When in Rome

Chapitre 20 : Juste une perle de sang

4507 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/10/2020 22:03

Chapitre 20 Juste une perle de sang

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Et le visage de pierre s'effaça à l'intérieur du mur avec un petit rire froid.

Spike leva les yeux au ciel en marmonnant que ce poseur qui lui avait fait perdre son temps... Il dégagea bien la tête des épaules, et leva le nez en l'air pour chercher l'odeur de Maya, toute fraîche et piquante, ou celle de Dawn plus florale, plus sucrée et plus entêtante... Ses sens olfactifs lui indiquèrent... le gymnase.

Ce n'était pas le meilleur endroit car il y avait des chances pour que des Tueuses y soient effectivement. Il allongea le pas dans la cour intérieure dont la disposition n'était pas sans lui rappeler celle d'un cloître.

Même devenue vampire, Dru n'avait jamais cessé d'aimer les cloîtres et ils continuaient d'exercer sur elle une réelle fascination. Elle accompagnait toujours Angelus dans ses virées, pas pour les mêmes raisons toutefois. Elle le laissait faire un carnage et se gaver de la chair tendre et innocente des nonnes, tandis qu'elle restait là, à danser devant l'autel, enivrée du parfum des bougies, des cris d'horreur dans les airs, et du dessin des étoiles dans le ciel. Pauvre Dru…

Il ouvrit la porte et distingua un vaste espace qui avait peut-être été autrefois une salle de bal. Mais les murs étaient nus, simplement chaulés. Au lieu de lourds lustres chargés de verroterie, pendaient des lampes industrielles. Il y avait des arceaux, des sacs de sable pour taper dedans, un cheval d'arçon et des tatamis au sol. Plus loin vers le fond, des tapis de course roulants pour faire du cardio. Comme il le soupçonnait, ce matériel était plus pour les Observateurs que les Tueuses qui avaient une excellente condition physique « naturelle ». Un peu d'entraînement ne leur faisait pas de mal, mais elles n'avaient pas vraiment besoin de ça…

Derrière lui, il entendit une galopade peu discrète et le parfum de Maya mêlé à sa sueur qui s'avançait vers lui. Elle lui sauta sur le dos en riant, les bras passés autour de son cou.

— Vampiiire !

Et comme à l'accoutumée, il répondit :

— Tu-euse !

Ce n'était qu'un petit jeu bien rôdé entre eux. Maya ne pouvait pas savoir qu'il n'y avait jusqu'alors qu'une seule personne qu'il avait jamais appelée comme cela.

— Maman est là, chuchota-t-elle à son oreille d'un ton de conspiratrice. T'as le cadeau ?

— J'attends le moment opportun.

Comme si elle ne pesait rien, il l'attrapa d'un bras en la faisant glisser pour la poser par terre devant lui. Il recula de quelque pas.

— Allez, viens plutôt là me montrer ce que tu sais faire, l'invita-t-il d'un geste universel des doigts de la main qui signifiait « Approche ». Attaque.

Elle lui tira la langue.

— Et tu crois que je suis quoi ? Un rottweiler ? Allez Maya, attaque, attaque ! C'est bien, ça c'est bonne fille…

— Oh ce que t'es pénible… S'il te plaît Maya, vas-tu me faire le plaisir d'essayer de porter un coup qui va peut-être m'atteindre ?

Elle lui adressa un sourire amusé et secoua la tête en se croisant les bras.

— Maman m'en voudrait beaucoup si je t'abimais trop. Et puis tes vêtements sont tout neufs…

Histoire de l'inciter à se bouger plus vite, il morpha en grondant. Elle ne bougea pas d'un centimètre.

— Ah ouais, ça me fait toujours le même effet. Comment peux-tu être aussi moche comme ça et aussi beau sinon ?

— Tu parles trop, gamine.

