Shanshu - La suite des aventures d'Angel et Buffy
Chapitre 4 : Episode 4 - Ce paradis blanc
2934 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour il y a plus d’un an
EPISODE 4 : CE PARADIS BLANC
(Peu avant les événements marquant le déferlement des troupes de Wolfram et Hart sur terre)
L’homme se trouvait seul, perdu dans cette vaste étendue désertique d'une blancheur immaculée, évoquant un paradis blanc. Il était assis sur un fauteuil de cuir beige, dont la présence détonnait grossièrement avec le reste du décor. Le meuble posé là, au milieu de nulle part, semblait provenir d'un autre monde, d’un autre univers, comme anachronique à son environnement. L’espace dans lequel il évoluait semblait froid, vide, sans horizon, sans relief, sans perspective, sans le ciel et sans la terre. Un endroit d’où ne provenait aucune vie ni aucun son autre que ce silence pesant.
Cette personne, posée nonchalamment sur le canapé, portait une veste en cuir beige assortie au divan. Pour le reste, il était vêtu d'un pull noir à col roulé et d'un jean, un accoutrement des plus banales. Sa tenue vestimentaire était la même qu'à l'heure de son trépas, à la différence que ses vêtements apparaissaient intacts, lavés de toutes taches de sang, propres comme s'ils venaient de sortir du pressing.
Wesley n’appartenait plus au monde des vivants et cela ne le perturbait pas. Il s’était éteint dans les bras de Fred ou d'Illyria, il ne savait plus : elle mentait si bien. Il avait senti son âme quitter son corps, puis plus rien, le néant total, avant que la lumière ne réapparaisse. Impossible pour lui de dire s'il se trouvait au paradis, en enfer, ou dans quelque autre dimension. Quoi qu'à y regarder de plus près, l'ambiance semblait plus se prêter aux anges qu'aux démons. Une histoire de couleur. Il avait toujours imaginé l'enfer teinté d'un rouge écarlate, une image profondément ancré dans l'imaginaire collectif, et à laquelle l'ex-observateur n’échappait pas. Il en était convaincu, cette blancheur était trop pure pour l'enfer.
Il se souvenait vaguement de la douleur lancinante du couteau s’enfonçant dans son bas ventre, une souffrance aiguë qui l’avait lentement conduit dans cet autre monde. Tout cela appartenait désormais au passé, et d'ailleurs, il n'en avait gardé aucune séquelle. Quant à la raison de sa présence ici, il l’ignorait, mais les réponses viendraient en temps voulu. Pour l'instant, il se contentait d’attendre.
Ce fauteuil était une aubaine pour faire le point sur sa situation, et puis, après la bataille, rien de tel qu'un peu de repos, fût-il éternel. Wesley ne ressentait ni mal-être, ni bien-être, il était simplement là et il ne l'avait pas choisi. A bien y réfléchir, cet endroit désertique lui rappelait un souvenir qu'il aurait souhaité effacer de sa mémoire : cette fameuse chambre blanche cachée dans les locaux de Wolfram et Hart.
─ Pure coïncidence, pensa-t-il sur le fait.
Venue de nulle part, sans s'annoncer, une étrange et merveilleuse silhouette apparut, telle un ange, devant lui. Sans doute, le plus bel ange de toute la création à ses yeux. Magnifique, comme toujours, elle portait un petit haut de satin noir et une jupe courte, dévoilant ses longues jambes dénudées. Elle s'approcha de lui avec grâce, un léger sourire illuminant son visage de porcelaine.
Elle s'arrêta à quelques pas, le scrutant du regard dans l'attente d'une quelconque réaction de sa part. Celle-ci survint instantanément. Wesley, le visage rayonnant, vivait un instant de pur émerveillement. Son rêve le plus cher venait de se réaliser. Plus aucun doute ne subsistait quant à cet endroit : c'était le bon, celui où les âme sœurs se retrouvaient. La femme qu'il aimait se tenait devant lui, incarnant tous ses espoirs.
Wesley avait toujours éprouvé des sentiments profonds à l'égard de Winifred, et cela, bien avant leur brève idylle. Maladroit comme il l'était à l'époque, il n'avait jamais osé lui avouer ses sentiments. Ce n'est que bien plus tard, lorsqu’ils emménagèrent dans les locaux de Wolfram et Hart, que Fred fit le premier pas. Malheureusement, le destin se montra impitoyable, les séparant brutalement à l'aube de leur relation. Il aura fallu attendre le passage dans l'au-delà pour que ces deux âmes puissent enfin se retrouver et partager les moments si injustement arrachés sur terre.
