When in Rome
Chapitre 51 : Un simple écho dans l'univers
3675 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 18/07/2021 11:41
Chapitre 51 Un simple écho dans l'univers
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Spike n'aimait pas Angel. Il ne l'avait jamais aimé et il ne l'aimerait jamais. Ça n'empêchait pas qu'il était à peu près de sa famille, depuis des décennies. Quand il était encore Angelus et lui un « jeune » vampire, Spike le haïssait parce qu'il ne pouvait pas le mépriser autrement qu'en secret. Maintes fois, il avait souhaité qu'il disparaisse et ourdi des plans pour que ça arrive très concrètement. Drusilla s'y opposait toujours.
Ensuite, quand il avait su que son aîné avait été affaibli par une âme qui en avait fait une lavette, il ne s'était pas privé. Bien ultérieurement, quand Spike avait reçu la sienne en étant victime non d'une malédiction mais d'un jeu de dupes, il avait davantage compati sans le dire, parce qu'il voyait mieux le genre d'effet que ça produisait sur l'esprit, la gorge, les tripes...
Mais cette prophétie Shanshu – qui n'était même pas chinoise ! –, c'était un piège à cons. Il était bien placé pour savoir que dès que les Puissances étaient impliquées, il y avait toujours une entourloupe. En compulsant les notes de feu Weasley, Willow relevé que « shanshu » ça pouvait tout aussi bien pouvoir dire « mort » que « guerrière » … Vachement précis, le hongrois médiéval !* Et ce gros couillon d'Angel qui n'espérait rien d'autre que de se voir garantir de redevenir humain, avec une ardoise vierge, amnésique de tout et surtout de ses crimes ? Cette blague ! En plus, ce qui était écrit, c'était que ça s'adressait au « vampire avec une âme ». Mais à ce compte-là, comment Angel pouvait-il être sûr que ça le concernait bien ? Il n'avait plus le monopole…
Spike se redressa un peu, ferma les yeux et tapa trois fois sa tête contre la cheminée.
La réponse était facile. Ça concernait Angel parce que lui-même n'en voulait pas du tout et lui laissait volontiers le « cadeau ». A tous les coups, ce crétin mourrait et finirait quand même dans un enfer quelconque. Ce n'était pas parce qu'il ne se souviendrait pas des meurtres qu'il ne les aurait pas commis !
Sans qu'il puisse en être vraiment sûr – car Buffy n'avait jamais été bien loquace dans ses « visitations » – Spike se doutait que le repentir était le levier qui soulevait le monde de l'au-delà. Or l'oubli ne permettait pas de se repentir. Il ne comprenait pas qu'Angel n'en soit pas venu à cette déduction tout seul. L'un comme l'autre avaient pourtant passé des années en enfer où le temps faisait du surplace. Un lieu charmant, où tout était fait pour rappeler aux pensionnaires que c'était trop tard pour se racheter. Quelqu'un y avait bien amélioré la loi du Talion. On leur rendait tout le mal qu'ils avaient fait aux autres… avec les intérêts.
Mais peut-être Angel tenait-il à ce Shanshu parce qu'il avait tout vu, tout fait et tout tenté. La seule expérience dont il n'avait finalement pas beaucoup profité, ça avait été d'être humain.
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Clôturée par un minuscule rebord et hérissée de quelques cheminées larges comme celles d'un paquebot, la surface plane du toit s'étendait sur une cinquantaine de mètres carrés. Un petit crissement sur les fins grains de sable disséminés lui fit dresser l'oreille et rouvrir les paupières à demi. Près d'un gros climatiseur ronflant, il distingua une courte silhouette accroupie, ensevelie sous diverses épaisseurs de tissu, avec une grosse capuche qui lui recouvrait la tête. Circonspecte, elle semblait examiner le téléphone qu'il avait balancé à l'instant.
— Hey, toi ! Lâche ça. C'est pas à toi.
Le bibendum de chiffon se releva tout de suite pour aller se cacher sur un toit voisin, empruntant une mince passerelle faite d'une simple planche qu'il retira ensuite. Spike leva les yeux au ciel. Ce rase-moquette n'avait pas la moindre idée de la facilité qu'il aurait à bondir pour le rejoindre. Comme il se pensait protégé dans l'ombre, l'alien s'était assis en tailleur, scrutant sans rien dire l'objet mystérieux posé à plat sur sa main gantée d'une mitaine.
