Shanshu II - Wolfram & Hart

Chapitre 4 : RAISON ET DÉRAISON

6776 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/06/2024 20:53

Chapitre 4  RAISON ET DÉRAISON 

 

La grande tour située sur l'autre rive en face du quartier des affaires, trônait tel un mastodonte, une forteresse veillant sur la ville. Une épée imposante symbolisant la justice et son bras armé surplombait la bâtisse aux reflets d'or. Ce building représentait l'un des trois pôles du pouvoir. À l'instar de ces deux sœurs, l'enceinte relevait du secret défense, et ce qui se tramait entre ses murs n'avait pas vocation à s'en échapper. Toutes les décisions militaires se prenaient à l'intérieur de ces fondations les plus secrètes et protégées de Londres. Nul ne pouvait y pénétrer sans y avoir au préalable passé plusieurs pôles de sécurité s'étalant sur quelques centaines de mètres de circonférence autour de l'immeuble. La population lambda n'y était pas conviée. Seul le personnel agrémenté possédait les autorisations d'accès. Celles-ci impliquaient les soldats et les secrétaires des armées. À l'intérieur, la structure de l'organisation imposait une règle pyramidale échelonnée selon les compartiments. Ainsi, de ces grades plus ou moins élevés dépendait l’ascension aux étages supérieurs. Les rumeurs prétendaient que le Dieu Cerf y logeait à son sommet, mais nul ne semblait en mesure de le confirmer avec certitude. Cela n'était réservé qu'à quelques privilégiés, dont le commandant en chef des armées de l'empire : Le Loup noir. 

 

Ryane fut pourvu de cet honneur, de par sa stature lui octroyant un rôle de confident particulier avec le Dieu Cerf. Certains lieutenants lui enviaient cette proximité. Au sein même de ses troupes, certains le détestaient et le jalousaient, mais nul ne se risquait à remettre en question les pleins pouvoirs dont il jouissait. C'était un héros, et à ce titre il possédait à son actif une armée pluri-millénaire de tueurs et de tueuses sous ses ordres. Une troupe disséminée aux quatre coins du globe pour mieux couvrir la domination de Wolfram et Hart, mais qu'il pouvait du jour au lendemain réunir sous sa botte, si toutefois l'empire s'en trouvait menacé. Son influence lui octroyait un pouvoir absolu. En dehors des Déités et de la Grande Prêtresse, sa posture de Général de l'empire faisait de lui l'homme le plus puissant de ce monde. Malgré sa position influente, il ne s'était jamais soucié de son titre ni n'avait abusé immodérément de son autorité. Ryane se considérait avant tout comme un guerrier né et un homme de terrain. Peu lui importait la sphère politique et financière. Il s'était toujours tenu éloigné de ces personnes de pouvoirs qu'il trouvait puériles et trop ambitieuses pour être honnêtes. Ces bureaucrates ne perdant pas l'occasion de se confondre en courbettes, et qui une fois le dos tourné changeaient de discours, ne lui inspiraient que mépris et aversion.

 

Suite à sa récente descente dans les souterrains, Ryane entreprit d'honorer son rapport de mission à son maître siégeant au sommet. Une fois franchis les différents paliers de sécurité, il patienta face à l'imposante porte ornementée d'une tête de cerf incrustée et taillée majestueusement sur les deux battants. Nul besoin d'annoncer sa présence, absolument rien n'échappait au Dieu Cerf. Tout général en chef qu'il soit, il n'était pas rare que son maître le fasse patienter pendant des heures, dans ce couloir vitrifié perdu à des centaines de mètres d'altitude entre les nuages. Afin de garder scellé le portail d'Acathla, les trois Déités dépensaient quotidiennement une énergie considérable et pendant ce temps, toute liaison avec l'extérieur se trouvait interrompue. À la fin de ces longues séances, le maître apparaissait, malgré son essence divine, épuisé et vulnérable dans sa forme humaine. Ryane était le seul convié à l'apercevoir dans cet état d'apparente faiblesse, ce qui n'enlevait rien au profond respect que le guerrier lui consacrait. Plus que son Dieu, il le considérait avant tout comme son propre père.

 

Cette fois-ci, il n'eut pas à patienter longtemps avant que les deux portes ne s'ouvrent de leur vertigineuse hauteur en bourdonnant sous leur propre poids. Comme tout mortel, il se prosterna protocolairement en signe de soumission, aussitôt entré dans la pièce sombre. Le Dieu cerf exhibait toujours la même apparence face à son subalterne, car il possédait la faculté de se mouvoir en toute chose et d'être tout. Sa véritable essence, son être profond restait un mystère insoluble, un mythe inaccessible aux communs. Les prêcheurs racontaient dans leurs contes et légendes que l’œil des mortels n'était pas adapté à la forme divine, et que tel Icare face au soleil, un simple regard les soumettrait à une mort instantanée, prolongée par une éternité de souffrance dans l'autre monde. Cette exégèse citée religieusement par les adeptes dans les rues, glorifiait l'immense humilité dont faisait preuve un être supérieur à se rabaisser à l'enveloppe humaine. Ryane le croyait profondément, et ne lui en vouait que plus d'admiration. L'être divin fait homme apparut très âgé, les cheveux grisonnants et le visage ovale et maigrelet. Ses yeux bleus perçants et hypnotiques, comme ceux d'un aigle, révélaient une puissance de grandeur et de domination infinie. Son enveloppe charnelle projetait une aura incommensurable, meurtrière et douce à la fois, inintelligible. Sa soutane noire ceinturée d'une bande écarlate qui rappelait la couleur du sang semblait flotter, se déployer et onduler graduellement sous ses pas. 

