Snakes Of Despair
Chapter seventeen,
Orihime déposa ses chaussures d’école dans son casier avant de revêtir les souliers qu’elle avait achetés l’année dernière, dans le centre ville de Karakura, avec Tatsuki. En refermant la porte métallique du petit conteneur, la jeune fille se remémora la journée qu’elle venait de passer. Ce matin, à la première heure, Renji avait été surpris trichant durant un contrôle d’histoire et avait été collé le soir-même, tout comme l’était Orihime depuis son écartement avec Loly. Rangiku et Nemu s’étaient inscrites aux danses traditionnelles de fin de semaine et aux cours de préparation qui se tenaient l’après-midi. Après les cours, une séance photographie avait été tenue à l’entraînement de football. Les uns après les autres, ils avaient été photographiés, tels des mannequins, dans le but de constituer les fameux calendriers du club, supposés financer une partie du budget du camp d’entraînement de cet été. Orihime avait donc posé une première fois seule, en tant que joueuse. En tenue de football, elle avait été prise légèrement de côté, après avoir envoyé le ballon en l’air de son pied droit, un sourire sur les lèvres. Ebloui par son potentiel photogénique, le photographe avait décidé de reprendre une prise. Après lui avoir demandé d’attacher ses cheveux en une haute queue de cheval, il l’avait faite s’allonger sur l’herbe.
« Mets-toi sur le ventre, avait-il dit. Redresse-toi sur tes coudes et pose le revers de ta main droite sous ton menton. Ensuite, relève tes pieds. »
La concernée avait eu beaucoup de mal à comprendre ce qu’il voulait qu’elle fasse, mais heureusement, Toshiro l’avait aiguillée. Il avait d’ailleurs été chargé de poser un ballon de foot sur les crampons de la jeune demoiselle, tournés vers le ciel.
« Regarde à l’horizon, avait reprit le photographe. C’est ça ! Entrouvre ta bouche. Voilà ! Comme ça ! Parfait. »
Puis, elle avait voulu poser avec Toshiro, avant de faire une apparition dans la photo de Rangiku et Tia, qui endossaient ici le rôle de pom-pom girls et avaient insisté pour qu’elle les rejoigne. Ensuite, ç’avait été le tour des garçons. Le premier, Toshiro avait été celui ayant posé avec le moins de facilité, gêné par l’objectif, les regards posés sur lui ou encore les commentaires faits sur son incapacité à sourire. C’était ensuite le tour de Renji, qui s’était laissé prendre au jeu et s’était improvisé mannequin. Il y avait ensuite eu Hisagi, Ginjo, le reste de l’équipe, le coach, et même Grimmjow, qui avait été autorisé à venir. Orihime avait pris soin de rester le plus loin possible de lui, n’ayant pas oublié la gifle qu’elle lui avait asséné la semaine dernière. Tout au long de la séance, elle s’était appliquéd à éviter son regard et à ne pas le relever lorsqu’elle le sentait posé sur elle – assez souvent –, à se tenir à l’opposé de là où il était, à le fuir complètement.
Mais lorsqu’elle l’avait vu ôter son tee-shirt, dévoilant son buste délicieusement, ou plutôt divinement sculpté, elle avait cru perdre la raison. Sentant le feu lui monter aux joues, elle s’était détournée. Renji avait suivi le mouvement, révélant au grand jour ses muscles saillants et ses tatouages d’un noir intense qui traversaient son buste, tatouages qu’Orihime avait d’ailleurs trouvés magnifiques. Toshiro s’était insurgé, hurlant qu’il s’agissait d’un calendrier de foot et pas un magasine érotique. Mais ses protestations n’avaient pas été entendues et Hisagi comme le reste de la bande avait eux aussi retiré leur haut, sous les regards intéressés et critiques de Rangiku et Tia. Les deux blondes avaient d’ailleurs également pris des photos, ainsi que Nemu, qui s’était avérée être un mannequin des plus sensuelles qui soient ou encore Hiyori, qui timide à sa façon, avait fini par accepter de prendre une photo sur laquelle elle affichait son sempiternel air teigneux. S’en était suivie d’une photo collective. Etant la plus petite après Toshiro, Orihime avait été placée aux côtés de son capitaine. Le photographe avait ensuite laissé les autres décidés de leur place. Certains s’étaient accroupis et agenouillés sur le devant, tandis que d’autres avaient pris place sur les côtés et derrière. Elle avait gloussé quand Renji, de par sa grande taille, avait été repoussé sur le côté, pour ne pas cacher les joueurs plus petits. Orihime avait échangé un regard avec Toshiro, qui lui avait rendu son sourire de façon timide et petite. Puis, sans prévenir, emportée par l’élan enthousiaste de l’équipe, la rouquine avait passé un bras autour de son épaule et l’avait attiré à lui, le faisant quitter son masque de glace au moment où le photographe appuyait sur l’appareil. Orihime sourit à ce souvenir. Elle achèterait le magasine, à coup sûr.
