Shanshu - La suite des aventures d'Angel et Buffy
Chapitre 15 : Episode 15 - La Force pour les Nuls
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EPISODE 15 : LA FORCE POUR LES NULS
Le manoir était en pleine effervescence et l'on se ruait dans les brancards pour prendre en charge les derniers blessés de retour de mission. La nuit avait été particulièrement agitée et avait apporté avec elle son lot de blessures et de souffrances de plus ou moins grande importance. Les couloirs de la résidence étaient parcourus sans relâche par une foule de personnes, rappelant l’agitation d'une fourmilière en pleins labeurs. Tous s'entraidaient en se partageant les équipements de première nécessité.
On trouvait de tout : de l'alcool à soixante-dix degrés, des pansements auto-adhésifs, des compresses stériles, des antiseptiques, ainsi qu’un nombre incalculable de médicaments destinés à apaiser la douleur, sans pour autant la traiter en profondeur. Les stocks de matériel médical s’épuisaient rapidement, rendant la gestion des soins de plus en plus difficile.
Andrew et son équipe effectuaient un travail remarquable, surtout compte tenu des moyens limités dont ils disposaient. Non pas que le matériel manquait d’adéquation : sur ce point, le conseil des observateurs, sous la direction experte de Giles, n’avait pas lésiné sur les dépenses. Cependant, malgré les aménagements, le manoir ne pouvait rivaliser avec les plus grands hôpitaux de la région. Le conseil des observateurs avait ses limites. Leur mission n'ayant rien d'officielle quant aux prérogatives de l'État, il avait été décidé de ne faire appel aux établissements concernés qu'en cas de dernier recours.
Il ne s'agissait pas d'attirer l'attention et d'attiser la curiosité de certaines corporations, toutes disposées à leur mettre des bâtons dans les roues, voire pire si affinité. Leur travail étant illégal, la justice aurait tôt fait de recourir à des peines exemplaires. De ce fait, il fut décidé d'opérer avec les moyens du bord, somme toute plutôt élevés pour un simple manoir en bordure de ville. Peu d'établissements de la sorte, à travers le monde, se trouvaient aussi bien lotis que celui-ci, mais lorsque des vies pesaient sur la balance, rien n'incitait à prôner une quelconque satisfaction.
Cette mission, largement approuvée par l'équipe, avait été de grande envergure. Elle avait mobilisé sur place plus de la moitié des effectifs et la totalité des ressources logistiques, y compris l'essence et les véhicules de transport disponibles. Globalement, et d'un point de vue purement statistique, la mission n'était pas considérée comme un échec en soi. Les pertes furent minimes et la majorité des équipes était revenue au complet, avec principalement des blessures de petites envergures à traiter. Les cas les plus graves se comptaient sur les doigts d'une main. Néanmoins, en ces temps perturbés, la moindre perte, aussi limitée soit-elle, entraînait des répercutions catastrophiques sur le moral des troupes qu'il leur fallait garder à flot.
Évidemment, tout le monde y allait de son élan de solidarité. Toutes les personnes et toutes les tueuses en capacité de fournir une assistance se trouvaient fortement sollicités. Giles, éreinté par son long voyage en avion et par le décalage horaire, venait de poser le pied dans le manoir, mais il était déjà prêt à se rendre utile. Dawn et Robin se montraient également disponibles, en pansant les plaies des victimes. Alex, jusqu'alors occupé à manœuvrer les opérations du haut de sa tour de contrôle, venait de descendre prêter un coup de main, laissant à Leïna le soin de gérer les derniers retardataires.
L'équipe de Buffy et celle de Seyia manquaient encore à l'appel, mais selon les informations du borgne toujours prompts à suivre la trace de leur véhicule par GPS, elles ne devraient plus tarder à arriver.
Après une nuit d’intense activité, l’agitation commençait enfin à se stabiliser. Les mouvements de panique avaient cessé graduellement, laissant place à une ambiance plus calme et sereine. Le gros du travail derrière eux, Giles et le reste de l'équipe s'octroyèrent un peu de répit pour récupérer de leurs émotions. Avachis sur le canapé du hall d'entrée, totalement en nage de leurs efforts, ils scrutèrent les derniers mouvements, la mine déconcertée.
─ Eh bien, je n'imaginais pas que vous auriez pris une telle décision sans m'en tenir informé au préalable, maugréa Giles
─ Vous n'étiez pas là, reprit Alex. Vous savez, Buffy est une grande fille et elle a jugé bon d'attaquer sur tous les points. On ne pouvait pas se permettre d'attendre votre décision, et puis de toute façon, on était tous d'accord. C'était le moment ou jamais.
─ Oui, tu dois certainement avoir raison, acquiesça-t-il tout en arborant un air réticent.
─ On aurait aimé vous en parler, continua Dawn... mais Willow venait de découvrir des points de convergence d'activités démoniaques dans toute la ville. Il fallait tenter quelque chose, au moins pour obtenir un début de réponse. Ça fait des mois qu'on lutte sans savoir contre qui ou quoi, on ne pouvait pas continuer indéfiniment à œuvrer sur la défensive.
─ Et ça a porté ses fruits, les interrompit Buffy accompagnée de Faith et de Willow.
Toutes trois venaient de débarquer dans le grand hall, prenant ainsi part à la discussion en cours.
─ Buffy, s’enthousiasma Giles en se levant abruptement du fauteuil.
─ Bonjour Giles. J’espère que vous avez fait bon voyage.
L'observateur, mu par une irrésistible envie de prendre celle qu'il considérait comme sa fille dans ses bras, s’abandonna à une chaleureuse étreinte. Surprise par cet élan affectif, Buffy esquissa un sourire gêné.
─ Vous nous avez beaucoup manqué aussi Giles, continua Willow qui attendait impatiemment son tour.
Pas le genre à se prêter à un tel déferlement de sentimentalisme, Faith évita tout débordement affectif en rejoignant Alex et Dawn, qui s'étaient levé du canapé. Informés du retour de l'escouade, Robin et Andrew vinrent se joindre aux émouvantes retrouvailles.
─ Alors comment ça s'est passé ? s’enquit Robin en portant le regard sur sa bien-aimée.
─ Comme toujours, avec beaucoup de violence, et encore de la violence … et encore, et encore de la violence. La routine quoi.
─ Non, je veux dire, est ce que vous avez découvert quelque chose d’intéressant ?
─ Ah, ça... Ouais, pour être intéressant, on peut dire qu'on a tapé juste, mais je laisse le soin à la cheffe de l'annoncer, moi je veux juste me griller une clope tranquillos et m'affaler sur ce canapé.
Ayant eu sa dose d'adrénaline pour la journée et celles à venir, Faith s’installa nonchalamment sur la canapé, une clope à la bouche et la jambe étendue sur la petite table basse adjacente. L'espace était théoriquement non-fumeur, mais après toute cette agitation, personne ne se trouvait enclin à le lui reprocher.
─ Au fait, ça fait combien de temps que Giles est parti ? s'écria Faith qui ne trouvait aucune justification à cet élan de paternalisme.
─ Et bien grosso modo, ça fait deux semaines, trois jours, douze heures et trente-trois minutes. Enfin, maintenant c'est passé à trente-quatre, annonça fièrement Andrew. Mais je te comprends, les véritables héros solitaires que nous sommes ne peuvent pas se laisser aller à autant de mièvrerie. Nous devons toujours rester à l’affût du danger et…Giles, que vous m'avez manqué !
Le jeune geek, voyant un créneau se libérer, s'empressa de se jeter sur l'ex bibliothécaire pour l'entourer de ses bras fins, au grand désarroi de ce dernier. Giles leva les yeux au ciel en signe de renoncement, tout en le tapotant sur l'épaule d'un geste hésitant. L'observateur allait lui faire remarquer qu'il l'avait déjà salué à son arrivée au manoir, mais il préféra s’abstenir, de peur de prolonger ce moment gênant qu'il souhaitait le plus bref possible.
Dawn en profita pour étreindre sa sœur dans ses bras.
─ Ça va tu n'as rien ? s'inquiéta-t-elle.
─ Non, ça va, on a échappé au pire, et comment va le reste de l'équipe ?
─ Eh bien ça va pas trop mal, fit remarquer Alex. Y a des petits bobos et quelques cas qu'il faudra surveiller, mais dans l'ensemble, on s'en sort plutôt pas si mal. Je pense qu'on peut se permettre un petit air satisfait pour une fois.
─ Oui, on attend le retour de Seyia et son équipe, ajouta Dawn qui s'était informée de la situation auprès de Leïna. Mais là encore, elles ne devraient plus tarder.
Buffy poussa un ouf de soulagement en s’enquérant des bonnes nouvelles. Face à la menace identifiée, elle s'était préparée au pire. Visiblement, le temps des larmes et du sang n'était pas encore venu, ce qui lui laissait un peu de répit avant les longues luttes à venir.
─ J'ai cru comprendre que vous aviez appris quelque chose d'important ? questionna Giles visiblement très intéressé.
Buffy et Willow échangèrent un regard complice. La sorcière, d'une mimique de la joue, suggéra à son amie de prendre les devants. Buffy s'avança alors d'un pas décidé, se plaçant de manière à capter l'attention de chaque personne présente dans la pièce.
─ Ok, fit-elle suite à une brève inspiration. Je n'ai pas de bonne nouvelles, et j'aimerais qu'on en parle, mais pas ici. On risquerait de nous entendre et je ne veux pas créer de panique inutile. Les filles ont déjà eu leur lot d’émotions cette nuit.
─ Bien, dans ce cas, allons à l’étage. Il se pourrait que moi aussi j'ai à vous informer de mon voyage en Angleterre et de ce que j'y ai pu récolter comme informations.
Leïna se précipita en haut des escaliers pour annoncer la nouvelle.
─ La dernière escouade est de retour. On ferme boutique.
A cet instant, un grincement de porte se fit entendre et Seyia apparut, accompagnée de ses trois complices sur le palier. Remarquant l’état pitoyable des tueuses, Buffy se précipita à leur rencontre, tandis qu'Andrew alla prêter son épaule à la pauvre Léa, qui éprouvait toutes les peines du monde à tenir sur ses deux jambes.
─ Vous allez bien ? s'inquiéta Buffy. Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
─ Ça aurait pu être pire si ces deux-là n'étaient pas venus nous prêter mains fortes, répondit Seyia couverte d'hématomes. Ils nous ont sauvé la vie !
