terre, Kteal apparaissait en fâcheuse posture. Soulagée de le savoir en vie, une voix glaciale la rappela à sa triste condition.

 

-Tu refuses toujours de me dire ce que tu fais ici avec cette fille, misérable insecte ?

 

Quelques mètres plus bas, affalée sur son trône en croisant les jambes avec nonchalance, la prêtresse observait dédaigneusement le cornu. À ses côté se tenait le mage protecteur. Sur l'instant, aucun des deux ne remarqua son réveil, mais complètement paralysée, Seyia était dans l'incapacité d'intervenir.

 

S'il advenait un classement des pouvoirs qu'elle redoutait le plus, la magie trônerait incontestablement en tête. Bien avant de débuter leur périple sous l'impulsion de Rose, un mauvais pressentiment l'avait assailli, et il se révélait totalement justifié en pareille situation. Pour une tueuse, il n'existait rien de pire que de se sentir démuni face à un adversaire. Kteal devait éprouver la même sensation. Plus terrible encore, il accusait le coup sous le sourire machiavélique de son propre fils.

 

Agacée par la pugnacité du cornu, la prêtresse entra dans une colère noire. D'un geste de la main, elle libéra une décharge électrique sur sa cible, zébrant l’air d’éclats bleutés et crépitant. Un cri effroyable résonna dans la pièce. La torture perdura sadiquement puis cessa aussi soudainement qu’elle avait commencé. La chair encore fumante, Kteal s’effondra au sol. La tueuse s'inquiétait d'autant plus qu'elle connaissait l'abnégation de son compagnon. Quoiqu'il en coûte, il ne parlerait pas. Malgré la souffrance, son regard ne dévia pas de celui de son fils.

 

-Pourquoi me dévisages tu ainsi monstre ? s'indigna le jeune mage. Si ça ne tenait qu'à moi, tu serais déjà dans l'autre monde.

 

-Bien ! s'emporta la prêtresse. Puisque tu ne veux rien révéler, je vais fouiller dans ce qui te sert de cerveau.

 

D'un murmure, elle l'attira à elle. Son corps, traîné par une force invisible, crissa sur le parquet jusqu'à parvenir à ses pieds. Se penchant légèrement, elle lui saisit le crâne, ses mains encadrant fermement ses tempes.

 

...Autant te prévenir, le nargua-t-elle en simulant une compassion feinte. Tu vas souffrir atrocement, mais tu sembles prendre un pied d'enfer à souffrir alors je ne vais surtout pas me retenir.

 

Aussitôt, ses doigts pénétrèrent le crâne de Kteal, arrachant à ce dernier un hurlement de supplice. Comme en extase, la prêtresse leva la tête au ciel, les yeux clos, en inspirant les connaissances du cornu. Des milliers d'images se reflétèrent dans sa rétine, chacune retraçant son parcours de vie, de son humanité à son bannissement, jusqu'à cet instant où elle le libéra de son emprise. La bête s’effondra lourdement au sol, à la lisière de l'inconscience. Seul le faible gonflement de sa poitrine trahissait un souffle de vie encore présent. Témoin de cet acharnement, Seyia se débattit avec frénésie pour s'extirper de ses entraves invisibles, mais sa volonté se confronta à la dure réalité.

 

...Intéressant, savoura la sorcière en envoyant valser Kteal sur quelques mètres. Vraiment intéressant.

 

-Shahin !!! hurla la tueuse désespérée. Tu vas laisser ton père souffrir de la sorte sans bouger le petit doigt ?

 

Le mage, pris de stupeur, leva les yeux dans sa direction, complètement atterré par ce qu'il venait d'entendre. D'ordinaire, il n'aurait fait aucun cas des propos d'une étrangère, mais elle l'avait appelé par son prénom, connu de ses seuls parents. Il n'eut pas le temps de répondre que la sorcière lui coupa la priorité en portant son attention sur l'enquiquineuse.

 

-Enfin, soupira-t-elle. Je commençais à m'impatienter.

 

Usant de la manipulation des corps, elle la rabattit à même le sol, comme si la tueuse ne constituait qu'une marionnette entre ses mains. Pas le genre à abdiquer malgré sa piteuse situation, Seyia la défia à l'aide de ses seules armes encore à disposition : son regard acéré et ses mots tranchants.

 

-Espèce de sadique. Relâche-moi et j’me ferai un plaisir de botter ton gros cul de pouffiasse mal baisée.

 

-Que de vulgarité, s'étonna la prêtresse de son sourire narquois. Je commence à me dire que j'aurai dû t'éliminer sur le champ, mais je dois bien avouer que tu es parvenu bien malgré toi, à captiver ma curiosité.

 

Seyia tenta de se débattre alors que la sorcière s'approcha de sa démarche assurée, exacerbant sa domination sans partage.

 

...Quand tu t'adresses à moi, tu te prosternes, ordonna-t-elle en claquant des doigts.

 

Aussitôt, la tueuse fut soumise à genoux, la tête inclinée.

 

...Voilà, c'est ainsi que j'apprécie le bétail, docile et obéissant. Maintenant j'aimerai savoir qui tu es. J''ai sondé l'esprit de la bête, mais je n'y ai rien déchiffré te concernant. Tu n'es pas censé appartenir à ce monde, et surtout, je perçois une puissance émanant de toi, une saveur particulière.

 

La prêtresse s'accroupit pour humer l'odeur de ses cheveux.

 

...Ce parfum démoniaque, il m'évoque un sentiment familier.

 

Elle se redressa aussitôt en la fustigeant du regard.