 

La Déité s'approcha de son subalterne et lui posa une main compatissante à l'épaule. Ryane inclina la tête et ploya le genou jusqu'à ce qu'il lui soit ordonné de se relever.

 

-Te voilà enfin mon fils, dit l'usurpateur d'une voix acérée et vigoureuse malgré son apparente vieillesse. Je t'attendais, bien que je ne t'imaginais pas revenir dans cet état.

 

Ryane inclina une fois de plus la tête, un peu honteux d’apparaître ainsi, les vêtements déchirés et ensablés de poussières. D'ordinaire peu enclin à se soucier de son apparence, il en oubliait bien souvent la bienséance consistant à entretenir une hygiène irréprochable au contact de son hôte, à plus forte raison en présence d'un Dieu. Tenu à l'écart de ce monde depuis des siècles, les mises à jour opérées sur sa personne ne permirent pas de combler toutes ses lacunes. 

 

...Devant moi, cela ne me pose aucun problème. Je suis bien au-delà de ces pathétiques considérations humaines, mais devant les hommes, tu te dois d'adopter une hygiène irréprochable. L'humanité apprécie les apparences et tu es un être respecté, il te faut en tenir compte.

 

-Vous avez raison maître, reconnut le guerrier. Il me reste encore tant à apprendre de ce Nouveau Monde, mais je m'y emploierai avec force pour vous faire honneur.

 

-Oh, mais je n'en doute pas, sourit le vieil homme en dévoilant timidement la blancheur de ses dents acérées.

 

D'une volte-face, le Divin rebroussa chemin, s'en retournant à son trône majestueux. De couleur argentée, le siège vacant était décoré de moulures en formes de ramures de cerf fièrement dressées sur les extrémités. Il s'y installa fébrilement. L'immensité de la pièce accentuait le vide abyssal la constituant. Excepté le trône, absolument aucun matériel physique ne remplissait l'espace qui donnait l'impression de se perdre dans l'obscurité. Ryane imaginait que c'était le privilège des Dieux, celui de ne pas se confondre avec l'humanité et son besoin incessant de posséder une multitude d'objets les enfermant dans une servitude insidieuse dont ils ne pourraient jamais se libérer, esclaves de leurs propres créations. 

 

Le guerrier exécuta son rapport avec précision, n'omettant aucun détail sur la trame des événements, jusqu'à la fuite de la tueuse. 

 

...Je vois ! acquiesça le maître. Tu as donc mis en déroute une faction de terroristes et tu as permis la fuite d’une tueuse. C'est étrange. Cela ne te ressemble pas de laisser échapper ta proie. Deviendrais-tu un agneau avec le temps? Côtoyer l'humanité t'aurait-il rendu faible mon fils ?

 

-Assurément pas votre excellence, réfuta Ryane sereinement. Je ne laisse jamais échapper une proie, mais cette tueuse n'est pas la cible que je recherchais. Ce n'est qu'un pion, un outil qui me permettra de mettre la main sur celle qui m’intéresse vraiment. 

 

-Tu es toujours obsédé par cette fille, constata-t-il amèrement. Cette tueuse, tu penses pouvoir la soumettre ?

 

-Quand je l'aurai trouvé, je la soumettrai et elle rejoindra l'empire ou elle périra, il n'y aura pas d'autre alternative. Je l'ai déjà affronté par le passé. L'avoir dans notre camp renforcerait considérablement nos chances de détruire les dernières volontés de révolte à travers le monde. 

 

-Cette Buffy t'obsède donc à ce point. J'imagine que tu as raison. Elle serait certainement une alliée de choix, mais n'oublies pas, celui qui nous intéresse demeure toujours introuvable. Il est notre priorité.

 

-Je ne l'oublie pas maître, confirma le guerrier. Aux dernières nouvelles, ils étaient alliés et il est fort à parier qu'en mettant la main sur la tueuse, le vampire doté d'une âme ne soit pas bien loin. C'est un risque à prendre.

 

Le Dieu Cerf ne put cacher un rictus machiavélique sur son visage en apparence flétri.

 

-Bien, je te fais confiance mon fils. Mais n'as-tu pas peur qu'en la prenant à notre service, elle ne te subtilise ta place ? Après tout, l'on dit qu'elle est la plus puissante des tueuses n'ayant jamais existé, et il se pourrait bien qu'elle te surpasse.