─ Mais de qui tu parles ? s'étonna la tueuse, n’ayant pas remarqué les deux silhouettes qui attendaient patiemment à l’extérieur du manoir.
Seyia ne trouva pas utile de répondre et incita Buffy à aller vérifier par elle-même. La jeune tueuse n'attendit pas son reste, et se dirigea aussitôt en direction de la salle de soin pour panser ses blessures. Intriguée par autant de mystère, Buffy s'en alla ouvrir la grande porte de bois vernis. Lorsqu’elle découvrit l'identité de l'un des deux intrus, elle resta sans voix, attirant instantanément la curiosité de ses compagnons présents dans le hall. Perdue dans cette intervalle d'incertitude, Buffy demeura figée, en proie à un véritable ascenseur émotionnel. Son vis à vis semblait atteint du même syndrome tant l'émotion déformait les traits de son visage.
Ce frisson, cette lourdeur oppressante dans la poitrine, cette sensation douloureuse et tellement belle partagée par deux personnes qui s'étaient perdues dans des circonstances pour le moins tragiques et qui se retrouvaient au croisement de leur vie respective. Tout ce chamboulement interne hurlait à travers l'expression de leurs regards hébétés. Buffy s'attendait à tout sauf à voir débarquer son ex. Elle s'était pourtant imaginée des centaines, peut-être même des milliers de fois, la manière dont leurs retrouvailles se dérouleraient, les mots qu’ils échangeraient. Mais rien ne se passait comme prévu. Les événements suivaient leur propre logique, la prenant une fois de plus au dépourvu.
De son côté, le vampire s'était préparé mentalement à la revoir pendant tout le trajet, mais il n'imaginait pas en être si bouleversé. Buffy avait été l'amour de sa vie, mais de l'eau avait coulé sous les ponts depuis. Le vampire ne savait plus où il en était avec elle. Il partait du principe qu'elle avait avancé, qu'elle avait peut-être même trouver un nouvel amour. Il s'était imaginé faire le mec indifférent, mais là encore, il ne se trouvait plus maître de ses émotions. La revoir si belle, si proche qu'il pourrait la toucher, au moins l'effleurer… Elle apparaissait plus belle encore que dans ses souvenirs, comme si le temps n'avait aucune emprise sur elle, sur ses propres sentiments.
Il arrive certains moment dans une vie où les mots sont superflus, où un seul regard suffit à tout exprimer. Ce moment, ils le vécurent pleinement, à travers leur maladresse respective et leur silence contemplatif.
Illyria, loin d'être experte en sentiment humain, n'existait plus à côté de ces deux-là, et elle le percevait profondément, jusqu'à en malmener sa fierté. Comment pouvaient-ils ignorer sa présence, elle qui inspirait la crainte et la dévotion, elle qui se considérait l'égale des Dieux ? Contrainte de se faire une raison, elle demeura à sa place, en dehors de la mêlée. La déesse démone avait déjà dû composer avec pas mal de déconvenue depuis son parti pris en faveur de l'humanité, alors ça ou autre chose, elle allait encore devoir s'adapter.
─ Je...tu ...hésita Buffy toujours sous le coup de l'émotion. Tu peux entrer.
Spike acquiesça en silence et pénétra dans l'enceinte avec Illyria, surprenant ainsi Alex, Willow et Giles, loin de s'attendre à retrouver leur allié de toujours. Faith, quant à elle, ne fut que modérément surprise. Après tout, elle ne le connaissait pas suffisamment pour savoir ce qu'elle devait ressentir en le voyant. Elle appréciait son efficacité au combat, mais cela s’arrêtait là. Bien qu'ils aient combattu du même côté pendant la bataille de Sunnydale, ils n'avaient jamais eu d'atome crochus, à l'inverse de sa relation avec Angel, beaucoup plus intimiste.
Pour Giles et Alex, c'était différent. Ils avaient partagé de nombreux moments, bons comme mauvais, en sa compagnie. Spike avait fini par intégrer pleinement leur équipe et ils se réjouissaient de le revoir, suite à son sacrifice. Pour Dawn, le sentiment était encore plus fort. Elle avait vécu des moments privilégiés avec le vampire durant la longue absence de la tueuse. Dawn l'avait toujours respecté profondément et lui était à jamais redevable des sacrifices consentis pour sa sœur et elle-même.
Totalement submergé par l'émotion et l'euphorie, elle ne résista pas à l'envie de se jeter dans ses bras. Spike la réceptionna avec un sourire et la fit tournoyer avant de la reposer délicatement au sol.
─ Bon sang, regarde-toi, tu es devenue une véritable femme maintenant, la complimenta-t-il en lui caressant le visage.
─ Oui je sais, c'est ce qui se passe avec le genre humain. Avec les années, on grandit, on vieillit, et on finit par être aigris et à en vouloir à ceux qui nous ont lâchement abandonné dans la bouche de l'enfer, s'emporta-t-elle subitement avant de lui asséner un coup de pied au niveau des tibias, de la pointe de sa chaussure.
─ Aie, fit Spike avec un temps de retard, simulant une douleur inexistante en raison de sa condition de vampire qui le rendait pratiquement invulnérable.
─ Je suis désolée, mais il fallait que ça sorte. Je t'en voulais tellement de t'être sacrifié, et d'être parti sans nous avoir dit au revoir que j'ai accumulé toute cette frustration au cours de ces années, mais est-ce que je peux vraiment en vouloir à celui qui nous a sauvé la vie ?
Sans lui laisser le temps de répondre, elle l'enlaça de plus belle.
… Tu nous as tellement manqué.
─ Toi aussi microbe, tu m'as manqué, avoua-t-il en glissant sa main à travers ses long cheveux fins. Tu ne peux pas savoir à quel point.
Alex s'approcha d'un pas hésitant. Il ne souhaitait pas interrompre l’émouvante accolade, mais il tenait à saluer son ancien compagnon de chambré.
─ Salut mon pote, s’enthousiasma-t-il d'une franche poignée de main. Au fait, on est pote ? Quoi qu'il en soit, ça fait plaisir de te revoir.
─ Pote je sais pas, mais j'ai porté tes fringues Harris, rien que pour ça, on peut dire qu'on est intime, même si je m'en serais passé. Quoiqu'à bien y regarder, t'as fait des prog... En fait non, tu ne sais toujours pas te saper.
Alex lui lança un sourire sincère, bien qu'un peu forcé. Le borgne n'appréciait guère qu'on remette en question ses choix vestimentaires.
─ Que veux-tu, le look vieux rocker sur le déclin ne va pas à tout le monde.
L'observateur, témoin de ces retrouvailles, resta à distance du vampire, se contentant de le saluer d'un hochement de tête empreint d’un flegme typiquement britannique.
─ Spike...
─ Giles, répondit-il, l'air étonné en scrutant son vis à vis. Qu'est-ce que vous avez pris un coup de vieux.
─ Oui et bien..., considérant que je n'ai pas dormi depuis deux jours, que je suis épuisé par le décalage horaire et que j'ai passé la nuit à jouer à l'apprenti médecin, il est possible qu'en effet, je ne sois pas au meilleur de ma forme. Cela étant, si tu pouvais nous présenter...
Illyria, à proximité du vampire, observait la scène avec la plus grande attention. Côtoyer d'autres individus constituait une expérience nouvelle pour la démone, bien qu'elle n'en fût pas particulièrement à l'aise pour autant. Elle ne se sentait pas à sa place dans ce lieu où tout le monde semblait se connaître et où elle apparaissait une fois de plus, comme l'intrus. Spike s’apprêtait à la présenter, mais elle ne lui en laissa pas le temps.
─ Je n'ai nul besoin que l'on parle pour moi, je peux le faire toute seule, annonça-t-elle solennellement en levant fièrement le menton, au grand désarroi de ses hôtes, surpris par l’intonation de son intervention. Je suis Illyria, démon du primordium, monarque absolu des temps immémoriaux, et... »
─ Ce qu'essaie de vous dire mamie blue, la coupa Spike... c'est que c'est un Ancien. Elle a la force et l’ego d'un dieu. C'est une alliée.
─ Un Ancien ! s’exclama l'observateur dont l’intérêt venait d'être piqué au vif. Comment est-ce possible ? ils ne devraient plus exister. C'est tout bonnement incroyable, non c'est plus que cela, c'est de l'ordre de l'impossible, du prodigieux.
─ Je suis tout à fait d’accord avec vous Giles , renchérit Alex subjugué par la plastique attirante d'Illyria.
Leïna, à qui il n’avait pas échappé que la démone possédait des atouts plus que considérable, fustigea son amant d’un regard noir. Ce dernier détourna aussitôt la tête, feignant l’indifférence.
Willow observa la scène avec un intérêt grandissant. La sorcière ne put s'empêcher d’être fortement intriguée par l'apparence de la démone aux attraits quelque peu familiers. Elle était persuadée de l'avoir déjà rencontrée par le passé, mais se trouvait incapable de mettre le doigt sur le lieu, la date, et les circonstances de leur rencontre. Buffy, de son côté, scrutait la démone avec méfiance, peu à l'aise avec l'idée d'accueillir une déesse à l’ego démesuré dans le groupe. La dernière fois qu'elle avait eu affaire à ce genre de profil, c'était en présence de Gloria, et il en avait résulté sa propre mort. Et puis, peut-être éprouvait-elle une pointe de jalousie en voyant son ex en compagnie d’un démon à la beauté indéniable. Malgré tout, Buffy mit ses appréhensions de côté et accueillit Illyria comme il se devait, déterminée à ne pas laisser ses sentiments personnels interférer avec le groupe.
─ Contente de vous avoir parmi nous Illyria, fit-elle en lui présentant un à un les membres du groupe.
─ Fred ! cria Willow comme si elle venait de crier Eurêka. Mais bien sûr, Fred. Tu es Fred... enfin, si on fait abstraction du côté bleu et hautain et du côté déesse.
La sorcière venait de mettre le doigt sur ce qui l'intriguait tant. Elle l'avait déjà rencontrée par le passé, lors de son voyage à Los Angeles, quand elle avait aidé Angel à regagner son âme. Elle en avait d’ailleurs profité pour ramener Faith à Sunnydale afin de combattre la Force. Willow se souvenait de cette jeune femme à l’intellect déstabilisant. La sorcière devait bien se l'avouer, à l'époque de leur rencontre, Fred ne la laissait pas totalement indifférente.
