Snakes Of Despair
Chapter sixteen
Orihime regarda l’horloge qui était accrochée dans le hall. Elle était à l’heure. Elle arrangea ses souliers avant de s’engager dans le couloir de la salle des professeurs. Le papier peint neutre des murs, la couleur rougeâtre du sol, la lumière agressive des néons accrochés au plafond. Le couloir lui était devenu familier, à force de ses aller-retours à l’infirmerie. Son sac sur l’épaule, elle remonta le corridor, s’avança tranquillement jusqu’à la pièce dans laquelle elle avait rendez-vous et toqua à la porte avant de l’ouvrir. Elle qui s’attendait à trouver la salle de réunion plus ou moins vide fut très surprise. Presque tous les délégués étaient déjà là. Elle salua timidement l’assemblée tout en prenant soin de ne croiser aucun regard et referma la porte derrière elle. Elle s’avança dans la pièce, jaugea l’un des quatre sièges encore vides et alla prendre place autour de la longue table rectangulaire.
Alors, et alors seulement, elle s’autorisa à jeter un coup d’œil aux autres lycéens qui siégeaient dans la pièce. Ses yeux se mirent à défiler discrètement sur chacun des représentants. Elle n’en connaissait aucun, si ce n’était l’étrange garçon aux cheveux roses dont elle avait déjà croisé les yeux jaunes, un jour où il discutait avec Tia. Son amie lui avait bien donné son nom, mais elle avait été incapable de s’en rappeler. Orihime continua à observer les élèves, puis reporta son attention sur la porte. Sans être capable de se l’expliquer, elle garda ses yeux rivés sur le battant fermé. Et quelle fut sa surprise lorsque la poignée se tourna et que la porte s’ouvrit sur un jeune homme, ce jeune homme. Ulquiorra Schiffer.
A peine eu-t-il levé les yeux qu’il croisa ceux d’Orihime. Ce fut instantané. Un intense frisson parcourut le corps tout entier de la jeune Inoue. Malgré la distance, la connexion visuelle dont ils étaient tous les deux victimes se fit, et l’espace de quelques secondes, ils furent accrochés au regard l’un de l’autre. Jusqu’à ce que la voisine d’Orihime fasse irruption dans son champ de vision.
« Konnichiwa. Je suis Hinamorie Momo. Tu es nouvelle ici ? »
Surprise, Orihime se détourna du brun et considéra la lycéenne qui la fixait de ses grands yeux marron, un sourire aux lèvres. Elle avait un visage doux et des cheveux bruns foncés attachés en un chignon sur le haut de son crâne, chignon recouvert d’un tissu bleu pastel.
La rouquine s’empressa de lui rendre son sourire et de se présenter :
Oui. Je suis Orihime Inoue. Je suis la déléguée de la classe 2 des troisièmes années.
Enchantée, Orihime-san. Je t’avais déjà vu avec Rangiku-san auparavant, mais je n’ai jamais eu l’occasion de venir te saluer.
Tu es une amie de Rangiku ? S’enquit la rouquine.
On fréquente la même école depuis bien longtemps, maintenant, alors on se connaît bien. Ah, et j’oubliais, je représente la classe 5.
Cinq... Tu es dans la classe d’Hisagi ?
Tiens, tu le connais ? Oui, c’est bien ça.
Oui, je suis-
Mais la principale fit son apparition dans la salle, accompagnée d’adultes qu’Orihime ne connaissait pas, ayant loupé la réception de la rentrée. Elle échangea un regard entendu avec Hinamorie, qui lui faisait signe qu’elles parleraient plus tard. Quelques secondes après, la rouquine jeta un coup d’œil supposé discret à Ulquiorra mais s’apercevant qu’il la fixait déjà, détourna rapidement le regard, le cœur battant. La réunion commença rapidement. En ce début d’année, ils abordèrent des sujets divers, comme le passage à l’uniforme d’été qui allait se faire plus tôt que prévu, les dates des premiers examens ou encore les dates et les préparations des différents festivals de l’année.
Jusqu’à ce que l’heure de manger arrive. Seuls deux délégués sortirent manger dehors, tandis que le reste du groupe restait déjeuner dans la salle de réunion. Ce que fit Orihime. Elle allait accepter l’invitation d’Hinamorie qui lui proposait de partager son bentô avec elle et son groupe d’amies avant de remarquer Ulquiorra, assis sur le rebord de la fenêtre, seul. Prise d’une irrésistible envie de se soustraire à cette demande – et surtout de le rejoindre – la rouquine s’excusa auprès de la gentille Hinamorie et s’avança près du brun aux yeux verts.
« Je peux m’asseoir ? » Demanda-t-elle avec un sourire.
Il ne lui donna aucune réponse. Pas un geste, ni même un regard, et se contenta de garder les yeux rivés dehors. Alors, Orihime prit timidement place près de lui, tentant silencieusement de comprendre pourquoi était-elle venue, sachant pertinemment qu’il ne désirait pas sa présence près de lui.
« Il est bon, ton bento ? » S’enquit-elle, tentant d’entamer une conversation.
Mais aussitôt, il lui rétorqua :
« Epargne-moi tes questions stupides. Ne t’efforce pas de me faire la conversation. Le silence est bien plus plaisant. »
Orihime en fut bouleversée. Sa voix était toujours aussi calme et maîtrisée, mais c’était différent de la dernière fois où il lui avait adressé de la parole. Il l’avait toujours regardé comme un être insignifiant, ou quand elle avait de la chance, comme une chose curieuse dont il ne comprenait pas l’existence. Cette fois-ci, c’était différent. Il semblait presque agacé. Alors, la rouquine garda le silence, se questionnant. Avait-elle poussé le bouchon trop loin ? Toute l’absurdité de son geste lui apparut alors. Que lui avait-il pris ? A quoi s’attendait-elle, en s’incrustant dans une bulle dans laquelle elle n’avait pas été invitée ? Pour qui se prenait-elle ?