 

Ces paroles blessantes ne trouvèrent aucune résonance dans l'esprit apaisé de Ryane.

 

-Je l'ai déjà combattu par le passé, mais le terrain n'était pas propice à une lutte équitable. Je veux en avoir le cœur net. Je désire l'affronter et la rallier à nous. S'il s'avérait qu'elle soit plus forte que moi, alors ce serait un honneur de lui laisser ma place. Tout ce qui compte, c'est le bien de l'empire. Je le servirai, dussé-je devenir un simple soldat ou un simple pion. Ma situation personnelle importe peu.

 

Un sourire sincère fut porté à l'encontre de Ryane. Les réactions du maître se voulaient imprévisibles, tantôt en heurtant, puis en touchant le cœur de ses fidèles. Chez cet être supérieur, la bonté et la bienveillance côtoyaient la couardise et la froideur sans transition.

 

-Voilà pourquoi tu es seul digne d'être mon homme de confiance. Parce que tu possèdes toutes les qualités pour me servir. Tu te moques bien des convoitises et des mesquineries de l'ensemble de l'humanité. Tu n'agis pas pour toi, mais pour ton Dieu, et tu m'es à jamais fidèle. Je t'ai promis un jour de rendre la liberté aux hommes et de faire de ce monde un paradis où tous pourront vivre en paix. Nous touchons au but. Ce jour arrivera bientôt ou la terre sera un havre de paix pour toutes ses créatures. 

 

Ryane inclina la tête une dernière fois avant de prendre congé de son maître, convaincu du bien-fondé de sa mission. Au sortir de cet entretien, la satisfaction du devoir accompli se reflétait sur son visage apaisé et serein. Assuré du soutien indéfectible du Dieu Cerf, c'est avec le cœur léger qu'il éprouva le besoin d'un retour à la vie normale. Suite à un court passage à l'armurerie, puis dans sa loge personnelle afin d’interchanger sa garde-robe au profit de vêtements civils, ses pas le menèrent au parking sous terrain ou son véhicule personnel l'attendait. En dehors de son temps de travail, Ryane ne côtoyait personne, pas même ses propres capitaines. L'isolement convenait à son mode de vie, sauf que ces derniers temps, un changement radical avait opéré, dévoyant ses habitudes. En ce début de soirée, il n'avait pas l'intention de rejoindre sa résidence privée située à l'est de la ville. Il éprouvait le besoin de prendre l'air et il savait précisément où ses pas le conduiront. Comme toujours, dans cette petite échoppe d'antiquité de Lewisham, dans la rue de Birch Groove Street.

 

*

 

À chaque fin de mission, lors de ses rares moments de libre, Ryane prenait pour habitude de manœuvrer un long détour dans le but d'accéder à cette vieille boutique. Ce bazar lui permettait de voyager à diverses époques inconnues, de par ses objets anciens contenus entre ses murs et qui à leur manière exprimaient tout un pan de l'histoire du monde. Et puis il y avait cette femme, la tenancière de l'échoppe. Liv qu'elle s'appelait. À l'idée de la revoir, son cœur se serra, confondant malgré lui l'euphorie à l'appréhension. Dépourvue de toute relation, de tout échange social extérieur à l'armée, cette femme lui fournissait, outre l'élan instinctif d'une palette d'émotion nouvelle, l'occasion de se mélanger au peuple duquel il se sentait profondément déconnecté. Bien entendu, Ryane avait toujours préservé son anonymat en sa compagnie, ainsi que son statut social, sans révéler la moindre parcelle de sa vie privée. Il ne mentait pas pour autant, préférant rester évasif, et puis elle n'avait jamais insisté non plus. 

 

La nuit commençait à tomber. Ryane roula jusqu'à Lewisham en faisant fi des limites de vitesse autorisées. Le magasin d'antiquité n'allait pas tarder à fermer ses portes et il était hors de question de gaspiller la moindre seconde dans les embouteillages de la capitale. Si par mésaventure, la patrouille l'arrêtait, il n'aurait qu'à leur montrer sa carte pour qu'ils se confondent en excuses en le suppliant humblement de bien reprendre sa route. C'était l'un de ces privilèges dont il abusait exceptionnellement, lorsque le besoin s'en faisait ressentir, en sa qualité d'homme puissant. 

 

Il stationna son véhicule devant la baie vitrée de l'échoppe, s'assura qu'il y ait encore un peu de lumière à l'intérieur, puis entra. Une sonnerie de cloche installée à même la porte d'entrée teinta pour annoncer la venue du visiteur. Ce genre de système ancien, considéré comme une relique d'un passé révolu, allait de pair avec les marchandises désuètes entreposées à l'intérieur. Ce n'était pas le genre d'établissement ordonné et bien entretenu, avec chaque chose à sa place, non, tout ici semblait éparpillé au hasard du moindre espace libre. Les allées étroites et saturées de bric-à-brac de toutes sortes rejetaient une odeur rance de matériaux usés. Une poussière volatile imprégnait les lieux, ce qui n'avait rien de dérangeant pour Ryane préférant le charme de l'authenticité à l’aspect lisse et neuf d'objets n'ayant jamais servi ni vécu. 

