When in Rome
Partie 8 : I want the fire back
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Chapitre 41 La petite crapule
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De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Envoyé : 18 février 2038
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : hotstyle18 !
Cher Spike,
Le grand moment est arrivé, je suis enfin majeure ! Non seulement j'ai dix-huit ans, mais contrairement à vos prédictions glauques, je suis toujours en vie ! Et pas un démon à l'horizon (si on ne compte pas mes profs vicieux qui filent des interros surprises).
Mon anniversaire sera fêté ce soir et je suis trop impatiente. Je vais officiellement pouvoir boire de l'alcool ! Ici en Europe, on peut.
Je commence à écrire à quelques universités et je prévois de visiter les campus très bientôt. Le problème c'est que je ne sais pas encore où. Avec ses histoires de « citoyenne du monde » Papa avait raison (Papa a toujours raison :-P), j'ai l'embarras du choix au niveau des pays. Mais pour les visites de campus, ça fait loin si c'est à l'étranger. Très loin. Très très loin. Évidemment, l'idéal ce serait d'utiliser un jet privé mais Papa refuse toujours d'en acheter un, en parlant de « dépense somptuaire » (quoi que ça veuille dire). J'aurais parlé de dépense « somptueuse » moi… Mais bon, je verrai bien. Peut-être en Espagne ? C'est presque comme l'Italie, les garçons sont beaux et il fait chaud.
T'auras un cadeau pour moi ? Ou bien t'es sur Mars ?
Maya
…
De : Spike (hostile17©skynet. net)
A : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Objet : Félicitations
Maya,
Bienvenue dans le monde des adultes responsables. Tu vas découvrir le bonheur de t'occuper de toi-même, trouver à manger, faire ta lessive en appuyant sur les bons boutons si tu veux pouvoir remettre tes vêtements, trouver un job pour les extras et les sorties, et ne plus compter sur tes parents pour tout régler à ta place… :-D.
Tu vas adorer. Ça ferait de toi la toute première de ta famille. Ta mère et ta tante n'étaient pas trop fans du concept si je me souviens bien…
Est-ce que tu veux que je vienne pour ton anniversaire et souffler la bougie sur le gâteau avec toi ?
Spike
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De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : Félicitations
Ha ha ha !
Je sens bien que tu es encore tout grognon, mais tu me fais rire. Qu'est-ce que tu crois ? Que je vais fêter mes dix-huit ans avec un petit gâteau à la crème, entourée de Papa et Maman qui souriront d'un air benêt en soupirant « Oh comme elle grandit notre petite fille ! » Et puis ils me donneront un petit billet de dix, et une nouvelle poupée ! :-D
Nan ! Cette année je fête avec une grosse fête, où il y aura que des amis, et je suis à peu près sûre qu'il n'y aura pas de gâteau. Sauf si c'est un faux, avec un beau danseur en slip dedans… :-P
Et pitié, ne me sors pas ta rengaine « je vais leur démonter le dentier s'ils te tripotent ». Déjà, c'est plus illégal. Et en plus, comment tu sais que c'est pas moi qui vais mettre les mains partout sur eux ? Je trépigne.
Je ne suis pas sûre que tu doives venir à ma fête, même pour me donner un éventuel cadeau – tu n'as pas confirmé ce point, sans doute un oubli – car si tu venais, tu affolerais toutes mes copines avec ton aura maléfique de rock star dissolue. J'ai quand même envie que certains trucs restent encore un peu sous contrôle. Pour cette année. On s'en reparlera pour mes dix-neuf ans. :-D :-D
Maya
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De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Envoyé : 26 avril 2038
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : Tenue correcte exigée
Cher Spike,
Tu vois, j'ai finalement réussi à mettre un 'cher' de temps en temps, devant ton nom. Tout arrive.