Par la suite, Orihime et Renji avaient fait leurs heures de colle ensemble et nettoyé un étage tout entier des classes du bâtiment A. Pour rendre cette corvée plus facile, ils avaient entrepris des challenges, des défis et surtout des courses. Autrement dit, ils avaient bien ri, et la colle était passée bien vite.
Orihime quitta son allée de casier et remonta dans le hall. Son téléphone vibra, affichant un message d’Hisagi la faisant sourire. Le jeune Shuhei était un garçon génial. Ce week-end, lorsqu’elle avait dormi chez lui, elle avait découvert le matin qu’il avait établi son lit sur le sol, pour ne pas la gêner. Elle s’était d’abord sentie mal de l’avoir involontairement chassé de son lit ; et ce sentiment s’était accentué lorsqu’il lui avait appris qu’il avait passé une partie de la nuit dans son lit, étant donné qu’elle pleurait et ne s’était apaisée que lorsqu’il l’avait serrée dans ses bras. Elle qui avait d’abord éprouvé une énorme gêne avait été très vite rassurée par son ami, et en avait été émue et touchée.
Sur ce souvenir, la jeune lycéenne quitta le hall, vide à cette heure-ci, et s’engagea dans la cour pour atteindre la grille de l’école. Nous étions déjà mi avril. Il faisait beau, mais le soleil ne semblait plus d’aucun réconfort pour notre jeune Inoue. Près de huit semaines s’étaient écoulées depuis la mort de Tatsuki, huit semaines de séjour en Enfer. Orihime se frotta les yeux, comme pour effacer ses pensées négatives et jeta un coup d’œil autour d’elle. Elle vit une silhouette adossée contre l’établissement du lycée, plutôt loin d’elle et plissa les yeux. Il ne lui fallut que peu de temps pour reconnaître Loly et se mettre à marcher plus vite. A la fin de l’entraînement, celle-ci était apparue pour une raison inconnue, et en voyant les marques des coups d’Orihime sur son visage, Grimmjow avait éclaté d’un rire à en humilier le plus impassible des Hommes – Ulquiorra non-compris.
« Putain, Loly, s’était-il esclaffé en plein fou-rire. C’est trop beau pour être vrai ! Elle ne t’a pas ratée, hein ? Elle t’a carrément défigurée ! Bordel, t’es une œuvre d’art ! Digne de Picasso ! »
Loly avait semblé mourir de colère. Mais Grimmjow ne l’avait pas considérée, avait rivé son regard à celui d’Orihime sans qu’elle ne puisse déchiffrer la lueur brillant dans ses yeux, avant de se détourner. Mieux valait donc que la rouquine reste loin de Loly, si elle ne voulait pas avoir de nouveaux problèmes. Une telle humiliation... Elle le lui ferait sûrement payer. Alors, Orihime se dépêcha. Priant pour ne pas attirer le regard de la brune, elle accéléra le pas vers la grille du lycée. Quelques secondes plus tard, elle quittait l’enceinte de l’établissement. Devant l’école, elle aperçut une silhouette familière qui s’éloignait, de l’autre côté de la route. Elle reconnut aussitôt Ulquiorra, le sac à l’épaule, les mains dans les poches, la démarche souple et légère. Poussée par cette attraction qui s’exerçait entre elle et le brun, Orihime s’apprêtait à traverser la route, quand elle remarqua la voiture qui s’avançait depuis la gauche. Elle s’arrêta alors et revint sur le trottoir. Mais, à cet instant précis, une odeur qu’elle savait désormais reconnaître envahit ses narines et elle sentit deux mains se poser dans son dos. Cette scène lui était familière. Combien de fois était-ce déjà arrivé, depuis la rentrée ? On la poussa. Orihime dégringola sur la route et regarda l’automobile foncer sur elle, le klaxon et les freins enfoncés.