— C'est toi qui me dis ça ? C'est l'hôpital qui se fout de la…

Les portes doubles s'ouvrirent en grand et un groupe d'une demi-douzaine de filles fit irruption dans la pièce, pile au moment où il avait sa tête des mauvais jours. Les poings serrés, elles avancèrent en formation du même pas quasi militaire. Ce détail l'irrita un peu. Il avait des raisons de ne pas porter les soldats dans son cœur… Les filles étaient toutes si jeunes, même pas majeures pour la plupart, et si similaires à ce qu'avaient été Buffy, Faith et les Potentielles ensuite. C'est-à-dire toutes différentes, mais avec la même résolution et la même dureté dans les yeux.

— Wells, reste en arrière ! On s'en occupe !

Maya ne dit rien mais Spike vit bien qu'elle faisait la tête et traînait les pieds en allant se percher à califourchon sur le cheval d'arçon. On venait de lui piquer son jouet, il fallait la comprendre.

Les filles face à lui dégainèrent l'arme de bois pointue qu'elles portaient à la ceinture dans un petit étui.

— Formation Oméga ! cria la cheftaine.

Ça c'était nouveau, remarquait le vampire. Deux gamines tentaient de le prendre en tenaille par les côtés, tandis que les autres s'avançaient vers lui pour l'acculer contre un mur. Un des grands problèmes des anciennes Tueuses, c'était qu'elles étaient seules. Buffy avait prouvé l'inanité de ce modèle et quelqu'un dans cette école avait eu assez de jugeote pour comprendre qu'effectivement, coordonner une attaque pouvait s'avérer plus efficace… Il s'effaça rapidement pour éviter les deux Tueuses latérales. Puis il prit élan contre le mur où elles espéraient le contenir, pour sauter souplement par-dessus les quatre autres et retomber sur ses pieds dans leur dos. Celle qui commandait le groupe ne s'y attendait pas.

— Que… comment ?… Delta One !

Spike jeta un coup d'œil à une Maya boudeuse qui s'ennuyait ferme en balançant ses jambes dans le vide. Le truc, c'était que quand on savait un peu de grec, il n'était pas très difficile d'anticiper les mouvements.

Comme de juste, les six Tueuses se présentèrent face à lui, et celle qui était en pointe feinta pour détourner son attention des cinq autres qui lancèrent leur pieu simultanément. Tranquille, Spike s'accroupit au sol à temps, et faucha les jambes de la première. Très rapidement, il la releva sur ses pieds, passa dans son dos et la ceintura aussitôt pour s'en faire un bouclier humain. Et puisqu'il la tenait étroitement enserrée de son bras droit, il inclina la tête de la jeune fille en tirant un peu sur ses cheveux pour la faire céder. Exposant sa nuque tordue, il murmura excessivement près de son cou :

— T'es morte, chérie.

Avec le même sourire carnassier qui lui était si naturel, il relâcha la jeune fille et l'envoya direct sur ses copines qui la laissèrent choir pour s'avancer vers lui, le pieu dressé. Elles frappèrent de façon beaucoup plus désordonnée et donc bien moins prévisible. Il esquiva pourtant et désarma les petites d'un coup sec et maîtrisé du plat de la main, avec une facilité désespérante.

— Trop lente, trop lente, toi aussi trop lente… Vous avez quelqu'un d'autre qui sache se battre à me proposer ?

La toute première, qui avait bondi sur ses pieds, dit seulement en fronçant les sourcils :

— Mais depuis quand les vampibots sont aussi bavards ?

Une autre porte latérale s'ouvrit assez théâtralement, laissant passer Faith et quelques autres Tueuses en herbe sur ses talons. Elle frappa dans ses mains pour réclamer l'attention.

— Et si vous tombez sur un vampire qui vous baratine, n'écoutez rien. Foncez et dégommez-le, c'est tout. Attaquez toutes ensemble !