 

...Lorsque tu m'as attaqué, tu as failli briser mon sort de protection. Un exploit que je ne m'expliques pas. Peut-être est-ce dû à cette arme ?

 

La scythe de la tueuse jaillit de nulle part pour aller se poser dans la main de la sorcière.

 

… Beau joujou. Cette arme possède la même fragrance. Parle, ou alors...

 

La prêtresse agita ses doigt explicitement, de façon à symboliser sa menace. Ne souhaitant pas qu'on farfouille dans son esprit, Seyia se décida à répondre.

 

-T'as jamais entendu parler des tueuses ? Mais d’où tu sors, putin.

 

-Les tueuses ? Je comprends mieux d’où te vient une telle force.

 

Un sourire diabolique s'incrusta sur sa figure.

 

…J'ai envie d'en savoir plus.

 

Sans tergiverser, elle enfonça ses doigts dans ses tempes. Éprouvant une douleur épouvantable, Seyia hurla à la mort pendant que la prêtresse jubilait d'extase. Renouvelant la manœuvre, des centaines d'images défilèrent dans son esprit. Une fois la liaison établie, l'enfance de la tueuse lui apparut comme dans un livre ouvert, jusqu'au moment fatidique de cette journée apocalyptique, sur ce champ de bataille, lors du sacrifice de ses sœurs d'armes.

 

À ce point culminant, un trou noir hurla dans son crâne, puis la sorcière fut éprise d'un vertige. L'esprit de la tueuse reprit brusquement le dessus et la liaison s'inversa. Seyia expérimenta les visions à son tour. Les images d'une petite fille de Sunnydale lui apparurent en songe. Submergée par la souffrance d'une gamine ayant subis les sévices de sa mère et entretenu des rapports délicats avec les membres du Scoobygang, Seyia avait désormais accès aux recoins les plus sombres et secrets de son âme. Son pacte avec la déesse Hécate, la haine vouée à Willow, ainsi que la traîtrise dont elle fit preuve en investissant les pouvoirs de sa rivale, alors seule sorcière assez puissante pour contenir l'incarnation de la déesse tricéphale à qui elle avait toujours prêté allégeance : rien ne fut omis.

 

Lorsque la liaison se coupa, la prêtresse vacilla, branlante et vulnérable, cherchant désespérément un appuis. Enfin libérée du maléfice, la tueuse retrouva la pleine possession de son corps. Son premier réflexe fut de s'emparer de la scythe tombée au sol et de s'élancer sur sa proie. C'était le moment ou jamais d'en finir, alors elle arma son bras en négociant parfaitement l'intervalle. Hélas, la sorcière pouvait compter sur son protecteur qui ne manqua pas à son devoir, en projetant des sphères incandescentes sur sa cible. Usant de ses sens affûtés et percevant un souffle chaud dans son angle mort, Seyia évita de justesse la calcination. Malgré tout, il était trop tard. Déjà la sorcière avait repris pied, et d'un simple sort, projeta la tueuse contre la cloison murale.

 

...Impossible, réagit la prêtresse, vacillante. Comment a-t-elle pu résister ? C'est comme-ci son esprit était verrouillé.

 

Shahin accourut aussitôt pour la soutenir. Bien que ses jambes ne tenaient qu’à la seule force de sa volonté, Kteal se redressa avec bravoure pour leur faire face. D’un geste brusque, la prêtresse écarta son protecteur.

 

...Tues le ! ordonna-t-elle d'un ton sec et autoritaire. Je t'ai fait l'honneur de te prendre comme protecteur malgré ta lignée. Il est temps pour toi de me prouver ton allégeance.

 

Le mage, toujours ébranlé par les récentes révélations, considéra le cornu d'un œil perplexe.

 

-Est ce qu'elle dit la vérité ? demanda-t-il à la principale intéressée. Est-ce que ce monstre est mon père ?

 

-Évidemment qu'il l'est. Ce traître est bien ton père. Celui qui vous a abandonné ta mère et toi, en vous laissant endosser le fardeau de sa trahison. Tue-le ! Ne me fais pas regretter mon choix.

 

Partagé par des sentiments contradictoires, Shahin tendit ses mains tremblantes en récitant le sort. Des particules orangées s’assemblèrent pour former une sphère incandescente, dégageant une chaleur intense. Le dilemme imprégnant son esprit le tourmentait sans répit. Il haïssait son père plus que quiconque. L’admiration qu’il lui vouait étant gamin n'avait d'égal que la haine qu'il éprouvait à présent. Pourtant, l'enfant en lui se refusait à commettre un tel acte. Les souvenirs, encore vifs, enfuis dans un coin de son esprit, le submergeaient. Les bons et les mauvais moments s'entremêlaient, jusqu'à ce que l’image de sa mère, pleurant à chaudes larmes, ne fasse pencher la balance.

 

D'une impulsion, la sphère enflammée aborda sa trajectoire rectiligne en direction du cornu. L’énergie déployée allait percuter sa cible lorsque le métal d’une lame écarlate l'absorba comme un bouclier. Seyia s'était interposée devant Kteal, l'arme encore luisante d'un impact dont la lame semblait aspirer l'énergie en scintillant plus que d'ordinaire.

 

-Reprends toi vieux, l'encouragea-t-elle d'un sourire à peine voilé. J'ai déjà survécu à l'apocalypse alors il est hors de question qu'on crève ici.

 

Shahin, dans un état second, venait de prendre conscience de son geste. Totalement abattu, il s'effondra. Sa rancune et sa colère l'avaient poussé à commettre l'irréparable et le retour de bâton le draina de toute substance.