— Ne m'oblige pas à venir le chercher. Envoie-le-moi et je serai clément.
La capuche trop grande s'agita latéralement en marmonnant quelque chose d'inaudible car il avait le vent de face. Un instant plus tard, le vampire crut que l'objet allait finir par terre à force d'être secoué vigoureusement.
— Qu'est-ce que t'as dit ? J'ai l'impression que les machins traducteurs sont en rade. Répète ?
Comme l'individu n'obtempérait pas, Spike se releva et, en un clin d'œil, réduisit à zéro la distance entre lui et le bord du bâtiment.
Le petit bonhomme fourra le communicateur dans un trou de sa parka, sauta sur ses pattes et courut pour aller se cacher derrière une construction dotée d'une porte sans doute l'accès à un genre d'escalier de service par lequel il avait dû passer pour venir.
Avec un sourire peu rassurant, Spike sauta dans le vide en direction du toit de l'immeuble d'en face et marcha droit sur le voleur entêté. Sans chercher à l'atteindre directement, il fit le tour de la petite tourelle carrée, anticipant que le nabot allait plutôt essayer de rester diamétralement opposé à lui pour se protéger. Une fois devant la porte d'accès, Spike se contenta de s'appuyer sur sa surface érodée, bloquant ainsi toute retraite par ce biais. La petite créature comprit qu'elle avait fait une erreur en butant à moitié sur le vampire qu'elle pensait toujours en mouvement.
— J'ai dit : rends-le. Comprende ?
Que ce soit parce qu'il n'avait pas compris ou qu'il ne voulait pas le rendre, Capuchon secoua frénétiquement la tête et détala. Quand il fut rattrapé et bloqué par une clé de bras, le petit corps se trémoussa dans tous les sens en essayant vainement de filer des coups de coude ou de lui marcher sur les pieds pour le faire lâcher. Finalement, la remuante créature leva les bras en l'air et se laissa tout bonnement glisser par le bas de son infâme manteau trop grand. Puis, elle se carapata droit devant, abandonnant son vêtement sans un regard en arrière.
Deux bras, deux jambes : Spike ravisa son jugement. Ça ressemblait finalement plutôt à un gamin frileux qui aurait porté toutes les fringues qu'il avait sur lui… Somme toute indifférent, le vampire le laissa aller, préférant lui faire les poches pour retrouver son bien.
Au loin, il vit le petit s'essuyer le visage en crachant avec indignation comme si c'était lui qui avait été floué :
— Mais tu l'as jeté !
Spike opina car c'était indéniable. Comme le mioche avait l'air de greloter, il lâcha son oripeau par terre, dans l'idée que son propriétaire n'aurait qu'à le reprendre ensuite.
— Ça ne t'aurait servi à rien de toute façon, dit-il en se détournant pour vider les lieux.
Mieux valait changer de coin, si on ne pouvait même pas jeter ses trucs parce qu'on était énervé de la poisse qui collait à sa non-vie, sans se faire dépouiller dans la minute par des pilleurs aux aguets…
Il songea à se rendre à la décharge, hors de la banlieue et de sauter par-dessus la grille pour avoir enfin la paix. Non seulement la toxicité ne lui ferait rien, mais en plus ça empêcherait Shrek, Capuchon et n'importe quel autre emmerdeur de venir lui briser les noix pendant sa déprime… Derrière lui, la voix du gamin s'éleva, à la fois hargneuse et désespérée :
— En tous cas, je sais que ça vaut surement cher. Ça m'aurait rapporté de quoi manger pendant longtemps. Maintenant je vais mourir de faim !
— C'est ça. Eh bien, je suis pas l'Armée du Salut… Y sont où tes parents ?
— Partis !
Spike se retourna à demi et baissa la tête avec un gros soupir de lassitude. Il voyait déjà comment ça allait finir.
— Partis-partis ou morts ?
Le mouflet baissa la tête, puis estimant la distance entre eux suffisante, il revint vite chercher son manteau. Sans dire un mot, il passa d'abord les manches et s'employa à refermer tous les boutons et zips divers. Avant de réajuster sa capuche, il glissa une écharpe en dessous pour se protéger les oreilles et les joues. Quand il fut bien calfeutré, il ramassa un bout de tuyau de ferraille par terre, et puis s'éloigna en traînant les pieds.
Spike le regarda faire, en fronçant des sourcils mécontents. Il poussa à nouveau un profond soupir impatienté et revint sur ses pas.
