Snakes Of Despair
Chapitre 13,
Il y avait une petite fille, allongée sur le sol, qui observait le ciel.
Il était vide. Aussi vide qu’elle l’était.
La petite fille gisait sur son côté droit, inerte. Respirait-elle ? Il n’y avait pas de vent. Pourtant, son nez était empli d’odeurs plus détestables les unes que les autres. Les déchets. La pourriture. Le sang. Et surtout, la Mort. Sur sa droite, les quelques rares arbres existants étaient morts et asséchés. Tout comme elle.
Elle vit des insectes grimper sur son corps, venant tacheter le lambeau gris, souillé et déchiré, qui lui servait de robe. Eux aussi, ils l’avaient compris. Elle allait mourir. Elle sentait le froid l’envahir petit à petit. Elle le savait. L’Ange de la Mort n’allait pas tarder, et bientôt, il l’envelopperait de ses grandes ailes sombres. Elle le savait. C’était comme si elle pouvait voir ses plumes noires tomber sous ses yeux.
Mais la petite fille n’était pas habitée par la peur, au contraire. Les gens comme elles ne vivaient pas longtemps. Elle restait immobile, priant silencieusement que la Faucheuse se fasse rapide. Tout ce qu’elle voulait, c’était que la douleur cesse. Tout ce qu’elle voulait, c’était qu’on abrège ses souffrances. Tout ce qu’elle voulait, c’était quitter cet Enfer. Elle ne pouvait plus vivre, elle ne voulait pas vivre. Ou plutôt, elle ne voulait pas de cette vie.
Le sol se faisait dur sous son corps asséché et inhumainement maigre, tandis que la douleur la torturait.
Elle riva une dernière fois ses yeux au ciel. Il était vide. Aussi vide qu’elle l’était.
Il était gris. Parfaitement gris. Un gris terne et triste. Et pourtant, il ne semblait pas y avoir le moindre nuage. Puis, elle se laissa aller. Enfin, elle allait pouvoir se reposer.
Mais soudainement, son champ de vision fut bouleversé, et une tâche blanche vint se poster au-dessus d’elle. Au même instant, elle sentit un objet être appuyé contre sa bouche.
« Mange. » Entendit-elle.
La petite fille releva légèrement le regard, et ce fut alors qu’elle le vit. Cet enfant au visage lisse, et dont les cheveux semblaient osciller entre le blanc et le violet lavande. Il semblait s’être accroupi près d’elle, et lui tendait un morceau de pain.
« A en juger par ton état, tu viens des bidonvilles. Tu es orpheline ? »
Son odeur étrangère mélangée à celle du pain lui enivra les narines et la petite fille l’observa longuement. Il avait la même odeur qu’elle. Cette même odeur d’abandon, de douleur et de solitude.
« Toi aussi ? » Parvint-elle à souffler au prix d’un terrible effort.
Et alors, il ouvrit les paupières, révélant ces magnifiques yeux d’un bleu profond qui étaient siens. La petite fille ne put alors plus s’en détacher. Elle avait déjà succombé au charme de cet étrange enfant.
« Oui, moi aussi », avoua-t-il.
Puis, il vint passer une main derrière son cou et la souleva légèrement.
« Gin, lâcha-t-il en tant que présentation. Enchanté. »
La petite fille garda le silence pendant quelques secondes. Ses yeux voilés observaient, détaillaient chaque parcelle de ce nouveau visage qui s’imposait à elle.
« Gin... finit-elle par murmurer. Quel nom étrange. »
A ces mots, un sourire étira les lèvres de ce garçon. Un sourire qui semblait amusé et qui masquait bien des choses, mais qui était empli de sincérité.
Mais, soudainement, tout devint noir. Les arbres morts et les décombres s’évaporèrent. Le sol s’effondra. Le ciel gris s’écroula. Le décor s’effondra petit à petit, ne laissant derrière lui que le néant absolu. La douleur physique de la petite fille disparut également, mais une nouvelle souffrance, bien différente, s’empara d’elle lorsqu’elle vit les contours du garçon devenir flous.
Elle se leva précipitamment et commença à avancer vers lui. Ses yeux étaient résolument fermés. Il empêchait la petite fille de voir ses magnifiques iris bleus. Il l’empêchait de comprendre ses sentiments. Il affichait un sourire indescriptible et sournois, mais dans lequel elle percevait un mélange de désolation et de détermination. Il ne bougeait pas, mais pourtant, à chaque pas qu’elle faisait, la distance qui les séparait semblait s’agrandir. La petite fille écarquilla ses yeux et commença à crier son prénom. Mais ses cris ne lui parvenaient pas. A vrai dire, elle-même, elle ne s’entendait pas. Mais elle savait qu’elle criait. Alors, elle se mit à courir.
Mais ses efforts furent vains. Et bientôt, le petit garçon disparut complètement.
Ne resta qu’une voix. Une voix à la fois familière et étrangère, chaleureuse et glaciale, douce et brutale qui lui affirma :
« Je me suis décidé. Je vais devenir un Shinigami, Rangiku... Je vais devenir un Shinigami, et je vais changer les choses. Je ferais en sorte que plus jamais tu ne pleures. »
Puis, Rangiku Matsumoto ouvrit les yeux. Confortablement étalée sur son lit, elle fixa le plafond quelques secondes avant de se passer les mains sur le visage. Quand allait-elle cesser de faire ce songe ? Elle avait beau revivre la même scène, encore et encore, elle ne pouvait pas y être insensible. Et à chaque fois, les souvenirs revenaient brouiller son esprit.
Elle rejeta les draps, enfila ses chaussons, et se leva de son lit. Elle avança dans sa chambre, et se retrouva bientôt confrontée au reflet que lui offrait le grand miroir accroché au mur. Calmement, elle observa la blonde vénitienne qui apparaissait sous ses yeux. Les choses avaient radicalement changé, depuis.
La petite fille était devenue femme. Ses yeux n’étaient plus voilés par la souffrance, ses côtes ne venaient plus étirer sa peau, ses habits n’étaient plus troués, ses joues n’étaient plus creusées, son visage n’était plus empli de crasse. Elle n’avait plus mal. Elle n’avait plus faim. Elle n’était plus vide. Quant à lui, il n’était plus là. Il avait fini par l’abandonner, lui aussi, il y a près de deux ans. Non. En réalité, il l’avait sûrement quittée véritablement bien avant. Cinq ans ? peut-être six ? Enfin. Maintenant, elle aimait la vie. Elle voulait vivre, pour être avec ceux qu’elle aimait. Elle voulait vivre. Pour le revoir. Et surtout, pour comprendre.
Puis, la jeune femme se rendit dans la salle de bain et y fit sa toilette. Une petite heure après, elle verrouillait la porte de son appartement et quittait son immeuble après avoir salué le gardien. Elle remonta la rue. Elle traversa la route. Elle tourna à droite, et reconnut au loin la chevelure claire de Kira. Accompagnant ses grands gestes de bras d’interpellations, elle se mit à courir, et finit par le rattraper.
Yo, Kira ! J’ai cru que tu n’allais jamais m’entendre !
Oh, excuse-moi, j’avais mes écouteurs, répondit-il avec un sourire. Tu vas bien, Rangiku-san ?
La concernée le regarda fixement, puis un sourire léger étira ses lèvres.
Qu’y-a-t-il ? S’enquit-il.
Rien... Je me disais juste que malgré toutes ses années, tu n’as pas changé. Tu es toujours si formel avec moi, même depuis que j’ai quitté la Dixième Division.