Ça fait un petit moment que tu n'es pas revenu, alors tu as loupé tout mon emménagement et c'est dommage, parce qu'il y avait plein de trucs lourds à porter et tu aurais fait merveille. Rien qu'à voir la tête des autres quand tu aurais soulevé le frigo d'une main, ça aurait valu son pesant de cacahuètes…
Peut-être que tu es déçu que je n'aille pas dans une « sororité » bourrée de à craquer de minettes ? Il n'y en a pas ici (des sororités). J'ai mon petit appartement à moi parce que Papa est bien sûr trop riche pour que je puisse prétendre à un logement social. Après bien des interrogations, et parce que je n'ai pas revu le bout du nez de ton vaisseau spatial pour m'aider à faire mon choix, je suis finalement à l'Université des Arts de Londres pour la session d'été. Londres, je connais. Et puis, je sais que je peux plus ou moins compter sur les semi-permanents du CDO, maintenant que les parents habitent plus loin. Je pense que ça les rassure aussi. Mes potes en amphi, je les fais tous rêver quand je dis que j'ai vécu en Italie, et ils me parlent du « Quattrocento » avec des paillettes dans les yeux. Je pompe toutes mes infos chez Pietro, évidemment.
Maman a été contente, je crois, que je choisisse cette université. Niveau tradition familiale (si l'on excepte le zigouillage de démons) le côté artistique, c'est aussi le truc de Mamie. Stop. Je sais que tu vas dire que Buffy était « une artiste de la mise à mort ». Mais figure-toi que la mort, c'est pas au programme. Ou alors des trucs bien glauques comme des Christs en croix.
Je me demandais si tu ne ferais pas un petit effort pour venir au mariage. Même pas longtemps, le soir, après. Je serai déguisée en fille, avec une belle robe. Tu voudrais rater ça ? Ce serait une occasion unique, parce que je ne mets jamais de jupe ou de robe ou de machins cuculs dans le genre. Penses-y, ça te ferait une photo compromettante.
Maya, qui ne vit que d'espérance
…
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L'envie le démangeait de répondre bien sûr. Il y pensait en se battant car aucun combat ne lui semblait vraiment propre à le mobiliser à cent pour cent. Il regrettait presque les wampas. Il savait qu'il avait fait un peu de peine à sa filleule en reprenant légèrement ses distances. Seulement trois visites entre octobre et le début de janvier.
Il avait croisé les Wells aussi, à chaque fois rapidement, avec un petit cadeau pour leur maison ou leur frigo. Mais les revoir tous les mois, c'était se remémorer à coup sûr la façon dont il avait été chahuté l'an passé. Ce n'était pas juste pour la jeune fille, car elle n'y était pour rien du tout si elle était en cours ou de sortie le soir, lorsqu'il débarquait sans prévenir.
Souvent, il plaisantait en lui rappelant qu'elle ne voulait pas qu'il effraie ses petits-amis passant la prendre. Rien que le pluriel le faisait sourire. Il savait pertinemment grâce à Angel qu'elle n'en avait qu'un.
Depuis dix minutes, Faith racontait des craques à ce sujet, en espérant sans doute le faire réagir, d'une façon ou d'une autre. Alors il avait répondu mi-figue mi-raisin qu'il était grand temps que quelqu'un de sa famille casse la chaîne d'un très mauvais karma à ce niveau. Elles avaient toutes eu leur content de pauvres types. Il n'était pas sûr de devoir s'extraire du lot, mais pour Angel, ça comptait absolument !
La Tueuse brune eut l'air déçue. Elle fronça les sourcils au-dessus de ses yeux tombants. Elle changeait elle aussi. Ses traits se creusaient, mais elle tenait toujours la grande forme. Mince, musclée, zébrée de cicatrices aussi…
— T'es sérieux ?
— A propos de… ? répondit Spike en parant un crochet trop lent.
— Bah, ce que tu viens de dire, là… Que ça ne te fait rien que Maya couche avec plein de garçons ?!
Même le vampire qu'ils étaient en train de combattre s'était arrêté, interloqué, et il semblait attendre la réponse avec curiosité comme si ça l'intéressait. Ils devenaient bizarres, les vampires de Los Angeles, ces derniers temps. Avant, les newbies n'avaient que l'envie du sang. Ils étaient obsédés par l'idée de se goinfrer tant et plus, shootés par leur nouvelle puissance. Maintenant, ils demandaient d'abord à la proie si elle avait du cholestérol, du diabète ou si elle était végane au régime sans gluten… Tout foutait le camp.
— Alors on se bat plus ? demanda Spike à leur opposant en le voyant immobile.