— Eh, toi là. Réponds. Pourquoi t'es tout seul ?
— Parce que j'ai eu cent cycles, alors je dois me débrouiller.
Le vampire émit un sifflet étonné et dubitatif.
— Cent ? Mon petit vieux, tu les fais pas… Alors qu'est-ce que t'es censé faire maintenant ? Trouver un boulot, payer tes impôts et te marier et copuler avec madame pour accroître la main d'œuvre bon marché ?
Le « petit vieux » lui jeta un regard de travers et ne répondit pas. Arrivé au bord du toit, il glissa son tube de métal contre lui, enjamba et se servit de la gouttière pour redescendre dans la rue, En bas, il faisait attention où il mettait les pieds, car la chaussée était couverte de saloperies diverses, allant du papier gras, aux restes de nourriture, quand ce n'était pas un dépotoir pur et simple.
— Et… tu peux pas te trouver un petit job ? continua l'assistant social réticent.
Levant la tête pour le regarder, l'enfant grimaça impatiemment à son tour.
— Merci du conseil ! J'en ai deux, espèce de débile à cheveux jaunes ! Jaunes et… et… ridicules !
Spike esquissa un sourire en coin. Vanner était son sport favori. Il se laissa tomber au sol sans le moindre bruit, pile à côté du petit. Ce dernier plissa les yeux avec une expression difficile à déchiffrer, entre le dédain, l'envie et une pointe… d'admiration ?
Autour d'eux, personne ne semblait l'avoir vu sauter de deux étages, l'indifférence générale était remarquable.
— Ah ouais, deux ? commenta-t-il négligemment. Et tu bosses dans quoi ?
— Qu'est-ce que t'en as à faire ? Ça t'intéresse maintenant ?
— Bah… ouais. « Souvent vampire varie. »**
Boudeur, le petit fit une tête encore plus renfrognée que celle d'Angel, ce qui n'était pas peu dire. Il haussa les épaules et lâcha du bout des dents :
— Dans la journée, je suis grouillot pour le patron lagosien qui vend à manger sur l'étal qui est face à ton usine. Je prépare les pains à la viande. Et avant que tu demandes, oui, il me surveille pour que je n'en mange pas dans son dos et non, il ne me donne pas de restes parce qu'il a ses propres petits à nourrir avec.
Pris d'un doute, Spike tiqua et inclina la tête, une interrogation planant dans le regard. Il avait été repéré et suivi. Peut-être que les yeux qu'il avait sentis sur lui quelquefois appartenaient à ce petit espion ? Il voulut retenir le gamin par le bras pour le tourner vers lui mais ce dernier griffa la main qui l'agrippait. Le tuyau brandi, il semblait prêt à s'en servir comme d'une arme de défense – bien dérisoire contre un maître-vampire.
— Ne me touche pas, menaça l'enfant entre ses dents. Ceux qui ont essayé de faire leur petite affaire avec moi ont bien regretté !
Spike leva les deux mains en se reculant d'un pas en franchissant la ligne de circulation… ce qui lui valut un coup de sonnette agressif d'un cycliste-coursier qui aurait pu le renverser. Agacé, il réprima son envie de flanquer ce connard sur la route d'une simple pichenette et de le regarder se faire écraser par un camion mais hélas, ceux-ci roulaient trop lentement… Il poursuivit en râlant :
— Oh là, ça va ! Arrête un peu ton char une minute, tu veux. Tu t'es vu, l'asticot ? Qu'est-ce que tu veux que je te fasse ? Je vais être franc mais y a rien à manger sur toi. T'es qu'une crevette avec que la peau sur les os.
— Ouais, ils disent ça. Mais j'aime pas comment tu me regardes bizarre, avec tes yeux qui font peur. T'imagine pas que si tu me donnes un truc à manger, j'aurai une dette et que je serai obligé de toucher ton ronith en échange.
Il n'osa pas rétorquer qu'en fait d'yeux qui faisaient peur, il en avait une autre paire en réserve.
Les germes traducteurs qu'on lui avait fourgués étaient de la pure camelote. Qu'est-ce que c'était que ça, « ronith » ? En l'occurrence, il avait en tête une supposition facile mais c'était parce qu'il avait l'esprit mal tourné…
Ce qui était sûr, c'était que même avec son absence totale de moralité antérieure, il n'aurait jamais abusé d'enfants pour son plaisir. Les boire, oui, tant qu'on voulait – personne ne s'excusait de manger du veau ou de l'agneau quand ils existaient encore – mais les violer ou les forcer à des trucs sexuels ? Il lui restait trop de hantises à ce sujet.