 

La jeune femme l’accueillit avec un immense sourire. Pas de ces sourires calculateurs ou faux que l'on fait par simple convenance ou à des fins purement commerciales, mais un sourire authentique et naturel illuminant son visage long et harmonieux. Elle portait un chignon pour cacher sa longue chevelure noire, ce qui accentuait la finesse de ses traits et la clarté de ses yeux azurés. Lorsque Ryane la contemplait, ça lui procurait toujours le même effet. Celui de faire face à un ange tombé du ciel tant son teint de porcelaine intensifiait la lumière de son regard. Accoutrée d'un pull-over blanc, d'un jean et de bottines noires, son allure décontractée reflétait l'humilité et la simplicité des travailleurs des bas quartiers, à mille lieues de l'attrait des apparences et du bling bling véhiculées par les hautes sphères de l'empire. La fin de l’automne imposait sa fraîcheur jusque dans l'enceinte du magasin dont le différentiel n'excédait pas plus de quelques degrés la température extérieure. Les temps étaient difficiles pour ce genre de commerces aux maigres recettes, dédiés essentiellement à un public de niche. Liv gagnait tout juste de quoi vivre et persistait plus par passion que par raison. Cela relevait avant tout d'une histoire de famille, une tradition qu'elle s'évertuait à prolonger autant que faire se peut. Son père avait tenu la boutique avant elle et son arrière-grand-père bien avant. Il était hors de question de se soustraire à ses responsabilités, malgré des temps peu propices et une situation financière tout juste à l'équilibre. 

 

-C'est un véritable plaisir de vous revoir. Je dois bien avouer que je ne m'attendais plus à recevoir de client à cette heure-ci.

 

-Oui, je voulais passer avant, mais le travail … 

 

Ryane laissa le silence opérer quelques secondes.

 

...enfin vous savez ce que c'est.

 

Elle hocha la tête en signe d'approbation.

 

-Vous êtes venue pour la voir ? demanda-t-elle sûre de son fait. Elle n'a pas changé de place depuis la dernière fois. Si je dois être franche avec vous, personne n'y a prêté attention. Je sais que ce n'est pas très commercial de ma part de vous dire ça, mais si elle vous intéresse toujours, je peux baisser le prix.

 

Soulagé d'apprendre l'objet de sa convoitise toujours en vente, Ryane se refusait à le payer à moindre coût. Jouissant de moyens financiers conséquents, il y voyait là l'opportunité de contribuer à faire tourner son commerce, et puis dépenser sans compter dans sa seule boutique le remplissait d'une fierté non feinte. Chaque mois, il débitait son compte d'un achat onéreux, dans l'unique but de l'aider à subsister financièrement. Jusqu'à présent, elle ne s'était doutée de rien. Liv voyait en Ryane un riche passionné d'art, et assurément son meilleur client. 

 

Le Katana était entreposé à l'arrière de la bâtisse parmi d'autres armes de moins bonne facture. Il s'y aventura, saisit l'épée et en extracta la lame de son fourreau, l'inspectant dans ses moindres détails. Le métal brillait si bien qu'il en percevait son reflet distinctement à travers la lame scintillante. Pour une fois, il n'allait pas se forcer à l'achat. Cette arme, tranchante comme un rasoir, se révélait en tout point exceptionnelle. Sa garde raffinée constituait l'esquisse d'une tête de dragon dans la plus pure tradition des grands sabres japonais.

 

-Cette épée date de 500 avant Jésus-Christ. Elle a été trempée plus de deux cents fois. J'y ai fait une expertise. Il y a peu, j'aurais pu la vendre à un prix défiant toute concurrence, mais depuis le jour où tout a basculé, elle ne vaut plus grand-chose. Personne n'est attiré par ces antiquités, à part vous bien sûr. Je vous la fais à cinq cents wolfs, si toutefois elle vous intéresse toujours.

 

-Oui, elle m’intéresse. Je vous la prends au prix initial. Je connais la valeur de ce katana. Quand bien même je vous le paierai au prix fort que je serai toujours gagnant.

 

-Vous êtes bien le premier homme que je connaisse à refuser une telle offre. L'argent ne doit pas vous manquer.

 

Ryane lui sourit en lui remettant l'épée en main propre.

 

-Il est vrai que j'ai assez d'argent pour ne pas avoir à compter. Et puis la passion n'a pas de prix.

 

Liv demeurait intriguée. Cet homme entouré de mystère soulevait tant de questions. Suite à une rapide réflexion, il était aisé d'en déduire sa relative accointance aux trois pouvoirs. Seule l'élite œuvrant pour l'empire avait le loisir de vivre convenablement, ce qui réduisait son champ des possibles quant aux fonctions qu'il occupait. Les secteurs permettant de faire fortune étant toutefois multiples, elle n'osa pas s'aventurer sur un sujet qui ne la concernait de toute façon pas. Une fois le colis en main, elle se dirigea à son bureau, à l'entrée du bâtiment, pour emballer l'arme dans un tissu de soie. La transaction achevée, Ryane s’apprêtait à partir, mais dès lors qu'il parvint devant le palier de la porte, il s'arrêta, hésita un moment, puis se retourna dans sa direction.