— Y a rien qui presse, répondit celui-ci en levant des mains temporisatrices. Je sens bien que c'est une discussion importante. Ne vous en faites pas, je repasserai plus tard…
— T'es un comique, toi ! commenta Faith en lui balançant un pieu. Mais on n'a pas que ça à faire alors…
L'objet rebondit la cage thoracique sans l'entamer d'un millimètre. Elle le regarda avec surprise et galopa vers lui pour lui décocher un bon kick dans la poitrine. Et ça résonna comme un coup de gong qui fit vibrer l'air autant que la cloche d'un campanile... L'autre vampire eut l'air inexplicablement guilleret et content de lui.
— Allez à plus, ma cocotte. Je te laisserai réessayer, promit-il avec un clin d'œil, s'éloignant en sifflant la mélodie aigrelette d'un vieux western.
Spike sourit en coin en entendant le surnom dont il avait affublé Faith. Même lui, qui était pourtant le roi du surnom désobligeant, n'aurait jamais eu l'inconscience d'appeler Faith « cocotte », en tous cas, pas s'il voulait garder ses parties intimes... Il rajusta le tomber de son manteau, ramassa les deux ou trois pieux qui traînaient sur le bitume et les essuya soigneusement avec un petit chiffon qu'il conservait dans sa poche. De beaux pieux en teck, solides et super chics. Adorable cadeau de Maya pour Noël.
— J'ai loupé un truc ? demanda-t-elle avec étonnement, frappée qu'il ait l'air amusé.
— Rien qu'une vieille référence pop culture… On quadrille quel quartier maintenant ?
— Les mal famés, comme d'habitude… Mais dis-donc, n'élude pas la question de tout à l'heure. Tu t'en fiches un peu de Maya et de ce qu'elle devient, c'est ça ? Tu considères que ça ne te regarde plus ?
Spike se gratta le nez en la regardant par en dessous, rempochant ses pieux d'un geste preste.
— C'est toi qui me dis ça ? T'es pas contente qu'elle suive ton exemple et qu'elle s'éclate avec ses petits camarades ? C'est de son âge. A voir ce qu'elle m'a écrit pour ses dix-huit ans, elle devait ronger son frein depuis un moment ! Et je suis super mal placé pour lui faire la morale à ce niveau…
Faith resta pensive un moment et sortit un petit téléphone vibrant de sa poche pour consulter un message. Elle signala que c'était Angel qui voulait qu'ils le rejoignent à trois blocs de là. Bien que la Tueuse ait une bonne foulée, Spike se cala sur la sienne poliment. Il avait appris à faire ça, à force de rester un peu trop avec les humains.
Le bout de la rue était tout proche, elle s'arrêta un peu pour reprendre son souffle.
— Je croyais… commença-t-elle en cherchant un peu ses mots. Je croyais que c'était de ma faute si elle avait décidé de raccrocher les gants avant même d'avoir commencé…
— Nan. Pourquoi ?
— Tant mieux, alors. J'ai jamais trouvé que c'était une bonne idée qu'elle arrête.
— Ah bon ? Une Tueuse en moins, ça fait toujours plus de démons pour toi…
— Oui, vu comme ça, bien sûr. Mais on sait, toi et moi, que Maya n'est pas n'importe quelle Tueuse. J'imaginais… qu'elle avait une sorte de destin spécial, ou je ne sais pas quoi.
— Plutôt « je ne sais pas quoi » dans ce cas. Si la génétique compte pour quelque chose, la moitié de son patrimoine appartient à un comptable californien. Elle a peut-être plus pris du côté de son père ? Et puis niveau destin, je crois que t'as deux ou trois apocalypses de stoppées à ton actif…
— C'est pas sympa ce que tu dis.
— Merde, pour une fois que je te faisais un compliment !…
— Pas sympa pour elle, grogna Faith en shootant dans un pneu cramé qui fumait encore. Ça fait drôle de penser qu'elle a pu choisir… Ils ont dit quoi les Observateurs ?
Spike ne répondit pas parce que sa vision aquiline lui permettait de repérer Angel aux prises avec des MRNI. Machins rampants non identifiés. D'un mouvement de tête, il indiqua qu'il allait le rejoindre. Et fit ce qu'il avait toujours fait : courir vite et disparaître dans la nuit.
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Les Machins Rampants étaient gros, rouges, pleins de pattes et teigneux, soit tout à fait son genre de salauds. Ils mirent vingt bonnes minutes à en venir à bout à trois.