Ah, désolé... C’est que j’ai l’habitude. Mais cela ne change rien à notre relation, tu le sais.
Bien dit, camarade de buverie, s’écria-t-elle en passant un bras derrière son épaule. Allez, on y va !
Et sur ce, ils se dirigèrent vers le lycée. Quelques minutes passèrent avant qu’ils n’arrivent et se séparent. Devant la salle de classe, Rangiku appela discrètement le téléphone d’Orihime. Mais ce fut avec perplexité qu’elle n’obtint aucune réponse. Elle finit donc par rentrer en cours avec Renji. Elle qui s’attendait à voir son amie débouler dans la classe, essoufflée et désolée pour son retard, vit ses attentes inassouvies. Orihime Inoue ne vint pas, ni à la première heure, ni à la seconde, ni aux autres. Et elle ne répondit ni au premier appel, ni au cinquième, ni aux messages.
Quelque peu dérangée, Rangiku quitta la salle de cours le téléphone à la main, dans l’espoir de recevoir des informations. Elle remonta le couloir aux côtés de Renji.
C’est vrai que c’est étrange, confirma celui-ci. Mais bon, peut-être qu’elle a tout simplement oublié qu’il y avait cours aujourd’hui. Elle est tellement tête en l’air, on peut s’attendre à tout, avec elle.
Oui. Mais tout de même, cela ne lui ressemble pas. Peut-être est-elle malade ?
C’est une possibilité. Mais tu sais, Rangiku... Je crois qu’il y a encore pas mal de choses que l’on ignore à propos d’Orihime. Et je t’avoue que ça me met vraiment mal à l’aise.
Oui, je sais, souffla-t-elle. C’est normal, d’un côté. C’est difficile de s’ouvrir. Et puis, comment pourrait-on le lui reprocher ? Elle aussi... Il y a encore beaucoup de choses qu’elle ignore.
Voyant la mine tracassée de son amie, Renji passa son bras autour de son cou et lui lança d’un ton enjoué :
« Ne te torture pas avec ça, va ! Je suis sûr que tout ira bien. Bon, allez, j’ai faim moi ! On y va ! »
Réconfortée par ces paroles, Rangiku lui adressa un sourire, avant de le suivre dans les escaliers. Et sur ce, ils se rendirent dans leur petit chez-eux bricolé avec amour, où ils retrouvèrent leurs amis. Il y avait toujours cette même ambiance, chaleureuse, conviviale et complice. Il y avait souvent, et tout le temps d’ailleurs, des disputes, mais celles-ci n’étaient que le témoignage de l’amour qu’ils se portaient les uns les autres. Il fallait dire que la bande se côtoyait depuis des années maintenant, même si leurs rapports avaient bien évolué et changé avec le temps. Rangiku eut un sourire. Oui, les choses avaient bien changé, avec le temps.
La blonde vénitienne alla ouvrir le frigo et s’empara d’une canette de soda qu’elle ouvrit sur place. Elle porta l’objet à sa bouche, rejeta sa tête en arrière et observa le plafond traficoté de leur antre. Ses sourcils se froncèrent. Avaient-ils vraiment bien fait de se lier avec Orihime ? Était-ce ce qu’il y avait de mieux pour elle ? Tout en savourant la sensation du liquide froid glisser sur sa gorge, elle laissa son esprit vagabonder et se plongea dans ses pensées presque aussitôt.
Tu t’inquiètes encore pour ça ? S’enquit Tia qui vint se poser à côté d’elle.
Oui, souffla Rangiku. Ce n’est pas le fait qu’elle soit au courant, qui m’inquiète. Elle finira bien par le découvrir un jour ou l’autre. Moi, ce qui me fait peur... C’est qu’elle soit impliquée. Elle n’a vraiment pas besoin de ça dans sa vie.
Moi aussi, j’y pense souvent. Mais pourtant, je n’arrive pas à me dire que l’on aurait dû garder nos distances avec elle. Je l’aime vraiment, ‘Hime. Et au fond de moi, je sais que je ne pourrais pas quitter sa vie sans qu’elle ne m’ait hurlé de le faire. Ceci étant dit... Oui, tu as raison, elle finira par le découvrir. Et alors, elle aura le choix. Ce sera à elle de décider. Nous n’aurons pas à intervenir, alors, arrête de te tracasser, bae.
Oui, je sais que tu as raison. Mais je ne sais pas pourquoi... Je ne cesse de m’inquiéter pour elle.
J’ai beau te faire la morale, je suis exactement dans le même cas, soupira la blonde à ses côtés. Je crois que je ne me suis jamais fait autant de souci pour quelqu’un dans toute ma vie.
Mais alors qu’elles continuaient leur discussion à deux, elles entendirent Toshiro lancer :
Alors, les gars, vous avez trouvé des idées pour financer le camp d’entraînement ? J’ai pensé à une vente de gâteaux.
Une vente de gâteaux ? Ouais, ça pourrait marcher, confirma Ikkaku. Surtout avec les talents de cuisinier d’Hisagi.
Oi, je sais cuisiner moi aussi, s’insurgea Rangiku. Il en est de même pour toutes les filles de la bande.
Euh... Commença Kira. Je ne veux pas t’offenser, Rangiku-san, mais les goûts un peu particuliers que tu partages avec Orihime-san ne plaisent pas forcément à tout le monde...
Des gâteaux ? S’ébroua soudainement Yumichikka. Non mais vous vous entendez ? Vous êtes censés récolter un énorme paquet d’argent ! Ce n’est pas avec des gâteaux que vous pourrez l’organiser, votre camp d’entraînement ! A moins que les vendeurs soient ultra sexy et torses-nus, je ne vois pas comment vous allez vous démerder.
Tu ne penses vraiment qu’à ça, Yumi, grogna Hiyori. Et je te signale qu’il n’y a aucun gars sexy ici.
Quelques temps après de longues réflexions, Tia s’écria :
Mais oui, c’est ça ! Des torses nus !
Oi, s’ébroua Hiyori. Tu ne pas t’y mettre, toi aussi ?
Ecoutez-moi ! J’ai une idée. Vous n’avez qu’à faire un calendrier où chaque joueur du club de football sera photographié. Ça pourrait faire un carton !
Un long silence suivit cette annonce. Chacun réfléchissait dans son coin, certains s’imaginant anxieusement en train de poser devant une caméra.
C’est en effet une bonne idée, observa Toshiro. J’en parlerais au reste de l’équipe.
Oh, Capitaine, intervint Shinji, allongé sur son canapé. J’ai une idée, moi aussi... Que dirais-tu d’une apparition d’Orihime-chan dans votre catalogue ? Rien de mieux pour faire tourner la tête des hommes. Imaginez-la, incroyable et resplendissante beauté, dans un uniforme de football qui moule ses-
Oi, enfoiré, grogna Hisagi, t’es en train de nous dire qu’on devrait exploiter les atouts d’Orihime pour récolter de l’argent ? Te fous pas de moi !
Tout à fait. Il suffirait d’une seule photographie d’elle pour faire doubler les ventes. Allez, Hisagi ! Ne me fais pas croire que tu ne veux pas la voir poser. Et puis, je suis sûr que si elle est de la partie, Ran-chan, Tia-chan et même Nemu-chan pourraient la rejoindre. Concernant Hiyori, n’y pensons même pas. Il ne vaut mieux pas.
Qu’est-ce que tu veux dire, enfoiré ? Commença cette dernière en se levant.
