Shanshu - La suite des aventures d'Angel et Buffy
Chapitre 2 : Episode 2 - Le sens de la mission
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EPISODE 2 – LE SENS DE LA MISSION
Angel, Spike et Illyria, se retrouvèrent devant la palissade de l’hôtel Hypérion. Ils avaient au préalable pris congé de Connor, parti rejoindre ses parents adoptifs, et de Gunn, vidé de son sang et transféré en urgence à l’hôpital. Angel s’était assuré de le laisser entre de bonnes mains après avoir échangé avec le médecin en charge. Le vampire s’était entretenu longuement avec l’homme en bleu qui avait pris le temps de le rassurer avec ces quelques mots :
─ Il va s’en sortir, mais il aura besoin de beaucoup de repos.
Bien évidemment, Angel avait dû se justifier de la situation en inventant une histoire rocambolesque, narrant les raisons à l'origine de telles blessures. La chute dans l’escalier avait été un temps étudiée mais il s’en était abstenu avec raison. Selon le dicton « plus c’est gros, plus ça passe ». Sur ce coup, il paraissait évident que ça ne passerait pas du tout. Le ténébreux avait justifié tout cela en prétextant une attaque canine. Finalement, son histoire s’était avérée proche de la réalité, et quelle meilleure justification qu’une vérité maquillée pour clore le sujet tout en ménageant sa conscience.
Ainsi, ils se tenaient là, devant la porte de ce gigantesque bâtiment de cinq étages, dont l’architecture ancienne en forme de U conférait un certain cachet à l’ensemble. Situé en bordure de route l’immeuble était facilement accessible pour quiconque désirait s’y aventurer. Naturellement, Angel était le seul à en posséder la clé.
L’hôtel Hypérion avait une histoire somme toute fascinante. Le ténébreux y avait séjourné au milieu du 20ème siècle, en 1952, date à laquelle il avait prêté main forte à une femme de l’époque. Cette dernière fut contrainte de rester prisonnière à l'intérieur de la bâtisse, des décennies durant, hantée par un démon qui était resté maître des lieux, jusqu’à ce qu’Angel et son équipe ne le délogent et prennent possession des lieux pour en faire leur quartier général.
L’équipe avait dû déménager à contre cœur pour s’en aller rejoindre le cabinet d’avocat, mais le vampire n’avait pas délaissé les locaux pour autant. Il s’était servi des ressources financières de la firme pour préserver le bâtiment et le garder en résidence secondaire, en cas de coup dur. Grand bien lui en a pris, considérant l’apocalypse et leur récent bannissement des locaux de Wolfram et Hart.
Angel fut submergé d'une véritable appréhension à l’idée de franchir les portes d’un endroit regorgeant de tant de souvenirs, parmi lesquels ceux de ses amis disparus beaucoup trop tôt. Il se remémorait encore les sourires de Cordelia, Wesley et Fred, ainsi que ce bonheur, cette joie d’être ensemble et de vivre toutes ces aventures à leurs côtés. Certes, les moments difficiles avaient été nombreux mais étrangement, avec le temps, même les mauvaises expériences semblaient aujourd’hui se transformer en merveilleux souvenirs, des trésors préservés dans un recoin de sa tête pour l’éternité.
Le vampire se résigna finalement à pousser la lourde porte et à pénétrer les lieux qui, à première vue, n’avaient pas changé d’un iota. Tout était resté comme il l’avait laissé, un peu comme un vieux tableau poussiéreux. Spike et Illyria restèrent bouche bée devant l’immensité de l’espace intérieur. Ils apprécièrent tout particulièrement le charme vieillissant mais tellement attrayant de ce genre d’endroit, suintant à travers son architecture et ses parois, les vestiges d'une histoire ancienne.
─ Ben dit donc ! s’émerveilla Spike en scrutant les lieux. Non mais t’as vu la baraque ? Monsieur ne se refuse rien. Et dire que tu ne voulais même pas me refourguer un bureau. Espèce de sale radin.
Le hall était immense, reluisant d'un parquet bleu teinté d’orange. Au fond de la pièce, deux longs escaliers tapissés de rouge desservaient de part et d'autre, les étages supérieurs composés essentiellement de chambres. En contrebas de ces escaliers, une porte donnait accès à un patio à ciel ouvert, dans lequel se dressait une petite fontaine surmontée d’une statue représentant une femme portant une jarre.