Pendant qu'ils combattaient, Spike se sentait détaché, observant combien quelques appendices supplémentaires conféraient un avantage certain. Angel avait réussi à en estourbir un gros, alors même qu'il semblait en mauvaise posture, sur le dos, maintenu par deux pics pointus et que l'orifice buccal de la chose se mettait à baver... Mais Angel avait un super pouvoir particulier qui terrifiait ses ennemis : il était large d'épaules, avec un cou de taureau. Cette apparence couplée à la souplesse et l'agilité naturelle des vampires, laissait aux autres humanoïdes l'impression fugitive et largement inconsciente qu'il allait forcément les battre.
En plus, là, les Machins étaient plutôt des genres d'araignées de mer courtaudes, pas tellement humanoïdes du coup, et ça ne devait pas les impressionner. S'il avait dû leur trouver un nom, il aurait dit des tourteaux transgéniques. C'était le risque avec tous ces perturbateurs endocriniens déversés dans la mer, on se retrouvait avec des créatures littéralement innommables. Il proposerait quand même tourteaux aux Observateurs, à tout hasard…
Profitant d'un espace dégagé moins encombré de pattes à pinces, Spike avait lancé à Faith une dague d'acier trempé parce qu'elle était plus libre de ses mouvements. Elle ne perdit pas de temps et l'utilisa pour sectionner deux pattes au niveau d'une articulation avec un gros crac. Pas de chance, ça énerva un peu les arthropodes qui se mirent à baver un peu partout en rendant le sol glissant. Ce n'était pas grave en soi. Le plus embêtant, c'était que cette salive était à prise rapide, et qu'ils devaient rester en mouvement.
Tant qu'il pouvait castagner, Spike ne trouvait rien à redire. Il avait toujours adoré la bagarre, parce qu'il avait été un garçon malingre. Mais là, il perdait patience et ce n'était même plus drôle. Il sortit deux petits bâtons de dynamite et alluma leur mèche au Zippo. Pendant que les deux autres étaient occupés à casser de la carapace, il sauta sur le dos plat des bêtes restantes, fourra un bâton dans leur gueule étroite, et attrapa ses acolytes pour les mettre un peu à couvert. Explosion dans quatre, trois, deux, un...
Les deux Machins Tourteaux éclatèrent avec un pshouff et comme de juste, une odeur de cramé pestilentielle remplit l'air. Angel le regarda avec les yeux ronds mais Faith sembla plutôt séduite par cette technique expéditive et classieuse à la fois. En tant que Tueuse qui avait toujours énormément de pain sur la planche, elle appréciait l'efficacité.
— Mais pourquoi t'as fait ça ? demanda Vivelle Dop. On allait les avoir !
— Ouais je sais. Mais faut que j'écrive à Maya, j'ai un truc à lui demander.
— Oh, grinça Angel en se relevant. Laisse-moi deviner, enfin des nouvelles fraîches, peut-être ?
Leur rivalité amusait toujours Faith. Elle se dépêcha pourtant de se rendre à une borne incendie pour prendre le gros tuyau des pompiers et les arroser copieusement. Tous deux tournèrent la tête en même temps, avec le même genre de regard… incendiaire. Ces deux-là étaient très susceptibles sur leur brushing.
— Hey, les garçons, c'est pas pour le plaisir de défaire votre mise en plis. Vous êtes raides de glue baveuse. Alors avant que vous finissiez en statue, prêts à livrer à une galerie d'art moderne… A la douche ! En plus, vous êtes sexys comme tout avec vos fringues toutes mouillées qui soulignent tous vos avantages… Une main secourable pour me débarrasser moi aussi de ces filaments de bave désagréables ?
Le sourire salace de Faith fit serrer les dents de Spike. D'un geste ouvert de la paume, il signifia qu'il laissait l'honneur à Angel. Il n'était pas vraiment d'humeur à tenir la chandelle alors qu'il sentait l'air s'électrifier d'une tension sexuelle très énervante entre eux deux …
— Bon, bah, je vais me rentrer moi…
— Mmm, roucoula Faith. Quand est-ce que t'es devenu plus grincheux qu'Angel ici présent, Spikey ?
— J'ai une bonne idée de ce qui le rendait grognon, maintenant. Et je crains que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets… Je vous laisse faire le ménage. A charge de revanche !
Les deux autres le regardèrent s'éloigner furtivement d'un pas quasi inaudible. Les yeux toujours plissés pour le suivre longtemps, Angel questionna sans la regarder :
— Ça ne t'embête pas trop de parler de moi à la troisième personne comme si je n'étais pas là ?