La jeune lycéenne ne vit pas sa vie défiler, comme la légende le prétendait. Le vent souffla, lui apportant les effluves d’un délicieux parfum, indescriptible, presque surnaturel. La mort, songea-t-elle, avant de réaliser qu’elle connaissait parfaitement cette odeur. Ses yeux s’écarquillèrent avant d’être masqués par ses cheveux. Une décharge mystique avait pris naissance au niveau de son poignet droit. Aussitôt, elle fut tirée, comme absorbée par un courant de puissance, projetée dans une nouvelle dimension, avant de s’écrouler sur ce qui lui semblait être du béton.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, Orihime était toujours en vie. Elle releva les yeux et croisa instantanément ceux de son sauveur, d’un vert à la faire défaillir. Ulquiorra Schiffer. Il la surplombait de toute sa hauteur, son ombre projetée sur la rouquine. Elle le fixa avec une lueur de fascination dans les prunelles, à genoux devant lui. La mort qu’elle venait de frôler était déjà bien loin dans son esprit. Ses pensées étaient tournées vers Ulquiorra, une seule question habitant sa tête : comment avait-il fait ? Avant d’avoir cherché à traverser la route, elle se souvenait l’avoir vu à une dizaine de mètres du trottoir. Ou du moins, à une distance que n’importe qui serait incapable de franchir en moins d’une seconde.
Mais alors qu’elle torturait son esprit, établissant toutes sortes d’hypothèse sur une force phénoménale d’origine extraterrestre, elle se souvint des deux paumes pressées sur son dos et se retourna vivement. Hormis le conducteur qui vociférait, furieux et apeuré, dans les yeux duquel elle lisait une incompréhension sans nom, il n’y avait personne. Mais Orihime était sûre d’elle. Elle savait ce qui s’était passé. Elle décida pourtant de ne pas s’en soucier. Elle se retourna vers Ulquiorra et se releva en se grattant la tête, arborant une mine gênée.
« Euh, je... Merci, Schiffer-kun. Vraiment. Tu viens de me sauver la vie. »
Elle frottait ses genoux éraflés quand il rétorqua d’une voix dure :
« Regarde où tu vas, la prochaine fois. »
Orihime releva ses yeux vers lui et croisa son regard vert dardé sur elle. Il était teinté d’un agacement plutôt fort pour quelqu’un comme Ulquiorra, qui devait s’apparenter à de la colère chez lui. Il rajouta :
« Au moins, si tu veux mourir, fais-le loin de moi. »
Puis se détourna. Elle le regarda s’éloigner, presque stupéfaite. Il n’avait pas pris la même route que celle qu’il avait empruntée toute à l’heure, comme s’il savait qu’elle prenait le même chemin que lui. Elle sentit son cœur se serrer. Elle ne savait décidément pas s’y prendre avec lui. Et cela n’allait pas en s’arrangeant.