Spike afficha un petit rictus qui s'élargit en voyant Angel entrer à la suite des autres, refermer et s'adosser au battant sans rien dire. De là où il était, Spike trouvait que ça ressemblait plutôt bien à un traquenard – et l'étincelle de connivence entre Faith et Angel lui plaisait très moyennement. Les gamines n'étaient pas dangereuses pour lui, il le prouva en faisant rebondir les pieux sur ses avant-bras ou en les attrapant au vol à mains nues pour les jeter au loin. Ce qui l'énervait, c'est que ça griffait son nouveau blouson.

Alors une autre fille au teint mat et aux yeux noirs, la mine plus déterminée et plus sûre d'elle que les autres, entra dans le cercle en lui tournant autour.

— Méfie-toi de celle-là, avertit Maya. C'est ma cousine. Enfin, pas vraiment ma cousine, mais genre.

— « Genre » ? releva Spike avec un regard sceptique.

La prétendue cousine sourit sereinement et sauta pour lui envoyer ses deux pieds joints en travers de la poitrine. Non seulement elle le déséquilibra, mais quand il fut à terre, avant qu'il ne puisse se relever d'un coup de reins, elle fit littéralement briller ses yeux d'une lueur blanche. D'un mouvement de la main, elle maintint Spike étendu de tout son long, retenu par ce qui avait bien l'air d'être un champ étroit de confinement magique.

— Et maintenant vampire, tu as encore quelque chose à dire avant de mourir ?

— Je dis que t'es la fille de Willow et Kennedy. Alexandra, je parie. Et que tu triches en utilisant la magie parce que tu n'es que la moitié d'une vraie Tueuse…

C'était tout à fait faux. Chaque Tueuse était investie des pleins pouvoirs, quelle que fût son ascendance. A la limite c'était anormal que Dawn et Kennedy aient pu avoir des filles élues à leur tour… D'ordinaire, il semblait que n'importe quelle enfant, de n'importe quel milieu puisse être appelée.

Angel dissimulait à peine un petit sourire agaçant.

— Et bien, il ne faut donc qu'une demi-Tueuse pour t'empêcher de te relever, et elle n'a besoin que d'un petit bout de bois pour te réduire en poussière. Jetez-moi-en un.

— Allons, allons, qui bavarde maintenant ? Petite, j'ai une botte secrète que tu n'imagines même pas.

— Cause toujours, dit-elle en attrapant au vol un pieu envoyé par une consœur.

Elle mit un genou à terre et plaça l'objet dans l'axe de la cage thoracique avant d'ajouter avec délectation :

— T'es mort. Chéri.

Ravi de cette répartie, il sourit largement de toutes ses dents pointues, ce qui la désarçonna autant que les mots qui sortirent de sa bouche ensuite :

— Chouquette, c'est à toi !

Maya sauta du cheval d'arçon, ramassa un pieu abandonné, le balança sur le poignet de sa « cousine ». Cette dernière cria, retira sa main, ce qui l'obligea à rompre le charme qui emprisonnait Spike. Dans l'intervalle, la filleule avait couru pour prendre de l'élan, sauté par-dessus tout ce qui lui barrait la route. Elle fut bientôt à côté de lui et se plaça en défense, ce qui amusa beaucoup Spike, non sans le remplir aussi d'une fierté bien ridicule.

— Attention ! cria-t-elle en maintenant son épaule avec une force de trente kilos. Reste à terre.

Du bout du pied, elle releva la bordure d'un tatami pour l'incurver devant eux comme un rempart à la mousse dense où vinrent se ficher une dizaine de pieux. Puis elle le laissa tomber avec un gros ploc, tendit son bras à Spike pour l'aider à se relever, rafla quatre pointes et en lança la moitié à son parrain.

— Quelqu'un d'autre a envie d'essayer ? demanda-t-il, plein d'enthousiasme.