D'un vif regard, le vampire considéra ces meubles, révélant chacun à leur façon un pan de son existence. Sur sa gauche, il retrouvait ce grand comptoir de bois vernis recouvert de toiles d'araignées et le souvenir vivace de ces longues soirées en compagnie de ses amis, à attendre que le téléphone sonne. Enfin, au centre de la pièce trônait ce fauteuil circulaire dont le dossier arrondi, en forme de sombrero, permettait de s’y reposer après les fins de missions difficiles. Balayant ses souvenirs, le ténébreux alla rejoindre le centre de la pièce pour faire face à ses convives.
─ Voilà, on y est. Vous êtes ici chez vous, fit-il en ouvrant les bras en guise de bienvenue avant de s’affaler sur le fauteuil. Il y a des chambres à l’étage si vous voulez vous reposer.
Spike, de son côté, semblait accuser le coup. Une fois la surprise de la découverte dissipée, les sombres pensées reprirent le dessus. Cette défaite le rongeait de l’intérieur et il ne se trouvait pas à sa place dans cet endroit dont il n’avait jamais foulé le seuil jusqu'alors. Il se sentait impuissant, inutile, un peu honteux d’avoir été épargné par ses adversaires.
Illyria, quant à elle, inspectait la pièce avec une minutie presque surnaturelle. Elle scrutait les formes et les objets avec une attention et un intérêt tout particuliers. Sa psyché percevait des ondes invisibles à l’œil nue, comme si chaque parcelle de ce lieu résonnait avec sa sensibilité à fleur de peau. Elle se sentait possédée par cet environnement qu’elle découvrait pour la première fois, mais qui, malgré tout, lui semblait fortement familier. Ce sentiment de déjà-vu la tenaillait jusqu'à la nausée.
─ C’est étrange, remarqua-t-elle décontenancée. Cet endroit… j’ai l’impression de le connaître et pourtant, je peux affirmer ne jamais y avoir mis les pieds.
Angel, épris d’une profonde tristesse, fit immédiatement le lien avec le réceptacle de la déesse démone. Celle qu’il avait toujours cherché à protéger et qu’il considérait comme sa petite sœur : Winifred BURKLE. Dans les dires de la démone, il y interpréta comme une étincelle subsistante, une bribe, un écho du passé, une petite voix venue lui murmurer « je ne suis plus de ce monde, mais je veille encore sur vous. »
Le ténébreux chassa cette pensée trop idéaliste pour se raccrocher à la seule vérité qui soit : Fred n’était plus de ce monde, et il en portait la lourde responsabilité.
Spike, parvenu aux mêmes conclusions, baissa la tête de dépit et poussa un soupir qui en disait long sur son état d’esprit. Il se retrancha aussitôt dans un coin de la pièce, tournant le dos à ses comparses, trop fier pour étaler sa tristesse.
Le vampire ne l’avouerait jamais, mais il avait appris à apprécier la vie avec Wesley, Gunn et surtout Fred. Cette dernière avait déployé des efforts considérables pour le rendre matériel lorsqu’il hantait le cabinet maléfique sous les traits d’un fantôme. Fred lui avait tendu la main sans même le connaître et sans ne jamais rien attendre en retour. Grâce à elle, il s’était senti accepté, assez pour intégrer l’équipe.
S’il le pouvait, il n’hésiterait pas une seule seconde à offrir sa vie en échange des leurs. Depuis son retour parmi les vivants, il avait toujours considéré cette deuxième chance comme un bonus, un sursis, en attendant que l’enfer ne vienne reprendre ses droits. Sur le moment, l’enfer lui semblait préférable à la perte de ses compagnons.
─ Est-ce possible que cette enveloppe ait déjà habité ces lieux ? interrogea Illyria. Des souvenirs que je n’ai pas vécus refont surface par étincelle dans ma tête. Je ressens des choses qui devraient être impossibles. Cet endroit en est imprégné et je ne peux pas le maîtriser, ça déborde de tout mon être.
La démone se tint la tête entre les mains, submergée par le flot incessant de visions qui l’assaillaient de toutes parts. Heureusement, la folie ne fut que passagère et elle parvint à reprendre le contrôle de son esprit en s’efforçant d’ignorer les éléments susceptibles d’éveiller des souvenirs qui ne lui appartenaient pas.