Lorsqu’Orihime se réveilla le lendemain, elle manqua de vomir en se redressant de son futon. Elle rouvrit les yeux et eut le souffle coupé. Ses mains, ses bras, ses cuisses et ses draps étaient tâchés d’un liquide écarlate foncé. Aussitôt, son cauchemar lui revint en tête, lui imposant de nouveau le viol, la torture et le meurtre de Tatsuki qu’elle venait de vivre dans son sommeil. Soudainement emparée d’une horreur folle, elle chercha à crier, mais sa voix ne réalisa qu’une courte plainte étouffée. Le souffle coupé, elle porta ses mains à son visage, puis à sa poitrine. Elle s’empoigna le sein gauche et son visage se crispa de douleur. Une souffrance sans nom la torturait. Le front en sueur, les yeux explosés, les joues humides des larmes qu’elle avait versées, elle se recroquevilla. Elle enfonça son visage dans l’oreiller, le mordant de toutes ses forces, tandis qu’elle se tordait de douleur, ne parvenant pas à hurler son mal. Et après une dizaine de minutes de torture, elle retomba sur le sol froid, inerte. Elle jeta un coup d’œil à ses draps : le sang avait disparu. Etalée sur le parquet, elle resta immobile quelques secondes avant qu’elle ne se mette à pleurer. Les larmes coulaient silencieusement et froidement de ses yeux, sans un sanglot pour les accompagner.
Les cauchemars d’Orihime prenaient sans cesse de nouvelles directions et faisaient toujours preuve de plus d’originalité. Comme pour la faire souffrir davantage. Elle y voyait un Ichigo – ou Shirosaki, elle ne savait comment l’appeler désormais – psychopathe qui la terrifiait, tel un monstre de l’Enfer venu la tirer dans les abysses. Tatsuki aussi hantait ses rêves. Mais il ne s’agissait pas de la Tatsuki qu’elle connaissait. C’était une Tatsuki ensanglantée qu’elle retrouvait la nuit, une Tatsuki démembrée, torturée, violée, éventrée, égorgée, dont le sang venait éclabousser son visage et s’infiltrer dans sa bouche. Dans chacun de ses cauchemars, Orihime était impuissante. Exactement comme elle l’était dans la vie réelle.
Ichigo avait tué Tatsuki. Lui qui avait été sauvé si souvent par Tatsuki, étant enfants, l’avait tuée. Lui dont Orihime avait été amoureuse si longtemps, l’avait tuée. Il avait pris ses sentiments. Il avait tenté de prendre sa virginité. Il avait pris sa joie de vivre, son envie de vivre. Il avait pris ses rêves. Il avait pris la vie de sa meilleure amie, la vie du seul être cher qui lui restait. Il lui avait tout pris. Et il s’en était tiré sans le moindre problème, protégé par la famille de Rukia Kuchiki, celle qu’elle pensait connaître. Après être parvenue à se calmer, la rouquine se leva et s’empara de son téléphone. Il n’était que quatre heures du matin. Alors, elle ouvrit les volets et les fenêtres de sa chambre et alluma la lumière pour chasser les ténèbres de sa chambre, dans l’espoir que cela chasserait aussi celles de son cœur. Puis, elle se laissa glisser contre le mur, dans un coin de la pièce. Les jambes ramenées contre sa poitrine, elle entoura ses genoux de ses bras et y nicha son visage. C’était sûrement le rêve le plus terrible qu’elle ait fait depuis sa descente en Enfer. Mais elle savait que cela ne s’arrêterait pas là.
Comment ais-je pu croire que j’allais arrêter de souffrir, se demandait-elle, consciente qu’elle ne parviendrait jamais à faire son deuil.
Et elle resta là, des heures et des heures.
Quand le temps fut venu pour elle de se rendre à l’école, elle se prépara rapidement et sortit vite de son petit appartement. Elle était sortie très en avance, pour être sûre de ne croiser personne sur le chemin. Elle se savait incapable de feindre le bonheur, aujourd’hui, et sentait que cette journée n’en serait pas une belle. Et ce fut le cas. Ni la bonne humeur de Rangiku, ni les blagues de Renji ne la firent esquisser un sourire, ce matin. Il en fut de même pour la bienveillance de Tia, la férocité d’Hiyori ou encore la gentillesse de Kira. Pas même la présence d’Hisagi la fit se sentir mieux. Et Toshiro ne fit pas mieux.