 

-Écoutez ! dit-il sur un ton avenant. Je viens de penser que j'ai la soirée de libre et que vous finissez le travail dans cinq minutes, alors … Je ne voudrais pas paraître insistant ou... enfin, je me disais qu'on pourrait aller dîner vous et moi. J'aimerais vous inviter, si toutefois vous êtes libre ?

 

Liv, loin de s'attendre à une telle demande, apprécia l'invitation et lui rendit un sourire embarrassé. Elle hésita un moment sans parvenir à la moindre décision. Scrutant à la loupe sa réaction, Ryane prit la peine d'insister.

 

...Je sais que c'est un peu brut comme façon de....

 

-Oui, l'interrompit-elle en le prenant de court. Je suis libre... alors, oui, j’accepte.

 

Quel soulagement ce fut pour Ryane qui s’évertua à préserver un semblant de stoïcisme. De nature peu encline à exprimer une quelconque émotion, un sourire béat, presque idiot, se dessina sur son visage. Un simple mot, un simple « oui » avait suffi à le rendre heureux. Cette femme possédait ce don de le fasciner plus que quiconque. Il n'expliquait pas cette alchimie naturelle, cette sensation d'accomplissement d'une évidence telle que le moindre questionnement s'avérait inutile. Il devait suivre son instinct comme il l'aurait fait dans une bataille, à ceci près que le sentiment éprouvé paraissait plus fort encore. Pour être tout à fait honnête, cette relation tant désirée l'effrayait. Le fier Loup noir n'en menait pas large face à ce petit brin de femme anéantissant d'un seul regard, toute perception autour. En dehors d'elle, plus rien n’existait.

 

**

 

Sans la faire plus attendre, il l'invita à s'installer du côté passager. Il démarra le véhicule, direction le Bella Donna, un restaurant huppé de spécialités italiennes, situé au cœur du quartier des affaires. Ryane, loin de se présenter en fin gastronome, s'était fié à la rumeur selon laquelle le restaurant en question se voulait parfait pour passer un bon moment en toute intimité et dans une ambiance propice à la discussion. Alors qu'il s'employait dans les grands axes londoniens, la proximité de leurs deux corps le rappela à son inexpérience à gérer des émotions nouvelles. Sur le trajet, Liv avait défait ses longs cheveux noirs qu'elle avait laissés retomber le long de sa nuque, l’enivrant ainsi d'un délicieux parfum floral. Chaque fois qu'elle faisait peser sur lui ses quelques regards furtifs, les pulsations de son cœur s'emballaient furieusement, dévoilant une faiblesse, une soumission à un sentiment jamais expérimenté jusqu'alors. Toutes ces heures à étudier toutes les palettes du comportement humain pour prendre conscience du charlatanisme des théories sur la pratique. La vie ne s'apprenait pas dans les livres, ou dans un réseau neuro-cérébral d'une machine déphasée du vécu, fusse-t-elle de dernière génération et conçue dans les labos de Wolfram et Hart.  

 

Dès leur arrivée sur place, le serveur les accueillit et les plaça à une petite table pour deux, au coin de la pièce. Le restaurant bondé de monde n'accueillait pas n'importe qui. Des magistrats, des banquiers, en sommes, tout le gratin des gens de pouvoirs assez friqués pour se permettre ce genre d'établissements. De ce fait, Liv n'apparaissait pas très rassurée et ne s'y sentait pas à sa place. Elle n'avait rien de commun avec ces gens de la haute et pour couronner le tout, cela faisait bien des années qu'elle n'avait pas osé entrer dans un restaurant tel que celui-ci. Avant l'apparition des trois Déités sur terre, ce genre d'endroit était somme toute assez banal. N'importe qui provenant de n'importe quelle classe sociale se permettait le luxe de s'y pourvoir. Les règles avaient changé. La pauvreté visait désormais l'ensemble de la population et malgré le travail acharné du plus grand nombre, un salaire ne permettait plus de profiter des plaisirs futiles. Pour Ryane, étranger au monde d'avant, aucune comparaison n'était possible, aussi pour lui les choses semblaient suivre leur cours habituel.

 

Une petite musique d'ambiance, à peine audible, accompagnait les repas à base de pattes et de pizza. Les bouteilles de rouge se vidaient à mesure des visages rougissants. Ryane commanda au sommelier son meilleur breuvage qu'il partagea avec son invité toujours à la merci d'un inconfort de plus en plus perceptible.

 

-Je vous sens un peu tendue, remarqua-t-il, l'air inquiet. Est-ce que ça va ?

 

-Oui oui, tout va bien, dit-elle en forçant le trait. 

 

Un sourire de façade que le guerrier décela au premier coup d’œil. 