Ils restèrent ainsi, dans le silence, durant de longues minutes. Jusqu’à ce qu’Orihime sente le regard d’Ulquiorra rivé sur elle. Elle se tourna vers lui et fut aussitôt absorbée par l’éclat intense de l’émeraude de ses yeux. Un fourmillement se saisit d’elle, remontant le long de son thorax. Quelle était cette attraction qu’il exerçait sur elle ?
« Femme, commença-t-il. Dois-je vraiment me répéter ? Souhaites-tu réellement être détruite ? Dois-je te briser pour que tu comprennes ? ».
La rouquine le regarda de ses grands yeux gris. Elle frémissait. Quelle était cette force invisible qui la poussait à se rapprocher de lui, sans qu’elle ne puisse l’empêcher ?
Il reprit : « Pourquoi- » mais Orihime ne lui laissa pas le temps de répondre. Ses yeux plongés dans ceux d’Ulquiorra, qu’elle soutenait désormais sans la moindre difficulté, elle lâcha d’un ton aussi inexpressif que le sien :
« Ne me demande pas. »
Elle ne vit pas la lueur indéchiffrable qui traversa les prunelles de son interlocuteur, rivées aux siennes.
Quoi ? Dit-il.
Ne me demande pas, répéta-t-elle lentement. Je ne sais pas.
Quelques secondes de silence s’écoulèrent, avant qu’il ne reprenne :
De quoi parles-tu ?
Je ne devrais pas être ici, affirma-t-elle. Je le sais.
Alors-
Mais je suis là.
Ulquiorra se tût et la fixa avec intensité. Elle avait ses yeux rivés dans les siens, mais semblait également se parler à elle-même. Elle était à la fois bien présente et accrochée, liée à lui, mais à la fois absente, très loin de lui.
« Et je ne sais pas pourquoi », ajouta-t-elle.
Ulquiorra ne prononça pas le moindre mot. Il resta focalisé sur elle, immobile, laissant sa voix pénétrer ses oreilles, laissant ses paroles atteindre son esprit.
« Pourquoi suis-je en train de te parler ? Pourquoi suis-je tant attirée par toi ? Pourquoi ressens-je toujours ce besoin de venir te voir, alors que je ne te connais pas ? Pourquoi mes pas me guident-ils vers toi lorsque tu apparais ? Et pourquoi me hais-tu ? »
L’espace d’une fraction de seconde, les yeux d’Ulquiorra s’ouvrirent un peu plus, incrédule.
« Non, tu ne me hais pas, se reprit-elle. Tu ne sembles pas avoir ce genre de sentiments envers qui que ce soit. Toutefois, l’insignifiance que tu portes au monde entier devient plus négative lorsqu’il s’agit de moi. Tu ne m’aimes pas. Tu as même tenté de m’étrangler. Tu vois en moi quelque chose qui ne devrait pas exister. N’importe quelle personne aurait alors suivi tes indications et se serait plié à tes ordres. N’importe quelle personne sensée aurait eu peur et se serait rapidement éloignée de toi. »
Il était surpris. Ulquiorra était surpris.
« Et pourtant, je n’ai pas peur. »
Ulquiorra ne dit pas un mot. Quelle était cette franchise titanesque dont elle était dotée ?
« Je suis ici, continua Orihime. Je suis là... Avec toi... Et je te parle. »
Elle lui fit un sourire, avant de finir :
« Alors, ne me demande pas. Je ne saurais t’expliquer. Je ne saisis pas, moi-même. »
Et ce fut alors que la sonnerie résonna. Après un dernier sourire, elle le salua en s’inclinant légèrement avant de se diriger vers la porte de sortie, sentant le regard vert et pénétrant du lycéen gravé sur elle. Lorsqu’elle quitta la pièce, elle arrêta de planer et le poids de ses paroles lui retomba sur le dos. Une goutte de sueur se forma sur son front alors qu’elle remontait le couloir, elle ouvrit grand ses yeux.
Ça s’était de nouveau produit. Elle avait perdu tout contrôle d’elle-même, comme à chaque fois qu’elle s’approchait trop de lui. Elle n’arrivait pas à se maîtriser lorsqu’elle lui parlait : les mots affluaient dans sa bouche et elle finissait par dire des trucs incompréhensibles. Elle ne comprenait pas. Il l’intriguait, il la captivait, il l’attirait, comme par magnétisme. C’était quelque chose qui allait au-delà de sa volonté, quelque chose qui était plus fort qu’elle.
Orihime resta plongée dans ses pensées jusqu’à ce qu’elle arrive devant sa salle de classe, ou plutôt, jusqu’à ce qu’elle sente une grosse main venir s’écraser dans son dos, manquant de la faire basculer en avant. Irritée, la jeune femme fit volte-face, soudainement saisie par une terrible frustration. Mais lorsqu’elle croisa le visage amusé de Renji qui lui offrait ce familier demi-sourire qui était le sien, toute trace d’agacement quitta la rouquine.
« Yo ! S’exclama-t-il. Comment va ma rousse préférée ? »
Presque instantanément, la concernée se mit à sourire. Renji Abarai avait ce pouvoir là sur elle. Amusée, elle répliqua :
« Ce n’est pas comme si tu en connaissais plusieurs. »
Le tatoué leva les yeux au ciel et porta sa main au menton, faisant mine de réfléchir.
Hm... Tout dépend si tu considères Rangiku et euh... Hiyori... Ou Tia...
Tu as un problème avec les couleurs ? Railla ladite Rangiku qui venait de faire son apparition et alla passer son bras autour du cou d’Orihime. Tia et Hiyori sont blondes. Quant à moi, je ne suis pas rousse. Je suis blonde vénitienne !
Ouais ouais, ricana-t-il. T’es rousse, quoi.
Orihime éclata de rire. Ce qu’elle aimait être avec eux.
Ensemble, ils entrèrent dans la salle de classe et poussée par ses camarades, la rouquine parvint à faire un rapide compte-rendu de cette première réunion des délégués. Puis, elle alla s’asseoir à sa place habituelle, qui dans ce cours, n’était pas celle de derrière. L’heure défila lentement, et celle d’après également. Renji, loin derrière, s’endormait tandis que Rangiku, près d’elle, essayait de comprendre.