Faith se désintéressa du spectacle et se tourna vers Angel, la main sur la hanche. Paume ouverte vers le haut et tendue devant lui, elle attendait de recevoir quelque chose. Angel sortit quelques billets de sa poche et lui en tendit un qu'elle fourra dans son décolleté, avec un air de satisfaction jubilatoire. Puis elle revint vers les élèves.

— Mesdemoiselles, la leçon du jour est terminée, on remballe. Vous avez trigonométrie dans dix minutes.

— Quelle leçon du jour ? On ne l'a même pas touché ! grinça la fille de Kennedy.

Spike lui balança un regard qui les mit toutes extrêmement mal à l'aise en les faisant frissonner. Il savait faire ça à la perfection : des décennies de pratique, ça ne s'oubliait pas comme ça.

— Non mais dites, j'aimerais bien que toutes les Tueuses du coin arrêtent de vouloir me tripoter. J'admets que c'est flatteur, mais il va falloir vous y faire, mesdemoiselles, mon cœur est déjà pris… dit-il avec le pire ton narquois, alors que c'était plus ou moins vrai.

— La leçon du jour, répéta Angel en ignorant tout simplement cette remarque, c'est que vous êtes vulnérables face à un vampire qui va se comporter différemment de ceux dont vous avez l'habitude. Il y en a des tas qui ne sont pas même au niveau des vampibots. Mais un jour, vous pourrez tomber sur autre chose qu'un débutant. Un qui va vous farcir le crâne et vous faire douter. Et c'est comme ça que vous baisserez votre garde et qu'il vous aura. Considérez bien que celui-ci n'est pas réellement une menace pour vous aujourd'hui, parce que le Gardien l'a laissé passer. Mais s'il l'avait voulu, aucune d'entre vous n'en aurait réchappé. Spike, tu es attendu chez le Directeur. Maya, toi aussi tu vas en trigo.

Ah donc c'était ça, le boulot d'Angel ? Il était pion ? Spike regarda l'interpelée partir sans aucune motivation. Elle s'était bien débrouillée pour une gamine qu'on qualifiait toujours d'attardée « en-dessous du niveau ». Les autres Tueuses la suivirent, en jetant au vampire bavard regards très variés, s'étageant de la haine la plus franche à la sensualité ouverte, et parfois un peu des deux. Et ça lui faisait quand même plaisir.

— Qu'est-ce que vous avez parié au fait ? demanda-t-il aux deux autres, tout en rajustant coquettement son pull et son blouson.

— Que Maya avait besoin d'une motivation différente. Elle peut se battre beaucoup plus efficacement et réagir à merveille quand elle a quelque chose à protéger. Les entraînements ne lui servent à rien car elle ne parvient pas à dépasser qu'ils sont factices. Paradoxalement, elle est moins bonne pendant un exercice que sous adrénaline, expliqua Faith.

Spike opina pour acquiescer.

— Moi j'ai trouvé qu'elle avait un bon instinct.

— Ou de bons gènes. Mais bien sûr, il y a une autre explication, ajouta le « conseiller principal d'éducation » pince-sans-rire. Toutes les Summers sont peut-être programmées pour se battre avec toi… ou contre toi, selon les générations.

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.°.

Le bâtiment étant construit sur le modèle ancestral d'un atrium, Spike et son impatience avaient grimpé deux à deux les marches d'un assez bel escalier de bois. Il desservait des coursives au premier étage, supportées par de fines colonnes en pierre blanche. Suranné, mais joli. Il imaginait que la réunion se tiendrait dans le bureau d'Andrew.

Angel avait fait savoir qu'il arriverait dans quelques minutes pour compléter le compte-rendu sur les Démons de la Lune. Faith, pour sa part, ne resterait pas.

Spike s'était donc retrouvé face au bois ciré d'une porte à moulures, la main sur le bouton de poignée, immobile, parce qu'il sentait que Dawn n'était pas très loin. Debout sur le seuil, il hésita entre attendre Angel, ou pas. La réponse arriva vite : il n'avait pas envie d'attendre Angel et très envie de voir celle qu'il avait déçue.