La bouche du vampire se tordit en un rictus amer. Ouais, une bien belle cité industrielle pourrie, où les enfants de cent ans étaient abandonnés et livrés à la convoitise dégueulasse de profiteurs abusifs sans que personne n'en ait rien à foutre ! Enfin… le terme était malencontreux mais, c'était là l'idée… Pour autant, les adultes avec lesquels il bossait étaient tout aussi exploités, et bien profond, eux aussi. Même Shrek se faisait humilier par ceux qui dirigeaient l'usine.
Et ça ne signifiait qu'une seule chose : que c'était juste une planète immonde pour toute la population du coin.
Il sortit une cigarette pour essayer de se calmer les nerfs toujours à vif.
— Te donner à manger ? Oublie : je n'ai rien. Je peux rester plusieurs jours sans en avoir besoin.
Là, il vit très clairement une tragique lueur d'envie dans les yeux du mioche, comme s'il trouvait ça particulièrement injuste de faire partie d'une espèce pitoyable qui avait besoin de se nourrir quotidiennement.
— Et sinon… poursuivit le vampire en faisant jaillir la flamme de son briquet. T'as dit que t'avais deux boulots. Un autre que tu ferais la nuit, donc ?
Fasciné par la flamme, le gamin hocha de la capuche en le regardant curieusement ranger le briquet et tirer sur la cigarette en soufflant la fumée. Il s'ébroua et son attitude changea quand il répondit avec fierté et un sourire étrange :
— La nuit, je chasse les sminthorexes.
La cigarette entre les doigts, Spike haussa un sourcil en inspirant une bouffée. Le mystère des surcouches de vêtements s'éclaircissait, il s'agissait d'une forme de protection...
— Mon traducteur est infoutu de faire une équivalence dans ma langue… Est-ce que tu peux développer ?
— Je vais où on me dit qu'il y en a, je prends un bâton solide, et je les tape très fort pour les aplatir jusqu'à ce qu'ils meurent. Après, quand j'ai réussi, les gens me donnent une pièce ou deux, selon le nombre.
Spike sourit en coin et approuva.
— Je vois. Mais ce que je voulais dire, c'est « décris ces bestioles », ça ressemble à quoi ?
— C'est poilu et gros comme un bébé skynos. Ils ont des petits yeux méchants et des grandes dents super pointues, et ils s'en servent très bien ! Ils mordent, ils mordent, ils mordent et ils ne lâchent pas. Parfois, ils attaquent à plusieurs. Avant ils ne faisaient pas ça, maintenant ils s'en prennent aux gens. Je crois qu'ils ont changé et ils mangent tout ce qu'ils trouvent. Peut-être ils nous en veulent car je crois que ceux que je tue finissent en ragout dans les casseroles des gens pauvres… Ces temps-ci, j'en trouve de moins en moins. C'est pour ça que je crève de faim.
Spike fourra une main dans la poche large de son uniforme grisâtre pour serrer le poing sans que ça se voie trop. Il détourna le regard un instant, se contentant de tirer rageusement sur sa clope comme si elle lui avait fait un coup tordu. Il exhala la dernière bouffée et écrasa le mégot sous son godillot.
Personne ne faisait attention à eux deux, ni à rien, et ils auraient pu être seuls au monde. Et c'était presque vrai qu'à cette minute étaient comme dans une bulle invisible où le temps s'était arrêté et les sons grinçants des véhicules tout autour, assourdis.
Ce qu'il venait de réaliser avec un sentiment supérieurement ambivalent, c'était que ce moucheron face à lui, il gagnait une misère en vendant des hamburgers le jour et en exterminant de vilains nuisibles la nuit… Déstabilisé par le rapprochement aberrant qu'il venait de faire, il plongea à nouveau un regard hésitant dans celui du petit tueur de rats aliens.