Spike resta un moment silencieux. Entendre le nom de son ami défunte provoquait toujours en lui ce sentiment d'amertume.
─ Ce n'est pas elle, murmura-t-il, amer. Fred n'est plus. Illyria a pris possession de son corps. Il ne reste de Fred que son enveloppe.
La révélation du vampire provoqua chez la sorcière un véritable ascenseur émotionnel. Elle n'avait pas beaucoup connu Fred, mais dès leur premier échange, elle avait réalisé à quel point cette femme projetait une aura de bienveillance. En apprenant la triste nouvelle, elle ne put s’empêcher d’afficher une mine défaite.
─ Je suis désolée, s'excusa Willow. Je ne voulais pas réveiller des souvenirs difficiles.
─ C'est comme ça, la rassura Spike. La vie continue. Illyria n'est pas coupable de ce qui est arrivé. On combattait dans le mauvais camp et on l'a payé, c'était inévitable.
─ Et tu es là parce que ? questionna Buffy d'un ton un peu détaché.
─ On a eu quelques petits problèmes à Los Angeles et je voulais demander ton aide, mais j'ai l'impression que vous avez pas mal à faire de votre côté.
─ Oui, ça c'est le moins qu'on puisse dire, reprit la tueuse d'un ton morne, toujours un peu mal à l'aise par rapport à la situation.
─ Montons ! proposa Giles. Nous parlerons de tout cela en petit comité. Les filles ont besoin de repos, inutile de les inquiéter plus que de raison.
Buffy invita Spike et Illyria à se joindre à eux, et ils montèrent les escaliers en direction de la base de commandement, à l'abri des regards indiscrets. Toutes les vérités n'étaient pas bonnes à dire. Il existait un temps pour tout, et le timing avait son importance lorsqu'il s'agissait de gérer une troupe de tueuses démoralisées et exténuées. Ce n'était pas le moment opportun pour avouer, au détour d'une discussion, que ce qu'elles venaient d'endurer ce soir, n'étaient que les prémices d'une apocalypse à venir.
Le groupe s'affichait au grand complet. Autour de la grande table siégeaient tous les membres, ainsi que les deux nouveaux arrivants. Spike et Illyria, dépourvus de chaises attitrées, s'étaient positionnés légèrement en retrait, adossés à la paroi. Buffy, en bon maître de cérémonie, se tenait enfin prête à dévoiler les coulisses d'une situation des plus dramatique. La tension s'avérait palpable pour celles et ceux n'étant pas dans la confidence, et ayant deviné, au vu du côté emmuré et secret de la chose, que les bonnes nouvelles n'allaient pas être légion. Dans ce silence lourd et pesant, une voix n'allait pas tarder à relativiser cet état de fait.
─ C'est plutôt sympa la déco, observa le vampire qui détonnait avec les mines déconfites de ses partenaires. Le coup de la table ronde, c'est vraiment pas mal, je peux être Lancelot.
─ Ah non !!! réagit Andrew en montant dans les tours. On avait dit que c'était moi Lancelot. D'ailleurs, est ce qu'on peut considérer Spike comme faisant partie de l'équipe ? C'est vrai ça, il a pas de place attitrée. Il faudrait faire une cérémonie d'adoubement avec la scythe de Buffy pour rendre tout ça officiel.
─ Euh je peux avoir votre attention là ? s'impatienta Buffy. Non, parce que je ne sais pas si vous l'avez remarqué, j'ai quelque chose à vous dire et c'est plutôt important.
Andrew se recroquevilla sur sa chaise, et s'enveloppa dans une cape qu'il aimait à appeler sa cape d'invisibilité, sur laquelle il avait cousu en fil rouge son prénom suivi du nom Potter, en référence aux films du même intitulé.
Tous les yeux étaient rivés sur la tueuse, dans l'attente qu'elle se lance dans ses explications, ce qu'elle ne tarda pas à faire en brisant le silence.
─ Je vois que j'ai l’attention de tout le monde, alors je ne vais pas passer par quatre chemins. Cette nuit, on a découvert à quel ennemi on avait à faire. Je ne voudrais pas paraître pessimiste, mais c'est pire que tout ce que nous avions imaginé. Faith, Willow et moi, on a trouvé la bouche de l'enfer.
─ Vous avez trouvé la bouche de l'enfer ? répéta Giles. Fort intéressant, ça faisait un moment qu'on penchait dessus.
Buffy prit un air grave pendant que Spike croisait les bras en attendant la révélation qui n'en était pas vraiment une pour lui. Il connaissait le fin mot de l'histoire, mais demeura attentif tout de même.
─ Oui ! acquiesça-t-elle. Et vous ne devinerez jamais qui en étaient les gardiens … Les Bringers .
La déclaration de la tueuse provoqua une vague d’effroi dans la salle, déclenchant un flot de questions qui se mirent à fuser de toutes parts.
─ Attends qu'on soit clair, tu veux bien préciser de quoi on parle ? questionna Robin en faisant mine d'avoir mal entendu.
─ Tu as parfaitement compris, confirma Buffy. Les Bringers, ces moines très laids avec des cicatrices sur le visage, les suppôts de la Force qu'on a combattue il y a quelques années et qui a failli détruire le monde.
─ Ok, j'ai bien entendu, fit-il totalement désemparé.
─ Attends, tu en es bien certaine ? ajouta Alex. Non parce que ça a l'air totalement différent de la dernière fois. Il me semble que personne n'a été la cible d'apparitions bizarres ces derniers temps.
─ J'y étais et je l'ai vu de mes propres yeux, assura Willow. J'aurai aimé qu'elle se trompe, mais c'est la vérité. Les Bringers sont là et quand les Bringers sont là, la force n'est jamais loin.
─ Je confirme. On a eu affaire à ces moines avec Illyria, et je peux vous dire qu'il n'y a aucun doute là-dessus. La Force est de retour et le plus flippant dans tout ça, c'est qu'elle n'est pas venue nous narguer comme la dernière fois.
─ Vous parlez de ces mêmes moines qui ont fait exploser le conseil des observateurs ? interrogea Leïna
─ J'en ai bien peur, reprit Giles. Maintenant que j'y pense, ça tombe sous le sens.
La panique avait pris le pas et tout le monde y allait de son commentaire et de son incrédulité. Le brouhaha ambiant devint tel que plus personne ne s'écoutait parler. Dans cette cacophonie, certains mots se détachèrent, plus impactant que d'autres : apocalypse, mort, combat, survie, fin du monde. Rien de bien reluisant, si ce n'est la mise en abîme d'un état d'esprit défaillant. Alors que Buffy perdait le fil de la discussion, Faith jugea nécessaire de faire sentir sa présence.
─ Fermez la ! hurla-t-elle de façon à se faire entendre. Vous vous êtes vu ?
L’effet fut immédiat. Un silence abrupt s’installa dans la pièce.
─ Faith a raison, reprit Buffy en lançant un regard plein de gratitude à son alter ego. Mais enfin, il a suffi que je mentionne la Force pour perdre la totale cohésion du groupe. Qu'est-ce que ça aurait donné si j'en avais parlé aux filles en bas? Vous imaginez la panique dans les rangs. On aurait perdu tout le monde. A ce train-là, autant abandonner tout de suite. Si vous n'êtes pas capables de montrer l'exemple, alors comment des filles inexpérimentées pourraient faire face.
La pièce s’imprégna d'un malaise palpable. Les regards honteux se croisèrent de toutes parts. Conscients de l'immaturité de leur réaction, les principaux intéressés firent profil bas. Illyria, observant la scène, apprécia le discours. La démone, qui avait participé à de nombreux conseils de guerre, savait reconnaître la valeur d'un bon leader. Au milieu de toute cette agitation, Dawn fronça les sourcils, perplexe face à cette situation pour le moins inattendue.
─ Mais comment se peut-il que ce soit la Force ? je veux dire, on est censé l'avoir vaincue non, et on en a payé le prix. Spike a fait le ménage en détruisant la bouche de l'enfer.
─ C'est plus compliqué que ça, reprit Giles. La Force ne peut pas être vaincue, physiquement j'entends. Elle est immatérielle et tant qu'elle n'aura pas gouverné la terre dans son entièreté, elle ne pourra jamais reprendre forme.
─ Mais alors, ça signifie que quoiqu'on fasse, on n’en viendra jamais à bout ?
─ Et bien en effet, on ne peut pas la vaincre... Pour autant, ses ressources ne sont pas illimitées. Quand elle a perdu la précédente bataille, il aurait dû se passer des milliers d'années avant que sa reconquête puisse être possible.
─ Je pense connaître les raisons de son retour, affirma Willow. La déstabilisation de la magie sur terre a fragilisé les portails menant aux autres dimensions. je n'en connais pas la raison, mais il est clair que la Force a pu en bénéficier, ce qui expliquerait son retour précipité.
─ Hmm... fort intéressant, songea Giles. Tu as peut-être raison, ça pourrait être parfaitement plausible.
─ C'est tout ce qu'on a pour le moment, insista Buffy. On sait que la Force est de retour et on ne sait ni où ni quand elle va frapper. Nul ne sait si elle n'a pas déjà commencé, et puis le fait qu'elle ne vienne pas nous narguer comme par le passé, me fait craindre le pire. Cette fois-ci, elle sait à quoi s'attendre et ne commettra pas les mêmes erreurs. Elle est en position de Force... si j'ose dire.
Giles avait enlevé ses lunettes et mordillait l’embout siliconé qu’il tenait entre ses dents, une habitude qu’il adoptait lorsqu’il était plongé dans une réflexion intense.
─ Tu as une idée sur la situation ? l'interpella Leïna. Quand tu fais ça avec tes lunettes, c'est que c'est bon signe généralement.
─ Oh, euh oui... non... En fait, peut-être, bégaya-t-il décontenancé. On m'a fourni un parchemin qui pourrait avoir son utilité à condition que je parvienne à le décrypter. Mais j'y pense Illyria, vous êtes un Ancien, n'est-ce pas ?
La démone bleue ne répondit pas, mais lui lança un regard intéressé.
… C'est que, j'aimerais faire appel à votre savoir. Vous seriez d'une grande utilité pour m'aider à décrypter certains symboles de l'époque qui pourraient bien vous concerner. Puis-je faire appel à votre assistance ?