Ainsi, à midi, elle s’excusa vaguement auprès de ses deux camarades de classe, avant de rapidement s’enfuir. Elle se posa dans un coin reculé de la cour, près d’un arbre, là où elle était sûre d’être seule. Elle observa son bento d’un air lointain et se mit à manger machinalement, sans la moindre envie. Son regard était rivé dans le vide quand une tâche noire et blanche vint entrer dans son champ de vision. Elle n’eut nullement besoin de relever les yeux pour comprendre qu’il s’agissait d’Ulquiorra Schiffer. Mais aujourd’hui, elle n’allait pas lui faire la conversation inutilement, elle n’en avait pas le cœur. Ça lui ferait sûrement des vacances.
Mais quelle fut sa surprise lorsqu’il s’avança vers elle et ouvrit la bouche.
Que fais-tu là, loin de tes amis ?
Il avait insisté sur le dernier mot. Sa voix était redevenue transparente, dépourvue de toute émotion. Le regardant à peine, elle répondit :
Je prends simplement l’air.
Il se plaça de côté, lui tournant à moitié le dos, le regard balayant le reste de la cour.
Si tu ne veux masquer ta tristesse, fais-le bien. Tu transpires le désespoir.
La concernée grinça des dents. Elle pressa l’arrière de son crâne contre le bois de l’arbre et fit un effort pour conserver une voix neutre et calme.
Penses-tu que ce soit facile ?
Il y avait malgré tout une légère trace d’animosité dans sa voix, qu’Ulquiorra avait bien évidemment perçue. Sans bouger, il lui jeta un regard en coin, comme il le faisait si souvent. Il darda ses yeux sur elle, ses longs cheveux roux retombant sur son visage assombri.
Tu t’en tires pourtant bien, la plupart du temps.
Cet aveu surprit Orihime qui n’en montra toutefois rien. Elle ne répondit pas, plongée dans ses pensées. Le vent souffla, venant fouetter son visage. De longues minutes s’écoulèrent, sans que ni l’un ni l’autre ne parle. Ou si, peut-être avait-il parlé. Elle n’en savait rien. Toujours est-il qu’après être restée dans un silence de marbre, elle lâcha soudainement :
Schiffer-kun, pourquoi es-tu seul ?
Je n’ai besoin de personne, répondit-il après quelques secondes. Tisser des liens ne ferait que me gêner.
Ces paroles provoquèrent l’ouverture des yeux de la lycéenne. Quelques instants après, elle reprit et demanda :
Rester seul, ne plus tisser de lien... Cela empêchait la douleur ?
Ulquiorra la fixa longuement. Elle avait les yeux rivés dans le vide et paraissait être ailleurs. Elle semblait s’être adressée avant tout à elle-même, il ne jugea donc pas nécessaire de répondre.
Mais alors, soudainement, un déclic sembla s’opérer et les yeux gris d’Orihime retrouvèrent leur semblant d’éclat.
Personne n’aime être seul, poursuivit-elle.
Ne me met pas dans le même sac que les autres, rétorqua-t-il. Tu ne sais rien de moi.
Pour la première fois depuis le début de la conversation, elle tourna sa tête vers lui.
Oui, justement. J’aimerais te connaître.
A son tour et de nouveau, Ulquiorra la fixa avec intensité. Etait-elle ahurissante ou débile ? Sûrement un peu des deux. Néanmoins, il pencha davantage pour la seconde option.
Tu es encore plus idiote que ce que je pensais.
C’est possible, affirma-t-elle en se grattant la tête, grimaçant.
Et si ne je veux pas ? Demanda-t-il en rebondissant sur sa précédente question.
J’essaierais quand même. Sûrement. Je ne sais pas pourquoi... Mais je dois le faire. Peut-être t’ais-je déjà rencontré dans une vie antérieure, peut-être avons-nous même été amis ? Ou peut-être pas, se reprit-elle en surprenant le regard d’Ulquiorra sur elle. Enfin. Sache que si un jour, tu te lasses de ta solitude, je suis là.
Ulquiorra en resta figé. N’importe qui aurait pu penser qu’elle rigolait ou qu’elle se moquait de lui. Mais même s’il ne voulait l’accepter, il savait qu’elle était sincère. Elle l’était dans tout ce qu’elle faisait. Une sincérité absolue et titanesque. Une sincérité qui la détruira sûrement, pensa-t-il.