Orihime avait toujours eu des facilités en cours. Elle comprenait vite, apprenait vite, et n’avait que rarement besoin de réviser. Toutefois, jusqu’ici, elle avait toujours préféré garder un rythme de travail élevé et ne pas se reposer sur ses facilités, croyant que celles-ci finiraient par la lâcher. Mais elle était désormais en dernière année de lycée, et l’école lui semblait toujours aussi facile. Et aujourd’hui, vu l’état dans lequel elle se trouvait, ces facilités en question lui étaient d’une aide phénoménale.
Orihime fut interrompue dans ses pensées par l’effroyable crissement d’une craie brisée sur le tableau qui ébranla la classe entière. Le professeur, confus, s’excusa avant de s’en remettre aux élèves pour que l’un d’eux aille chercher de nouvelles craies. Voyant dans cette offre une occasion de s’enfuir de la classe, la jeune Inoue leva aussitôt la main. Son énergie sembla surprendre le professeur qui en fut toutefois ravi et l’envoya donc au secrétariat. Elle sortit alors de la salle de cours, referma la porte derrière elle et s’engagea dans le couloir désert.
Il faisait frais dans le corridor, il n’y avait aucun bruit. Orihime remonta l’allée et traversa la passerelle vitrée pour se rendre dans le second bâtiment. Elle jeta un coup d’œil dehors : l’entrée du lycée était totalement vide, tandis que l’arrière était peuplé de quelques lycéens. Puis, elle arriva dans le bloc en question. Le bâtiment B était différent du A. Au-delà du fait qu’il soit plus dégradé et sali que le premier, le bloc B était construit d’une manière différente et il était plus compliqué de s’y repérer. Mais la lycéenne savait où était le secrétariat.
Orihime descendit les escaliers. Elle s’avançait dans la nouvelle allée, quand soudain, une voix résonna dans son dos. Elle s’immobilisa aussitôt, à l’affût, les sens en alerte. Elle tendit l’oreille. Ce timbre grave et viril, elle le reconnaissait entre mille, désormais. Grimmjow Jaggerjack. Ce nom sonnait comme une appellation de la mort à ses oreilles. Ce type était le Danger même. Les muscles de la rouquine se tendirent et les battements de son cœur devinrent précipités. Elle se l’avouait maintenant : il lui faisait peur. Le peu de fois où elle avait croisé sa route, elle avait été marquée. Il était imprévisible, dur, viril, puissant, violent, provoquait chez elle des réactions qu’elle ne comprenait pas. Elle le craignait. Sa beauté était effroyable, son odeur la renversait, son corps la faisait tanguer, ses lèvres la faisaient brûler. Et ses yeux... Ses yeux... Le sang de la rousse ne fit qu’un tour. Elle se mit à courir.
Elle se précipita dans la première salle qui se présentait à elle et referma la porte derrière elle. Mais quelle fut sa stupéfaction lorsqu’elle reconnut être dans les toilettes des garçons. L’espace d’un instant, elle considéra l’idée de revenir en arrière, mais c’était impossible. Elle était coincée, condamnée. Les murs de ces toilettes-ci étaient taggués de ci de là et le miroir qui surmontait la rangée de lavabo était brisé. Heureusement, Orihime était seule. Elle allait bientôt pouvoir sortir. Du moins, c’était ce qu’elle croyait.
Car les deux voix semblaient se rapprocher de plus en plus. Et lorsqu’Orihime eut compris qu’ils venaient justement là où elle avait pensé pouvoir se cacher, elle courut se réfugier à l’intérieur d’une des cabines. Dans un premier temps, elle pensa s’enfermer. Mais lorsqu’elle réalisa que ce serait d’autant plus suspect, elle se contenta de fermer le battant et de s’accroupir sur le couvercle de la cuvette, pour ne pas que ses pieds soient visibles depuis l’extérieur.
A cet instant-ci, Orihime pouvait se le dire : elle n’était vraiment, mais alors vraiment pas rassurée. Pourquoi avait-elle agi aussi bêtement ? Combien de temps allait-elle devoir rester ici ? Qu’allait-il se passer si Grimmjow se rendait compte de sa présence ? Mais ses pensées furent coupées court lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir. Le cœur déjà endommagé de la rouquine arrêta de battre.
« Ici ? Fit une voix féminine. Tu es sûr ? On risquerait de nous voir. »
Orihime se crispa un peu plus. Que faisait une fille ici, et en plus, avec Grimmjow ? Voulait-elle mourir ? Ce dernier n’avait pas encore parlé, et pourtant, elle sentait qu’il était là. Elle le savait. Et ses craintes furent confirmées lorsqu’il s’avança et répondit :
« T’en fais pas. Je peux te garantir que personne n’entrera. »
Accroupie au-dessus des toilettes, Orihime retenait sa respiration. Avaient-ils l’intention de rester ici longtemps ? Comment allait-elle s’en tirer ? Que lui avait-il pris de s’enfermer ici ? Elle s’était piégée elle-même, avait mis un pied dans sa propre tombe. Elle se mordit la lèvre. Elle allait devoir patienter ici, peu importe le temps que cela prendrait.
Mets-toi là, ordonna-t-il d’un ton sans appel.
Comme ça ? susurra-t-elle après quelques secondes de silence.
Tourne-toi.
Oh !
Orihime vit l’ombre d’un tissu tomber sur le sol, ensuite accompagné d’un petit sachet carré. Elle entendit la fille pousser un petit cri, à mi-chemin entre la plainte et le grognement. Puis, cela commença. Elle tendit l’oreille, fronça les sourcils, se concentra. Quels étaient ces drôles de bruits qu’elle entendait ? Grimmjow était-il toujours là ? Elle leva les yeux au ciel, cherchant en silence à quoi pouvaient bien appartenir ces sons. Elle se tritura le cerveau durant de longues minutes, n’ayant pas d’image en tête, jusqu’à ce que la fille se mette à gémir de plus en plus souvent, de plus en plus fort. Mais Orihime ne comprit que quelques minutes après.