─ Fort bien. Je n'ai rien de mieux à faire pour le moment et ces discussions m'ennuient. Je préférerais être ailleurs, avoua-t-elle sur un ton égal et las.
Spike esquissa un sourire en remarquant les efforts considérables de la démone, qui en dépit des apparences, savait se montrer serviable.
─ Bien, s'exclama Buffy. Inutile de continuer cette discussion. Il se fait tard et tout le monde est fatigué. On devrait tous aller dormir. Demain est un autre jour et on aura le temps d'y repenser à tête reposée.
L'équipe se dispersa, chacun partant de son côté à la recherche du sommeil manquant. Seul Giles se plongea dans le travail, en compagnie d'Illyria pour qui la fatigue n'était pas un obstacle. Buffy, quant à elle, resta dans la pièce avec Spike. C'était leur premier moment privilégié depuis leur retrouvaille, et il leur fallait clarifier certaines choses. Jusque-là, ils ne s'étaient pas adressés la parole et désormais qu'ils se retrouvaient en tête à tête, le malaise devenait d'autant plus palpable. Afin de rompre ce silence gênant, chacun tenta d’amorcer un début de conversation, mais se ravisa aussitôt, trouvant ses propos trop banals ou inintéressants. Tous deux se torturaient l'esprit pour trouver la phrase accrocheuse susceptible de les emmener vers un dialogue quelconque. C'est alors que la tueuse brisa la glace, la première.
─ On pourrait arrêter ça ?
─ On pourrait arrêter quoi ? demanda-t-il, ne voyant pas où elle voulait en venir.
─ Ça, là, ce qu'on fait, se regarder en chien de faïence, protesta Buffy
─ En chien de quoi ? répondit Spike toujours dans le flou. Mais bon sang de quoi tu parles ?
-─ Non, rien oubli. C'est moi qui ne suis pas très à l'aise avec tout ce qui se passe. La Force, toi qui réapparaît comme ça, je t'avoue que ce n'est pas le meilleur moment pour avoir une discussion.
─ Très bien, je m'en vais si c'est ça que tu veux, s’emporta-t-il en prenant la direction de la porte.
─ Non attends, ce n'est pas ce que je voulais dire, protesta Buffy, frustrée par cette situation. Je ne veux pas que tu partes... Oh et puis de toute façon, je suis trop nulle quand il s'agit de parler. T'as bien dû le remarquer sur le briefing que je viens de faire.
Spike voyait bien que Buffy faisait des efforts et qu'elle se sentait aussi désemparée que lui. Il ne s’attendait pas à des retrouvailles faciles, mais il n'avait pas envisagé non plus de se disputer pour des broutilles. Il jugea donc préferable d'apaiser certaines tensions.
─ Je te trouve parfaite ! dit-il d'un air admiratif avant de se reprendre. J'veux dire, tu as été parfaite... pour le briefing.... enfin, tu m'as compris.
Buffy sourit et son visage s'attendrit face à la réaction quelque peu maladroite de son vis à vis.
─ Oui, j'ai bien compris et j'te remercie, fit la tueuse en changeant la façon qu'elle avait de le regarder, comme si le voile qu'elle s'était volontairement administré commençait à se dissiper petit à petit. Écoutes, je sais que tu dois te poser pas mal de questions du genre, pourquoi je n'ai pas cherché à te revoir, et pourquoi je n'ai pas pris de nouvelles de toi alors que je savais que tu étais en vie, et je crains de n'avoir aucune raison valable à te donner. Ça s'est juste passé... comme ça. J'étais occupée avec les tueuses. J'avais mes affaires et tu avais les tiennes et franchement, je ne me voyais pas revenir te voir en te disant « Hey salut, au fait, merci de t'être sacrifié pour nous, et sinon comment ça va ? », Et puis honnêtement, je n'étais pas persuadé d'en avoir envie. J'avais besoin de me retrouver, histoire... tu sais, d'aller de l'avant.
─ A vrai dire, je ne me suis jamais posé la question. J'aurais pu te retrouver, mais je ne l'ai pas fait non plus. Enfin, à part cette fois-là à Rome. D'ailleurs à l'époque, tu t'étais entichée de cet immortel, se remémora-t-il avec dégoût.
Buffy, qui aurait préféré oublier cette histoire, écarquilla yeux, un peu honteuse d'avoir été prise à fréquenter cet homme qu'elle avait rapidement oublié.
─ Ce n'était qu'une passade. Pour tout te dire, j'étais en mission à ce moment-là, se justifia-t-elle d'un air gêné en lui tournant le dos.
─ Ouais je vois bien le genre de mission à la Buffy couche toi là, maugréa Spike, ce qui eut le don de faire réagir la tueuse surprise par la crudité de son interprétation.
Le vampire s'en voulut immédiatement d'avoir laissé échapper cette phrase spontanément. Ses mots avaient dépassé sa pensée, mais il était trop tard. Son impulsivité ne jouait pas toujours en sa faveur, aussi esquissa-t-il une grimace de dépit.
─ Non, mais tu te rends compte de ce que tu dis ? Et puis aux dernières nouvelles, on n’était pas ensemble. Il me semble que j'ai encore le droit de faire ce que je veux de mon corps. Je n'ai aucune explication à te donner.
─ Ça tombe bien parce que je ne t'en demandais pas.
L'atmosphère était à tirer au couteau et chacun usa de sa phrase assassine. Buffy, les bras croisés, s'adossa au bureau, tandis que Spike fuyait son regard en canalisant sa colère. Le vampire ne comprenait pas comment la situation avait pu s'envenimer de la sorte, alors qu'il n'avait jamais été aussi heureux de la revoir. C'était comme si tous les astres s'étaient réunis pour lui pourrir la vie, en cette nuit interminable.
Spike se perdait en conjectures, incapable de déterminer la nature du problème : si cela venait de lui ou d'elle. Le courant avait du mal à passer et c'était sa seule certitude. Peut-être, cela résultait-il de toutes ces années de frustrations accumulées, ou était-ce d'avoir rêvé ce moment tellement de fois, que la réalité ne pouvait qu'en être que plus décevante. Pourtant, elle se tenait devant lui, et il éprouvait toujours les mêmes sentiments à son égard. Plus rien n'avait de sens. Alors que le monde s’effondrait autour d’eux, il se retrouvait à accorder plus d’importance à ses tourments amoureux qu’à la situation critique dans laquelle ils étaient plongés jusqu’au cou.
Finalement, il en vint à la conclusion que le problème venait de lui. Il se rappela alors de la discussion entretenue avec Angel, concernant leur relation avec la tueuse. Peut-être aurait-il dû aller de l'avant. Après toutes ces années, il en était resté au même point, pendant que Buffy avait évolué de son côté. Son amour pour la tueuse avait mis en évidence sa plus grande faiblesse, et il n'était plus question d'en être dépendant. Il valait mieux que ça. Elle valait mieux que ça.
… Écoutes, tout ça c'est ridicule ! finit-il par dire d'un ton plus conciliant. Je suis désolé, je me rends compte que je suis allé beaucoup trop loin.
Ne sachant plus sur quel pied danser, Buffy peinait à interpréter les excuses du vampire. Elle se demandait où il voulait en venir : s'il regrettait de l'avoir revu, s'il en était déçu, ou si tout simplement, il avait pris conscience que ses sentiments avaient changé. Elle se sentait complètement perdue, tiraillée entre l’envie de passer à autre chose, et celle de se blottir dans ses bras. Le revoir ainsi, alors qu'elle ne s'y attendait pas, l'avait bouleversée plus qu'elle ne le laissait paraître, et elle ne savait pas comment gérer une histoire qui n'avait jamais officiellement commencée.
La menace se propageait, et se disputer pour des non-dits n'entrait pas dans la priorité du moment. Malgré tout, Buffy s'en voulait d'être à ce point égoïste. Ses vieux démons la rattrapaient malgré elle. Inconsciemment, elle espérait qu'il continue à l'aimer sans qu'elle ne soit encore prête à lui rendre cet amour, et elle se détestait pour cela. Elle venait de réaliser qu'au fond, elle restait cette fille autocentrée, jouant involontairement avec les sentiments des autres, alors qu'elle valait mieux que ça... qu'il valait mieux que ça.
─ Non c'est moi qui suis désolée. Je … enfin tu vois, c'est un peu pour cette raison que je ne suis pas venue te retrouver. La vérité, c'est que je ne sais plus où j'en suis. Il s'est passé tellement de choses de mon côté et ça a été la même chose pour toi. Je crois qu'on a besoin d'un peu de temps pour y voir plus clair. Il y a cette apocalypse qui approche et je ne peux pas me permettre d'avoir la tête ailleurs. Pas maintenant. Plus tard, peut-être, quand cette guerre sera enfin terminée.
Le vampire esquissa un sourire, et adressa un regard tendre à la blonde qui lui rendit le change.
… Pourquoi tu souris ? j'ai dit quelque chose de drôle ? fit-elle remarquer, légèrement déstabilisée.
─ Non, non, rien de drôle. C'est juste que je suis content de te revoir Summers, et je ne veux pas que tu te méprennes, si je suis venu, c'est pour t'aider, et non pas pour te déstabiliser. On n'a pas le temps pour jouer à ces jeux-là, et je ne suis pas certain d'en avoir envie. Il y a quelque chose d'important qui se passe ici et tu peux compter sur moi, c'est tout ce que je veux que tu saches. Je ne suis pas là pour te sortir un plan à la Roméo et Juliette.
Buffy, touchée par les paroles réconfortantes du vampire, se trouva heureuse et chanceuse de l'avoir à ses côtés. Certaine de son efficacité au combat et de son abnégation, elle n'aurait pas pu rêver meilleur allié. Au-delà du pure aspect pratique, une confiance inébranlable l’unissait à lui, une confiance qu’il avait méritée en se sacrifiant pour sauver le monde. Avec Spike à ses côtés, elle se sentait prête à faire face à toutes les situations. Le vampire avait cette particularité d'apparaître quand elle en avait le plus besoin, et elle lui en était fortement reconnaissante pour ça.
─ Merci, fit-elle en le regardant d'un œil nouveau, plus tendre et humain, laissant transparaître des émotions qu'elle s’efforçait de garder tapis au fond de son cœur.
-Pas de quoi. Bon je vais te laisser, je vais aller dormir sur le canapé en bas dans le hall. On se voit plus tard.