Pour Spike, c’en était trop. La tristesse se métamorphosa en colère, et dans un excès de rage, emporté par un instinct primal, il asséna un puissant coup de poing dans le mur, qu’il pénétra sans rencontrer de résistance. Le fracas alerta Angel et Illyria qui le dévisagèrent aussitôt. Le vampire extirpa son poing, immaculé de sang. Le coup avait été si violent que ses jointures s’étaient éraflées contre l’effritement de la cloison en pierres. Spike fit volte-face et se retourna en direction d’Angel, le toisant d’un regard noir.
─ Et maintenant ?
─ Quoi, et maintenant ? lui rétorqua Angel en feignant l'ignorance.
─ Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? insista-t-il, peinant à maîtriser une agressivité débordante. Après tout, tu es le roi des bonnes idées non ?
Angel n’appréciait pas la tournure que prenait cette discussion. Tous attendaient de lui des réponses qu’il n’avait pas. Totalement démuni, le ténébreux ne se trouvait pas en mesure de formuler une seule pensée cohérente. Tout était trop récent, trop compliqué. Il ne se sentait plus en état de batailler. Quelques gouttes de sueur suintaient le long de son front. Son corps semblait subir une sorte de contre coup.
─ Je pense que le mieux pour nous tous c’est de se reposer, proposa Angel au teint blafard bien plus accentué que d’ordinaire. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire pour le moment.
─ Se reposer ? s’indigna Spike en applaudissant. Bravo, quelle perspicacité ! Le grand chef veut se reposer. T’as raison, et pourquoi pas boire le thé aussi, avec des petits gâteaux, pour passer le temps.
─ Si tu as quelque chose à me dire, vas-y. Je suis tout ouïe. Déballe ton sac.
─ T’en fais pas, je vais pas me gêner. Tu as fomenté tout ça. C’était ton idée d’aller foutre un coup de pied dans la fourmilière. C’était ta grande révolution, et résultat des courses, on a perdu Wesley, Fred n’est plus de ce foutu monde, et Gunn est passé à ça d’aller les rejoindre. Et tout ce cirque pour quoi ? Tu peux me dire ce qu’on y a gagné, à part le droit de rentrer la queue entre les jambes ? Et maintenant tu nous demandes d’aller nous reposer comme si de rien n’était ?
Spike nourrissait une rancune tenace envers Angel, le tenant responsable de l'avoir façonné à son image. Il y avait toujours eu cette forte rivalité entre eux, du temps où ils n’avaient pas d’âme, et cela ne s’était pas arrangé depuis. Leur histoire d’amour commune avec la tueuse n’avait pas œuvré à apaiser les tensions. Les rancœurs s’étaient calmées un temps, leur permettant de travailler de concert, dans un but commun, mais cette trêve restait fragile et le moindre échec offrait l’occasion de réveiller les ressentiments enfouis. Les deux immortels ne s’appréciaient pas et voyaient l’un dans l’autre le miroir d’un douloureux passé qu’ils désiraient oublier.
Angel se leva du fauteuil dans un mouvement brusque et haussa le ton en répliquant aux accusations de son rival.
─ Parce que tu crois que j’ai voulu tout ça ? Je n’ai forcé personne à me suivre. Je vous ai laissé le choix et si mes souvenirs sont bons, tu as été le premier à lever la main quand il s’agissait de voter. Tu veux que je te remémore tes paroles ? « On les tue tous, pas de quartier…enfin de la vraie baston ». La vérité, c’est que tu n’étais pas le dernier quand il s’agissait de vouloir passer à l’action. Et maintenant tu me reproches de vous avoir impliqué là-dedans ? Si tu étais honnête avec toi-même, tu reconnaîtrais que c’était ta volonté. Tu n’as jamais eu besoin de mon avis pour prendre tes propres décisions. Il serait temps de les assumer.
Spike s’approcha d’Angel d’un pas décidé, avec la ferme intention d’en découdre verbalement.
─ Tu l’as dit. J’ai décidé de te suivre et c’est une erreur que je ne referai plus. C’était tout simplement du suicide. Ils n’avaient pas à en payer le prix.
Les deux vampires se faisaient face dans une tension à couper au couteau. Illyria, restée en retrait, observait la scène sans intention d'interférer. Elle considérait cette lutte parfaitement inutile.