Tu es rusé, et pervers, commenta Rangiku en croisant les bras sur sa poitrine. Mais c’est vrai que ça pourrait marcher.
C’est décidé, alors. Rangiku, Tia, je vous laisse lui transmettre la nouvelle et lui demander son avis. J’en parlerais au reste de l’équipe et à Kensei. S’ils sont d’accord, les choses devraient aller plutôt vite, surtout que je connais un photographe qui nous aiderait volontiers.
Puis Toshiro reposa son bentô vide sur la table et reprit :
Au fait, vous savez pourquoi Jaggerjack a-t-il été suspendu ?
Suspendu ? Comment ça ? Demanda Renji.
Kensei me l’a annoncé hier après le match. Il a privé Jaggerjack d’entraînements jusqu’au prochain match, mais je n’en connais pas la raison.
Je n’en sais absolument rien, répondit Hisagi. Et je m’en contrefous. Ça lui fera le plus grand des biens, d’ailleurs. Surtout qu’il n’avait pas l’air ravi par l’arrivée d’Orihime.
En parlant de ça, dit Tia. Ça n’a peut-être aucun rapport, mais hier après le match, alors que je m’étais mise à la recherche d’Orihime, avec Ururu, étant donné qu’elle avait subitement disparue, j’ai surpris Grimmjow en train de s’embrouiller avec Kensei. C’était d’ailleurs au sujet d’Orihime. Grimmjow avait vraiment l’air en colère, je crois qu’il se plaignait du fait qu’il doive accepter de jouer avec elle par la suite.
Je vois, soupira Toshiro. C’est sûrement pour ça. J’imagine bien la scène. Sérieux... Ce Jaggerjack... Je ne pourrais jamais me le faire. Comment as-tu fait pour le supporter, Tia ?
« Il n’est pas si mauvais, au fond. » Je suppose que c’est ce que je devrais dire. Mais en vérité, je ne sais pas trop, rigola-t-elle.
A la fin du repas, tout le monde retourna en cours. Rangiku et Tia ne cessèrent de guetter leur écran de téléphone portable de toute l’après-midi. Mais ceux-ci ne vibrèrent pas une seule fois. La journée sembla passer bien lentement, et l’une comme l’autre, elles commençaient à s’inquiéter. La jeune Matsumoto avait maintenant appelé une vingtaine de fois, sans obtenir aucune réponse. Même si elle était malade, elle pouvait répondre au téléphone quand même, non ? Ce fut pourquoi, ensemble, Rangiku et Tia allèrent sonner chez la rouquine, dès la sortie des cours, histoire de lui rendre visite. Mais à leur plus grande stupéfaction, elles n’obtinrent pas de réponse non plus. Et là, elles commencèrent à s’inquiéter véritablement. Orihime... Où était-elle passée ?
________________________________________________________________________________________________________
Le hurlement résonna dans le studio tout entier durant de longues secondes. Et aussitôt, la jeune fille se redressa violemment. Bien qu’étant réveillée, elle hurla une nouvelle fois, les yeux écarquillés par une terreur folle. Un haut de cœur l’ébranla à cet instant même et elle ravala avec peine ce qui menaçait de jaillir de sa bouche. Elle se leva, chancelante, et se précipita dans la salle de bain, laissant derrière elle les traces liquides de son passage. Et une fois la tête près de la cuvette des toilettes, elle ouvrit enfin la bouche. Et elle vomit. Elle y vomit tout, que ce soit l’amertume, la colère, la tristesse, ou la peur. Elle y vomit durant de longs instants, complètement détruite par le cauchemar qu’elle venait de faire.
Les larmes commencèrent à affluer, au fur et à mesure que son estomac se vidait. Et lorsqu’elle eut fini, elle s’écroula. Ses genoux la lâchèrent et elle s’effondra au sol, le visage ravagé par la terreur et le désespoir. Son corps était agité de violents spasmes, elle avait des sueurs froides. Les images qui s’imposaient dans son esprit lui infligeaient la pire douleur qu’elle eut jamais ressenti. Elle revoyait Tatsuki, se faisant violer sous ses yeux. Elle revoyait son visage souillé de son propre sang et ses yeux implorants. Elle revoyait son violeur et bourreau qui à chaque coup de bassin, lui assénait également un coup de couteau. Et surtout, elle revoyait le visage de ce dernier, sa peau blafarde, ses cheveux roux qui étaient maintenant blancs, son sourire monstrueux, et ses yeux autrefois marron et chauds devenus jaunes et noirs.
Les images ne cessaient de tourner dans sa tête, ne lui laissant aucune seconde de répit. Et de nouveau, Orihime se mit à hurler. Elle perdait l’esprit sous l’effet de la douleur. Son cœur semblait sur le point d’exploser, ses poumons étaient compressés, et elle sentait comme une main qui lui étranglait les entrailles. Elle avait si mal. Si mal !
Tatsuki. Shirosaki. Tatsuki. Shirosaki. Tatsuki. Shirosaki.
La scène reprenait sans cesse dans son cerveau, et elle était un peu plus détruite à chaque fois qu’elle voyait le sang de sa meilleure amie jaillir. Sa tête était un véritable champ de bataille. Elle n’en pouvait plus. Ses yeux semblaient sur le point de sortir de leurs orbites tant ils étaient écarquillés, sa main droite agrippait ses cheveux, ses ongles gauches s’enfonçaient dans sa peau mouillée, sa mâchoire crispée était grande ouverte, laissant ainsi s’échapper les plus terrorisés, les plus désespérés des cris.
Puis, brusquement, Orihime Inoue se redressa. Elle s’agrippa au lavabo et lutta pour parvenir à se mettre debout. A la vue de son image dans le miroir, son visage se décomposa dans un mélange de colère et d’affliction. Les dents serrées, elle ouvrit brusquement le tiroir de la commode et y plongea sa main. Avec frénésie, elle se mit à tout secouer, à tout renverser, à tout éjecter, avant d’en ressortir de longs ciseaux dont la lame était dangereusement aiguisée. Sans plus attendre, elle approcha l’arme de son cou et dirigea la pointe vers sa peau.
Elle sursauta au contact froid du fer contre sa fine peau. Ses mains tremblaient violemment, sa poitrine se soulevait malgré tous ses efforts pour se calmer, et elle sentait le sang battre si fort dans ses veines que chaque battement de cœur en devenait douloureux. Le flot de larmes qui coulaient sur ses joues avait fait naître en elle une migraine des plus douloureuses qui soient.
Orihime n’en pouvait plus. Elle n’en pouvait plus de cette douleur, de ce désespoir, de cette solitude, de cette faiblesse, de cette vie. Elle n’en pouvait plus de cet Enfer. Elle n’en pouvait plus d’elle-même.
Mais alors, elle regarda le miroir. Elle se vit, les doigts tremblants, le visage ravagé, les yeux injectés de sang, maintenant inutilement cette paire de ciseaux contre sa peau. Et de nouveau, elle s’effondra. Mais cette fois-ci, elle ne tomba pas. La rouquine resta debout, ahurie, déboussolée, la tête explosée, les yeux fixés sur son propre reflet.
Que lui arrivait-il ? Qu’avait-elle essayé de faire ? Que se passait-il dans sa tête ? Orihime en avait désormais la certitude. Elle devenait folle. Elle perdait réellement la tête. La perte de Tatsuki la détruisait littéralement. Cette dernière l’avait protégée et s’était sacrifiée pour elle. Sora s’était efforcé de l’élever et avait tout fait pour la sauver. Et elle, elle avait essayé de... Orihime laissa tomber la paire de ciseaux. Vidée de toute énergie, elle se laissa aller sur le lavabo. Ses yeux rivés au vide, elle resta là de longs instants, ayant perdu la capacité de bouger.