─ Tu es magnifique, lui avoua-t-il en la dévorant des yeux. Tu l'as toujours été.
Wesley demeura assis, adossé sur son fauteuil, tandis que Fred s'approchait de lui. Sans dire un mot, elle le chevaucha délicatement et glissa tendrement ses doigts fins à travers ses cheveux. Il se laissa faire, sans y opposer la moindre résistance. Quelle sensation exquise que celle de sa peau contre la sienne. Cela lui avait tant manqué. Il jubilait de plaisir. Leurs visages s'épousèrent, se fondant dans un doux baiser. Ressentir la chaleur et l'humidité de ses lèvres lui procurait un sentiment d'extase. L’ex observateur s’enivrait de ce bonheur auquel il avait été si peu habitué.
─ Tu m'as manqué, chuchota Fred à son oreille avant de descendre langoureusement lui embrasser la base du cou.
─ C'est donc cela, en conclut-il. Nous sommes au paradis.
─ Nous sommes où tu veux qu’on soit mon amour. On peut être ici ou ailleurs. On peut être où on a envie. Il n'y a plus aucune limite.
C’est alors que le blanc immaculé de ces lieux s'évapora au profit d’un décor bien plus coloré et criant de vie. Un paysage paradisiaque, digne d’une fable, s’étendait devant eux, beaucoup trop parfait pour être réel. Cependant, les règles qui régissaient le monde d'en bas n'avaient plus cours ici. La réalité se pliait désormais à leurs désirs. C'était leur univers, et ils pouvaient le façonner à leur image.
Ils se retrouvèrent ainsi, sur une île déserte baignée de lumière. Deux astres illuminaient le ciel, tandis que des forêts verdoyantes s'étendaient à perte de vue. À l'horizon, un vaste océan projetait ses vagues en rouleau, écumant le sable humide de ses empreintes blanchâtres et passagères. Les pieds enfoncés dans le sable fin et chaud, les deux amants se faisaient face en se toisant d'un regard amoureux. Le décor n’était pas le seul à avoir changé : leurs vêtements s'étaient également transformés pour s’adapter au cadre, les enveloppant dans des tenues de circonstance. Fred portait une robe légère ondulant sous le vent, et Wesley, torse nu, arborait un pantalon de lin blanc.
─ Peu importe où je suis, tant que je suis avec toi, lui dit-il avant de l'embrasser de plus belle et de la renverser délicatement sur le sable.
─ On le mérite notre bonheur, murmura-t-elle en glissant ses bras autour de son cou, de façon à rapprocher son visage du sien. Toi et moi, on peut enfin être heureux et faire ce que l'on veut. Il n'y a plus rien qui ne soit impossible. On pourrait enfin vivre la vie dont on a toujours rêvé et on pourrait s'aimer à chaque époque.
Le décor changea à nouveau, se pliant à la volonté de la belle. Cette fois-ci, ils se téléportèrent à l’intérieur d’une calèche tirée par quatre chevaux, arpentant les pavés menant au château de Versailles, sur les traces du Roi Soleil. Wesley était attifé d'une perruque d'époque assortie, alors que Fred portait une somptueuse robe de dentelle, ornée d'un corset et d'un bustier des plus élégants. Sa chevelure ressemblait à celles des marquises de l'époque, coiffée de boucles à l’anglaise. Wesley écarta les rideaux de la calèche pour admirer le panorama.
─ La France ? constata-t-il étonné.
─ Oui la France, fit-elle exaltée en tenant précieusement un verre de vin dans sa main. On pourrait visiter tous les pays du monde, et goûter aux plaisirs des sens et des saveurs.
─ Ça ne me paraît pas être une mauvaise idée, acquiesça-t-il en l'embrassant tout en lui subtilisant son verre. En tout cas, pour le plaisir des sens, je ne suis pas contre.
─ Et puis, si la nostalgie nous prend, rien ne nous empêche de nous remémorer le bon vieux temps.
Aussitôt dit qu'ils furent transportés dans une ruelle sombre de Los Angeles. Une dizaine de suceurs de sang leur faisaient face. Fred, munie d'une arbalète, et Wesley, brandissant un pieu, transformaient sans peine leurs ennemis en poussière. Invulnérables dans cet univers, l’issue de la bataille ne laissait place à aucun doute.