Il fallait qu'il quitte cette planète pour honorer sa commande. Les pilotes le transportaient gratis depuis des années et des années. Et il refusait de faire plus longtemps faux bond aux Terriens qui l'attendaient et qui l'aimaient – pour certains. Il fallait qu'il quitte cette planète, absolument, mais…
...comment le faire avec cette espèce de mauvaise conscience qui lui serrait maintenant trop violemment les tripes pour l'ignorer ? Pouvait-il réellement balayer tout ça sous le tapis en se disant qu'il n'en avait rien à faire de ce mioche inconnu et de sa vie merdique, et que ce n'était pas à un type comme lui de prendre en charge toute la misère de l'univers ?…
Le petit chasseur serait sans doute mort quand il daignerait revenir ici, si un jour il revenait jamais.
— Pourquoi tu me regardes encore bizarrement comme ça ? s'inquiéta le morpion prudent qui recula.
— Je suis désolé. C'est juste qu'un instant, ce que tu as dit m'as rappelé quelqu'un.
— Quelqu'un qui tue des sminthorexes ? s'anima l'enfant.
— A peu près…
— Je savais pas qu'il y en avait ailleurs. C'est une vraie plaie ! Et à quoi ils ressemblent chez toi ?
— A… à moi.
Le visage du gamin s'éclaira quand il ricana avec incrédulité.
Spike dut bien convenir intérieurement que ça ne devait pas faire grand sens pour ce minus courageux, qui pensait affronter des créatures féroces, tout en croyant qu'il n'avait pas d'autre choix.
Il crut se souvenir qu'avant de le laisser tomber définitivement, le fantôme de Buffy avait dit un truc purement rhétorique qui ne lui coûtait pas cher, dans l'hypothèse improbable où elle aurait pu revenir à la vie après tout ce temps. « Je crois que tu me reconnaîtrais quand même ».
Ça ne pouvait être là qu'un simple écho dans l'univers comme il devait en exister des milliers. Un archétype collant au subconscient des gens comme une moule à son rocher. Même à celui des vampires qui en avaient un, apparemment. Mais à dire vrai, les bonnes nouvelles de tonton Angel lui vrillaient déjà bien suffisamment le crâne pour qu'il ait envie de se mettre davantage la tête à l'envers et de perdre son temps dans ces fantasmagories grotesques.
— Ok, dit-il pour couper court. Je vais essayer de voir si Shrek en a eu marre de m'attendre et rentrer dans mon trou pour dormir un peu… Salut, gamin. Bonne chance pour ta chasse.
Il tourna les talons pour se tailler dare-dare, avant de faire quelque chose de stupide comme…
Rappeler L'Insectoïde avant la date prévue.
Prendre le gamin sous le bras.
Et fuir cet enfer pour l'emmener loin d'ici.
— Hey, Cheveux Jaunes, cria le mioche pour couvrir le bruit ambiant, on se voit demain après ton travail ?
Honnêtement, il ne savait pas quoi rétorquer alors il ne dit rien. Son plan, ça aurait été de vamper pour que le petit prenne peur, ce qui lui aurait épargné d'avoir à décider quoi que ce soit. Mais il revoyait les yeux étincelants de Dawn qui, autrefois, lui avait balancé qu'il faisait ça par lâcheté parce qu'il avait peur de l'attachement… Il se souvenait aussi fort bien du bordel innommable qui s'en était suivi simplement parce qu'il avait été incapable d'ignorer la provocation…
Alors il se contenta de jeter un bref coup d'œil par-dessus son épaule. Presque noyé par la foule, l'enfant haussé sur la pointe des pieds, se tordait le cou pour le guetter avec l'air d'attendre qu'il confirme.
Et Spike sut à cette minute que c'était fichu pour lui. Ce petit merdaillon trop seul avait un regard qu'il connaissait bien, plein d'une espérance timide implorant son aide et sa compagnie sans oser la réclamer. Viendras-tu avec moi ? S'il te plait... S'il te plait...
Il n'avait jamais su comment faire face à un regard pareil quand il venait d'une certaine personne. Ni comment lui dire non quand il avait tellement envie de dire oui.
La pluie acide commença à tomber.
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Derrière lui, une minus malingre, qui cachait qu'elle était une fille, restait plantée sur le trottoir avec la lèvre tremblante. Honteuse, elle avait dû se retenir pour ne pas se mettre à courir après lui. Trop d'émotions étranges formaient une grosse pelote compacte lui opprimait la poitrine et le ventre. A la fois inquiète et méfiante, elle se trouvait sotte d'être pourtant aussi irrépressiblement avide de le revoir peut-être bientôt. Et presque joyeuse.
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Notes
* Je n'invente pas ici. Je me demande si ça ne signifierait pas une guerrière morte.
** Il cite Dawn.