Elle le savait. Même si sa vie était un cauchemar, elle devait vivre. Même si sa vie était emplie d’obscurité, elle devait persister. Pour Sora. Pour Tatsuki.
Mais elle savait aussi qu’elle n’en avait pas la force. Et c’était sûr. Elle ne tiendrait pas longtemps, dans cet état.
Quatre heures après, Orihime Inoue pénétrait la cour de son lycée, la figure aussi sombre que ses pensées. Aujourd’hui, elle ne souriait pas. Et elle ne sourirait pas, elle le savait. Sa figure était encore porteuse des vestiges de cette horrible nuit, ses lèvres étaient sèches et ses yeux étaient emplis d’une souffrance qu’elle ne prenait même plus la peine de cacher. Son cœur la lançait, et elle devait lutter à chaque instant pour ne pas céder à la douleur et s’effondrer. C’était un combat perpétuel, un combat qu’elle ne pourrait pas mener pendant bien longtemps, un combat à sens unique duquel elle ne ressortirait certainement pas vainqueur.
Elle traversa la cour vide, et l’espace d’un instant, sentit un lourd regard posé sur elle. Elle releva son visage et croisa les magnifiques yeux d’Ulquiorra Schiffer. Elle ne remarqua pas l’infime sursaut qui secoua ce dernier lorsqu’il la vit dans cet état, et se désintéressa aussitôt du jeune homme. Elle monta les escaliers eux aussi déserts, et s’engagea dans le couloir du second étage. Elle toqua à la porte de sa classe, et entra à l’ordre du sensei. Ce dernier ouvrit la bouche et commença à la réprimander, jusqu’à ce qu’il voit sa tête. Lui aussi, comme tous les autres élèves, se tut à la vue de son visage ravagé. Il la regarda alors aller s’asseoir tout au fond, seule, là où n’était pas sa place.
Renji et Rangiku, loin d’elle, l’observèrent eux aussi avec effarement, avec encore plus d’intensité que le reste de la classe. Ils tentèrent d’intercepter son regard, de capter son attention, en vain. Elle ne les regarda pas durant les deux heures et garda les yeux rivés sur sa feuille blanche. Aujourd’hui, contrairement au premier jour de la rentrée, elle n’avait pas l’air d’une coquille vide, mais plutôt d’une bombe endommagée sur le point d’exploser.
Puis, la sonnerie retentit. Sans même prendre le temps d’écouter la fin de la phrase du professeur, Orihime se leva et quitta la salle en sortant par l’arrière. Elle ignora le cri de Rangiku et s’enfuit rapidement. Elle ne voulait voir personne. Elle ne voulait parler à personne. De toute façon, qui se souciait d’elle ?
La jeune Inoue n’avait plus les idées claires, et son esprit commençait à dérailler. Elle descendit les escaliers et se rendit dans le hall encore vide. Mais alors qu’elle se dirigeait vers la sortie, dans le but d’aller dans la cours, elle entendit derrière elle :
« Oh, regardez qui voilà ! Justement, on te cherchait ! »
Orihime s’arrêta l’espace d’un instant. Elle ne prit même pas la peine de se retourner, elle reconnaissait cette voix. Mais cette fois-ci, la rouquine reprit sa marche dans l’allée de casiers.
« Oi, attends ! » S’écria-t-on dans son dos, alors que les élèves commençaient à arriver.
Elle ignora de nouveau le cri de son interpellateur et continua sa route. Elle s’approchait de la porte, quand soudainement, deux mains vinrent la plaquer avec une violence inouïe. Son dos se heurta aux casiers dans un bruit métallique qui lui était devenu familier. Les lycéens, interpelés, la regardèrent, une expression compatissante sur le visage, avant de se détourner aussitôt. Une pointe d’amertume piqua le cœur d’Orihime. Lâches qu’ils étaient.
Puis, elle reporta son attention sur Loly et ses couettes noires, qui dardait son regard violacé sur elle.
Je t’ai dit d’attendre, salope. Quand je te parle, tu m’écoutes.
Qu’est-ce que tu veux, Loly ?
A ces mots, les yeux de ladite Loly s’ouvrirent un peu plus grand et elle eut un sourire.
Oi, t’entends ça, Menoly ? Jeta-t-elle à la blonde derrière son épaule. Elle m’a demandé ce que je voulais !
Sans compter qu’elle t’a appelée « Loly », ricana l’autre en se rapprochant. Genre vous êtes potes. Trop drôle !
Loly se pencha alors sur Orihime, ses yeux violets habités d’une lueur perverse. Orihime sentit son intérieur se serrer. Pourquoi ?
Tu sais, salope... C’est moi qui pose les questions, ici. Tu devrais apprendre à rester à ta place. Ça ne t’a pas servi de leçon, la dernière fois, c’est ça ?
Peut-être qu’elle en veut encore, renchérit Menoly, un sourire aux lèvres. Une véritable cochonne sous ses airs de sainte-ni-touche.
Oh, je vois ! S’exclama Loly. Tu as sûrement raison. Dis, c’est ça, O-ri-ri-hi-me-chan ? Tu en reveux encore ?
Elle se pencha davantage et commença à frôler sa poitrine de sa main. Le regard d’Orihime se durcit. Non. Ce n’était pas le moment. Ce n’était pas la journée.
« Tu veux qu’on te touche, c’est ça ? Tu veux qu’on te caresse ? On peut faire ça ici, tu sais, ça ne me dérange vraiment pas. »
Orihime se mordit la lèvre. Pourquoi cela lui arrivait-il ? Pourquoi était-elle leur victime ? Pourquoi avait-elle toujours été la cible de ses camarades, dès son plus jeune âge ?
« Moi non plus, confirma Menoly. Je te la laisse, Loly. »
Elle avait toujours été persécutée par les enfants de son âge, ou même plus grands, à cause de la couleur de ses cheveux, ou même à cause de sa poitrine bien trop développée pour son âge.
« Je m’en doutais. Tu es une lâche, toi aussi, Menoly. »
Elle avait toujours été rejetée, blessée, frappée, mais Tatsuki avait mit un terme à cette spirale du vice. Elle l’avait défendue, aidée, aimée, mieux que personne. Elle avait frappé pour elle, elle avait crié pour elle, elle avait changé pour elle.
« Ce n’est pas grave, reprit Loly. J’en aurais plus pour moi. »
Orihime serra les poings. Tatsuki l’avait sauvée. Exactement comme lors de ce jour. Le dernier jour de sa vie. Sa dernière action avait été de la sauver. Mais aujourd’hui, Tatsuki n’était plus là pour la sauver. Et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Elle avait disparu, et ce, à cause d’elle. A cause de sa faiblesse.
Il est temps de la remettre à sa place, fit Loly en se léchant les lèvres. Il est temps d-
Lâche-moi, la coupa Orihime en se dégageant de son emprise.
Elle s’échappa et tenta de passer sur le côté. Mais ce ne fut évidemment pas si facile. Loly la retint en lui agrippant l’épaule et la plaqua de nouveau contre les casiers, avec encore plus de violence. Et là, elle lui asséna une gigantesque gifle dont le son intima le silence pendant de longues secondes.