 

-Si vous désirez que les choses soient bien faites, faites le vous-même.

 

La prêtresse fit jaillir de ses mains une masse d’énergie débordante d’électricité. Les particules lumineuses s’élancèrent à la poursuite des deux défenseurs. En alerte, la tueuse poussa Kteal sur le côté, puis plongea dans la direction opposée, se réceptionnant en une roulade qui raviva sa récente blessure. Refusant de céder à l'échec, la prêtresse réitéra le geste, mais cette fois-ci, les faisceaux d’énergies se désagrégèrent d'eux-mêmes.

 

...Qu'est-ce qui m'arrive ? s'étonna-t-elle en se tenant le bas ventre. J'ai mal.

 

Perdant pied, son énergie vitale s’épuisa, emportant avec elle ses ressources magiques. Paniquée, elle erra en quête d'une échappatoire qu'elle ne trouva pas. La prêtresse s’effondra à genoux, impuissante. C’est alors que la noirceur habillant ses traits se dissipa pour dévoiler sa véritable nature.

 

...Non... Je ne veux pas... Aidez-moi...On avait fait un deal....

 

Ses mots, murmurés dans le vide, ne trouvèrent aucune résonance chez la tueuse et le cornu, puisqu'ils ne leur étaient en aucun cas destinées. Témoin de ce phénomène étrange, les deux guerriers, tout aussi désarçonnés l'un que l'autre, observèrent, statiques, une métamorphose échappant à leur compréhension. Les cheveux de la prêtresse s'éclaircirent, et ses pupilles, jusque-là noires, retrouvèrent leur couleur d'origine, d'un bleu éclatant. Les veines sillonnant son visage s'effacèrent au profit d'une pâleur exacerbée. A la manière d'une bête terrorisée, la prêtresse scruta son environnement par de nerveux mouvements de tête.

 

...Non non, gémit-elle affolée en posant le regard sur ses deux assaillants. Ne m'approchez pas.

 

Son état de fragilité apparente coupa à Seyia toute envie d'en finir. Elle savait son identité et sa capacité à nuire, mais en état, elle ne représentait plus aucune menace. Dans l'arrière salle, des hurlements effroyables et succins retentirent, accentuant la peur irraisonnée de la sorcière.

 

...Déesse Hécate, protégez-moi. Je vous en supplie, protégez-moi.

 

-Protéger de quoi ? s'inquiéta Seyia en l'empoignant par le col.

 

-Bandes d'imbéciles, vous ne comprenez rien. Le lien a été rompu. J'étais l'élue. Hécate me transférait ses pouvoirs en utilisant le corps de la sorcière comme d’un catalyseur. J'ai tout perdu. Ça signifie qu'elle s'est réveillée.

 

La tueuse la gifla d'un revers de main.

 

-Bon sang, mais de qui tu parles ?

 

La prêtresse n'eut pas le temps de répondre que la porte vola en éclat. C'est alors que la tête arrachée d'un moine roula devant leurs regards terrifiés.

 

-Elle parle de moi, assura la silhouette en robe sombre d’un ton sarcastique.

 

Seyia n'en revenait pas. Elle souhaitait réagir, manifester quelques mots avisés, à la place de quoi elle se figea et resta bouche bée. Après tant d'années, Willow venait d'apparaître en chair et en os. Pourtant, la tueuse aurait dû se méfier. La tête du moine roulant sur le sol aurait dû l'interpeller, mais sur l'instant, son esprit, sans doute trop chamboulé, n'y prêta pas attention. Willow était vivante, certes plus sombre et à peine reconnaissable, mais c'était bien elle. Tout ce chemin parcouru dans le but de la retrouver prenait enfin un tournant décisif.

 

Pourtant, son visage, transfiguré par l’allégresse, se décomposa graduellement jusqu'à ce que le masque tombe. Cette silhouette correspondait traits pour traits à celle de la sorcière, mais la comparaison s'arrêtait là. Ces cheveux noirs, ces veines apparentes et ce regard abyssal évoquaient à s'y méprendre la forme empruntée par la prêtresse avant que cette dernière ne perde ses pouvoirs. De plus, la Willow qu'elle connaissait n'aurait jamais agi de la sorte, à décapiter un adversaire sans culpabiliser une seule seconde. Dans l'esprit de la tueuse, ce monstre venait, par ses actes, de révéler son imposture. Pour autant, le doute subsistait toujours. Le rapprochement avec cette fameuse histoire narrée jadis, s'imposa naturellement.

 

Willow avait déjà perdue le contrôle, et cette fois-là, le monde était passé à deux doigts de la destruction. Le doute se dissipa à cette seule pensée, faisant naître un dilemme démuni de toute résolution viable. Comment diable s'y prendrait-elle pour l'arrêter ? À ce questionnement venait s'en ajouter un autre, plus crucial encore : qu'était-il advenu d'Alex et de Leina ? Dans le feu de l'action, elle n'avait pas eu l'occasion de s'en préoccuper. L'inquiétude la submergeait, d'autant que la situation apparaissait assez dramatique pour ne pas en rajouter. Willow s'obstinait à fixer la prêtresse apeurée qui s'efforça de trouver refuge sous la houlette de la tueuse.

 

-Amy! Petite garce. Tu m'as toujours jalousé. Dire que j'ai tant fais pour toi. Tu m'as fortement déçue.

 

La sorcière s'approcha lentement dans sa direction, savourant chaque instant de cette avancée inexorable. Amy trébucha en reculant, puis se traîna comme une larve sur le sol.

 

-Non Willow, ce n'est pas ce que tu crois...