En quelques enjambées, il trouva la pièce qui l'intéressait. En entrant, il resta interdit quelques secondes, face au décor qui lui sembla vaguement familier, sans qu'il pût vraiment dire pourquoi. En tous cas, c'était plein de bouquins – comme on pouvait s'y attendre. Une seule fenêtre plutôt étroite donnait sur le ciel nocturne.

L'endroit n'était pas très grand, avec un petit bureau dont le style ancien cadrait avec le reste mais aussi une grande table ronde qui lui évoqua irrésistiblement celle de la boutique de magie d'antan.

— Alors te voilà.

La voix le fit sursauter. L'air était saturé du parfum sucré de Dawn, mais il n'avait détecté aucun mouvement en entrant, il fut donc surpris de voir qu'elle était adossée au mur derrière de la porte qu'il avait laissée ouverte. Elle portait une robe portefeuille mi-longue d'une teinte pervenche qui faisait ressortir ses yeux. Ses cheveux étaient détachés mais plus courts que dans son souvenir. Il n'aima pas qu'elle ait sacrifié l'une de ses plus belles parures féminines qui lui plaisait tant.

— Dawn ! dit-il avec un sourire ravi. Est-ce que tu te caches ?

— Je sais que c'est inutile avec toi.

Après avoir refermé lentement sa porte, elle s'avança vers lui sans hâte.

Il aurait pu arrêter la gifle mais peut-être se sentait-il la mériter ? Il garda la tête tournée de côté quelques secondes, le coup n'était pas assez fort pour qu'il marque.

— Bonjour à toi aussi, mon cœur, dit-il avec une lueur étincelante dans le regard.

Du coin de sa bouche à peine corné, au frémissement du sourcil légèrement haussé, tout en elle trahissait une future question imminente. Il se demandait encore laquelle, quand sans transition, elle l'attira à elle pour embrasser brièvement sur lèvres et puis dans le cou, avant d'enfouir la tête dans le creux de son col qui sentait le cuir.

Il l'avait reçue dans ses bras désemparés.

— Euh... Le prends pas mal mais… finalement, je trouve que tu as un style assez similaire à celui de ta sœur...

De son poing gauche mécontent, elle lui tapa deux trois fois sur le biceps pour le faire taire et se pressa davantage contre lui, seulement mue par une étonnante possessivité ou simplement par la peur de l'avoir perdu. Il passa ses mains dans son dos et veilla à ne pas les laisser s'égarer trop bas. Cette robe ne faisait rien qu'attiser son envie de défaire le nœud qui la fermait à la taille.

— Je t'en ficherai du style similaire, espèce de crétin ! marmonna-t-elle toujours contre son épaule. Tu vas la fermer cinq minutes ?

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Après quelques instants trop courts, elle s'écarta à longueur de bras pour le regarder dans les yeux. L'expression du vampire était indéchiffrable, paisible presque, patiente sûrement. Elle s'étonna de ses cheveux, déjà blondis d'ordinaire mais encore éclaircis de plusieurs tons. Cette fois, c'était définitif, il avait vraiment la coupe artistement ébouriffée d'un Billy Idol. Puis elle baissa le regard sur ce qu'il portait qu'elle trouvait très différent de d'habitude. Plus moderne, ou en tous cas moins daté. Cela mettait en valeur qu'il était plutôt mince. Mais ça, elle le savait déjà.

— Tu as reteint tes cheveux et brûlé tes frusques qui avaient soixante ans d'âge ?

— Tu ne les aimais pas, toi non plus ? Eh bien, il y a unanimité...

Elle haussa une épaule sans répondre, lui tournant le dos pour revenir vers sa table de travail où elle fit semblant de classer des papiers.

— Je suppose que tu es là pour parler des démons que tu as trouvés là-bas ?

— Entre autres...

— Entre autres quoi ? répliqua-t-elle un peu sèchement.