« Oi, petite pute, gronda Loly, visiblement énervée. Je ne t’ai pas autorisée à partir. Ni à me couper la parole, d’ailleurs. »
Le hall était maintenant rempli d’élèves, et un bon nombre d’entre eux la fixait avec ce regard partagé entre le jugement et la pitié. Orihime resta immobile, les yeux masqués par ses longs cheveux roux.
« Ne te fais pas d’idées, lança Loly avec un regard mauvais. Tu es toute seule. Ils ne t’aideront pas. Aucun de ces lycéens ne t’aidera. Je peux te frapper, te violer des milliers de fois sous leurs yeux, je pourrais même te torturer qu’aucun d’entre eux n’interviendrait. Ils ne viendront pas te sauver. »
Sur ce point, Orihime devait s’avouer qu’elle avait raison. Ils étaient lâches, elle le savait. Les Hommes étaient lâches. Elle l’était aussi. Et elle en avait marre. Marre d’être lâche. Marre d’être constamment celle à être sauvée. Marre de devoir compter sur les autres. Marre d’être faible.
C’était ça. Elle était faible. Si elle avait été plus forte, elle n’aurait pas été un fardeau pour Sora. Si elle avait été plus forte, elle aurait pu rendre à Tatsuki la monnaie de ses gestes. Si seulement elle avait été plus forte, Tatsuki ne serait pas... Orihime serra les dents. Elle sentait une vague de chaleur l’envahir. Elle sentait la colère monter. Si elle avait été plus forte... Ils...
Loly lui empoigna le visage, déformant ses joues, et la força à la regarder.
« Et en plus elle pleure, aboya-t-elle. Non mais je rêve. Ce n’était rien qu’une petite gifle ! »
Et alors, son rêve lui revint en mémoire. Elle revit les images, ces mêmes images qui l’avaient hantée et torturée tout au long de la nuit. Le visage d’Ichigo s’imposa dans son esprit, et son corps commença à trembler en même temps que la rage commençait à prendre possession d’elle. Si elle avait été plus forte...
« Je n’ai même pas encore commencé, alors garde tes larmes pour plus tard, pétasse. »
Orihime ne voulait pas. Elle ne voulait pas se laisser faire. Elle ne voulait pas gâcher les efforts de Sora et de Tatsuki. Elle ne voulait pas déshonorer le sacrifice de sa meilleure amie. Puis, l’espace d’un instant, son attention fut retenue par une chevelure bleue qui traversa le hall. Elle croisa son regard froid ainsi que le jugement qu’il contenait. Le mépris perçu dans ses yeux bleus la frappa, et alors, son sang se mit à battre plus vite, à frapper plus violemment dans ses veines. C’était un dégoût encore plus violent que le mépris présent dans les yeux de Loly.
Loly se mit alors à passer le bout de son index sur sa poitrine.,Orihime se mordit la lèvre. Pourquoi la méprisait-on tant ? Pourquoi la regardait-on de la sorte ? Pourquoi lui faisait-on subir ça ? Que leur avait-elle fait pour mériter ça ? Pourquoi ne pouvait-on pas la laisser tranquille ? Mais alors, le visage de Shirosaki s’imposa dans son esprit, et la première larme roula sur sa joue. Elle se sentit perdre pied.
Et ce fut à cet instant que Loly fit glisser ses doigts dans ses longs cheveux roux, avant de brusquement les empoigner.
« Tu sais, tes cheveux, je les déteste depuis la première fois que je t’ai vue. Ils... Ils mériteraient d’être brûlés. »
Quoi ? Que venait-elle de dire ? Ses cheveux ? Orihime écarquilla ses yeux sous son rideau de cheveux roux. Elle se souvint alors de la promesse qu’elle avait faite à Tatsuki, lorsque celle-ci l’avait sauvée. Les cheveux d’Orihime étaient pour elle bien plus importants que pour n’importe quelle fille. Sa défunte meilleure amie s’était battue pour cette chevelure, l’avait protégée, et avait fait promettre à la rouquine de les laisser pousser. Cette dernière avait toujours dit que la couleur de ses cheveux était magnifique, et qu’Orihime devait en être fière. Et aujourd’hui, de nouveau, quelqu’un s’en reprenait à ses cheveux. Non, elle ne voulait pas que ça recommence. Elle ne voulait pas que le cycle redémarre, que la spirale reprenne son court. Elle ne voulait pas. Orihime crut perdre la tête. Ses mains se mirent à trembler. C’était impardonnable.
Ce fut le début de la fin.
« Je vais te détruire à petits feux... » Susurra Loly en se rapprochant d’elle et en commençant à lui tirer les cheveux tout en lui caressant le visage.
La brune fit glisser sa langue pointue sur ses lèvres et l’observa de la tête aux pieds.
« Par où commencer... ? » Souffla-t-elle en tirant encore plus.
Et alors, elle les aperçut. Ces deux épingles à cheveux qui prenaient la forme d’étoiles bleues et qui retenaient de part et d’autre la longue chevelure de la rouquine. Un horrible sourire illumina le visage de Loly, et celle-ci fit d’un air jouissif : « J’ai trouvé. »
Elle lâcha les cheveux d’Orihime et fixa du regard ses deux nouvelles cibles.
« Commençons par ces deux horribles épingles. »
La rouquine eut un temps de réaction. Comme un court circuit dans son cerveau. Loly voulait... Loly voulait... Détruire ses épingles, brûler ses cheveux. Elle voulait les faire disparaître. Elle vit Loly lever son bras et commencer à tendre sa main pour attraper la première des deux étoiles bleues. Les yeux d’Orihime s’écarquillèrent davantage. Loly... Ses barrettes... Elle voulait supprimer ces deux cadeaux de son défunt frère. Ses cheveux... Elle voulait briser le dernier souvenir qu’elle avait de Sora Inoue, et de Tatsuki Arisawa.
Une bombe sembla exploser dans le crâne d’Orihime. Cette fille voulait lui retirer ce qu’elle avait de plus cher. Non, elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas.
« Pas ça... Pas ça. »
Ce fut le déclic. Un craquement se fit distinctement entendre dans le crâne bouillonnant de la jeune fille.
La colère se mit à envahir la lycéenne, et celle-ci lâcha prise. Elle s’abandonna à ses désirs, à ses rancœurs, et laissa toute la haine accumulée au fil des années s’emparer d’elle. Elle relâcha son ressentiment, et son amertume se transforma en une rage destructive et explosive.
« NON !!!!!!! » Hurla-t-elle.
Et ce fut à ce moment que tout bascula. Ou plutôt, qu’elle bascula.
Orihime Inoue posa ses mains sur le torse plat de Loly Aivirrne et la poussa avec une violence incroyable, l’envoyant valser contre les casiers opposés. Le bruit de l’impact ébranla le hall tout entier et tous les lycéens semblèrent arrêter leurs activités. Grimmjow, qui s’apprêtait à sortir, et Ulquiorra, qui venait de descendre, ne faisaient pas exception. Il y a eu alors un lourd silence et cette scène marqua les esprits : Loly, à terre, les yeux grands ouverts par la surprise, fixant une Orihime qui à l’opposé, fulminait d’une rage animale sans seconde.
Mais ce n’était là que le commencement.
Menoly eut un cri de stupeur et se précipita vers Loly pour l’aider à se relever. Mais celle-ci, plus en colère que jamais, poussa brusquement sa propre camarade et se redressa en essuyant d’un revers de main la bave qui dégoulinait sur son menton. Elle ne prononça qu’une parole : « ENCULEE !!!!! » et alors, elle se rua sur Orihime.