Et lorsqu’elle eut compris, elle se sentit défaillir. Les yeux écarquillés, elle porta sa main à sa bouche. Ils... Ils n’étaient quand même pas en train de... ? Mais ses soupçons se confirmèrent assez rapidement, lorsque les paroles de Grimmjow vinrent accompagner les cris de la fille. Et quelle fut l’horreur d’Orihime lorsqu’elle l’entendit lâcher :
« T’aimes ça, hein, sen-sei ? » en insistant sur le dernier mot.
La rousse crut halluciner. Sensei ? Non. C’était impossible. Non, ils ne pouvaient pas...
Le cœur battant la chamade, Orihime s’efforça de se baisser juste assez pour apercevoir par dessous les chaussures des deux concernés. Elle remarqua tout d’abord les baskets neuves de Grimmjow et juste devant elles... Des talons noirs. La lycéenne en fut assommée. Il était en train de... Avec un professeur...
Orihime se redressa et se cramponna au tuyau d’alimentation qui remontait le long du mur, depuis la cuvette. Elle n’était pas bien. Les gémissements du professeur devenaient de plus en plus puissants, ses louanges de plus en plus explicites. Elle bénissait, elle suppliait, elle criait son bonheur. Et Grimmjow lui répondait, de par ses vulgarités, ses paroles salaces et ses obscénités. La pudique Inoue n’en pouvait plus. Maintenant qu’elle avait compris ce à quoi elle assistait indirectement, une gêne sans parielle s’emparait d’elle. Elle était tout bonnement choquée.
Il prononçait des mots qu’elle n’avait jamais entendus auparavant, proférait des phrases dont elle ne comprenait même pas le sens. Ses jambes tremblaient, son visage était en feu, l’une de ses mains était cramponnée au tuyau, l’autre fermement appuyée sur sa bouche, de peur qu’un cri ne s’en échappe. Les gémissements hurlés de la femme la faisaient vaciller, les cochonneries de Grimmjow la brusquaient, l’estomaquaient. Jamais elle n’avait entendu de vocabulaire si développé en la matière ! Il employait des images qui lui faisaient tourner la tête et qu’elle n’était pas prête d’oublier de si tôt.
Son cœur battait à tout rompre, son corps s’enflammait, la sueur découlait de son front. Elle n’allait pas tenir bien longtemps. Les images qui accompagnaient les paroles de Grimmjow s’imposaient dans sa tête contre son gré et elle peinait à les effacer. Il était en train de souiller, de marquer son esprit. Elle ne sut dire combien de temps elle resta ici. Un quart d’heure ? Une demi-heure ? Une heure ? Peut-être même deux. Toujours fut-il qu’il lui sembla être coincée ici une éternité.
Elle entendit la femme gémir plus fortement avant de s’effondrer sur le lavabo, comme pour le grand final. Quel bonheur que le sien lorsqu’elle comprit alors qu’ils en avaient – enfin – terminé. Grimmjow devint alors parfaitement silencieux. Malgré les protestations de la femme, il se rhabilla rapidement sans lui adresser un seul mot, avant de déguerpir. Quelques minutes après, la femme qu’Orihime devenait être un professeur s’empressa de le suivre et quitta les toilettes.
Alors, et alors seulement, Orihime put se détendre. Après avoir vérifié d’un rapide coup d’œil qu’elle était bien seule, elle relâcha sa respiration, sa poitrine se soulevant violemment. Elle suait, elle avait chaud. Elle avait les jambes endormies et en compote, toute énergie semblait l’avoir quittée. Elle descendit de la cuvette et s’étira. S’emparant de quelques morceaux de papier, elle s’essuya le visage avant de sortir de la cabine. Elle considéra avec effarement le lieu supposé de l’acte puis s’en détourna rapidement, souhaitant effacer cette scène de sa mémoire. Elle s’avança vers le miroir brisé, arrangea ses cheveux et tenta d’effacer la marque que sa propre main crispée avait laissée autour de sa bouche. Bouleversée, elle se passa un peu d’eau sur la figure avant d’enfin quitter les toilettes des garçons. Dans quoi s’était-elle embarquée ?
Soulagée de l’aspect désertique du couloir, elle sortit discrètement avant de s’engager sur la route du secrétariat. Quelques minutes après, elle remerciait la gérante pour la boîte de craie qu’elle lui avait donnée, et rebroussait chemin. Elle refit donc le parcours en sens inverse, repassa devant les toilettes des garçons, remonta les escaliers et bifurqua à gauche. Mais à cet instant précis, l’inattendu se produisit.
Orihime n’eut le temps de rien faire. La panthère bleue à laquelle elle faisait face lui sauta au cou et la plaqua contre le mur. Un gémissement s’échappa de la bouche de la rouquine qui manqua de se cogner violemment la tête. Mais lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle se retrouva confrontée à la vaste mer bleue qu’étaient les prunelles de Grimmjow Jaggerjack et se figea net. Son buste encadré par ses deux bras, elle était coincée, une nouvelle fois. Il la dominait dans toute sa splendeur, ses mâchoires carrées rejetées en un sourire carnassier, sa mèche bleue repoussée en arrière, ses yeux brûlants d’un bleu glacial dardés sur elle.
« J’aime bien te plaquer, finalement » commença-t-il.
Paniquée, Orihime se colla un peu plus au mur, comme pour se soustraire à son influence et s’écarter de lui. Mais cela était vain : le félin avait attrapé sa proie. Il plongea ses yeux d’un bleu sans égal dans ceux de la rouquine, se pencha sur elle. Elle déglutit. Elle ne s’était pas encore remise de ce qu’il venait de se produire. Elle était encore sous le choc. Et il était proche d’elle. Bien trop proche d’elle.
Il lui adressa un sourire à demi sauvage et lui susurra à l’oreille :
« Tu as aimé le petit poème imagé que je t’ai concocté ? »
Avant de s’écarter légèrement, son visage à quelques centimètres du sien, juste assez pour voir sa figure. Orihime le fixa durant quelques secondes, incrédule. De quoi parlait-il ?