─ On pourrait faire ça toute la nuit, dit-elle en décochant une flèche en plein cœur du vampire, sans même lui adresser un regard.
Wesley assena un coup de poing à son adversaire, puis lui planta un pieu dans le cœur avec une facilité déconcertante. Sans attendre, il rejoignit son âme sœur et l'embrassa passionnément sous une pluie de cendres.
… Et après chaque victoire on pourrait faire l'amour encore et encore, lui susurra-t-elle à l'oreille.
Encore une fois, la réalité se plia à la volonté de sa maîtresse. Ainsi, ils émergèrent dans une simple chambre, dénudés sur un lit, témoin bruyant de leurs langoureux ébats. Wesley conservait toujours l'ascendant, alors que leurs corps se mêlaient dans un mouvement rythmé de va-et-vient. La belle poussait des soupirs haletants. Wesley, quant à lui, appréciait chaque courbe de son corps, la chaleur de ses lèvres, le goût de sa langue. Il avait l'impression de revivre. Jamais, de toute son existence, il ne s'était senti aussi accompli qu'à cet instant.
Du moins, c'est ce qu'il aurait voulu ressentir, hélas, l’illusion ne dura pas. Il aurait tant aimé vivre ces moment-là de leur vivant. Les occasions perdues le resteraient sans doute à tout jamais. Alors, avec une lourde résignation, il se leva et se rhabilla.
─ Qu'est-ce que tu fais ? l'interpella-t-elle. Reviens te coucher. Nous n'en avons pas encore terminé…
Wesley ne lui prêta pas l'attention escomptée et continua d'enfiler son pantalon. Il se décida néanmoins à lui adresser la parole.
─ Vraiment…. Tout ce que tu viens de dire, vivre avec Fred pour l'éternité, c'est un doux rêve. Mais dans mon monde, les rêves ne sont pas faits pour se matérialiser.
─ Que veux-tu dire par là ?
─ J'aurais tout fait pour être avec toi, si tu avais été Fred, mais on sait tous les deux que tout cela n'est qu'un mensonge. Tu n'es pas Fred.
La belle ne parut pas troublée par les paroles de l'observateur. Bien au contraire, elle semblait s'en amuser.
─ Quoi ? Tu trouves tout ça un peu trop cliché ?
L'expression de son visage se métamorphosa et la douceur de ses traits laissa place à un regard froid et inexpressif.
─ Cliché ? répondit Wesley. Bien entendu que c'était cliché, mais là n'est pas le problème. Pas une seule fois tu ne les a mentionnés.
─ Alors c'est donc ça. Il ne t'est jamais venu à l'esprit que, pour une fois, je voulais égoïstement profiter de ce moment avec mon tendre amour.
─ Fred n'était pas égoïste, ajouta-t-il avec virulence. Et si tu prétends encore être elle, je me verrai dans l'obligation de te tuer.
L'entité, sous les traits de Fred, se dressa, méconnaissable. Percée à jour, il lui était inutile de jouer la comédie plus longtemps. Aussi ne se força-t-elle plus à parfaire pleinement son rôle. Wesley fut étonné de constater qu'une personne ressemblant trait pour trait à sa bien-aimée, puisse dégager autant de négativité et de noirceur. Un serpent apparut sur le corps de Fred et se mit à onduler lentement le long de ses omoplates.
─ Me tuer ? Toi ? Pauvre mortel, ricana-t-elle en le toisant d’un sourire moqueur.
L'intonation de sa voix changea radicalement.
… Il faut croire que j'ai légèrement sous-estimé ton intelligence, néanmoins tu feras ce que je t'ordonne. Si tu veux revoir Fred, tu n'as pas le choix.
─ Je pense qu'on ne s'est pas bien compris, désapprouva l’ex-observateur.
─ SILENCE ! cria-t-elle.
Le serpent, qui ondulait le long de son corps, s'élança brusquement sur Wesley. Pris au dépourvu, il n'eut pas le temps d'esquisser le moindre geste. La bête disparut sous sa peau, en lui infligeant une brûlure insupportable, comme si on le marquait au fer rouge. La douleur fut si intense qu’il s’effondra à genoux. Les cris de souffrance procurèrent un plaisir sadique à l'entité maléfique.