 

Terrifiée, elle se força à sourire.

 

...Je n'ai pas voulu tout ça. Tu sais bien que je ne te voulais aucun mal.

 

Ses boniments n'eurent pas l'effet escompté et le sourire machiavélique de Willow en attestait.

 

...Nous étions amies, rappelles-toi.

 

Au fait de son échec, Amy se tourna désespérément vers la tueuse.

 

...Aides moi. Elle va me tuer. Tu ne peux pas la laisser faire.

 

Abasourdie par cette requête inopinée, Seyia brûlait d'envie de la tuer elle-même. Hélas, son code morale lui imposait une droiture en totale inadéquation avec ses pulsions instantanées.

 

-Fermes la ! lui cracha-t-elle au visage avant d'entraver le passage de la sorcière. Willow attends, tu ne....

 

Ses mots ne sortaient plus de sa bouche et pour cause, elle n'en possédait plus. D'un vœu, la sorcière l'avait privé de parole et elle ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin. D'une simple citation latine, Seyia se trouva aussitôt immobilisée.

 

-Ne me forces pas à te tuer toi aussi, la menaça la sorcière avant de l'envoyer paître à distance. Willow, vous avez tous ce mot à la bouche. Comment osez-vous me comparer à une humaine, je suis bien au-delà de ce que vous êtes capable de discerner.

 

Le cornu tenta de s'interposer, mais il ne connut pas meilleur sort. Désormais acculée, seule face à sa rivale, Amy récita un verset, puisant dans son registre l'attaque la plus puissante dont elle fut capable. Un faisceau de lumière fusa sur Willow puis l'enveloppa de tout son être, lui infligeant de terribles souffrances. Du moins, c'est ce qu'Amy pensait avant de s'apercevoir que ce qu'elle interprétait comme de la douleur, n’était rien d’autre qu’une délicieuse jouissance. Les yeux clos, les lèvres entrouvertes, Willow se délectait de cette profusion de magie qu'elle absorbait avec un plaisir orgasmique.

 

-Hmm ! savoura la sorcière. A mon tour maintenant.

 

La sorcière fixa Amy d'un regard assassin. Ses cheveux se hissèrent et ses pieds ne touchèrent plus terre. Les paumes de ses mains ouvertes vers le ciel, elle inclina la tête en arrière et, d'un hurlement effroyable, déchaîna la foudre qui s'abattit implacablement sur son adversaire. Le corps d’Amy, entièrement calciné, gisait au sol, agité de soubresauts infimes comparables aux derniers spasmes d’une créature en état de choc. Une odeur nauséabonde de chair brûlée imprégna l'air, tandis que les geignements saccadés et à peine perceptible d'Amy aux portes de la mort glaçaient d’effroi la tueuse, spectatrice impuissance de cette folie meurtrière. Les talons de la sorcière résonnaient sinistrement sur le parquet, s'approchant dangereusement du corps inerte et fumant de sa victime

 

...Je t'ai délibérément laissé à la frontière de la mort pour que tu ressentes cette souffrance, que tu t'en imprègne et que tu m'implores d'en finir avec ta misérable existence.

 

Quelque mots saccadés et inaudibles tentèrent de sortir de ses lèvres consumées.

 

...Pardon ? Veux-tu bien articuler ? Je ne comprends pas.

 

-T..t.....tues...

 

Amy suffoqua à maintes reprises.

 

...Tues moi.

 

-Évidemment que je vais te tuer, mais je ne te ferai pas l'honneur d'une mort noble. Après tout, tu n'es même pas humaine. Tu as vécu une longue partie de ta vie dans la peau d'un rat. Il semble que ce soit cela, ta véritable nature.

 

D’un claquement de doigts impérieux, la sorcière métamorphosa Amy en un misérable rongeur. Sans la moindre hésitation, d'un coup de talon, elle l'acheva dans une cruelle indifférence.

 

Shahin, de son côté, n'avait rien manqué de la scène effroyable. Son cerveau ne répondait plus. Tous ses repères venaient d'être chamboulés. Il ne savait plus, ni le bien, ni le mal, conscient que ces notions venaient d'être balayées par une notion plus absolue encore. Cette sorcière venait de détruire d'un revers de main, tout ce qu'il s'était évertué à bâtir. Son édifice s'effondrait et il se jugeait comme seul responsable. Consumé par sa haine, il avait trahi toutes ses convictions dans l’espoir d’une reconnaissance futile. À la croisée des chemins, le besoin d'expier ses fautes s'imposa à lui comme un cadeau du ciel.

 

Il considéra une dernière fois le regard de la créature pour y percevoir une lueur familière, celle de son père. Un léger sourire en guise d'adieu, il détourna son attention sur la cause de son malheur. Shahin défia la mort dans le blanc des yeux, puis s'élança, résolu à rendre son dernier acte mémorable. Chacune de ses foulées résonnaient comme le battement de son propre cœur. Concentrant tout son pouvoir dans les paumes de ses mains, il sentait l’énergie crépiter sous sa peau. Une boule de feu jaillit, suivie d’une seconde, puis d’une myriade d’autres, chaque explosion illuminant la scène d’éclats aveuglants. L’environnement se couvrit d'une traînée opaque. Derrière l'écran, la première vision qui s'imposa fut celle de ce rictus insolent pendu aux lèvres de la sorcière. Autour de lui, déjà l'air se chargeait en électricité, mais il ne regrettait rien. Son sort, il l'avait accepté avant même d'attaquer. Kteal voulait réagir. Plus que tout, son devoir de père l'exigeait. Pourtant, si son cœur lui dictait de se relever, son corps épuisé imposa son dictat. Contrevenant à la fatalité, le salut survint par le biais d'une simple porte qui s'ouvrit.