Mais alors, elle comprit. Ses grands yeux gris s’écarquillèrent et sa bouche s’entrouvrit de stupéfaction. Lui... Il n’avait quand même pas...
« Tu savais que j’étais là ?! » S’emporta-t-elle.
Au ton presque furieux de sa voix, Grimmjow ouvrit un peu plus les yeux. Le visage d’Inoue était décomposé et en feu, elle était gênée, choquée, comme jamais elle ne l’avait été. Mais la jeune lycéenne sembla se rendre compte qu’elle s’était emportée et se reprit aussitôt. Alors, le bleuté éclata de rire. Et Orihime sursauta. Il ne s’agissait pas de ce ricanement moqueur qu’il avait l’habitude de faire. Là, il rigolait vraiment. Et c’était... Comment dire... A en perdre la raison. La rouquine se gifla mentalement et tenta de reprendre contenance.
Mais alors qu’elle luttait pour se ressaisir, Grimmjow se rapprocha de nouveau d’elle. Un sourire sauvagement malicieux sur le visage, il se glissa jusqu’à elle tout en chuchotant :
« Tu as aimé c’que tu as entendu, alors ? »
Orihime n’en revenait pas. Comment avait-il su ? Il n’était désormais qu’à quelques centimètres d’elle. Il passa sa main près de sa cuisse, la frôlant du bout de ses doigts. Elle frissonna, il se pencha un peu plus, remonta jusqu’à sa jupe.
« Tu souhaiterais peut-être être la prochaine ? »
L’espace d’un instant, Orihime se remémora le visage de ses agresseurs : elle manqua de sombrer de nouveau. Mais paradoxalement, les yeux de Grimmjow lui permirent de garder le contrôle. Toutefois, le concerné sembla avoir capté cette lueur qui avait traversé son regard et la fixait, sans sourire, cette fois, d’un air presque sérieux. Il poussa un soupir avant de s’écarter d’elle, de fouiller dans ses poches et d’en ressortir une cigarette. Il brandit un briquet et porta la clope à sa bouche avant de l’allumer.
Il tira une première fois dessus et souffla dans les airs, avant de lui jeter un coup d’œil. Elle était complètement plaquée au mur, les bras et les mains collés contre la façade, le ventre rentré, la respiration retenue. Il eut un rictus. Avait-elle tant peur de lui ? Puis, il remonta jusqu’à son visage, son magnifique visage angélique. Et ce fut alors qu’il surprit son regard réprobateur posé sur sa cigarette. Etonné, il haussa un sourcil avant de se rapprocher d’elle. Le sentant venir, elle chercha à s’enfoncer davantage dans le mur, bien que se soit inutile. Conscient des vains efforts qu’elle faisait pour s’éloigner de lui, il ricana avant de poster son visage juste en face du sien. Elle ferma tout d’abord les yeux et tourna le visage pour lui échapper. Elle se crispa durant de longues secondes. Mais lorsqu’elle se rendit compte que rien ne se passait, elle ouvrit un œil timide, puis l’autre. Doucement, elle tourna la tête pour le regarder. Et ce fut alors qu’il lui souffla sa fumée dessus.
Prise de court, elle se mit à tousser, tout en se battant avec la fumée qu’elle tentait de faire disparaître en agitant les mains. De longues minutes durant, elle souffla dans les airs, essayant désespérément de s’en séparer, remuant le nez, tirant la langue, sous les yeux de Grimmjow, une lueur amusée dans le regard.
Et lorsqu’elle eut finit de se calmer, le silence remplaça le bruit. Orihime s’adossa contre le mur, exténuée, tandis que le bleuté continuait à fumer sa cigarette. Aucun des deux ne bougeait. Il n’y avait aucun bruit dans le couloir, si ce n’était la respiration rapide de la rouquine qui s’efforçait de reprendre ses esprits. Mais soudain, alors qu’elle avait les yeux fermés, la jeune lycéenne sentit une main empoigner son sein droit. Elle eut un temps de réaction. L’espace d’une seconde, son cœur arrêta de battre.
« Wow, entendit-elle Grimmjow lâcher. Putain, Dame Nature a été généreuse. Qu’est-ce que j’aimerais fourrer mon visage dans- »
Mais il n’eut pas le temps de poursuivre sa phrase. Car contre toute attente, la main de la concernée laissa tomber les craies sur le sol puis alla par pur réflexe s’écraser contre sa joue. Le claquement résonna entre les murs du corridor, immortalisant cet instant. Grimmjow resta figé, Orihime écarquilla ses yeux. Que venait-elle de faire ? Depuis quand était-elle devenue si violente ?
Mais cette fois-ci, la rouquine décida de prendre les devants. Sans même considérer les craies éclatées sur le sol, elle s’enfuit. Apeurée, elle se mit à courir aussi vite qu’elle put, comme poursuivie par une bête sauvage. Elle remonta le couloir à toute vitesse, s’assurant à trois reprises que Grimmjow ne la traquait pas, manquant à trois reprises de se vautrer. Elle courut dans les escaliers, elle courut sur la passerelle, elle courut dans le bâtiment A, elle courut jusqu’à la porte de sa classe.
Elle ouvrit le battant avec violence, en oubliant même de toquer et referma brusquement la porte derrière elle. Essoufflée et affolée, elle dut alors faire face à la trentaine de regard rivée sur elle, tout en tentant d’apaiser son pauvre petit cœur. Elle parcourut du regard l’assemblée d’élèves, élèves qu’elle ne semblait plus reconnaître.
« Orihime ? » Entendit-elle demander Rangiku, incrédule.