─ Il me semble que je doive établir une mise au point, annonça fièrement l'usurpatrice. Tu m'appartiens. Je peux faire de toi ce que je désire. Si l'envie m'en prend, je pourrais te faire souffrir pendant une éternité. Tu as signé un contrat, tout comme Fred. Ce que je peux te faire subir vaut aussi pour ta dulcinée. J'ai besoin de toi, mais je peux être magnanime. Si tu fais tout ce que je te demande, alors je pourrais t'offrir ce que tu as toujours désiré : je pourrais la libérer de son contrat et la laisser rejoindre le paradis. Tu la reverrais une dernière fois. Bien sûr, je pourrais te faire endurer mille souffrances jusqu'à ce que tu me supplies d'arrêter mais je n'aime pas ce genre de pratiques.
A la recherche de son second souffle, Wesley avait écouté avec attention la moindre parole de ce monstre, mais la douleur ne l'aidait pas à analyser la situation comme il l'aurait souhaité.
─ Qu'est-ce qui vous fait penser que je vais vous croire ? Je donnerais tout pour revoir Fred une dernière fois, et la savoir libérée de votre emprise, mais je sais aussi déceler la vérité du mensonge. Je ne vous ferai jamais confiance.
L'usurpatrice s'approcha de Wesley, toujours à genoux. Elle lui caressa les cheveux et s'accroupit pour murmurer à son niveau.
─ Tu ne me fais pas confiance et pourtant tu feras ce que je te demande, parce qu'au fond de toi, dans ton petit crâne, tu te dis que s'il existe une infime chance de la revoir, tu la tenteras sans hésiter.
Elle avait raison. Wesley se méprisait d'être aussi faible, mais elle avait su lire en lui comme dans un livre ouvert. Quoiqu'il advienne, il accepterait la proposition et ferait tout pour la libérer de ses entraves.
─ J'accepte, acquiesça-t-il. A la condition qu'il ne lui soit fait aucun mal. Qu'on soit bien clair, c'est non négociable. Elle mérite de connaître la paix. Sa place n'est pas ici, elle ne l'a jamais été.
─ Bien, se contenta de répondre l'entité maléfique. Je suis surprise que tu aies accepté sans même savoir ce que j’attendais de toi. C'est tout à fait comme ça que je les aime, dociles et obéissants.
─ Si on pouvait éviter les sarcasmes, s'irrita l'ex observateur, et si on allait droit au but ?
─ Très bien, comme il te plaira. Ton rôle sera très simple : tu seras l’intermédiaire entre ton ancien patron et moi. Tu n'auras rien d'autre à faire que de lui adresser mes messages. Tu feras tout ce que je t’ordonnerai sans poser de questions, et tu obtiendras ta récompense.
─ Je vois. Vous voulez vous servir de moi comme vous l'avez fait avec Lilah ? Vous connaissez les liens qui nous unissent et vous savez que je suis le seul à pouvoir convaincre Angel.
A peine venait-il de terminer son discours qu'une douleur lancinante le frappa en plein cœur. La souffrance lui semblait décuplée en comparaison de la dernière fois. Une énergie mystique, indécelable à l’œil nu, l'avait foudroyé sur place. La douleur, bien que brève, lui parut durer une éternité.
─ Je pensais t'avoir prévenu : aucune question. Contente-toi simplement de faire ce que je te demande.
Wesley se releva avec difficulté, la défiant du regard. Elle pouvait le faire souffrir autant qu'elle le désirait, il avait déjà connu la mort, et ce n'était plus de nature à l’effrayer. Pour autant, jouer avec le feu ne lui serait d’aucune utilité.
… Bien, continua-t-elle. Maintenant que tu sembles avoir compris où était ta place, il est temps de te trouver une tenue. Après tout, tu représenteras Wolfram et Hart. Il est important de soigner ton image.
Subitement, Wesley se découvrit vêtu d’un costume deux pièces taillé sur mesure, avec une cravate assortie. La preuve, s'il en fallait une, qu'il se trouvait du mauvais côté de la balance. Il réajusta ses lunettes.
─ Je ferai ce que vous voulez, mais que ce soit clair, si vous ne tenez pas vos engagements, je trouverai un moyen de vous détruire. Et encore une chose, je ne trahirai jamais Angel, alors n'y comptez pas. Je garde mon libre arbitre.
─ Bien sûr, tout cela va de soi, ricana-t-elle. Puisqu'on est d'accord, ta première mission t'attend.
C'est alors qu'un halo de lumière apparut, ouvrant une sorte de portail. Wesley le traversa, et ne fut pas étonné de découvrir sa destination : cette fameuse ruelle aux pavés ensanglantés. Pour l'heure, il lui fallait stopper l'Apocalypse.