 

-Ça suffit Willow ! Cesses cette folie tout de suite.

 

La sorcière, pourtant prête à en finir, fut troublée par cette voix qu'elle connaissait si bien.

 

-Alex, soupira-t-elle avant de se débarrasser du mage d'un revers de main, le projetant contre un pilier. Tu m'as coupé dans mon élan et je trouve cela vraiment regrettable.

 

Le borgne s'afficha dans un piteux état, la chemise en lambeaux et le corps lacéré de multiples entailles.

 

-Comme tu le vois, dès que tu pètes un câble, je suis toujours là.

 

La sorcière, arborant un air las, l’observa avec une exaspération palpable.

 

-Pauvre imbécile. Si tu as l'intention de me gratifier d'un beau discours alors laisses moi te dire que ça ne fonctionnera plus cette fois-ci. Ne me compare pas à cette faible pétasse que j'étais Jadis. Willow, Black Willow, toutes deux ne sont que des ersatz inutiles.

 

-Faible ? déplora-t-il en réduisant avec prudence la distance les séparant. La Willow que je connaissais n'était pas faible. Au contraire, il lui a fallu une force hors du commun pour ne pas s'abaisser à celle que j'ai devant les yeux.

 

Cette remarque eut le don d'irriter la sorcière.

 

-Tes mots ne valent rien. Tous ces bons sentiments ne te sauveront pas cette fois-ci. Hécate est en moi. Son pouvoir coule dans mes veines. La vie humaine n'a aucune valeur à mes yeux. Les humains existent pour me vénérer, rien de plus. Ceux qui ne se soumettent pas doivent disparaître.

 

Aussitôt, d’atroces douleurs assaillirent Alex de toute part, comme si des milliers d'aiguilles chauffées à blanc transperçaient sa chair. Son corps lourd se fracassa brutalement sur le sol, sous l’œil de la tueuse impuissante. La sorcière pensait en avoir terminé avec le pauvre bougre, mais la même voix la rappela à l'ordre.

 

-Il va falloir faire mieux que ça si tu veux me tuer, reprit-il toujours debout, suscitant chez son bourreau une vive stupéfaction.

 

-Voilà autre chose. T’es immortel ou quoi ? Cette attaque aurait dû te tuer.

 

-Ben tu vois, il semble que je sois encore vivant.

 

-Je vais palier à ce petit contre temps.

 

Sans attendre, elle déchaîna la foudre. Pris dans la tourmente, il étouffa un gémissement, puis chuta au sol sans donner signe de vie. Satisfaite, la sorcière tourna les talons sans éprouver le moindre remord. Pourtant, encore une fois, elle allait être interpellée par cet homme fièrement dressé sur ses deux jambes. Suintant une colère effroyable, elle s'acharna sur lui en agitant tout son attirail ésotérique, mais à son grand désarroi, avec la même finalité. Chaque fois Alex se relevait, et toujours avec cette flamme dans les yeux, comme habité par une volonté inébranlable. Épuisée, la sorcière se trouvait totalement désemparée par son impuissance à se débarrasser d'un simple mortel.

 

-Tu ne comprends pas ? l'interpella-t-il en avançant malgré le mal au corps.

 

-Qu'est-ce que je devrais comprendre, si ce n'est que tout ceci est impossible.

 

-Si t'avais voulu nous tuer, Leina et moi, tu l'aurai déjà fait quand nous t'avions libéré de ce sarcophage. Tu nous as épargné, pourtant tu n'as pas hésité une seule seconde à te débarrasser des moines. Tu es une puissante sorcière et je ne suis rien d'autre qu'un humain vulnérable. Tu penses vraiment que j’aurais pu survivre à une seule de tes attaques si tu l'avais vraiment voulu.

 

-Tu prétends que je me refuses à t'éliminer ?

 

La sorcière fut éprise d'un rire effroyable.

 

...Tout ceci est absurde.

 

-Si tu le pouvais, tu m'éliminerais sur le champs, ça ne fait aucun doute, mais quelqu'un en toi t'en empêche. Tu n'es pas Willow. Tu n'es qu'une entité maléfique essayant de subsister comme un parasite dans le corps de mon amie, mais tu ne la contrôle pas. Je connais Willow, et je peux affirmer que son côté sombre n'a rien à voir avec toi. Tu es bien faible en comparaison.

 

C'en était trop pour la sorcière, plus décidée que jamais à le réduire au silence, mais à l'instant où elle s'adonna à une énième tentative, elle fut éprise d'un vertige, suivi d'une effroyable migraine.

 

-Ma tête, cria-t-elle en saisissant son crâne entre ses mains tremblantes. On essaie de rentrer dans ma tête...

 

-À toi de jouer ma belle, marmonna Alex qui s'affaissa au sol totalement épuisé. Tu es notre seul espoir.

 

*****

 

Dans la salle attenante, un corps en lévitation s'éleva gracieusement. Les jambes croisées en position du lotus, les yeux clos, Leina se libéra de son enveloppe charnel pour voyager à travers l'espace et le temps, au-delà de toute perception physique. En dépassant les limites qu'elle s'était inconsciemment imposée, elle se sentit enveloppé d'une aura bienfaitrice. Dès lors, aucune frontière, aucun espace-temps ne lui semblait infranchissable. Son esprit voyagea à travers les champs de l’invisible jusqu'à parvenir à destination, dans cet oasis qu'elle connaissait si bien. Une fois la connexion avec l'esprit de Willow établie, une silhouette à forme humaine apparut et l'étreignit dans ses nuées bleutés. Leina avait le sentiment d'être protégée par un être supérieur. Sa traversée trouva sa finalité au sein d'une terre dévastée où l'obscurité régnait en maître. Pas l'once d'un quelconque signe de vie autour, pas une fleur ni un animal, rien que le néant et la lourdeur d'un ciel aux teintes apocalyptiques.