Reconnaissant enfin une figure familière, Orihime fit un pas dans sa direction, agitant ses bras dans tous les sens :
« Il ..., Ce ! ... Un... Je... Là-bas ! »
Jusqu’à ce que la voix du professeur se fasse entendre derrière elle :
« Oui, je veux bien, Inoue-san. Mais les craies, où sont-elles ? »
-
Lorsqu’Hisagi se réveilla le lendemain matin, son téléphone indiquait neuf heures du matin passées. Il rejeta ses draps, se laissa une dizaine de secondes pour remettre son cerveau en marche. Puis, il se tira de son lit en baillant, s’étira, enfila des chaussettes qui traînaient sur le sol avant de se lever. Il ouvrit les fenêtres, arrangea son lit du mieux qu’il put – c’est-à-dire n’importe comment – avant de quitter sa chambre. Il n’y avait aucun bruit en bas. Il s’avança dans le fond du couloir et jeta un rapide coup d’œil derrière la porte au fond du corridor : sa mère dormait.
Alors, il descendit les escaliers pour s’engager dans la pièce à vivre, s’avancer vers la cuisine. Il ouvrit les volets et les fenêtres. Le ciel était bien bleu, parsemé de quelques rares nuages, la brise légère : il faisait beau. Hisagi fit bouillir de l’eau, puis fit cuir du riz, accompagnant son met de légumes et de poissons. Il avait opté pour un petit déjeuner traditionnel japonais, ce matin. Puis, après avoir laissé de côté celui de sa mère, il prit place sur la table et versa le thé dans une tasse.
La demi-heure suivante, il remontait dans sa chambre. Il se laissa tomber sur son lit, les membres étalés, pareil à une étoile de mer. Il soupira. C’était enfin le week-end. Qu’allait-il faire, aujourd’hui ? Ils allaient sûrement trouver un plan de dernière minute, avec Renji, comme d’habitude. Mais soudain, Hisagi se crispa. Il venait de se rappeler un devoir qu’il avait à faire pour lundi. Ce devoir de maths devant lequel il était resté une heure la veille, ahuri. Le cœur d’Hisagi se serra. Il n’aimait pas l’école. Mais vraiment pas. Il était parvenu à se maintenir au-dessus de la moyenne durant les premières années de lycée, pour faire plaisir à sa mère. Mais là, il saturait. Cela ne faisait que peu de temps depuis la rentrée, et il n’en pouvait déjà plus. Il s’enfonça un peu plus dans son matelas. Comment allait-il faire ?
Mais alors, une idée lui vint en tête. Aussitôt, il s’empara de son téléphone négligemment jeté sur le sol et déverrouilla l’écran du petit appareil. Il fit défiler les contacts de la liste d’appel et quelques secondes après, il portait l’engin électronique à son oreille. Il avait déjà demandé à Toshiro de l’aider à comprendre, une fois. Et il s’était vite rendu compte qu’en terme de réflexion, le jeune Hitsugaya était à des galaxies de lui, dans une dimension complètement différente. Hiyori, quant à elle, n’avait pas su faire preuve de patience. Et Nemu, qui se contentait d’apprendre par cœur pour avoir des bonnes notes, n’avait pas pu le faciliter. Mais elle, elle pourrait sûrement l’aider.
Au bout de quelques sonneries, la petite voix d’Orihime Inoue se fit entendre.
Allô ? Hisagi ?
Hey. Tu vas bien ? Je te dérange ?
Non, bien sûr que non, ne t’en fais pas !
J’aimerais savoir si tu fais quelque chose d’intéressant aujourd’hui, car j’ai un devoir de maths que je suis incapable de résoudre, alors... Je me tourne vers toi.
Un devoir de mathématiques ?
Oui. Quelques pistes sur le raisonnement de résolution suffiraient. Mais je ne veux pas te faire perdre ton temps ou abuser de toi. Alors, si tu as quelque chose de prévu, n’annule pas ! Je te connais.
Bien sûr que je vais t’aider ! Du moins, si j’en suis capable. Pour l’instant, je suis en ville avec Tia et Rangiku. Je peux passer chez toi en revenant ?
Sérieux ? Ah, c’est super gentil, merci.
Quelques minutes après, il raccrochait. Elle était vraiment adorable.
Ce fut le moment que choisit Anna, mère d’Hisagi, pour ouvrir la porte de sa chambre. Son carré de cheveux décoiffé, bâillant à s’en décrocher la mâchoire, elle s’avança vers lui.
Pourquoi tu souris ? Demanda-t-elle. Les nouvelles sont bonnes ?
On peut dire ça. Bien dormi ?
Comme jamais. Et toi, ça va ? S’enquit-elle en venant l’embrasser. Tu as beaucoup de travail ?
Un peu, mais j’ai connu pire. Orihime devrait passer, pour m’aider sur un devoir.
Orihime-chan ? Qu’est-ce qu’elle est gentille. Elle est vraiment super.
Hisagi eut un sourire, que sa mère lui rendit. Elle se détourna et se dirigea vers la sortie. Une fois près de la porte, elle se retourna.
Au fait, je dois passer au garage aujourd’hui, pour une révision de ma voiture. Est-ce que tu te souviendrais de l’endroit où j’ai rangé les papiers de la voiture, par hasard ?
Second tiroir du meuble de l’entrée, soupira-t-il.
C’est bien, fils. Je voulais juste voir si tu avais une bonne mémoire, lança-t-elle avant de disparaître dans le couloir et de s’engager dans l’escalier.
Secouant la tête, Hisagi se leva de son lit. Il s’approcha de sa fenêtre et regarda le ciel bleu qui s’offrait à lui. La vie était vraiment pleine de surprise.
Quand Orihime arriva, il était près de quatre heures de l’après-midi. Ce fut Anna qui la fit entrer, un immense sourire sur les lèvres, heureuse de pouvoir l’accueillir. La rouquine fut aussitôt touchée par la sincérité qu’elle lisait dans les prunelles de la mère d’Hisagi, qu’elle appréciait vraiment. Elles discutèrent ensemble quelques minutes, jusqu’à ce qu’Anna annonce devoir s’absenter, lui indiquant le chemin à suivre pour rejoindre la chambre d’Hisagi.