Le vampire prit la direction de la porte.
─ Spike ! l'interpella-t-elle.
Elle aurait aimé lui avouer à quel point elle désirait qu'il reste à ses côtés, mais elle se ravisa. Ce n'était pas le bon moment, pas après tout leur récente discussion.
… Non rien !
Il acquiesça d’un léger signe de tête, lui adressant un ultime regard avant de se diriger vers le hall.
*
Le bureau de l'observateur se trouvait au deuxième étage du manoir, affilié à l'aile Est. La pièce, cet espace restreint et sans prétention, exhalait une odeur de renfermée. Les meubles en chêne ancien, aux teintes chaude nuancée par l'effet de la lumière sur les fibres du bois, décoraient la pièce d'une présence surannée. On y trouvait une petite commode en acajou fournit de multiples rangées de tiroirs, une petite table de salon ovale encombrée d’une flopée de magazines vieux de quelque années, un élégant meuble de vestibule orné de motifs losangés et un énorme bureau en merisier massif sur lequel l'ex-bibliothécaire avait pour habitude de siéger.
Le long des murs s’étendaient des étagères garnie d’une précieuse collection de vieux bouquins poussiéreux, traitant de l’occultisme et autres disciplines essentielles à un observateur de renom. La pièce, d'ordinaire entretenue et ordonnée avait sombrée dans un désordre total. Des livres par dizaine étaient éparpillés sur le sol autour de Giles, accroupis au milieu. L'observateur avait passé la nuit entière, plongé dans ses grimoires, en compagnie d'Illyria qui l’assistait, en répondant à ses questions et en l'aidant à déchiffrer les symboles du parchemin.
En cette fin de matinée, Giles, crayon en bouche, naviguait d'un ouvrage à l'autre, en récoltant toutes les informations susceptibles de l’intéresser. Ses traits fatigués lui conféraient l'apparence d'une personne accusant le contre coup d'une folie chronique.
Illyria, de son côté, observait par la fenêtre le manteau de neige repeindre le paysage d'un blanc immaculé. La découverte d'un tel spectacle la subjuguait, elle qui avait vécu dans les temps les plus reculés, sur des terres arides, du côté de ce qu'on appelle aujourd’hui la Californie. Jamais l'occasion ne s'était présentée d'apprécier la pureté d'un paysage uniforme et cotonneux. En ce jour d'automne, à l'approche de l'hiver naissant, ses yeux ne quittaient plus ces petits flocons de cristaux qui imprégnaient sa rétine, mais aussi sa mémoire.
Giles avait ravivé en elle, les souvenirs de l'âge du Primordium, l'époque où elle fut jadis un monarque craint et respecté. Aujourd’hui, alors qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, Illyria se découvrait plus humaine que jamais, à s’émerveiller de choses qu'elle aurait trouvé il y a peu, insignifiantes et dénuées d’intérêt. Elle entrouvrit la fenêtre embuée et passa sa main à travers le cadre, en observant les flocons se dissoudre en bulle d'eau sur sa peau sensible.
L'observateur ne s'y était pas trompé en requérant l'aide de la démone. Celle-ci s'était révélée être une source inépuisable de savoir et d’érudition. Par son essence même, Illyria incarnait un vestige des temps passés. Ayant vécu à cette époque reculée, elle détenait toutes les clés pour comprendre cette période oubliée de l’histoire. Elle s'était confiée à Giles avec une précision minutieuse, n'omettant aucun détail. Bien sûr, elle ne se livrait pas par simple désir de combler la curiosité d'un vieillard, mais dans son propre intérêt. Sa démarche consistait avant tout à trouver une oreille attentive et sincère, quelqu’un capable de l'écouter et de la comprendre véritablement.
Trop souvent, ses évocations du passé n’avaient suscité que des moqueries et du sarcasmes, la forçant à réprimer ses élans de confidence. Elle aurait tant voulu se livrer, non pas pour se glorifier de ses jours de puissance passée ou pour récolter de vaines louanges, mais pour alléger le fardeau de sa solitude, pour offrir à ses alliés une meilleure compréhension de ses réactions et de sa vision du monde. Peu nombreux furent les hommes à daigner lui offrir cette reconnaissance. Il y en avait eu deux : Wesley et désormais le vieil observateur à qui elle trouvait une bien étrange ressemblance, ce qui ne fut pas de trop pour l'aider à révéler les secrets de son passé désormais révolu.
Les heures défilèrent jusqu'au milieu de l'après-midi, toujours dans cette atmosphère empreinte de folie contenue, lorsqu'un cri de triomphe éclata depuis le bureau de l'observateur. Cette fois-ci, c'était la bonne. Giles avait enfin réussi à décrypter le parchemin et à assembler, une à une, les pièces manquantes. Il venait de combler les pans de l'histoire en suspens, et par la même occasion, de réaliser la plus grande découverte de l'histoire de l'humanité. D'ordinaire réservé et discret, il riait à gorge déployée, jusqu'aux larmes, et arborait un visage tellement lumineux et jovial, qu'il avait l'air d'avoir rajeuni d'une dizaine d'années. En l’espace de quelques minutes, deux longues nuits d’insomnie furent balayées par cette euphorie soudaine.
Dans un élan de bonheur incontrôlé, il se laissa entraîner au sol, sur le dos, les bras écartés comme une étoile de mer. Son expression comblée reflétait la satisfaction d'un travail acharné enfin couronné de succès. Les yeux rivés au plafond, il peinait à croire ce qu’il venait d’accomplir. Lui, d’ordinaire si mesuré, s'était lâché comme jamais auparavant, retrouvant en partie, l'excentricité et la folie qui l'avaient jadis animées lorsqu'il se faisait appeler le Ripper.
─ C'est formidable, s’enthousiasma-t-il en ricanant de plus belle. C'est tout bonnement formidable.
Illyria l'observa avec un air intrigué. C'était encore l’une de ces réaction qu'elle ne comprenait pas, et qu'elle essayait d'analyser bien malgré elle.
─ Les humains sont très étranges, fit-elle d'une voix détachée.
Giles se redressa et, dans un élan de spontanéité, saisit les mains d'Illyria. Cette dernière le laissa faire, en se demandant la raison d'un tel procédé. Peut-être s’agissait-il d’une coutume humaine, pensa-t-elle. Décidément, elle avait encore beaucoup à apprendre, mais loin de se décourager, elle se montra patiente et intéressée.
─ Merci Illyria. Sans vous je n'y serais jamais arrivé.
─ Vous avez donc découvert le moyen de vaincre votre ennemi ?
─ Non, ça malheureusement non, répondit-il en prenant un ton moins enjoué, comme si la réalité l'avait rattrapé, malmenant légèrement son état de trans. Mais peut être que le passé nous apprendra à faire face au futur.
─ Le futur, répéta la démone. Intéressant !
─ Bien ! Il n'y a plus une seconde à perdre, il faut joindre Buffy et les autres. J'ai un discours à proclamer, s'esclaffa-t-il une ultime fois avec la joie d'un adolescent. Un discours....moi....ça fait longtemps…Fascinant...
**
Toute la fine équipe se trouvait présente dans la salle de réunion, personne n’ayant manqué l'appel enthousiaste de l'observateur. Giles les avait tous conviés à écouter une histoire qu’il promettait grande et captivante. Pour l’aider dans cette tâche, il avait sollicité Andrew, Alex et Leina, et ensemble, ils s’étaient attelés à réorganiser la pièce. L'imposante table ronde avait été déplacée sur le côté pour libérer de l'espace, tandis que les chaises étaient soigneusement alignées en rangées, toutes orientées dans la même direction.
Cependant, ce réaménagement ne fut pas sans provoquer quelques remous. Andrew, en geek passionné, eut bien du mal à accepter le déplacement de la table ronde, qu’il considérait presque sacré. S'étant subitement découvert un goût pour la superstition, il ne put s’empêcher d'y percevoir comme un mauvais présage, du moins le prétendait-il. La véritable raison était difficilement avouable. En grand rêveur, il puisait son inspiration dans les films et séries qu’il adorait, et se servait de personnages ou de situations imaginaires pour affronter les défis de la vie réelle. Ce n'était certes pas répréhensible, mais lui retirer l’un de ses repères symboliques perturbait sa capacité à s'imprégner de l'ambiance.
Tout était enfin prêt. Robin avait terminé d'installer le rétroprojecteur sur le trépied prévu à cet effet, tandis que Faith avait déroulé le grand écran de projection collé à la façade. Une fois les préparatifs accomplis, chacun rejoignit sa place attitrée. Buffy se tenait dans la première rangée à côté de Spike, Willow, Alex et Dawn. A l'arrière siégeaient, Faith, Robin et Leïna. Détachée du groupe, Illyria observait la scène à distance, adossée à la parois. Andrew, quant à lui, avait pris position derrière les deux rangées. On lui avait attribué la lourde tâche de faire défiler les photos et les croquis, par le biais d'un ordinateur portable connecté au rétroprojecteur.
Enfin, Giles, comme tout bon maître de cérémonie, prit place sur le devant de la scène, baguette de maestro en main, à proximité de l'écran. L'observateur s'assura de l'attention de tous, avant de se lancer.
─ Bien ! commençons, fit-il d'un air solennel. Andrew peux-tu éteindre la lumière, je te prie.
Le geek s’exécuta et toute la pièce fut plongée dans l'obscurité. Giles appuya sur l'interrupteur de la télécommande. Le rétroprojecteur émit un sifflement aigu au démarrage avant de se faire plus discret.
…Avant de commencer, j'aimerais tous vous remercier de votre présence. Je sais que ça peut paraître soudain et que vous aviez des tas de choses à faire, mais je crois que c'est important..... Bien !... Lors de mon voyage en Angleterre, j'ai pu faire l'acquisition d'un parchemin plus ancien que tout ce qu'on a connu par le passé. Un parchemin caché dans les ruines de l'ancien conseil des observateurs à Londres.
─ Vous voulez dire que ce parchemin à un rapport avec les tueuses ? tiqua Buffy intéressée.
─ Oh, eh bien oui, mais je dois bien avouer que ça va bien plus loin que ça. Ce parchemin traite des origines, de ce qui existait avant tout ce que nous connaissons. Il apporte des réponses aux questions que nous nous posions depuis longtemps, sur les pouvoirs de la tueuse mais aussi sur bien d'autres mystères encore.