— Non. Je saurai me faire pardonner dès que tu auras viré ces fripes qui te moulent vraiment de près.
Angel pencha la tête, et lui retira le tuyau des mains pour l'asperger abondamment. Elle rit sous la violence du jet qui lui laisserait probablement quelques bleus et se retourna docilement en tous sens, prenant des poses suggestives comme si elle était dans une séance photo déjantée...
Cette fille était folle. Mais c'était ça qui était bien avec elle. Elle n'était pas Buffy. Elle ne le serait jamais. Mais on ne s'ennuyait pas un instant avec elle.
Plus tard, après une partie de sexe torride, elle se blottirait sans doute contre son large torse. Ses yeux veloutés perdus dans le vague, elle lui demanderait quelque chose d'incroyable, tendre, fragile. Une petite parenthèse fugace qui ne faisait qu'entrouvrir la fenêtre de celle qu'elle avait dû être enfant – avant tout ça.
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Spike
Bon alors qui se marie ? Toi ?
Maya
Bah non. Papa tiens ! T'as oublié ?
Spike
Non j'ai pas « oublié » pour la bonne raison que je savais pas qu'il pouvait être polygame
Maya
Ah, mais non, il se remarie avec Pietro. Je croyais que Maman t'aurait dit… Elle t'a pas parlé du divorce, c'est ça ?
Spike
Quel divorce ? Non !
Maya
Oups la boulette…
Spike
Je t'appelle. T'as intérêt à décrocher
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Maya plissa un œil avec une grimace en voyant l'identificateur de son parrain s'afficher. Elle aurait été à deux doigts de ne pas prendre l'appel du tout, s'il ne lui avait pas tant manqué. Elle imaginait sans peine la conversation embarrassante qui allait suivre. Et pire encore quand elle vit qu'il la passait en visio.
Elle se recoiffa vaguement et se plaça vite dans un autre angle de la pièce, pour qu'il ne voie pas qu'elle était au lit avec son petit-ami, pour ce qui s'appelait chez les vieux une « sieste crapuleuse »… Elle décrocha.
Quand elle le vit comme ça, le regard étincelant et les narines frémissantes, elle comprit pourquoi il avait pu faire peur à des gens pendant des siècles. Alors elle lui adressa un petit sourire benêt en secouant la main devant la caméra.
— Hey Spike ! Ça fait plaisir de revoir… ton air pas content.
— Ton père a abandonné Dawn ! fulmina-t-il. Je vais lui faire bouffer ses tripes !
La jeune fille le considéra et papillonna des paupières, les sourcils froncés.
— Euh, non. Personne n'a abandonné personne ! Ils étaient d'accord pour le faire et depuis longtemps, il me semble. Je pensais que ça te ferait un peu plaisir, non ? J'avais bien compris que la seule idée qu'ils soient mariés te rendait atrocement jaloux…
— Je suis pas jaloux ! gronda Spike.
Maya leva les yeux au ciel face à cette affirmation totalement mensongère.
— Hey, surveille la tête que tu fais, je te vois avec ce machin !
— Mais moi aussi, je te vois… confirma-t-elle en oscillant la tête comiquement. Et t'as l'air tellement pas jaloux que t'as les canines qui pointent.
Il vérifia du bout de la langue, et là elle comprit aussi vraiment pourquoi des filles le trouvaient sexy. Elle attrapa une mèche qu'elle enroula autour de son doigt pour la mordiller. Evan ne serait pas très content s'il apprenait qu'elle trouvait son parrain plus beau que lui… Par contre, le petit-ami avait d'autres avantages…
— Maya, je ne comprends rien. Pourquoi est-ce qu'ils ont divorcé ? Et le vieux discours comme quoi ils s'entendaient merveilleusement bien, vivaient en harmonie, dans l'écoute, la compréhension et toutes ces conneries ?
Hermione Wells le regarda curieusement et son attitude déstabilisa le vampire, parce qu'elle avait l'air calme, si ce n'est un peu inquiète ou embarrassée.
— Là, c'est moi qui ne comprends plus… Tu sais bien que mes parents se sont mariés pour m'élever ? Ça, elle te l'a dit Maman, non ?
— Oui, elle me l'a dit. Et alors ?