 

-Non, vous n'êtes pas à l'aise ici, jle vois bien.

 

-Je suis navré, finit-elle par avouer. C'est vrai que je ne me sens pas vraiment à ma place ici. Tous ces gens sont des personnes influentes et moi je ne suis rien.

 

Ce discours venait d'éveiller en lui une rage qu'il s'évertua à maîtriser tant bien que mal.

 

-Comment pouvez-vous prétendre que vous n'êtes rien. Observez les gens qui sont autour de vous. Aucune de ces personnes ne vous arrive à la cheville. Ce sont pour la plupart des opportunistes, des personnes d'influence qui n'ont aucune valeur sinon celle de l'argent. Vous valez assurément bien plus que ce que vous pensez.

 

Un peu embarrassée par ces compliments, Liv n'osa pas le regarder dans les yeux. Ryane n'était pas dupe. Autre chose la tracassait. Elle apparaissait bien souvent prise dans ses pensées au détriment du guerrier impuissant et dépourvu de la moindre idée quant à la manière dont il devrait manœuvrer. Inaccoutumé à ce genre de dîner, il ne se montrait pas à son aise non plus. Ainsi, ils mangèrent dans un silence morne jusqu'à ce qu'elle se décide à le briser.

 

-Vous travaillez pour l'empire n'est-ce pas ?

 

Enfin venait-elle de mettre le doigt sur son embarras. Dépourvu de l'intention d'axer le sujet sur sa personne, les alternatives s'amenuisèrent à son grand désarroi. Le travail. Fallait-il donc que tout revienne toujours au travail, lui qui se faisait une joie pour une fois de penser à autre chose.

 

-C'est si évident que ça ?  

 

-Disons qu'il suffit de vous observer pour comprendre que vous n'êtes pas du milieu ouvrier.

 

Sur ce point, il ne comptait pas la contredire.

 

-Puisque vous y tenez, je suis soldat dans l'armée impériale, avoua-t-il avec fierté. Je sers les intérêts de l'empire et du peuple.

 

À peine eut-il exprimé sa condition que l'expression de la jeune femme se décomposa. Le malaise palpable des débuts laissa place à une froideur, une distance qu'il ne comprit pas sur l'instant. Pour lui, c'était un honneur de faire partie de l'armée, d’œuvrer pour le bien des citoyens, de ce fait, il n'avait pas imaginé pareille réaction. À vrai dire, il s'attendait à ce qu'elle le considère d'une certaine admiration et non pas avec aversion comme maintenant. Par la même, il venait de réaliser à ses dépens qu'une simple expression se trouvait plus terrible à encaisser qu'un coup de poing.

 

-Je suis navré, je... 

 

Elle hésita en faisant mine de se lever. 

 

… J'avais oublié que j'avais des tas de choses à faire. Je vais devoir y aller. Pardonnez-moi.

 

À l'instant où elle tenta de se dérober, il la retint par le bras, assez fermement pour ne pas qu'elle puisse s'enfuir, mais assez délicatement pour éviter de lui infliger la moindre douleur. Son geste n'impliquait aucune réflexion autre que ce besoin viscéral, presque vital de prolonger ce moment à ses côtés. 

 

-Attendez, je vois bien que quelque chose vous tracasse. Si je vous ai blessé, je m'en excuse, mais j'aimerais comprendre.

 

Prenant conscience d'attirer l'attention des autres clients, elle se rassit aussitôt pour ne pas faire de vague. Ryane la fixa en espérant un début d’explication, voir avec un milieu et une fin, mais toute approximation lui paraissait inenvisageable.

 

-Je vous apprécie. Vraiment... Vous êtes quelqu'un d'aimable et vous êtes à n'en pas douter, mon meilleur client. Si vous ne venez plus dans ma boutique, je comprendrai, mais si je vous expose le fond de ma pensée ...et bien je risquerai... 

 

Décidément, les mots ne voulaient pas sortir

 

-Vous pouvez tout me dire. Vous ne craignez rien avec moi.

 

Bien sûr, ces mots transpiraient le réchauffée puisque dans les faits, il ne savait absolument pas à quoi s'en tenir. Il avait bien imaginé le pire, mais même cela, il ne parvenait pas à le définir. Sa seule certitude. Il éprouvait l'envie, le besoin de la voir et de la revoir, alors le pire consisterait certainement à être privé de sa présence.

 

-Écoutez, poursuivit-elle. Je ne sais pas trop comment mettre tout ça sur le tapis, mais s'il s'avérait que deux personnes qui se rencontrent et qui s'apprécient apprenaient par un malheureux concours de circonstances qu'ils étaient incompatibles idéologiquement, que feriez-vous dans cette situation ?

 

Peu inspiré, Ryane répondit à brûle pour point.

 

-Vous voulez dire, si vous aimez les compotes et que j'aime les fraises. Et bien je respecterai votre choix. Je suis persuadé que toute personne est capable de partager des moments, sans toutefois penser ou apprécier les mêmes choses. Dans le pire des cas, je ferai des compotes de fraises.