─ Mais nous savons déjà d’où proviennent les pouvoirs de la tueuse, réagit Willow. Ce sont les hommes de l'ombre qui ont transmis les pouvoirs d'un démon à la première tueuse,
Faith leva les yeux au plafond, laissant échapper un soupir agacé.
─ L'histoire, c’est pas vraiment mon truc, et les cours encore moins, bougonna-t-elle. J'ai l'impression de me retrouver à la fac.
─ Attends, reprit Robin surpris de la réaction de la brune. Si Giles dit vrai, alors ça nous concerne tous. Tu n'as jamais rêvé de connaître toute l'histoire, comment tout a commencé ?
─ Ce qui m’intéresse, c'est plutôt comment tout ça finit. Le passé et moi on est pas bonne copine.
Illyria qui suivait la scène depuis son coin, commençait à s'impatienter. Finalement, elle se résolut à intervenir d’une voix ferme et autoritaire.
─ Les humains posent beaucoup de questions, alors qu'il ne leur suffirait que d'écouter. De mon temps, on punissait d'une mort atroce celui qui osait interrompre le conseil des sages, et l'on aurait exécuté le sage pour son incompétence à se faire entendre.
─ Ouah, s’enthousiasma Alex. J'adore cette nana.
Leïna le considéra d'un œil mauvais, non sans l'envie de lui cracher sa jalousie en plein visage.
─ Tu vas te calmer Harris. Toi, dès que tu vois une nana sexy capable de te damner le pion, tu peux pas t’empêcher d'être en admiration. T'es pathétique.
─ Illyria a raison, reprit Spike. On devrait écouter ce qu'il a à dire et intervenir après. Et puis plus tôt il commencera, plus tôt il finira.
Le vampire eut tôt fait de mettre tout le monde d'accord, en trouvant comme à son habitude, les bons mots au bon moment.
─ Je te remercie Spike, réagit Giles, sans savoir s'il devait bien le prendre. Enfin j'imagine.
Le rétroprojecteur afficha la première image sur l’écran, et le maître de conférences entama son récit, plongeant l’auditoire dans l’histoire de ce monde, tout en faisant défiler les diapositives qui illustraient son discours. Chaque image venait renforcer ses paroles, tissant un lien entre le passé lointain et les secrets révélés.
… Au début, il n'y avait rien, puis il y eut le Big Bang. Du néant émergea l’univers, et au cœur de cet univers, notre Terre prit forme. Cette planète, riche en potentialités, devint rapidement l’enjeu d’une lutte entre deux forces primordiales, créatrices de tout ce qui existe. L'une aspirait à la domination totale, cherchant à semer le Chaos et la destruction, tandis que l'autre, guidée par un désir d'équilibre, refusait d’intervenir directement. De cette dualité naquirent les premiers habitants de la Terre, descendants direct de ces puissances originelles. Parmi eux, des êtres que l’on appela, à tort, Dieu et Déesse, porteurs d’une bonté fondamentale, et des démons dotés d’une puissance incommensurable. Le pari était de laisser ces créatures d’origines diverses coexister, permettant ainsi à l'ordre naturel de décider du sort du monde, selon que la balance pencherait vers l’une ou l’autre des forces. Au début, une harmonie précaire régna entre les deux camps. Mais peu à peu, la Force, cette entité destructrice et apôtre du chaos, commença à corrompre les cœurs et les âmes, tissant son influence maléfique. Son objectif était clair : conquérir l’entièreté de ce monde et le façonner à son image, un royaume de désolation et de Chaos absolu.
L'assemblé, initialement sceptique et peu réceptive, semblait désormais complètement subjuguée par les explications de l'observateur.
─ Vous êtes en train de nous dire que tout ce qu'on vit depuis le début n’est rien de plus qu’un pari entre deux puissances pour savoir qui a la plus grosse ? s'exclama Faith avec une pointe d’incrédulité.
─ En effet, on peut voir les choses sous cet angle particulier, mais ce n'est pas tout, reprit Giles avec gravité. Comme je le disais, la Force s’immisça dans le cœur des créatures, déclenchant un chaos sans précédent, une guerre d’une brutalité inouïe. Face à cette dévastation, les Dieux et Déesses prirent la décision de quitter la terre, émigrant vers d’autres dimensions, laissant la planète à son sort. Illyria, ici présente, sous une autre forme, faisait partie de ces Anciens qui semaient le chaos. La Force, proche de son but, s’apprêtait à dominer définitivement ce monde. Mais les Puissances Supérieures, pourtant décidées à ne pas interférer, prirent la décision d'agir en constatant la manœuvre déstabilisante de leur plus grand rival. C’est ainsi que les humains furent créés, pour contrebalancer le départ de leurs plus proches descendants. Ni entièrement bons ni mauvais, ils portaient en eux le gène de l'équilibre, et commencèrent à se répandre sur la Terre. Pour les guider, les Puissances Supérieures dépêchèrent quatre émissaires, chargé d'accompagner et d'observer les humains, sans jamais intervenir directement dans leurs conflits. Néanmoins, malgré leur nombre, les humains restaient désespérément vulnérables face à des démons d’une puissance sans égale. C'est alors que trois des émissaires, brisant leur serment de non-intervention, prirent une décision audacieuse, celle qui allait changer non seulement l'issue de la bataille, mais aussi le destin de la Terre et de tous ses habitants. Ils créèrent un être capable de rivaliser avec les Anciens, en puisant dans le pouvoir démoniaque. Enchaînant un homme et une femme, des sortes d’Adam et Eve des temps anciens, ils leur insufflèrent l’essence du plus grand démon de l'époque. Ainsi furent engendrés le premier tueur et la première tueuse, destinés à combattre les forces du mal.
─ Un homme et une femme ? reprit Spike. Vous voulez dire qu'à l'origine l'élue n'était pas un privilège réservé aux femmes ?
─ Je l'ai vécu, s'exclama Buffy songeuse. Oui je l'ai vécu. J'ai vu ces trois hommes de l'ombre. Ils ont essayé de me donner plus de pouvoir pour combattre la Force, mais j'ai refusé leur invitation. J'ai vu la manière dont ils s'y prenaient. C'était horrible ! Ce sont eux qui m'ont fait prendre conscience que la Force fomentait une armée de supers vampires à l'époque.
─ Au début certes, ils étaient deux, poursuivit Giles. Mais les émissaires, voyant le succès de l’opération, se décidèrent à en faire une armée capable de tenir tête aux anciens. Cette force nouvelle s’engagea dans la bataille et fit pencher la balance définitivement. Les plus puissants parmi les anciens furent capturés et enfermés dans un lieu tenu secret, un endroit où se trouve le cœur même de la source de la magie sur terre.
─ Le puits sépulcrale, balbutia Spike à peine indiciblement.
─ La Force perdit la guerre, mais les trois émissaires, malgré leurs ordres de ne surtout pas interférer, commencèrent à nourrir des ambitions de conquête. Les puissances supérieures, voyant cela comme la plus grande des trahisons, décidèrent d’agir. Elles envoyèrent le quatrième émissaire, le seul à être resté fidèle à son serment, pour réparer les actes de ses frères déchus. Celui-ci entreprit une mission cruciale : il emprisonna l'essence des tueurs et tueuses dans un artefact, au centre de la terre, là même où les Anciens étaient enfermés. Cet artefact, mentionné dans les textes anciens, porte le nom de Joyaux d'Amtersu, ou quelque chose d’approchant. Je ne suis pas certain de la traduction exacte. Grâce à cette relique, Les trois émissaires rebelles furent bannis dans la dimension la plus infernale qui soit, dans un enfer d’où ils ne ressortiraient jamais, laissant seuls les humains et les descendants des anciens démons peupler cette planète. Cependant, les humains, toujours aussi faibles et en proie à des créatures plus puissantes, continuaient de lutter en vain. Les puissances supérieures, par souci d'équité, décidèrent de préserver le pouvoir démoniaque dans une seule et même personne. L'homme, étant le premier à avoir reçu ce pouvoir, fut considéré comme portant le péché originel et en fut privé. Ainsi, les puissances supérieurs décidèrent qu'à chaque génération, une seule femme issue des deux mondes, celui des humains et celui des démons, aurait pour mission de maintenir l'équilibre. Pour l’aider dans cette tâche, une arme fut forgée dans les entrailles de la Terre, utilisant une infime partie de l'artefact originel. Ta scythe Buffy est issue de cet artefact. Elle contient une part du pouvoir des tueurs et des tueuses de l'époque. C'est pourquoi tu es intimement liée à elle, et qu'elle est liée à toi et aux autres élues.
Buffy et Faith semblaient accuser le coup. Elles venaient de percer le mystère de leur existence et avaient bien du mal à encaisser toutes ces révélations aussi brutalement. Alex, à l'affût de la moindre réaction, se décida à lever la main.
─ Euh je sais pas si je ne parle qu'en mon nom en disant ça, mais je ne suis pas persuadé d'avoir tout compris. Est-ce qu'on pourrait éclairer ma lanterne, parce que là, je suis largué.
─ Moi Giles moi, moi, moi, s’exclama Andrew avec l'enthousiasme débordant d'une puce surexcitée. Je peux lui expliquer si vous voulez. Je crois avoir tout compris !
L’observateur, fatigué à l’idée de tout répéter, invita volontiers le geek à prendre la relève. Ce dernier s'empressa de se mettre en scène devant tout le monde, l'air enjoué. Alex, quant à lui, l’observait avec un mélange de perplexité et de frustration. Comment un être aussi excentrique pouvait-il avoir tout compris alors que lui-même peinait à assembler les pièces du puzzle ? Sur le moment, il s'en trouva fortement rabaissé, mais se fit une raison : après tout, Andrew avait des qualités bien à lui, et on le sous-estimait souvent à tort.
Le conteur, toujours aussi théâtral, prit une profonde inspiration, avant de se lancer dans la fabuleuse histoire qu'il aimait à intituler « le destin de la tueuse au lourd passé, mais pas tant que ça ». Conscient que ce titre, un peu long et peu mélodieux, n’allait pas convaincre, il le changea sur le vif en « l'histoire de la tueuse pour les nuls ». Cette simplification déchaina une tempête intérieure chez Alex qui s’évertua à contenir sa rage face à ce nouveau coup d’éclat d’Andrew.