Lorsqu’elle arriva dans la chambre en question, elle s’apprêtait à toquer sur le battant de la porte ouverte quand elle vit le jeune homme affalé sur le lit. Les bras étalés de part et d’autre de son corps, la face gauche de son visage enfouie dans l’oreiller, il semblait dormir paisiblement. Ce spectacle arracha un sourire à Orihime qui s’avança timidement, posa ses affaires sur le sol. Elle prit place aux pieds d’Hisagi, ne sachant pas très bien quoi faire. Elle l’observa de longues secondes. Ses cheveux noirs ébouriffés aux reflets indescriptibles tombaient sur son visage apaisé. Sa bouche garnie entrouverte et la fine bande tatouée au-dessus du chiffre 69 qui traversait sa joue et son nez. Il était irrésistiblement craquant. Malgré ces tatouages qui pouvaient sembler étranges et punk, Hisagi était beau. Et lorsqu’il ouvrit ses yeux gris sombres, croisant son regard, Orihime retint son souffle. Oh oui, il était beau.
Hey, lança-t-il en se réveillant.
Hey, répondit-elle en souriant.
Il se frotta les yeux, se redressa.
Tu attends que je me réveille depuis longtemps ?
Non, je viens d’arriver, ta mère m’a ouvert avant de partir.
Je vois. Excuse-moi, reprit-il après avoir bâillé, je me suis endormi d’un coup. Mais merci d’être venue, c’est vraiment super de ta part.
Ne t’en fais pas. Je serais ravie de pouvoir t’aider. Alors, on s’y met ?
Et sur ce, les deux lycéens s’installèrent confortablement dans le bureau, une pièce au rez-de-chaussée prévue à cet effet. Après avoir lu et s’être approprié le sujet, Orihime questionna Hisagi et lui demanda de poser ce qu’il avait saisit du problème. Avec le sourire et sans la moindre trace de jugement dans ses grands yeux gris, elle lui expliqua, lui donna des indices, l’aiguilla, le reprit. Hisagi fut bouleversé de la faciliter avec laquelle elle avait compris et résolu le problème, mais aussi de la capacité à expliquer qu’elle possédait. Ils y passèrent près de deux heures, dont de longues minutes de fou-rire. Ce fut certes plus long que s’il avait cherché les réponses sur internet, mais grâce à elle, il avait tout compris. Absolument tout. Et il se sentait maintenant capable de le refaire. Au-delà de ça, il ressentait de la satisfaction. Et tout ça, grâce à Orihime Inoue.
Il écrivit le dernier mot de son devoir, avant de se laisser aller contre le dossier de sa chaise. Poussant un soupir, il étira ses bras et souffla :
« Enfin fini ! »
Lorsqu’il rouvrit les yeux, il vit le regard bienveillant d’Orihime posé sur lui, un sourire sur les lèvres. Elle rassembla les différents brouillons qu’ils avaient utilisé et les lui donna.
Tu vois que ce n’est pas si compli-
Non, la coupa-t-il. N’essaie même pas de m’attribuer tout le mérite. J’ai uniquement réussi car tu étais là.
C’est vrai, mais dorénavant, tu pourras le refaire seul.
Du moins, jusqu’au prochain chapitre, rajouta-t-il en soupirant. Lorsqu’on passera à quelque chose de différent, je me retrouverais de nouveau dans la panade.
Alors je reviendrais à chaque chapitre. Autant de fois qu’il le faudra.
Hisagi la regarda sourire. Son sourire était de plus en plus beau, de plus en plus heureux, même s’il renfermait toujours cette même par d’ombre, cette même face cachée. Orihime avait reprit les formes qu’il lui devinait avoir eu par le passé, ses joues n’étaient plus creusées et sa maigreur excessive disparaissait au fil des jours. Ses yeux étaient toujours cernés et torturés. Mais c’était déjà ça.
Tu veux manger à la maison, ce soir ?
La rouquine releva son visage vers lui. Elle resta immobile et silencieuse une fraction de seconde, et Hisagi devina ce qu’elle était en train de faire. Elle avait toujours ce même raisonnement altruiste qui la poussait à penser qu’elle dérangeait, qu’elle n’était pas à sa place. Elle était le genre de fille à laquelle il ne fallait pas laisser le choix. Alors, d’un regard dur mais pourtant doux à la fois, il rajouta :
Arrête, Orihime. Si je te le propose, c’est que je veux que tu restes avec moi.
Lorsqu’il la vit ouvrir ses yeux un peu plus grand, il se rendit compte de l’aspect romantique de sa phrase et reprit vite :
Hm, oui. Que tu restes avec nous, à la maison, quoi. Enfin bref. Je n’aurais pas dû formuler cela comme une question ou une proposition. Oublie le point d’interrogation : tu manges à la maison, ce soir.
La concernée le regarda quelques secondes, dans le silence, avant de se mettre à sourire. Elle n’avait visiblement plus besoin de parler, Hisagi la connaissait déjà. Alors, elle hocha la tête.
D’accord, je ne m’enfuirais pas. Merci, Hisagi.
Ainsi, après le retour de sa mère, Hisagi entraîna Orihime au centre commercial le plus proche dans lequel ils allèrent faire les courses. Ils mirent une heure à exécuter une tâche qui aurait dû leur prendre une vingtaine de minutes. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que, quand ils étaient ensemble, ils passaient leur temps à s’amuser et à se plier de rire. Et lorsqu’ils quittèrent le lieu, le soleil était déjà bien bas dans le ciel.
En rentrant, Hisagi alla se doucher. Et lorsqu’il descendit de nouveau l’escalier, il vit sa mère, aidée d’Orihime, qui rangeaient et mettaient la table ensemble, en rigolant. S’arrêtant à quelques marches du sol, il ne put s’empêcher de sourire et d’être ému, d’une certaine façon. L’une comme l’autre, elles souriaient. Et ces deux sourires le comblaient de bonheur.