 

Il ne savait pas pourquoi il avait sorti cet exemple totalement hors de propos et ridicule à souhait, mais ceci eut au moins pour mérite de la faire sourire. Et qu'est-ce qu'il aimait la voir sourire. Il aurait déplacé des montagnes pour ses beaux yeux. Son charme, son intelligence, sa beauté, ses qualités agissaient sur lui comme un envoûtement, et ce genre de sortilèges ne guérissait pas avec le temps.

 

-J'ai bien peur que la problématique aille bien au-delà d'un simple différend culinaire. Ce n'est malheureusement pas aussi simple, regretta-t-elle en le fuyant du regard.

 

-Aucune problématique n'a jamais trouvé de résolution dans la fuite. S'il vous plaît...

 

À l'instant où ses yeux croisèrent les siens, elle comprit qu'elle en avait trop dit. Elle risquait jusqu'à sa propre vie, mais elle renâcla à se dérober lâchement. Cet homme possédait un charisme, un pouvoir de persuasion dont le simulacre de l’indifférence portait à nue la teneur de ses propres contradictions. 

 

-Je hais l'empire, osa-t-elle sèchement d'une voix égale. Je hais les Dieux tyrans.

 

Ces paroles claquèrent dans la tête du guerrier, à la manière d'une bombe diffusant ses éclats d'obus à l'ensemble de ses organes éviscérés et mutilés. Son sang ne fit qu'un tour. Ryane s'attendait à tout sauf à cette confidence. Ces paroles représentaient sans équivoque un acte de trahison envers sa personne, et plus que tout, envers l'empire. Aucun être sensé, pas même un inconscient, n'aurait osé professer de tels propos en public, et encore moins en sa compagnie. En temps normal, la seule alternative consisterait en une condamnation à mort, une exécution sommaire, à la place de quoi il demeura figé, sans réaction, le cerveau débranché de toute idée contre intuitive. Ryane savait son devoir, pourtant raison et déraison heurtèrent ses plus profondes convictions.

 

-Qu'avez-vous dit ? demanda-t-il en espérant avoir mal compris.

 

-J'ai dit que je détestais l'empire, répéta-t-elle en haussant la voix.

 

Dans sa fougue, la jeune femme attira tous les regards haineux sur sa personne.

 

-Vous êtes folle, chuchota Ryane. Vous désirez mourir ? Baissez d'un ton.

 

-Vous vouliez connaître le fond de ma pensée, et bien vous l'avez. Si vous voulez m’arrêter ou me livrer aux milices alors, faites votre devoir. Je suis las de faire semblant.

 

-Vous ne vous rendez pas compte de la gravité de vos propos, insista le guerrier en proie à un dilemme.

 

Il n'avait jamais envisagé de lui poser cette question, mais elle ne lui laissait pas vraiment le choix. 

 

...Soutenez-vous les terroristes ? 

 

La réponse sous-entendrait l'alternative de la soumettre au dictat des témoins dont les regards fusaient comme des vautours, dans l'attente du verdict. Envahie d'une colère noire, la belle ne se débina pas, réduisant drastiquement la frontière entre le courage et la folie.

 

-Selon vous, il n'existe que deux choix possibles. Soit on est du côté de l'empire, soit des terroristes. Il ne vous est jamais venu à l'idée que le monde n'est pas aussi binaire que vous le pensez. Je ne soutiens pas les terroristes, mais je partage leur désir de liberté.

 

La colère reprit le dessus et le guerrier l'invectiva de plus belle.

 

-Comment pouvez-vous accorder du crédit à ces assassins? Les Dieux sont venus sur terre pour nous sauver tous. Sans eux, l'humanité aurait été anéantie. Ils vous ont offert une seconde chance dans une guerre perdue d'avance, et voilà comment vous les remerciez. Vos mots sont trop graves pour que je les passe sous silence. Vous avez perdu la raison.

 

-C'est vous qui êtes aveuglé, osa-t-elle toujours avec la même conviction inébranlable. Avant leur arrivée, le monde connaissait certes des problèmes, mais les humains n'étaient pas tous traités en esclaves. Qui aujourd'hui peut survivre dans ce monde. Les gens travaillent jusqu'à s'épuiser. Il n'existe plus aucune liberté, ni celle de vivre ni celle de penser. Nous sommes tous traités comme des robots et les plus pauvres meurent au coin des rues dans l’indifférence générale. Si c'est cela votre monde idéal alors ce n’est pas le mien.

 

Difficile pour Ryane de se résoudre à ne serait-ce qu'écouter de telles infamies. Le logiciel implanté dans sa tête avait œuvré à instrumentaliser sa personne en fervent défenseur du régime. 

 

-C'est un mensonge. Wolfram et Hart ont sauvé ce monde en perdition. Ils ont fait ce que les humains ne pouvaient pas, réunir hommes et démons sous la même bannière, anéantir les différences et les races, mettre fin à une éternité de guerre sanglante. Ils ont aboli toutes les religions pour en offrir une seule à l'ensemble des habitants. Ce monde a été unifié. Bien sûr, il existe encore des groupuscules qui n'acceptent pas l'harmonie et par mon bras, je jure de les traquer jusqu'aux derniers. Alors vous verrez, vous comprendrez que vous étiez dans l'erreur.