La gifle qu’elle lui décrocha fut incroyable, et le crâne de la rouquine alla se cogner contre les portes d’acier derrière elle. Les cris se mirent à retentir, et bon nombre des filles s’empressèrent de quitter le hall. Mais à la stupéfaction générale, la jeune Inoue ne sembla pas ressentir la douleur de ce coup. Elle se redressa, et Grimmjow écarquilla ses yeux. Il voyait le terrible orage qui se formait dans les prunelles grises de cette rouquine. Et pour la première fois, il vit en elle autre chose que la cruche pitoyable qu’il croyait avoir cernée.
De nouveau, Loly se rua sur Orihime, immobile. Mais alors, celle-ci vint également à sa rencontre et la chargea comme une bête féroce. Le corps frêle de Loly ne fit pas le poids et bientôt, elle se retrouva au sol, dominée par une rouquine enragée. Cependant, la brune avait plus d’un tour dans son sac, et sans que personne ne put comprendre, elle renversa son assaillante et se chargea de la maintenir au sol.
« JE VAIS TE TUER ! » Hurla-t-elle en lui assénant le premier coup de poings.
Quatre. Orihime s’en prit quatre autres dans le visage, ainsi qu’une ribambelle d’insultes plus vulgaires les unes que les autres, avant de pouvoir retourner la situation une nouvelle fois.
Après l’avoir repoussée avec une force inattendue, Orihime se plaça sur Loly, agenouillée, ses jambes encadrant son torse. Elle avait repris le dessus. Et là, sous les yeux écarquillés de la foule et de la brune elle-même, elle se mit à frapper. La rousse n’arrivait à penser à rien. D’autres visages se superposaient avec celui de Loly, si bien que celle-ci ne savait plus réellement qui elle frappait. Shirosaki ? Ichigo ? Rukia ? Ou Loly ? Et à vrai dire, elle ne savait même pas ce qu’elle faisait. Ses coups jaillissaient instinctivement, et elle ne s’en rendait même pas compte. Il n’y avait dans son esprit que de la haine et de la rancœur. Elle ne voyait plus ce qui l’entourait, elle ne voyait rien, si ce n’était sa cible. Elle était juste déchaînée et explosée.
Elle n’aurait su compter le nombre de coups qu’elle lui avait roué. Toute sa colère, elle la retranscrivait sur le visage de cette horrible brune. Toute cette haine contenue et encaissée depuis maintenant des années était aujourd’hui relâchée. Et le résultat était... Violent. La mort de Sora... Sa propre persécution... La tentative de viol d’Ichigo et ses amis... La déchéance de Rukia... Le meurtre de Tatsuki... Et tout le reste... La rouquine fulminait à un point qui dépassait le stade humain. Elle était brisée, mais elle était surtout en colère. En colère contre Sora et Tatsuki, qui l’avaient laissée seule derrière, contre ses parents, qui avaient gâché sa vie et celle de son frère, contre Rukia, contre ses présumés « amis » de l’époque, contre sa tante, contre Ichigo et Shirosaki, contre la mort, contre la vie. Elle était en colère contre le monde entier. Et cette haine sans cesse refoulée était devenue si ardente qu’elle la brûlait maintenant de l’intérieur.
Menoly, ayant du mal à réaliser la situation, finit par réagir. Elle se rua sur celle qui battait son amie et tenta de l’étrangler en la prenant de dos. Mais la rouquine, comme par pur réflexe, envoya son coude en arrière et celui-ci alla violemment exploser le nez de la blonde. Cette dernière tomba sur ses fesses dans un cri de douleur, blessée et choquée. Puis, sans attendre, Orihime reprit son occupation.
Les élèves s’étaient maintenant rassemblés autour d’elles. Ils étaient si choqués qu’il n’y avait absolument aucun bruit, si ce n’était les gémissements de douleur de Loly qui tentait de se retenir, et les cris d’Orihime, emplis de haine. Hiyori arriva elle aussi sur place, intriguée par cet attroupement massif. Et lorsqu’elle vit le spectacle qui se déroulait sous ses yeux, elle eut un petit cri de surprise. Loly se faisait tabasser ! Une immense joie s’empara alors d’elle et elle s’avança pour mieux y voir. Hiyori avait toujours détesté Loly. Et depuis l’incident de la dernière fois, où elle avait failli franchir les limites, elle ne cessait de préparer sa vengeance. Mais alors, elle se figea, la bouche entrouverte de stupéfaction.
Cette fille qui la frappait... Hiyori la connaissait. Son visage déformé par une fureur démesurée n’avait plus rien de sa beauté calme et envoutante, mais la couleur de ses cheveux ne trompait pas. Elle sifflait à travers ses dents serrées tout en assenant de terribles coups à la brune maintenue à terre. Et de temps en temps, d’effroyables grognements sauvages s’échappaient de l’enceinte de ses lèvres. Hiyori écarquilla ses yeux. C’était Orihime.
Menoly, quant à elle, cherchait du secours auprès des spectateurs.
« Oi ! Ne restez pas là ! Aidez-là ! » Vociférait-elle, « Je... S’il vous plaît ! »
Elle passa devant Hiyori qui ne la vit même pas, absorbée par la rouquine qui se tenait à quelques mètres d’elle. Menoly criait d’une voix presque affolée qui contrastait avec le timbre malsain qu’elle arborait en permanence. Mais personne ne l’aidait. Personne ne l’aimait, ni elle, ni Menoly. Et intérieurement, même s’ils étaient tous effrayés par cette lycéenne qui n’avait plus rien d’une femme et qui semblait s’être transformée en un monstre, ils ne pouvaient s’empêcher de l’encourager silencieusement, et même, de la remercier. Car personne n’oubliait ce qu’était réellement Loly, et personne n’oubliait ce qu’elle leur avait presque tous fait subir.
Mais alors que le visage de cette dernière se voyait déformé sous les coups des petits poings d’Orihime, une personne vint se placer derrière elle sans qu’elle ne le remarque. Et d’une voix virile qui ne trahissait aucune émotion, cette personne lâcha :
« Tu vas la tuer. »
Mais la jeune Inoue n’entendait pas. Elle n’était plus là. Elle semblait être devenue aveugle et sourde. Alors, la main puissante associée à cette voix vint fermement empoigner l’avant bras de la rouquine déchaînée. Celle-ci se débattit avec un grognement hargneux, mais Grimmjow était bien plus fort, il n’eut aucun mal à la contenir. Alors elle se retourna brusquement pour faire face à celui qui l’empêchait de s’acharner davantage.
Et le beau Jaggerjack fut littéralement ébranlé lorsqu’il croisa son regard. Elle aussi, visiblement, car dès l’instant où elle croisa le bleu glacé de ses yeux, elle sembla retrouver ses esprits. Mais il l’avait vue. Toute cette douleur dans ses prunelles, tout ce désespoir dans ses yeux qui pleuraient, et surtout, toute cette haine qu’elle se vouait à elle, et au monde entier. Grimmjow l’avait vue, si bien qu’il avait cru rêver. Il en avait croisé, des gens énervés, qui se battaient après avoir craqué. Mais elle... C’était différent. Cette rage qui habitait ses incroyables yeux gris était à la fois froide et ardente. A la fois sombre et éclatante. A la fois orageuse et explosive. Et jamais il n’avait vu pareil regard.
Le bleuté dut lutter pour ne pas laisser apparaître sa stupéfaction et rester de marbre. Il resserra sa main autour de son poignet frêle, avec cette même question recassée dans son esprit : « Qui était cette fille ? ».