 

Le souvenir de ce lieu, lors de sa première rencontre avec Rose, contrastait vivement avec son état actuel. Traversant la contrée ravagée, toutes les fibres de son corps brûlaient d'une sinistre appréhension. L'adrénaline envahissait son être au point d'en suffoquer. Leina éprouvait une sensation de malaise, comme en apnée dans un univers hostile. Dévalant le sentier aride et traversant les fourrés de bois morts, elle parvint au cœur même des événements, là où le mal était tapis, dans les profondeur de ce lac desséché. La tempête grondait et les violentes rafales de vent s'engouffraient dans les cheveux noires de la sorcière aux traits sombre. Malgré son apparence démoniaque, Dark Willow ne présentait pas de menace immédiate, contrairement à la créature colossale contre laquelle elle luttait. Cette entité monstrueuse possédait un corps de femme à trois tête, représentant à chacune de ses extrémités un totem animal : le lion, le chien et le cheval.

 

-Hécate ! réagit Leina en rejoignant Willow.

 

L'apparence cataclysmique de la bête la terrifiait. La sorcière quant à elle ne lui accorda pas l'once d'un regard. Ses veines saillantes ainsi que sa sombre silhouette ne cachaient pas un état d'épuisement prononcé. Leina en déduisit une lutte de longue haleine. Malgré tout son pouvoir, Dark Willow donnait l’impression d’être totalement dépassée par la déesse aux trois visages. Ses traits tirés et l'état de délabrement de sa robe noire dentelée : toute son apparence témoignait d'une résistance farouche et désespérée.

 

...Tu tiens le coup ? s'inquiéta Leina en interpellant la sorcière à ses côtés.

 

-Je fais ce que je peux, répondit Willow, les yeux rivés sur Hécate. Le pouvoir auquel je fais face me surpasse complètement.

 

L'air imprégné de cendres témoignait des vestiges d'un combat acharné.

 

-Nous sommes dans ton esprit. Tu es chez toi. Tu possèdes le pouvoir de l'en faire partir. Si tu flanches, alors ce sera la fin de tout.

 

Dark Willow esquissa un sourire mêlé d'ironie.

 

-Qui te dit que ce n'est pas ce que je désires ?

 

-Ouais je sais, je connais ton histoire, rétorqua Leina. Je sais que tu es capable de bien pire encore, mais je sais également que tu n'es pas le genre à te laisser manipuler par une entité quelconque. Et puis tu as fait en sorte de nous épargner, Alex et moi, ça doit vouloir dire que tu n'es pas forcément un cas totalement désespéré.

 

-Et toi ? soupira la sorcière. Quel est ton rôle dans cette histoire ?

 

L'air s'imprégna d'une lourdeur suffocante. La température monta brusquement dans les tours, exerçant sur leurs peaux blanches, un torrent de sueur comme dans un sauna. Le ciel s'illumina d'une lueur pourpre et le flot d'une énergie écrasante s'échappa du corps de la déesse aux trois visages. Willow opposa son pouvoir en déchaînant des forces toutes aussi obscures. Deux puissances en tout point similaires s'affrontèrent, créant un souffle qui emporta tout sur son passage. Leina fut happée comme une brindille, mais alors qu'elle sentit son corps dériver, une bulle protectrice vint l'entourer et la stabiliser dans le sillage de sa sombre gardienne. La sorcière, s’évertuant à combattre tout en préservant l'intégrité physique de la belle, apparaissait exténuée, à la limite du point de rupture. À mesure de l'échange, l'équilibre des forces se brisa au profit d'un ennemi aux ressources inépuisables.

 

Spectatrice passive d'une situation désespérée, Leina maudissait son impuissance. Son rôle dans cette histoire ? Elle n'en avait aucune idée. Elle s'était laissé porter par un projet simple et naïf consistant à pénétrer l'esprit de la sorcière, dans l'intention de la ramener dans le droit chemin. Hélas, le cour des événements revêtait un aspect bien plus complexe. Le mal dont souffrait Willow se révélait plus profond et pour couronner le tout, indépendant de sa volonté propre. Désespérée et fébrile, un éclair de lucidité vint éclairer ses pensées. Tout partait de sa première rencontre avec Rose, lorsqu'elle avait sondé l'esprit de la sorcière pour établir le lien. Elle n'y avait pas prêté attention la première fois, mais cette chaleur, cette sensation familière en la côtoyant, elle venait subitement d'en déceler la raison.

 

Alors que Willow tressaillait sous une puissance prête à les emporter toutes les deux, Leina s'approcha de cette dernière et posa délicatement sa main sur son front. Le cœur battant, elle ferma les yeux et entra dans une transe psychique instinctive.

 

-Revelatio Corda !

 

Son esprit se connecta à celui de Willow, lui octroyant tous les souvenirs de leurs échanges passés. Tous les bons moments partagés en sa compagnie imprégnèrent la conscience de la sorcière. Alex, Giles, Buffy et tous les autres, comme autant de vecteurs stimulant une réaction en chaîne. Ce fut le dernier geste de Leina, avant qu'elle ne s'effondre d'épuisement et que sa conscience ne disparaisse de ce plan d'existence pour s'en retourner au palais. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se précipita dans la salle adjacente dans laquelle l'attendaient ses camarades et la sorcière totalement immobile.