─ Tout a commencé il y a bien longtemps, dans une galaxie très très lointaine, débuta-t-il avec enthousiasme contagieux. Les forces de la République se trouvèrent confrontées aux forces de l'Empire, luttant pour l'hégémonie de la Terre. L'Empire dominait en envoyant ses Seigneurs Siths sur le champ de bataille, et la République, acculée, perdait du terrain. C’est alors qu’elle décida de faire appel aux chevaliers Jedi, ces gardiens de la paix qui n’avaient aucun attrait pour le pouvoir. Les Jedi, en toute bravoure, réussirent à repousser les Siths et les enfermèrent dans une prison galactique.
Andrew fit une pause dramatique, regardant son public avec un sourire triomphant avant de poursuivre :
…Oh oui, mes amis, ce fut un véritable massacre digne de la grande guerre contre Sauron ! Seulement, certains de ces Jedi furent corrompus par l'anneau maléfique de Sauron et décidèrent de s’emparer du pouvoir, créant une scission dans leur camp. Ce fut l’origine d’une bataille épique qui scella le sort des Jedi renégats. Ces derniers furent envoyés dans la zone fantôme, là où les condamnés de Krypton étaient emprisonnés pour l'éternité.
Le geek fit une nouvelle pause, savourant l’effet de ses propres paroles, avant de conclure avec un ton solennel :
… Finalement, le conseil des bons Jedi prit la décision de quitter la terre, mais pas sans nommer un gardien pour veiller sur l’équilibre. Ce gardien n’était autre que Néo, l'élu, le seul et l'unique, chargé de préserver l'équilibre dans la Force.
Andrew acheva son récit, le regard fier, tandis qu’Alex, un temps réticent, semblait totalement convaincu par cette revisite absurde de l’histoire.
─ Ça parait incroyable dit comme ça, mais je viens de tout comprendre, s'inquiéta Alex. Il doit vraiment y avoir quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi.
─ Quand je disais que tu manquais de culture, le piqua Leïna. Il est temps que je te reprennes en main, ou tu vas finir comme Andrew.
Buffy et Willow arboraient un visage sombre et grave. Inutile pour elles de prêter attention à la version fantaisiste d'Andrew pour saisir l’essentiel : les erreurs du passé avaient été reproduites, tout récemment, en étendant le pouvoir de la tueuse au plus grand nombre.
─ Giles ! trembla Willow. Ça signifie que tout est de ma faute si le monde est en train de vaciller aujourd'hui. On a commis les mêmes erreurs que les trois émissaires, en donnant vie à une armée de tueuses. L'équilibre a été rompu et on est en train d'en payer le prix.
L'observateur retira ses lunettes et porta ses doigts aux plis de son front, massant doucement sa peau, comme pour soulager l’intense réflexion qui le tourmentait.
─ Non, déclara-t-il sans la moindre hésitation. Enfin, nous avons peut-être créé un déséquilibre des forces en utilisant la scythe comme vecteur de magie pour réveiller les tueuses, mais sans cette décision …. sans cela, la Terre aurait été perdue et la Force aurait pu assouvir ses desseins. Nous n'avions pas le choix.
─ Et eux, accentua Buffy, fortement secouée par ces révélations. Est-ce qu'ils avaient le choix à l'époque ? Qu'est ce qui serait de nature à légitimer nos actes si c'est pour condamner les leurs.
Giles se terra dans un mutisme de circonstance. Lui-même avait du mal à concevoir que sauver le monde ait pu être une faute si grave qu'il faille en payer le prix aujourd'hui.
─ C'est des conneries tout ça, intervint Spike avec son habituel franc-parler. Ces satanées Puissances Supérieures se vengeraient parce qu'on a fait leur boulot en sauvant le monde ? Foutaises. Sans Buffy, ce monde serait déjà plongé dans le chaos le plus total à l'heure qu'il est, et la Force se serait déjà matérialisée.
─ Ce n'est qu'une hypothèse, continua Giles en essuyant ses lunettes. Et je doute que les Puissances Supérieures où quoi qu'elles puissent être, raisonnent en termes de bien et de mal. Je pense qu'elles sont bien au-delà de nos préjugés et des valeurs humaines. Si elles raisonnent en termes d'équilibre, alors on ne peut pas nier que nous avons créé un déséquilibre en créant une armée de tueuses qui n'aurait jamais dû voir le jour. Il faut bien avoir en tête que, quel que soit ces puissances, elles n'ont pas hésité à envoyer leurs propres soldats en enfer quand ils ont enfreint leur lois.
─ C'est sûr que c'était équilibré quand on a fait face à des milliers de méta-vampires acharnés, s'insurgea ironiquement Spike. Et si c'est le cas, je ne vois pas ce qu'on a à regretter. On a fait ce qu'il fallait.
─ Je ne prétends pas le contraire, confirma Giles tandis que Buffy faisait les cent pas dans la pièce. J'essaie de comprendre, voilà tout. Quoiqu'il arrive, si les Puissances Supérieures existent réellement et qu'elles ont abandonné la terre, alors cela expliquerait tout ce que nous avons traversé ces derniers temps.
─ Spike a raison, reprit Buffy avec une résolution nouvelle dans la voix. Où étaient les Puissances Supérieures quand la Force s’apprêtait à déferler sur la Terre. Je ne les ai pas vu pointer le bout de leur nez pendant que nos amis tombaient sur le champ de bataille. Elles nous ont peut-être créés mais on ne leur appartient pas. Elles ont choisi d'être de simples observateurs, qu’elles le restent. Nous, on a une terre à protéger.
Dawn, prêtant une oreille attentive à la conversation, fit part de sa réflexion.
─ Les circonstances étaient différentes alors, murmura-t-elle timidement en attirant les regards de ses partenaires. Je veux dire : les Puissances Supérieures ont été trahies par trois des leurs et leurs règles étaient différentes les concernant. Ce n'est pas comparable avec nous. Si le but des Puissances d'en haut était de laisser les humains faire leur propre choix et posséder leur libre arbitre, alors c'est ce que nous avons fait. Nous n'avons pas répété les erreurs du passé.
A mesure de son discours, ses paroles gagnaient en assurance.
…Ces émissaires connaissaient les règles, pas nous. Nous avons fait ce que nous devions et comme vous l'avez tous dit, ce ne sont que des observateurs, les puissances ne sont pas censés s'immiscer dans nos affaires. Si elles ont abandonné, ce n'est pas notre cas et il ne faudrait pas que nous nous trompions de cible. S'il y a un ennemi à vaincre, ce ne sont pas ces Puissances Supérieures mais bien la Force. Elles nous ont légué l'existence, à nous de la préserver.
Buffy ne put s'empêcher de sourire en écoutant les paroles censées de sa sœur. Pour la première fois, elle réalisait à quel point Dawn avait mûri. Jusqu'à présent, elle l'avait toujours considérée comme une enfant, mais ce n'était plus le cas et ce depuis bien longtemps maintenant. Le temps avait fait son œuvre, et trop occupée à jouer son rôle de tueuse, elle n'avait pas remarqué l'évolution de la personne la plus chère à son cœur.
Quelques fois, Buffy se plaisait à fantasmer le chemin qu'elles auraient emprunté en vivant une vie normale. Que seraient-elles devenues, quels métiers auraient-elles exercés ? A quoi aurait ressemblé leur quotidien ? Mais ces réflexions se heurtaient toujours à la dure réalité. Après tout, si elle n'avait pas été la Tueuse, elle n'aurait probablement jamais eu de sœur et serait restée fille unique. Sa destinée lui avait apporté autant de bons que de mauvais moments, et ce constat la ramenait à une vérité simple : elle n’était qu’une fille comme les autres, avec ses joies et ses souffrances.
Alors qu'elle se perdait dans ses pensées, Buffy se surprit à ressasser toute cette histoire de tueuse. Un mot revenait sans cesse dans son esprit, s’imposant à elle comme une obsession.
─ L’artefact... marmonna-t-elle. La scythe... L'artefact... Giles vous avez bien parlé d'un artefact ?
L'observateur sursauta, surpris par la virulence soudaine de la tueuse.
─ Oui l'artefact se trouve selon les textes, au centre de la Terre, là où ont été emprisonnés les anciens. Ce même artefact qui a servi à forger ta scythe. Où veux-tu en venir ?
A l'instant où Giles croisa le regard communicateur de sa protégée, il comprit immédiatement le fond de sa pensée.
… Oh...... constata l'observateur éclairé. Oui tu as raison, ça pourrait être un pari risqué. Ça irait à l'encontre totale des préceptes voulus par les Puissances Supérieures. En même temps, ce serait un atout non négligeable. C'est une idée brillante. Périlleuse, certes, mais brillante. J'adore.
─ On peut savoir de quoi vous parlez ? questionna Willow totalement extérieure à leur raisonnement.
─ C'est simple, expliqua Buffy. Ma scythe et ta magie nous ont permis de créer une armée de tueuse, et comme Giles l'a révélé, cette arme a été forgée avec une infime partie de l'artefact ayant servi à emprisonner l'essence des tueuses et tueurs de l'époque. Cet artefact existe quelque part et contient une puissance capable de vaincre la Force.
La sorcière ne partageait pas l’enthousiasme de la tueuse. D'après son expérience, elle savait qu'une bonne idée mal étudiée et mal anticipée pouvaient causer plus de mal que de bien.
─ Écoutes Buffy, je ne suis pas vraiment certaine que ce soit une bonne idée. En fait, je suis persuadé du contraire. Si des Puissances, dont on n'a pas idée, ont enfermé tout ce pouvoir à l'intérieur, c'est qu'elles avaient leur raison.
─ Oui elles avaient leur raison, acquiesça Buffy... Et nous avons les nôtres. Si ce pouvoir a été enfermé à l'intérieur, c'est qu'il existe un moyen de l'en sortir. Je sais que tu crains une sorte de colère divine, mais les Puissances Supérieures ne réagiront pas. Elles nous ont abandonné à notre sort. Si les tueurs et tueuses de l'époque ont vaincu l'armée de la Force, alors ça signifie qu'ils peuvent nous aider à réitérer cet exploit.
La tueuse prit une profonde inspiration avant de poursuivre, sa voix emplie d’une conviction inébranlable.