Elle était là, agenouillée sur un corps inerte, le visage griffé, tâché de sang, et encore porteur des vestiges de sa colère destructrice. Sa poitrine se soulevait rapidement, son visage était en feu, et il sentait sous ses doigts son pouls effroyablement accéléré. Elle était sauvagement décoiffée, l’une des manches de sa chemise s’était déchirée, ses poings abîmés saignaient, elle haletait. Et pour la première fois, Grimmjow se rendit compte qu’elle était belle. Monstrueusement belle.
Et ce fut uniquement à cet instant précis qu’Orihime retrouva le contrôle. Ses yeux explosés retrouvèrent leur gris clair habituel, son visage se radoucit. Et elle le regarda. Ou plus exactement, elle plongea dans la mer bleue de ses iris, et il fit de même. Tout semblait avoir disparu, si ce n’était leurs deux regards au travers desquels s’effectuait leur échange silencieux. Ils ne surent pas combien de temps ils restèrent ainsi. A cet instant, il n’y avait plus qu’eux.
Mais soudain, deux voix familières vinrent crier son prénom, et le bleuté s’arracha instantanément à elle. Il observa Loly, tétanisée, jeta à la rouquine un dernier regard qu’elle n’était pas en mesure de décrypter, avant de s’en aller, les mains dans les poches. Mais dès l’instant où son poignet quitta l’enceinte de la main de Grimmjow, Orihime retomba violemment sur terre. Et lorsqu’elle se vit, au-dessus de Loly, le visage ensanglanté, violacé et déformé, une panique folle s’empara d’elle.
Elle se recula brusquement, permettant à la brune de prendre la fuite, et ses yeux s’écarquillèrent d’horreur. Qu’est-ce qu’elle venait de faire... ? Ce fut alors qu’Hisagi et Renji s’accroupirent près d’elle et tentèrent de lui faire retrouver ses esprits. Mais il n’y avait rien à faire. Orihime ne s’en remettait pas. Elle était littéralement choquée. Elle avait tabassé son bourreau. Mais le pire dans tout cela, c’était qu’elle se sentait mieux, et qu’une petite voix au fond d’elle, lui criait qu’elle pouvait être fière.
Orihime regarda furtivement les formes floues qui s’agitaient autour d’elle. C’était à peine si elle reconnaissait Renji et Hisagi. Elle croyait reconnaître Hiyori, également. Ou peut-être pas, finalement. Toshiro était-il là ? Elle avait reconnu le regard d’Ulquiorra. Orihime était affolée, déboussolée, perdue. Elle sentait le poids de dizaines de regards posés sur elle, sans parvenir à en reconnaître un seul. Elle regarda ses mains, abîmées et tachetées de sang, et ses yeux s’écarquillèrent.
C’est un monstre... Entendit-elle chuchoter une fille.
Oui, mais c’était Loly, quand même. Elle a eu ce qu’elle méritait.
Elle ne sentait pas les mains de ses deux amis qui tentaient de la rassurer. Tout ce qu’elle entendait, c’était le brouhaha de murmures incessant qui venait brouiller son esprit. Elle porta ensuite ses mains à ses oreilles et ferma les yeux. Elle ne voulait pas les entendre parler d’elle. Elle ne voulait pas voir ce qu’il y avait autour d’elle. Elle voulait partir. Elle voulait disparaître.
Mais alors, parmi cette foule, elle sentit une présence. Une présence chaleureuse et rassurante qui se précipita à sa rencontre. Sur l’instant, le cerveau embrumé de la rouquine ne lui permit pas de reconnaître la personne. Mais Orihime accepta la main qu’on lui tendait. Et aussitôt, elle fut tirée dans un monde complètement différent.
Elle se senti traînée, sentit ses jambes bouger machinalement et le vent caresser son visage. Quelques secondes s’écoulèrent, jusqu’à ce qu’elle ne retrouve complètement l’usage de son cerveau. Et lorsque ce fut fait, elle se trouvait dans un coin reculé de la cour, près d’un escalier, devant une grande métisse aux longs cheveux blonds. Tia Halibel. Elles se regardèrent durant de longs instants. Puis, en la voyant essoufflée, cette dernière lui intima :
« Souffle, souffle. Viens, assieds-toi. »
La rouquine s’exécuta et vint prendre place aux côtés de sa camarade.
Comment te sens-tu ?
B-Bien... Enfin... Je ne suis pas sûre. Je ne sais pas.
C’est normal. Prends le temps de respirer. Calme-toi.
Orihime se prit le visage entre ses mains et se recroquevilla sur elle-même.
« Je n’étais plus moi-même, Tia... »
Sa voix était claire, franche, détachée. La blonde la regarda avec intensité et fut surprise de voir le calme, le sang-froid qui semblait alors habiter son amie.
« Que s’est-il passé, babe ? » S’enquit-elle, soucieuse.
De longues secondes s’écoulèrent avant qu’elle ne reprenne la parole, tout en se passant frénétiquement les mains sur le visage.
J’ai complètement perdu le contrôle de moi-même. Loly a essayé de briser mes barrettes, et je...
Elles sont importantes pour toi, ces barrettes ?
Oui... Elles sont le dernier souvenir que m’a laissé mon frère.
A cette annonce, Tia fronça les sourcils. Son frère ? Mais elle ne releva pas. Ce n’était pas le moment. Au lieu de ça, elle l’invita à continuer. Orihime lui résuma la situation avec un calme et une prise de recul inattendus.
Tu aurais dû me dire que tu avais des emmerdes avec elle, je serais venue t’aider ! S’exclama Tia. Mais franchement, de ce que j’ai vu, tu t’en es très bien sortie, Orihime. Je sais que ce n’est peut-être pas ce qu’il faudrait que je dise, mais je pense que tu as bien fait.
Non, non... Je n’arrivais plus à penser distinctement, reprit Orihime, les yeux rivés dans le vide. Je ne voyais plus clairement. Je n’entendais plus rien non plus. Je tremblais de colère... Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Soupira-t-elle après quelques secondes de silence. Qu’est-ce qui m’a pris ? Je... Je suis devenue folle. Complètement folle.
Orihime...
Je n’étais plus moi-même, Tia, répéta-t-elle avec plus d’émotion, cette fois-ci. Ou plutôt, si, mais c’est comme si une autre moi avait soudainement prit le contrôle. Une moi sombre... Bien plus sombre. Mais cela reste une partie de moi. Je... ne comprends pas bien moi-même. Je ne sais pas pourquoi je suis devenue ainsi. C’est comme si... Comme si j’étais en transe. Je n’avais qu’une envie, c’était de la frapper ! Je ne pensais qu’à ça ! Qu’à ça ! La frapper !
Elle souffla bruyamment et posa ses mains sur ses cuisses.
« Si Jaggerjack-kun n’était pas intervenu, je ne me serais jamais arrêtée. Et le pire dans tout ça, c’est que ça me faisait du bien. Ça me soulageait. Et même maintenant, je n’arrive pas à me sentir désolée... Je n’arrive pas à regretter. Je n’arrive pas à pleurer, Tia. Je suis un monstre. »
Tia la regarda longuement de ses fins yeux verts. Puis, elle s’approcha d’elle, s’adossa à la marche et riva son regard à l’horizon.
Tu sais, rien n’est tout blanc ou tout noir, Orihime.
Que veux-tu dire ?
Chacun a ses propres sentiments, ses propres rancœurs. Chacun a son lot de malheurs. On a tous en nous une partie sombre, qui peut nous pousser à commettre des actes insensés. Nous sommes tous humains.