 

Dans le monde de l'esprit, Willow, au bord du gouffre, fut rejointe dans sa bulle par une entité qu'elle ne connaissait que trop bien. Rose s'approcha en la soutenant d'une main à l'épaule.

 

-Il est temps de nous réunir à nouveau, ajouta la jeune femme blonde à l'allure féerique, sous les feux d'une énergie destructrice prête à les détruire.

 

Rose afficha un sourire serein. Une lueur vivifiante transparut de son corps, délaissant son enveloppe charnelle pour se métamorphoser en pure source d’énergie lumineuse. Les particules imprégnèrent le corps de la sombre sorcière et son apparence se transfigura, entourée d'une aura translucide. Ses cheveux noirs se teintèrent d'un blanc éclatant et ses veines saillantes disparurent au profit d’un visage harmonieux et apaisé. Tandis que la puissance obscure était sur le point de la heurter de plein fouet, Willow leva la tête et d'un geste de main, dissipa l'attaque de la déesse Hécate en poussière scintillante. La créature à trois tête, en proie à une panique naissante, amorça un mouvement de recul. Willow brava son regard.

 

-Sors de mon esprit déesse ! ordonna-t-elle d'un ton autoritaire. Tu n'y as pas ta place.

 

Le décor se métamorphosa aussitôt, chassant l'obscurité d'une éclaircie perçant à travers les nuages. L'herbe verdoyante s'extirpa de la terre, et le torrent duquel découlait le fluide bleuté se déversa dans l'étang. Le plan d’eau accueillait sur son rivage les animaux venus s'y abreuver.

 

...Spiritus tenebrae, revertetur ad radicem atque originem ex nihilo.

 

L'incantation mystique eut raison de la déesse qui se désagrégea dans un hurlement caverneux. l'ombre du Loup, du Cerf et du Bélier fit une brève apparition avant de disparaître, aspiré à son tour par la lumière.

 

Dans le palais, au même moment, Seyia retrouva l'usage de la parole. De son côté, Leina dévisagea, avec inquiétude, la sorcière figée, perdue dans les méandres de son propre esprit. Pour autant, le doute ne subsista pas longtemps et Willow retrouva son apparence originelle. Légèrement désorientée, la rousse promena son regard sur les silhouettes venues l'entourer. A la vue d'Alex et de Leina, ses yeux verts s'humidifièrent et des larmes sillonnèrent ses joues, sans interruption. Dans ce silence pesant, aucun mots n'y trouvèrent leur place. Consciente de tout le mal exercé par l'entremise de sa personne, Willow redoutait leurs réactions. La sorcière n'eut pas le temps de douter qu'Alex l'étreignit de ses bras puissants. Leina vint les rejoindre, couvée par le regard satisfait de la tueuse qui aida Kteal à se relever. Aussitôt fait, que le cornu se précipita vers son fils à qui il proposa sa main. Ce dernier accepta et tous se réunirent dans le sillage de Willow, épuisés, dans des états pitoyables, mais heureux d'avoir survécu à cette terrible épreuve. Ces émouvantes retrouvailles aidèrent la sorcière à regagner un semblant de vivacité.

 

-Je suis vraiment navrée. Je sais que tout ce que je pourrais dire n'arrangerait absolument rien à ce qui a été fait, mais je voulais quand même que vous le sachiez.

 

-On sait ce par quoi tu es passé, la rassura Alex. Ne t'en fais pas.

 

-Je ne veux pas faire ma rabat-joie, mais j'ai l'impression d'avoir manqué quelque chose, s'écria Seyia. Tu étais démoniaque et là, d'un coup, tu es redevenue comme avant.

 

Willow inclina la tête, rongée par la culpabilité.

 

-Si j'ai pu retrouver la pleine possession de mon esprit, c'est grâce à Leina. On peut dire qu'elle m'a sauvé de moi-même.

 

La jeune femme se montra légèrement intimidée par cette reconnaissance dont elle ne s'estimait pas forcément digne. Leina s'était adaptée, sans même prendre véritablement conscience de ses choix et de ses actes.

 

...Amy a toujours été la servante d'Hécate. Le jour où elle m'a trahie, je n'étais plus vraiment moi-même. J'étais rongée par la haine et le désespoir. Avant qu'Hécate ne prenne possession de mon corps, j'ai pu scinder mon esprit en deux. La déesse avait besoin de se nourrir de mon côté obscur pour se matérialiser, alors pour ne pas me faire complètement engloutir, j'ai fait en sorte d'extirper la partie de moi qu'elle ne contrôlerait jamais. Quand Leina a accédé à ma conscience, j'ai trouvé l'occasion d'établir un lien et d'ouvrir un portail pour vous mener dans ce monde. Je n'ai eu qu'à vous accueillir et vous mettre sur la voie. Pour le reste, vous avez réussi un véritable exploit. Leina a fait en sorte de réconcilier les deux facettes de ma personnalité et une fois complète, Hécate n'était plus en mesure d'interférer.

 

-J'ai fait le rapprochement avec Rose lorsque j'ai senti émaner de vos deux corps la même essence vitale. Je ne saurai pas comment l'expliquer. C'était juste l'évidence.

 

-J'ai toujours su que tu avais un potentiel incroyable. Ce n'est pas pour rien que je t'ai prise sous mon aile à Cleveland.