Elle le scrutait sans autre mot, s'appuyant contre le meuble, incapable de trancher entre son mécontentement et le soulagement de le revoir.

— Eh bien, blouser le gardien bizarre de l'entrée pour qu'il me laisse passer en lui racontant que j'étais un Tueur de vampires comme les autres, me battre contre une dizaine de Tueuses et leur faire comprendre qu'un vampire qui parle a un avantage sur leurs vampibots... Faire les frais d'un pari entre Faith et Angel concernant ta fille...

Elle lâcha tout et releva la tête, les sourcils froncés.

— Qu'est-ce que Maya a à voir là-dedans ?

— Ta fille est excellente dès que la situation devient plus réelle – ou qu'elle le croit. Elle m'a protégé, très créativement je dois dire, d'une dizaine de pieux lancés en même temps. Je me doutais qu'elle pouvait, et d'autant plus parce qu'elle m'a écrit qu'elle aimait s'entraîner avec toi. Je sais ce que tu es capable de faire, sans bénéficier de la force des Élues. Tu lui as transmis quelque chose de ça. Et en plus, comme elle bénéficie des avantages de ses consœurs, elle m'a flanqué par terre pour m'éviter d'être transpercé. J'ai eu l'impression d'avoir pris un petit piano sur l'épaule. Crois-moi, j'en ai déjà reçu un, j'ai une bonne idée de ce que ça fait.

Il avança d'un pas vers elle, quitte à recevoir une autre baffe, et rendit son intonation plus caressante.

— Donc si tu es si froide, c'est parce que tu as dépassé le manque en détournant un vampibot qui me ressemble pour en faire un sex toy ?

Elle ouvrit la bouche, choquée qu'il puisse supposer une chose pareille. Mais, évidemment, étant donné son passé, la question pouvait faire sens. N'avait-il pas commandé le "Buffybot" à ce psychopathe de Warren Myers ? L'équivalent ultra-technologique d'une poupée gonflable pour assouvir tous ses fantasmes ? Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait insisté pour qu'elle comprenne ce qu'il était et qui il était.

Elle était probablement toute rose, mais elle plissa les yeux et pencha la tête sur le côté, en une imitation inconsciente de lui-même.

— UN vampibot ? Mais pourquoi un seul ?

Il se planta devant elle avec un sourire en coin, ce qui obligea Dawn à reculer jusqu'au bord de son bureau. Il baissait les yeux pour faire ce truc ignoble de vampire qui consistait à se gorger de phéromones et de senteurs, ou bien c'était juste pour lorgner son décolleté pourtant vraiment pas outrageux, ou bien pour se réjouir de sa respiration plus précipitée, ou bien pour cacher combien ses iris étaient dilatés. Ou bien tout cela à la fois...

— Summers, pourquoi diable toujours te contenter de pâles copies quand tu peux avoir l'original ? questionna-t-il d'une voix plus grave.

Spike avait l'air très content de sa répartie, très sûr de lui et de l'effet qu'il lui faisait. Les super sens étaient vraiment injustes. Quand il s'avança encore ne laissant que quelques centimètres entre eux, elle n'eut pas d'autre choix que de s'asseoir sur le bureau. C'était probablement ce qu'il complotait depuis le début, parce que cette fichue robe s'ouvrait en dégageant ses cuisses. Son sourire sensuel confirma vite que ça lui plaisait infiniment. Une main à la taille de Dawn, il s'approcha au plus près du bois pour l'étreindre sans la moindre équivoque sur ses intentions.

— J'adore cette robe, murmura-t-il entre deux frôlements de lèvres dans son cou et son autre main flattant l'extérieur de sa cuisse. Il me suffirait de défaire cette petite ceinture, dégager tous ces bouquins, et te renverser sur ce bureau pour embrasser ta peau.