─ C’était la seule solution, reprit Angel. On n’avait pas le choix, il fallait agir. On avait perdu Fred et on allait tous y passer tôt ou tard. Soit on se battait, soit on attendait patiemment de se faire dévorer par la bête. L’erreur, je l’avais commise en acceptant de prendre les rênes de Wolfram et Hart et j’en paye le prix tous les jours. Mais on ne pouvait pas rester les bras croisés, à se laisser manipuler. C’était le bon moment pour agir, pour leur prouver qu’on ne leur appartenait pas et qu’ils ne pourront jamais nous contrôler, qu’on a encore notre libre arbitre. On n’était pas censé détruire les associés principaux. On était tous conscients de ce qu’on risquait. C’était un voyage sans retour.
─ Ouais, ben il est là le problème. On est encore là et rien n’a changé : Wolfram et Hart et leur foutu cabinet existeront toujours d’une manière ou d’une autre. Sans parler des membres de l’Aiguille Noire qui ne tarderont pas à être remplacés. Alors, dis-moi, donne-moi une raison à tout ça, à quoi ça a servi ?
Le ténébreux ne trouva rien à répliquer. Il n’en voulait pas à Spike pour sa franchise. S’il y avait une personne à blâmer, c’était lui-même. Il devait bien l’avouer, son rival disait vrai. Rien n’avait changé. Le monde continuait de tourner et le mal, de prospérer.
Épuisé par cette confrontation épidermique, il alla se rasseoir sur le fauteuil, recroquevillé sur sa personne, la main posée sur son front, comme pris de maux de tête. Spike, voyant son rival baisser les bras, y trouva là l’occasion de s’apaiser.
─ C’est quoi la suite des événements ? continua-t-il. On attend des nouvelles du fantôme de Wesley ? Soit dit en passant, envoyé par Wolfram et Hart dans le but bienveillant de nous narguer.
─ Il ne s’agit plus de réagir. C’est fini, avoua Angel résigné. On les a défiés et ils ont gagné. On ne pourra jamais les vaincre. Ils sont immortels et ne se matérialisent même pas dans cette dimension. Quoiqu’on fasse, ils existeront toujours d’une manière ou d’une autre. On a fait tout ce qu’on a pu. Pour moi ça s’arrête là. Je me retire de tout ça. C’est terminé. Libre à vous de faire ce que vous voulez. J’ai pris ma décision et elle est irrévocable : j’abandonne. Il faut savoir perdre.
La démone manifesta un regain d’intérêt à la discussion en découvrant la mine déconfite du ténébreux. Elle qui évoluait dans un monde et dans une guerre qu’elle n’avait pas choisie, se demandait ce qu’il adviendrait de sa personne s’ils abandonnaient la lutte. Sans repère ni objectifs, elle se sentait perdue. Tout ce qu’elle avait fait jusqu’à présent, c’était suivre Wesley. Maintenant qu’il n’était plus là, elle se retrouvait complètement démunie et seule. Néanmoins, sa fierté l’empêchait de se confier sur ses propres peurs. Ayant passé toute son existence à maquer ses faiblesses et à vivre dans le déni des autres, Illyria resta figée, incapable d'exprimer son profond mal être. Perdue dans ses pensées, elle se sentait faible et résignée, bien trop dépendante des choix des autres.
La déclaration du ténébreux laissa à Spike un goût amer. Les deux vampires avaient une façon de réagir diamétralement opposée. Tandis qu’Angel semblait trop meurtri pour continuer le combat, Spike, de son côté, ressentait le besoin d’en découdre et d’aller de l’avant.
─ Ça ne m’étonne pas de toi, persista-t-il avec force, et c’est ce qui fait toute la différence entre nous : tu es trop lâche pour lutter, mais c’est pas mon cas.
─ Eh bien, vas-y ! Qu’est-ce que tu attends ? Je ne te retiens pas. Si tu veux mener ta propre bataille, fais-le. Sois le grand héros qui sauvera le monde, ironisa Angel.
─ Ça t’embêterait hein, que je sois l’élu, le vampire avec une âme qui sauvera le monde ?
─ 0u qui le détruira. La prophétie ne mentionne pas dans quel camp sera l’élu.
─ En tout cas, il est clair que ça ne sera pas dans le tien.
─ Il n’y a que ça qui t’intéresse, courir après un destin qui a été monté de toute pièce. Si c’est ce que tu veux, alors je vais te rassurer : je ne suis plus en course. Pour ce qui est de la prophétie, elle est toute à toi. J’y ai renoncé en signant un bout de papier.
Étonné par les dires du ténébreux, Spike n’en tint pas compte.