Tia vint alors poser sa main sur celle d’Orihime, reposant sur sa cuisse.
Et cela s’applique à toi aussi, Orihime. Tu es humaine. Et comme n’importe quelle personne sensée, tu peux te mettre en colère. Surtout face à une personne comme Loly. Cela n’a rien d’aberrant, au contraire, c’est même compréhensible. Tu as eu le courage de dire non, et rien que pour ça, tu peux être fière de toi. Je ne te dis pas que tu dois frapper tous ceux qui te mettent en colère, bien entendu. Je te dis juste que tu as le droit de t’énerver. Tu as le droit de craquer, comme tu l’as fait aujourd’hui. Tu as le droit, tant que tu ne te perds pas toi-même. Et là, maintenant, j’ai plutôt le sentiment que tu es enfin prête.
Prête ? Répéta Orihime. Prête à quoi ?
A être toi-même.
En entendant ces paroles, Orihime releva le visage et ses yeux grands ouverts allèrent rencontrer ceux de Tia. Celle-ci la couvait de son regard vert, et elle saisit à travers celui-ci que la blonde la comprenait totalement, et ne la jugeait en rien. Orihime sentit son cœur se serrer.
« Allez, viens là ! » lui lança la blonde en l’attirant contre elle.
Surprise, la concernée se laissa entraîner dans les bras chaleureux de sa camarade. Et lorsqu’elle la sentit enfouir son visage dans son cou, elle finit par se blottir à son tour, humant son odeur qui lui semblait désormais familière. Un immense poids sembla soudainement disparaître des épaules d’Orihime et une sensation de bien-être l’enivra.
« Merci, Tia... » Murmura-t-elle, émue.
Elle sentit la blonde sourire contre elle, avant de prendre la parole :
« Orihime, je veux que tu saches qu’au moindre soucis, tu peux venir me voir. Je sais que nous ne nous connaissons que depuis la rentrée, mais tu es déjà importante pour moi. Il en est de même pour Rangiku, je peux me permettre de parler en son nom. Notre porte te sera toujours grande ouverte. Je ne sais pas pourquoi tu n’es pas venue en cours hier, mais je n’aime pas te voir prendre tes distances avec nous. Je comprends que tu ne veuilles pas forcément nous parler ou te confier mais... Arrête de nous mettre à l’écart. On forme un trio, toutes les trois. »
A ces mots, la concernée se redressa et la regarda de ses grands yeux gris. Un sourire illumina le visage de Tia, et celle-ci assena :
« Je te l’ai déjà dit, rappelle-toi. Tu nous es définitivement liée. »
Les larmes vinrent instantanément aux yeux de la rouquine, qui ne pouvait détacher son regard de celui, bienveillant, de celle qu’elle pouvait maintenant appeler son amie. Une larme roula sur sa joue et Orihime baissa la tête. Elle avait été si bête. Si bête...
« Merci..., commença-t-elle à sangloter. Merci... Merci, Tia... Merci. »
Et de nouveau, elle se sentit attirer contre la blonde.
« Ne me remercie pas, idiote », murmura la concernée, attendrie.
Elles restèrent ainsi, dans un silence apaisant et serein. Dans les bras l’une de l’autre, elles perdaient complètement la notion du temps. Le vent soufflait légèrement. Il n’y avait aucun bruit, si ce n’était celui de leurs respirations apaisées, calées l’une sur l’autre. De longues minutes s’écoulèrent dans cette atmosphère de proximité, sans qu’elles ne prononcèrent de mot.
Mais alors qu’elles savouraient l’instant, elles s’écartèrent l’une de l’autre. Dans un même mouvement, elles se tournèrent vers le bas de l’escalier, et le virent, à une dizaine de mètres d’elles : Ulquiorra Schiffer. Orihime l’observa, debout devant elles, les mains dans les poches, sa peau anormalement pâle brillant à la lumière, ses cheveux d’un noir intense luisants sous le soleil. Elle le regarda dans les yeux, et à nouveau, cette même vague électrique vint brusquement lui remuer les entrailles. Elle se sentit frissonner. Il jeta un coup d’œil à Tia à ses côtés, et celle-ci lui adressa un sourire accompagné d’un signe de la main. Tiens, ils se connaissaient ? Puis, il se refocalisa sur elle et lâcha d’une voix impassible :
La CPE te cherche, femme.
Toujours aussi froid, grimaça Tia. C’est sérieusement insultant, tu sais, de se faire appeler « femme ». On ne t’a jamais dit que ça faisait carrément vieux barbare du Moyen Âge ?
Orihime ne put s’empêcher de rigoler. En entendant son léger éclat de rire, Ulquiorra la regarda fixement et celle-ci s’arrêta. Ce fut alors qu’elle le vit. Son regard vert émeraude avait changé. Elle ne savait absolument pas en quoi, mais elle en était sûre, il avait changé. Il ne la regardait plus exactement de la même manière. Puis d’un geste extrêmement rapide, il lui jeta un petit objet qu’elle parvint à rattraper, malgré toute sa maladresse. Elle considéra le petit bijou bleu qui se tenait dans sa paume et étouffa un cri de surprise. Sa barrette !
Son cœur s’affola aussitôt et elle s’empressa de tâter du bout des doigts ses cheveux. Elle vit qu’en effet, l’une des deux étoiles bleues avait disparue, mais heureusement, l’autre était toujours là.
« Si tu es prête à tuer pour ces choses, tu devrais au moins y faire attention, » assena-t-il en lui tournant le dos.
Orihime, choquée, le regarda s’éloigner sans un mot. Puis, elle sauta sur ses jambes, porta ses mains à sa bouche, et s’écria de toutes ses forces pour qu’il l’entende :
« Merci, Schiffer-kun !!! »
Elle le vit, de loin, continuer sa route sans s’arrêter. Mais elle le vit aussi lui jeter un infime regard en coin, auquel elle répondit par le plus beau des sourires qu’elle était capable de faire.
Puis, Tia se leva et se posta devant elle. Son sempiternel sourire sur le visage, elle lui tendit la main et lança :
« Allez, on y va ? »
Voyant l’air d’incompréhension qu’arborait son amie, elle rajouta :
« Chez la CPE ! »
Mais alors qu’elles arrivaient aux devants du bureau de ladite CPE, des pas précipités retentirent derrière elles, et elles se retournèrent. Et quelques secondes après, Rangiku apparaissait, en courant, le visage habité par un affolement colérique. Elle ne prononça aucun mot. Elle s’arrêta à environ deux mètres d’Orihime et la déshabilla du regard. Le soulagement se teignit sur son visage. Puis, elle se jeta tout bonnement sur Orihime et vint l’enlacer. La rouquine se laissa entraîner dans les bras de la blonde vénitienne. De nouveau, elle crut qu’elle allait pleurer.
Excuse-moi, Rangiku, murmura-t-elle. Je n’aurais pas dû-
Chut, la coupa la concernée en se serrant un peu plus contre elle. Tais-toi, ce n’est pas le moment.
Puis, aussitôt, Tia vint rejoindre l’étreinte. Les yeux d’Orihime se fermèrent et de nouvelles larmes roulèrent sur ses joues. Tia, Rangiku, elle ne les remercierait jamais assez. Pour la première fois depuis la mort de Tatsuki, Orihime se sentait bien. Pour la première fois depuis ce jour fatidique, elle ne se sentait plus seule. Et pour la première fois, elle caressait le bonheur du bout des doigts. Un bonheur fragile et éphémère, mais un bonheur quand même.