— Et alors je suis majeure ! J'ai un chez-moi, et j'ai commencé ma vie de femme… Maman m'a expliqué que leur mariage devenait « caduc ». Je t'avoue que je ne connaissais pas ce mot et que j'ai dû chercher. Ça veut dire en gros qu'il est périmé.
— Oui, je sais ce que ça veut dire « caduc »… grinça le vampire. Mais pourquoi ne pas rester mariés s'ils s'entendaient si bien ? Qu'est-ce qu'elle va faire toute seule ?
Maya sourit en coin avec étonnement.
— Toute seule ? Tu sais, des fois, j'ai l'impression que tu ne captes pas vraiment qu'elle est adulte et n'a pas besoin d'aide particulière pour vivre et faire ce qui l'intéresse… D'après ce que j'ai compris, ils auraient pu rester mariés s'il n'y avait pas eu Pietro, mais Papa et lui sont tombés amoureux. Je ne crois pas que ça a pu t'échapper…
— Hin, hin, hin. Ne me parle pas comme si j'étais débile... Mais l'automne dernier, ta mère m'a dit qu'elle ne voulait pas vous quitter Andrew et toi parce que ça lui déchirait le cœur. Donc ouais, je veux savoir…
— Oh, dis pas ça ou je vais me remettre à pleurer ! soupira-t-elle en essuyant vite des larmes piquantes sous ses yeux.
— Ah ! Donc ça ne te plaît pas non plus, à toi ?
— Oh, tu sais, moi j'aime mes parents, et c'est mon enfance qui s'en va avec cette décision. Et oui, c'est dur d'essayer de comprendre pourquoi tout ne pouvait pas rester comme avant. Qui est-ce que ça dérangeait qu'ils aient chacun leur chambre et que Pietro dorme avec Papa ?
— Ah t'es progressiste. Aucune objection au ménage à trois, hein ?…
— Ah, m'embrouille pas… ça n'a rien à voir avec ça. Maman m'a dit que je ne devais pas être égoïste, et qu'elle ne devait pas l'être non plus.
— Égoïste ? Mais quel égoïsme ? Elle vous aime !
La tête basse, Maya soupira, elle tirait machinalement sur le bas de son t-shirt un peu court, cherchant ce qu'elle pourrait dire alors qu'elle ne savait pas vraiment. Quand elle finit par trouver, elle croisa son regard en souriant un peu.
— C'est compliqué, répondit-elle en clignant des yeux malicieusement malgré sa tristesse. Elle a bien vu que je ne comprenais pas. Alors elle m'a expliqué qu'elle avait fait un rêve, et que dans ce rêve, on lui disait qu'elle ne devait pas être égoïste et qu'en restant avec Papa, car elle l'empêchait de savoir ce que ça faisait d'être marié à quelqu'un qui l'aime d'amour.
Spike expira et Maya crut qu'il allait pleurer. Bon, comme c'était un dur à cuire, il ne pleurait pas. Mais quand même, ça faisait bizarre de voir ses yeux bleus si embués. La HD autorisait tous les détails, presque comme s'il avait été en face d'elle.
— « A qui tu ne permets pas de faire l'expérience d'être aimé », murmura-t-il
Il avait posé le front dans sa main mais, se rappelant brusquement qu'elle pouvait le voir, il transforma le geste pour laisser penser qu'il se recoiffait. Ce qui n'abusait en rien sa filleule.
— Ah bah oui, c'est ça ! C'est exactement ce qu'elle m'a dit mot pour mot. Comment tu le sais ?
— Maya, je veux la voir. Où est-elle en ce moment, toujours en Allemagne ?
L'adolescente secoua vigoureusement la tête.
— Non ! Elle est retournée en Italie, mais elle sera là pour le mariage qui est la semaine prochaine.
— Elle est à Rome avec Giles ?
— Non. Après la signature des papiers, elle s'est installée dans un micro bled de Toscane où le réseau n'accroche pas des masses… Faut insister. Elle sort aussi souvent dans la campagne pour aller peindre et elle ne prend pas toujours son communicateur. Mais c'est très joli, elle m'a envoyé des photos de son installation.
— File-moi l'adresse en off. Et une dernière chose. La prochaine fois, évite de te mettre devant le miroir. Ton petit-ami a un joli cul, mais il me fait moins d'effet qu'à toi, prévint-il avec un sourire en coin avant de couper le signal.
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