─ Prophétie ou pas, ça ne change rien au fait que je ne me laisserai pas manipuler par telle ou telle puissance, ni par toi. Tu veux abandonner ? C’est dans ta nature, ça l’a toujours été. Quand les choses s’enveniment, tu quittes le navire comme le rat que tu es. Tu as quitté Buffy alors que moi je suis resté à ses côtés. Ton âme, on te l’a imposée, moi je suis allé la chercher. Je me suis battu pour l'avoir sans attendre qu'on me l'apporte sur un plateau. Si tu veux rester là à te morfondre, alors fais-le. Il est temps pour moi de voler de mes propres ailes. C’est ce que j'aurais dû faire il y a longtemps.
Angel se refugia dans un mutisme de circonstance. Il aurait pu répliquer et expliquer à Spike combien il se trompait, mais il n’en trouva ni la force, ni l’envie. Peut-être, était-ce mieux ainsi. Après tout, son rival ne pouvait bien évidemment pas le comprendre. Pour cela, il aurait fallu que Spike ait suivi le même parcours, consenti aux mêmes sacrifices, et dans ce domaine, le blond n’était encore qu’un novice. Angel traînait derrière lui une longue expérience de combats ininterrompus, comme autant de liens brisés et de fardeaux à porter.
Il aurait tant voulu lui dire à quel point il était difficile d’être un leader, d’être celui qui prenait les décisions et qui devait les assumer, et lui avouer que la perte de ses amis, de sa famille, lui était insupportable. Spike ne les avait côtoyés que brièvement, comment pourrait-il comprendre ? Alors il se tut, le regard éteint, fatigué, éreinté, n’aspirant qu’à se laisser aller, fermer les yeux et tout oublier, ne serait-ce que pour un instant, un instant seulement.
Illyria, en observant le ténébreux, sembla intriguée.
─ Tu ne sembles pas au meilleur de ta forme, vampire. Je peux le ressentir.
─ Laisse-le bouder dans son coin, enchaîna Spike avant de porter son attention sur elle. Au fait, ça te brancherait de me suivre et de continuer la lutte ? A moins que tu préfères rester là à attendre que le temps passe ?
La déesse démone fut perturbée par la demande inattendue du vampire. Elle s’inquiétait, bien malgré elle, pour le ténébreux, mais continuer la lutte constituait sa seule raison d’être.
─ Suis-le, ordonna Angel en décelant une pointe d’hésitation dans son regard.
Spike se tenait devant la porte d’entrée, prêt à quitter les lieux. Mais avant cela, il attendait impatiemment la réponse de la déesse démone. Celle-ci s'accorda un instant de réflexion avant de se décider.
─ Saches que je n’ai pas l’intention de suivre qui que ce soit, affirma-t-elle. Je décide de mon propre combat. J’ai bien l’intention de faire payer au Loup, au Cerf et au Bélier ce qu’ils nous ont fait subir au centuple. J’écraserai leurs misérables carcasses et je me repaîtrai de leur sang. Moi, Illyria, démon du Primmordium, j’en fais le serment, et j’accepte donc de prendre le vampire avec moi.
─ C’est bien trop d’honneur votre majesté, ironisa Spike en ouvrant le battant de la porte tout en se grillant une cigarette.
Illyria franchit le seuil, alors que Spike, expirant un bouffée de fumée, jeta un regard en arrière vers le vampire taciturne. Une légère gêne l’envahissait, conscient de la dureté de ses paroles, mais il n’avait jamais su se contenir face au ténébreux. Il aurait souhaité s’excuser. Il en était viscéralement incapable, aussi y renonça-t-il en claquant la porte, laissant son rival seul habitant de ce vaste hôtel.
Angel demeurait affalé sur le fauteuil, confronté à sa solitude, le visage marqué par l’apathie et le désespoir. Il n’en voulait pas à ses partenaires de l’avoir abandonné puisque c’était là sa volonté. Il n’avait rien fait pour l’empêcher, trouvant même une certaine complaisance à ne plus décider du sort d’autrui. Désormais, il irait seul au-devant de la mort, sans y impliquer les personnes qui comptaient pour lui.
Un bourdonnement pressant résonnait dans son oreille interne. Un léger tremblement parcourait ses membres, suivi d un vertige. Dormir, il lui fallait dormir, s’étendre de tout son long sur le sofa, pour ne plus penser, ne plus exister. Son corps était lourd et son sommeil le serait tout autant.