… Je sais que ça paraît fou, mais j'ai subis ce qu'ils ont subi. Ils ont été enchaînés comme des bêtes, mais ce ne sont que des humains comme toi et moi, à qui des Puissances ont imposé des pouvoirs démoniaques. Ils n'ont rien demandé à personne. Ce ne sont que des victimes innocentes, punies pour des actes dont elles ne sont pas responsables. Ils ont sauvé leur monde et avec ta magie, ils pourront nous aider à sauver le nôtre.
Elle marqua une pause, laissant ses paroles faire leur chemin dans l’esprit de ses compagnons.
… Je sais bien que c'est risqué, continua-t-elle, mais si nous avons une chance, même infime, de changer les choses, nous devons la saisir. C’est notre carte à jouer, et il est temps de la mettre sur la table.
─ Je déteste quand tu as raison, avoua Willow en esquissant un sourire hésitant. Je t'ai toujours suivie et je ne compte pas t'abandonner aujourd'hui. J'en suis, mais promets-moi de ne pas être trop déçue si ça ne fonctionne pas. Je n'ai peut-être pas le pouvoir nécessaire pour défaire ce qui a été fait. Je ne suis qu'une humaine et eux étaient des Dieux.
Buffy lui sourit avec tendresse et la prit dans ses bras.
─ Quoiqu'il arrive on avisera, mais il faut au moins essayer. Au fait Willow...
─ Oui, qu'est-ce qu'il y a ?
─ Tu sais que je t'aime, avoua la tueuse en restant collé à son amie, joue contre joue.
─ Oui je sais. Je t'aime aussi.
Alex se sentant un peu exclu, trouva bon de les rejoindre et de les entourer de ses bras imposants.
─ Alex tu sais qu'on t'aime hein ? ajouta Buffy, toujours sous le coup de l'émotion.
─ Ouais je sais, et je vous aime aussi les filles. Quoi qu'il arrive, on sera toujours là les uns pour les autres. C'est fou ce que ça m'avait manqué ces petits moments câlins. On devrait remettre ça plus souvent.
Giles et Leïna se tenaient à l'écart et observaient la scène, le sourire aux lèvres. L'observateur posa sa main sur l'épaule de la jeune femme en lui susurrant quelques mots à l'oreille.
─ Au fait félicitation pour toi et Alex. C'est quelqu'un de bien et vous formez un beau couple.
Leïna fit les grands yeux. Elle qui n'était pas très à l'aise à l'idée de lui en parler, venait d'être prise de court.
─ Comment tu as su ?
─ Il n'y a qu'à vous regarder tous les deux pour le comprendre. Et puis je te rappelle que je suis observateur, j'ai l’œil pour ce genre de choses.
─ J’espère que je ne te déçois pas. Je sais ce que tout le monde endure ici et je ne veux pas que tu t'imagines que je ne suis pas à cent pour cent derrière mon travail.
Giles lui caressa la joue en lui portant un regard empreint de tendresse et de fierté, l'un de ces regards que seul un père peut porter à sa fille.
─ Tu ne me décevras jamais. Je te suis depuis ton enfance. Je t'ai vue grandir et devenir une personne admirable. En fait, j'avais peur que tu ne commettes les mêmes erreurs que moi et que tu sois trop sérieuse pour te lancer dans une aventure sentimentale. On vit une époque difficile et si tu ne profites pas de la vie maintenant, quand le feras-tu ? Le travail ne doit pas t'empêcher de vivre pleinement chaque instant. C'est ce qu'auraient voulu tes parents et c'est ce que je veux moi.
La jeune fille se laissa emporter par l'émotion. Elle voulait tellement lui dire à quel point elle le considérait comme son père, mais sa fierté l'en empêcha. Elle se contenta simplement de lui sourire et de se blottir dans ses bras. La tête collée à sa poitrine, Leïna se laissa bercer par les battements de son cœur.
Suite à ce bref répits durant lequel chacun évacua le stress à sa façon, un problème majeur se présenta : il leur fallait désormais découvrir l'emplacement exact de l'artefact en question. Le peu d'indices en leur possession ne jouait pas en leur faveur. La légende le situait quelque part au centre de la Terre, certes, mais ne mentionnait pas le moyen d'y accéder. D'ailleurs, était-ce seulement possible ? Alors que toute l'équipe se trouvait au point mort, Spike se décida à intervenir.
─ Je ne voudrais pas paraître trop optimiste, mais vous avez deux personnes ici qui ont déjà visité le puits sépulcrale, annonça-il fièrement, récoltant les regards médusés de l'assemblée.
─ Que veux-tu dire par puits sépulcrale ? demanda Giles fortement intrigué par cet excès d’enthousiasme.
─ Allons Giles, vous me décevez là. Et vous vous prétendez un observateur de génie ! se moqua le vampire avant de reprendre sur un ton plus sérieux. Vous voulez savoir où se trouve le lieu où reposent les anciens ? Et bien, figurez-vous qu'Illyria est sortie de cette prison, et que j'y suis moi-même allé avec Angel. L'endroit que vous cherchez, c’est le puits sépulcral, et il se trouve en plein cœur de la mère patrie.
─ Tu prétends qu'il existe une entrée menant au centre de la Terre, en Angleterre ? Ça paraît insensé. Il me semble que j'aurai dû être au courant.
─ Ouais, j'ai eu la même réaction, reprit Spike. Mais c'est bien le cas. La dernière fois que je m'y suis rendu, l'entrée du puits était gardée par un certain Drogyn, aujourd'hui qui sait ?
Buffy s'avança et coupa court à la discussion.
─ Angel et toi ? J'ai du mal à vous imaginer tous les deux... Peu importe, on sait où ça se trouve alors qu'est-ce qu'on attend ?
─ L’Angleterre ce n'est pas la porte à côté, remarqua Giles. Il nous faudra prendre l'avion. Si j'avais su, j'aurais économisé un billet.
Willow se fit remarquer en levant timidement la main.
─ Il y a peut-être une solution, dit-elle, comme si elle venait de sortir un lapin de son chapeau.
─ Plus rapide qu'un avion ? s'étonna Spike.
─ Je pourrais créer un portail, reprit la sorcière. Mais pour ça, il va me falloir l'aide d'Illyria. Elle y a vécu pendant des milliers d'années, par conséquent, son essence est imprégnée de cet endroit. Je pourrais essayer de le faire sur toi Spike, mais ça ne fonctionnerait pas. Tu n'y a pas séjourné assez longtemps. Pour ce qui est du retour, je créerais un point d'entrée dans la résidence. Il agira comme une sorte de fil conducteur.
Spike se retourna en direction de la déesse démone.
─ Tu pourrais faire ça pour nous, Illyria ? Je te devrais une faveur. Disons que c'est un prêté pour un rendu.
Le vampire avait appris, en côtoyant Wesley, à comprendre les us et coutumes de l'époque d'Illyria, ainsi que sa façon de fonctionner, aussi s’en servait-il lorsque le moment s’y prêtait. Il détestait avoir recours à ce stratagème, mais il n’était pas du genre à se défiler, et un jour, il lui rendrait la pareille.
─ Si j'avais toujours mes pouvoirs, j’aurais créé un portail moi-même, mais ce n'est plus le cas, raisonna-t-elle frustrée. Faites ce que vous avez à faire, mais n'oublies pas vampire, tu me dois une faveur.
─ Une faveur hein ? remarqua Buffy avec un sous-entendu ne laissant aucune place à l'interprétation.
─ Ce n'est pas ce que tu crois, se défendit-il. Pourquoi, tu serais jalouse ?
La tueuse fit mine de ne rien entendre et s'approcha de Willow afin d'y quérir quelques informations supplémentaires. Voyager à travers un portail, d’accord, mais elle tenait à évaluer les risques et vérifier que tout était en place pour que le voyage se passe sans accrocs.
─ Ok Willow, tu as besoin de quelques chose en particulier ?
─ Non, j'ai retrouvé la totalité de mon pouvoir. Mais ouvrir un portail sur une distance aussi grande ne peut pas se faire aussi aisément. Il y a certaines règles inhérentes qu'il faudra respecter à la lettre. Pour un voyage de cette envergure, pas plus de trois personnes ne peuvent traverser. Au-delà, il y a un grand risque que nos corps se décomposent dans le flux d'énergie, et on n'y survivrait pas.
Cette indication changea radicalement la situation. La tueuse devait choisir minutieusement les accompagnants pour ce voyage périlleux. Elle balaya la pièce du regard, observant chacun des membres de l’équipe. Après un court silence, une personne se détacha du groupe et se porta volontaire.
─ Je viens, s'imposa Spike en fixant Buffy dans les yeux. Je connais déjà les lieux et je veux être à tes côtés. Je ne sais pas ce qu'on y trouvera et si ça dégénère, il faudra quelqu'un pour assurer vos arrières.
Buffy était heureuse de l'entendre. Bien entendu, elle désirait l'avoir à ses côtés, mais elle ne pouvait pas prendre cette décision seule, sans l'accord de la personne l'ayant toujours secondée dans sa tâche. Cette même personne qui, depuis les grandes révélations, s'était réfugiée dans un mutisme de circonstance.
─ Faith, si tu veux venir, cette place est pour toi, trancha Buffy sans l'once d'une hésitation.
─ Non, je passe mon tour pour cette fois. Et puis la magie, c'est pas trop mon délire, je préfères rester terre à terre.
La tueuse rebelle s'était inclinée devant la détermination de Spike. En temps normal, elle n'aurait pas hésité à se plonger au cœur de l'inconnu, mais elle sentait toute l'importance pour le vampire de prendre part à cette expédition, et elle ne voulait pas être celle qui l'en empêcherait. Buffy l'avait bien compris et lui adressa un regard empreint de reconnaissance.
─ Bien, c'est décidé, Spike tu nous accompagnes. Willow, c'est quand tu veux.
La sorcière s'approcha d'Illyria, toujours impassible. Elle prit une profonde inspiration et ferma les yeux en déblatérant des murmures dans un dialecte ancien.
─ Quod aditum reserat ad eum capti vestri gas
A peine eut-elle ponctué son incantation, qu'une énergie lumineuse s'extirpa du corps d'Illyria pour aller se projeter sur un point fixe. La lumière devint de plus en plus vive. Un grondement sourd se fit entendre par bribe avant de se faire plus régulier. Un souffle puissant fit voler papiers, livres et cheveux dans la pièce. Le portail venait de se former. Ne restait plus qu'à entreprendre le grand saut.