Il était bien difficile de résister ses effleurements qui oscillaient entre la délicatesse et l'audace. Elle ferma les yeux et se cambra, attirant sa tête aux mèches si claires pour guider le fil de ses baisers ouverts à la naissance de ses seins. La maîtrise de son corps et de ses gestes semblaient lui échapper. Elle le sentit sourire contre sa peau quand elle releva un genou pour l'enserrer avec sa jambe. Il vint aussitôt avidement au contact direct et reprit sa bouche avec une passion qui lui ressemblait déjà plus, ravi sans doute de voir qu'elle répondait si bien et s'enflammait en étant à peine caressée...

Dawn, concentre-toi, réfléchis…

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— Pourquoi ? demanda-t-elle le souffle court en essayant de maintenir un semblant de conversation. Tu fantasmes toujours sur les tables ?

Il laissa échapper un rire étouffé dans ses cheveux qui le fascinaient. Décidément, ce qu'il avait fait avec Anya sur la table de la boutique de magie allait probablement le poursuivre encore quelques décennies.

— Non. J'aime faire l'amour à peu près partout. Je ne suis pas difficile... Mais tu pourrais détourner mon attention sans peine. Faire diversion me débarrassant de quelques couches de vêtements, par exemple, suggéra-t-il.

— On est dans mon bureau ! Tu as déjà bien de la veine de pouvoir m'embrasser…

Plein de bonne volonté, il s'exécuta volontiers. Mais bien que le second baiser qu'il reçut fut très doux – et trop chaste à son goût – ce fut lui qui le rompit parce ce contact libérait un flot de sensations très excitantes. Il sentit ses gencives piquer. Surpris et passablement humilié de constater qu'il avait encore moins de contrôle qu'un ado post-pubère, il eut le temps de guider la tête de Dawn sur son épaule, en le faisant passer pour un geste tendre, tandis que ses canines pointaient d'un coup et sa vision se modifiait.

Il pria pour que le froissement du cuir ait masqué le son du cartilage plissé qui remodelait son visage. Il se força à respirer plus amplement. On ne mord pas Dawn. On ne mord PAS Dawn !

— Quoi ? murmura-t-elle contre lui, inconsciente de la pression qu'il éprouvait.

L'envie de goûter un peu sa belle épaule, ou le haut de son sein bombé, l'assaillait de nouveau avec une belle vigueur et il se sentait revivre littéralement à cette idée de mordiller pour de faux. Ou juste un petit peu, à peine une éraflure qu'il refermerait aussitôt. Juste une perle de sang... Oh non, non, non, mauvaise pente !

Dans ses poings, elle serrait convulsivement son pull sous le blouson. Oh, il valait mieux qu'il ne pense pas du tout à ses deux petites mains chaudes et aimantes qui glisseraient sur son torse… Oublie, oublie !… L'appétit qu'il avait d'elle lui tordit les entrailles et son excitation allait devenir difficile à contenir. Calme-toi ! Pitié ! Ne lui refais pas le même coup !

Il inspira encore, en lui caressant les cheveux et, quand il fut sûr d'avoir reflanqué le mauvais génie dans sa lanterne, il fit reposer leurs fronts l'un contre l'autre.

— Je pense que je ne peux pas te cacher que j'ai envie de bien plus que ce petit bisou adorable… Je t'ai déjà dit que j'aimais faire l'amour partout ?

A sa surprise, elle caressa sa joue de la paume et s'avança pour lui donner sa bouche. Le baiser suivant fut plus exploratoire et plus intime, le vecteur muet de leurs sentiments exacerbés, un dialogue fervent qui brodait sur le thème : « Ne m'abandonne plus comme ça », suivi de « Mais quel abandon ? Je crevais d'envie de te revoir », avec une touche de « J'ai eu si peur de t'avoir perdu pour toujours », et de « Sans ton souvenir, je n'aurais jamais tenu »...

Et la porte du bureau s'ouvrit en grand.

— Ah ben si, tu vois, ils étaient là... constata la voix d'Andrew.

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