 

-Attendez deux secondes, réagit Alex perplexe. Rose? Comment ça Rose? Elle était présente? C'est bizarre, je ne me souviens pas l'avoir vu.

 

Leina émit un sourire en constatant que sa moitié n'avait pas assimilé les faits.

 

-En fait Alex, je ne veux pas te décevoir, mais Rose n'existe pas vraiment. C'était simplement la représentation d'une partie de l'âme de Willow.

 

Constatant qu'il pataugeait toujours dans l'incompréhension, elle ne jugea pas bon de le remettre sur les rails.

 

-Attends, s'étonna-t-il. Tu veux dire que cette blonde aux formes généreuse, Rose n'est pas véritablement Rose mais en fait Willow. Et si Willow est bien ce qu'elle est et que Rose non, alors Rose n'existe pas vraiment, mais elle nous a servi du thé. Et si les actes définissent ce que nous sommes alors comment pourrait-elle ne pas exister? En fait, j'ai rien compris.

 

-Si ça peut te rassurer, continua la tueuse... moi non plus, mais l'important c'est que tout se soit bien terminé. Cela dit, si c'était toi depuis le début, pourquoi ne pas nous avoir révélé ton identité?

 

-Tout simplement parce que ce n'était pas vraiment moi. Disons pour faire simple, qu'une partie de mon âme s'est révélée à vous, mais ce qui me définit ne réside pas dans l'une ou l'autre de ces parties, mais dans la somme des deux. Rose ne me définit pas en tant qu'individu, de même que mon côté sombre. Ma véritable identité est la somme de ces deux facettes.

 

-Nous ne sommes jamais que ce que nous sommes, philosopha Kteal sous l'appréciation de son fils.

 

-Je suis désolé de te presser Willow, reprit Seyia...mais j'ai besoin de savoir. Buffy! Je dois la retrouver.

 

Le cœur d'Alex et Leina pulsèrent, dans l'appréhension de la réponse qui allait survenir. Résolue, Willow n'avait pas l'intention de les faire tergiverser.

 

-Je sais où elle se trouve, affirma-t-elle. À vrai dire, je suis à l'origine de son exil.

 

Cette réponse eut pour mérite d'illuminer leur regard d'un nouvel éclat.

 

-Tu peux m'y amener? s'enquit Seyia avec insistance.

 

-Je le peux, confirma Willow... mais la dernière fois que je l'ai vu, Buffy était aussi brisée que moi. Si je te dis tout ça, c'est que je ne voudrais pas que tu sois déçue.

 

-Je me suis juré de toute faire pour la ramener et je ne compte pas échouer si près du but.

 

La volonté de la tueuse ne souffrait d'aucune contestation. Willow décela, dans son attitude, toute l'étendue d'une conviction inaltérable. C'était entendu. La sorcière venait de prendre sa décision. Suite à un murmure incantatoire, un portail s'ouvrit et une petite bille de lumière pénétra le faisceau d’énergie.

 

-Une fois arrivé à destination, il te faudra suivre la luciole. Elle te mènera directement à elle.

 

-Mais je pensais qu'il était impossible de s'échapper de cette dimension? s'étonna Alex.

 

-Je suis la seule à pouvoir le faire, avoua honteusement Willow. Pour des raisons de sécurité, j'ai fait en sorte que personne ne puisse accéder à ce plan d'existence. Je comptais m'exiler jusqu'à la fin de mes jours, mais j'ai néanmoins laissé une porte ouverte sur l'extérieur au cas où Buffy et Dawn souhaiteraient me rejoindre. Personne n'était au courant, à part D'Hoffryn.

 

-Super, s'enthousiasma Leina. Ça signifie qu'on va pouvoir retrouver Giles et les autres.

 

La sorcière acquiesça avec appréhension. L'idée d'un retour aux sources cheminait dans ses pensées, mais elle avait fui pendant tant d'année qu'il lui était difficile d'envisager un comeback sans craindre les conséquences que cela engendrerait.

 

-Bon c'est parti! s'enthousiasma Alex prêt à faire le grand saut. On retrouve Buffy et le tour est joué.

 

-Non! réfuta Seyia avec ardeur. Je suis désolé Alex, mais c'est mon combat. Je veux y aller seule.

 

-Seule? Hors de question. Buffy est mon amie et j'ai pas l'intention de rester ici à attendre les bras croisés.

 

-Alex, s'il te plait, l'interpella Willow. Fais lui confiance, tu veux bien? Buffy ne saura peut-être pas comment réagir face à nous tous. Seyia possède un lien particulier avec elle, un peu comme Leina et moi. Elle sera plus à même de la comprendre. Personne ne sait dans quel état d'esprit elle se trouve.

 

-Mais je....

 

Leina lui asséna un coup de poing à l'épaule.

 

...Aie...

 

-N'insistes pas beau brun, ajouta d'elle en clignant de l'œil. Si on est là, c'est grâce à elle alors fis toi à son jugement. Si elle te dit qu'elle la ramènera, elle le fera. On aura qu'à l'attendre, et puis j'ai comme l'impression que notre présence sera plus utile ici.

 

Seyia la remercia d'un sourire complice, avant de se retourner vers Willow.

 

-Comment je reviens?

 

-La luciole. Tu n'auras qu'à l'activer à l'endroit même où le portail te conduira. Tu comprendras quand tu l'utiliseras.

 

Soutenant les expressions inquiètes et pleines d'espoir, la tueuse traversa le portail qui se referma aussitôt derrière elle.

 

-Au fait Willow, annonça solennellement Alex. Je sais que c'est pas le meilleur moment, mais... est-ce que tu accepterais de devenir marraine?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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