 

-C'est bien ce que je pensais, finit-elle tristement par avouer. Nos points de vue sont irréconciliables. Du haut de votre tour d'ivoire, nous ne percevez même pas le désespoir sévissant dans la population. 

 

-Détrompez-vous. Nous avons l'appui de la population. Les sondages des médias le prouvent. Personne ne se plaint.

 

-Ont-ils le choix ?

 

Déstabilisé dans ses idées par un esprit de contradiction, Ryane imputa son manque de clairvoyance à la fatigue engendrée par son retour de mission. Il lui était inconcevable de douter du bien-fondé de son engagement et il ne commencerait pas aujourd'hui.

 

-Il suffit, ordonna-t-il sèchement. La discussion est close. Vous êtes une hérétique et en ma qualité de soldat de l'Empire, vous ne me laissez pas le choix.

 

Alors qu'il s’apprêtait à prendre une décision à contrecœur, une patrouille pénétra dans le restaurant. La milice avait été alertée sournoisement par les différents clients n'ayant rien manqué de la teneur de leurs échanges. Les soldats entourèrent le couple, les privant de toute échappatoire. Le peloton d’exécution se tenait prêt à sévir et Liv ne se faisait plus aucune illusion sur son sort.

 

-Madame, veuillez nous suivre ! somma le chef de peloton. 

 

Ryane se dressa aussitôt pour faire face au gaillard.

 

-Comment osez-vous venir troubler ce dîner, le menaça-t-il au grand étonnement de la belle peu encline à comprendre sa réaction.

 

-Vous ne savez pas à qui vous vous adressez, hurla le soldat courroucé. Nous étions venus pour la femme, mais finalement, il semble que vous allez nous suivre également.

 

Le pauvre bougre ne s'en doutait pas, mais toute la tension accumulée au cours de la soirée allait être libérée d'un puissant coup de poing en pleine mâchoire. Le soldat fut projeté à travers la pièce, fracassant les tables et heurtant quelques clients malchanceux. Les autres soldats, témoins passifs et désabusés de l'agression, dégainèrent leurs armes. Ryane en profita pour sortir sa plaque et l’exposa aux yeux de tous. À la vue de l'insigne, les soldats se mirent à trembler et à ranger leurs armes en se confondant en excuses.

 

 ''Le Loup noir'' qu'on entendait ici et là. ''Le général''.

 

Tous se mirent au garde à vous. C'est alors qu’un porte-parole auto-attitré osa prendre les devants.

 

-Général, nous sommes confus. Nous ne savions pas que vous étiez là. Veuillez nous pardonner.

 

''Général'', ce mot retentissait dans l'esprit de Liv comme une révélation à la hauteur de sa stupéfaction. L'identité de Ryane se manifestait inopinément, brisant ses derniers espoirs de réhabilitation. Le général des troupes de l'empire, le Loup noir, le légendaire guerrier craint et respecté de tous. Elle n'en revenait pas. Elle n'aurait pas pu tomber plus mal.

 

-Déguerpissez d'ici avant que je vous le fasse regretter.

 

L'ordre fut respecté dans la seconde. Les clients, témoins de la scène, n'osèrent pas moufter. La réaction du général prêtait à confusion, mais aucun n'osa s'en mêler, soumis à la crainte d'encourir une peine peu enviable.

 

...Partons, annonça-t-il d'un ton autoritaire à Liv qui le suivit sans rien dire.

 

Ryane la raccompagna chez elle en restant silencieux pendant tout le trajet. Liv dû subir malgré elle la tension électrique qui régnait dans le véhicule. Tant de questions occupaient ses pensées, mais effrayée, elle ne jugea pas opportun de les poser. Surprise d'avoir été épargnée alors qu'elle s'était imaginée croupir en cellule avant l’exécution, elle ne tenta pas le diable plus que de raison. Ryane stationna le véhicule devant l'échoppe. Alors qu'elle s'empressa de regagner sa liberté, il l’interpella.

 

...Ce que vous venez de me confier, ne le révélez jamais à personne. Si vous voulez vivre, gardez vos opinions pour vous. 

 

Elle le fixa longuement avant de prendre le chemin de son véhicule stationné à cheval sur le trottoir. Ryane regagna ses appartements et passa toute la nuit à ressasser les événements, et à marteler son manquement à tous ses devoirs. Au fond, il en connaissait les raisons, mais cela ne justifiait en rien son attitude. Se montrer faible devant une femme le rebutait. Pour chasser les mauvaises pensées, il s'exerça une bonne partie de la nuit à un travail de méditation, trop perturbé pour que celui-ci se montre pleinement efficace. Le doute s’immisçait en lui à chaque fois qu'il portait le regard sur le Katana à tête de dragon. Sa seule certitude, il désirait la revoir.




































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