La suite de la journée d’Orihime fut comme elle avait commencé. Triste et terne. Elle ne cessa de se répéter les paroles d’Ulquiorra et de tourner sa théorie dans tous les sens.
Rester seul pour ne plus souffrir.
Etait-ce la solution ? Devait-elle abandonner tous ses amis pour ne plus à souffrir de leur perte ? Devait-elle briser tous ses liens pour ne plus s’en retrouver dépendante ? Ses relations étaient-elles réellement des gênes ? S’en sortirait-elle sans ses amis ? Parviendrait-elle à tenir ? Ou serait-elle consumée par les Ténèbres qui épiaient chaque moment de faiblesse chez elle ?
Rangiku, qui était plus près d’elle que Renji, lui demanda :
Je suis désolée, mais je suis obligée de m’en mêler, annonça-t-elle. Alors dis-moi : qu’y-a-t-il ?
Prise au dépourvue, la rouquine la regarda avec de grands yeux.
Non, ne t’en fais pas, tout va bi-
Orihime, lâcha Rangiku d’un ton dur. Ne m’énerve pas.
Elles échangèrent un regard.
Est-ce que, par hasard... ça aurait un rapport avec les deux cadres posés dans ton salon ?
A la mention des photos de son frère Sora et de Tatsuki, Orihime sursauta. Ayant compris le sens de cette réaction, Rangiku reprit :
On les a vus, moi et Tia, quand on dormait chez toi, il me semble.
Oui, répondit Orihime après quelques secondes d’hésitation. Il s’agit de mon frère, mort quand j’étais plus petite et de ma meilleure amie, elle aussi décédée.
Rangiku ouvrit la bouche. Mais alors qu’elle commençait sa phrase, le professeur lui indiqua qu’il était l’heure pour elle d’aller en coulisse, se préparer pour le spectacle qu’elle devait assurer après les cours. Elle se leva, le regard fixé sur son amie. Elle était réticente à l’idée de partir. Alors elle posa sa main sur l’épaule d’Orihime comme pour lui faire passer un message, avant de se détourner. Quelques minutes après, la sonnerie retentissait, annonçant la fin des cours pour aujourd’hui.
Orihime n’eut pas le temps de faire un geste que Renji se trouvait devant son pupitre, imposant.
Tu ne m’échapperas pas, cette fois-ci, annonça-t-il d’une voix sans appel.
La rouquine ne sut comment prendre cette forme d’avertissement. Son ton était blagueur, mais dans son regard pointait une lueur de dureté. Elle échangea un long regard avec lui et esquissa un sourire. Mais celui-ci dut être désastreux car elle vit Renji avoir un sursaut et, après avoir écarquillé ses yeux, froncé ses sourcils. Il avait compris que quelque chose clochait, mais n’en montra rien. Il contourna la table et vint se poster près de la chaise d’Orihime. Avec un sourire, il lui tendit la main. Mais la jeune Inoue hésita. Les paroles d’Ulquiorra lui revenaient en tête, elle ne savait que faire. Devait-elle accepter cette paume que lui offrait Renji ? Etait-elle sûre de vouloir se lier à lui, prenant ainsi le risque de souffrir si elle le perdait ?
Elle leva sa main mais la laissa en suspens. Elle vit Renji froncer les sourcils un peu plus. Elle hésitait, ne savait que faire. Ce geste avait tout une symbolique pour elle, et elle était indécise. Devait-elle briser ses liens pour ne plus souffrir de les perdre ? Pour ne plus se voir détruite ? Mais alors qu’elle s’apprêtait à retirer sa main, Renji la lui attrapa avec vivacité et d’un geste, la força à le regarder. Il ne parla pas, ne prononça pas un mot, se contenta simplement de plonger son regard dans celui de son amie. Orihime sursauta et examina la lueur qui brillait dans les prunelles du rouquin. Elle manqua de pleurer : Renji avait compris.