Une dizaine de minutes après, Hisagi commençait à préparer le repas. Dans la cuisine, Orihime se tenait désormais debout, les mains derrière le dos, désireuse d’aider, mais avant tout épatée. Elle avait insisté pour voir le jeune homme à l’œuvre et s’émerveillait devant sa parfaite maîtrise de l’art culinaire. Elle était devenue l’élève admirant le maître. Et quelle fut sa fascination lorsqu’ils passèrent à table, et qu’elle goûta les succulents mets de son ami. Wow. C’était fabuleux. Jamais elle n’avait goûté quelque chose d’aussi bon. Cela surpassait même ses pâtes d’haricots rouges au coulis framboise et Nutella. A cette comparaison, Hisagi manqua de s’étouffer tandis qu’Anna éclatait de rire, lâchant un :
« Oh, Orihime-chan, je t’adore, toi ! »
Orihime passa une superbe soirée. Anna était une femme extraordinaire, à ses yeux, elle l’appréciait terriblement. Elle ne la connaissait que depuis peu, mais la mère de son ami était très avenante à son égard et la traitait comme si elle avait été là depuis des années. Tout comme Hisagi, qui avait lui aussi déjà trouvé sa place dans son cœur. Orihime se sentait bien, à cet instant précis, à l’aise. Plus exactement, elle se sentait à sa place. Pour la première fois de sa vie, elle n’avait pas l’impression d’être de trop dans une famille qui n’était pas la sienne. Chez Hisagi, elle se sentait chez elle.
Et lorsqu’Anna lui proposa de rester dormir à la maison, la première réaction de la rouquine fut de sourire. S’en suivit toutefois de quelques légères protestations, dans lesquelles elle affirma sans détermination qu’elle n’avait pas d’habits, pas d’affaires ; protestations que balayèrent Hisagi et Anna du revers de la main.
« Dorénavant, ici, c’est aussi ta maison, Orihime-chan », avait-elle affirmé.
La jeune Inoue accepta alors, émue.
Tiens, fit Hisagi en lui tendant des habits. C’est tout ce que j’ai de plus petit, de moins large. Ça devrait t’aller. Du moins, j’espère...
Merci, lui répondit-elle. Je peux utiliser votre salle de bain ?
Deuxième porte à gauche, dans le couloir.
En sortant de la douche, Orihime s’enveloppa dans l’épaisse et chaude serviette que lui avait prêtée Hisagi et se sécha rapidement. Elle plia soigneusement le tissu, avant de se retourner. Elle croisa son reflet dans le grand miroir de la salle de bain, qui lui renvoyait l’image du haut de son corps nu. Elle s’observa durant de longues secondes, s’examinant de la tête aux hanches. Elle avait du mal à juger, mais il lui semblait avoir repris ses formes.
Elle se passa les mains sur le visage, caressa ses cheveux. Puis, elle fit glisser ses doigts le long de son thorax et vint effleurer sa poitrine. Elle pouvait encore sentir la main de Grimmjow venir toucher son sein, l’explorer comme s’il était sien. Et à ce souvenir uniquement, le corps tout entier de la rouquine fut submergé d’une vague de chaleur. Elle s’empressa de se ressaisir. Grimmjow était dangereux.
Elle s’empara du haut que lui avait prêté Hisagi et l’enfila rapidement. La douce odeur de son ami lui enivra alors les narines, lui faisant oublier le terrible Jaggerjack. Fermant les yeux, elle rapprocha le tissu de son nez et huma avec délectation le parfum léger du craquant Shuhei. Ce qu’il sentait bon. Puis, elle enfila son short noir qui lui arrivait aux genoux et s’observa de nouveau dans le miroir. Le tee-shirt de coton gris lui était beaucoup trop grand des épaules mais marquait toutefois sa poitrine proéminente avant de venir encadrer ses hanches. Elle se sentait à l’aise dans ces vêtements larges dans lesquels elle respirait la délicieuse odeur d’Hisagi.
Lorsqu’elle refit son apparition dans la chambre du concerné, celui-ci s’était installé dans son lit double. La télévision était allumée et diffusait un film qu’elle ne connaissait pas. Le brun tourna sa tête vers elle et l’observa de ses fins yeux gris. Venant s’asseoir sur le rebord du lit, il fit mine d’être chamboulé et siffla. Il porta sa main à son menton, son pouce venant caresser sa lèvre inférieure et eut un sourire de délinquant :
« Wow, c’que vous êtes belle, mademoiselle. Ça vous dirait de venir prendre un verre avec moi ? »
Etouffant un rire devant son air de voyou – qui au passage lui allait à ravir – Orihime se surprit à se laisser prendre au jeu et fit mine de poser, telle une top modèle en plein défilé. Hisagi éclata de rire, avant de reprendre :
« T’as un sacré look, comme ça. On dirait les basketteuses américaines. En plus petite... Beaucoup plus petite. »
La concernée porta sa main à sa bouche pour s’esclaffer avant de venir lui donner une petite tape derrière la tête. Il l’invita ensuite à venir prendre place dans le lit et ils s’installèrent confortablement. Les jambes sous la couverture, un pot de glace à déguster, un bon film sous les yeux et surtout, un ami à ses côtés. Orihime avait un sourire gravé aux lèvres. C’était tout ce qu’il fallait pour la rendre heureuse.
Mais alors que le film démarrait, elle eut un sursaut. Elle était chez un garçon, qui plus est un super beau garçon, dans sa chambre, dans son lit et allait dormir dans la même pièce que lui. Son cœur se mit à battre plus vite, ses joues s’empourprèrent. Sérieusement ?
Hisagi, quant à lui, n’avait pas encore réalisé ce fait. Plus exactement, il n’y avait pas pensé. Mais il s’en rendit compte vers la fin du film, lorsque la tête d’Orihime vint se poser sur son épaule et qu’il sentit ses doux cheveux venir caresser son cou, son odeur venir narguer ses narines. Il s’immobilisa, le cœur battant et se pencha légèrement pour découvrir qu’elle s’était endormie. Il sourit et se décida à ne pas bouger.
Quelques minutes après, l’écran devint noir et la liste des acteurs du film se mit à défiler. Hisagi bâilla et s’étira. Son téléphone affichait une heure du matin. Il s’extirpa alors du lit, maniant la tête de la rouquine avec précaution. Il l’installa dans son lit avec soin et la couvrit d’un drap. Puis, il se redressa, posa ses mains sur ses hanches et souffla :
« Bon, maintenant... Je vais dormir où, moi ? »