Snakes Of Despair
Chapitre onzième,
La jeune fille dépassa calmement la grille blanche ouverte de son lycée et considéra la cour vide avec perplexité. Etonnée, elle jeta un coup d’œil à son poignet et ses lèvres s’entrouvrirent de stupéfaction. Quelle idiote. Elle n’avait pas de montre. Et d’ailleurs, elle n’en avait jamais eu ! Alors d’où lui venait ce réflexe stupide de regarder son poignet nu ? Avec un soupir d’exaspération pour sa propre personne, elle dégaina son téléphone et en alluma l’écran, ce qui lui arracha un petit cri de stupeur. Oi, oi, depuis quand les minutes passaient-elles aussi vite ?
« Mince ! S’écria-t-elle. Je dois me dépêcher ! »
Elle était sortie à l’heure, pourtant. Enfin... L’avait-elle vraiment fait ? Elle se mit à courir dans la cour et galopa jusqu’au hall du bâtiment A, avant de se précipiter jusqu’à son casier. C’était la première année de toute sa scolarité où elle avait autant de mal à arriver à l’heure, sans compter qu’il s’agissait déjà du second retard et qu’en plus, elle avait séché le jour de la rentrée.
Il était également possible de relever que la jeune fille n’avait plus ce même intérêt pour les cours qu’elle avait pu avoir autrefois. Si elle venait à l’école, c’était seulement parce qu’elle y était obligée, et surtout pour ne pas avoir à être confrontée au vide glacé de son appartement... ainsi qu’aux sombres pensées qui l’assaillaient dès lors qu’elle était seule. A vrai dire, elle n’avait plus d’attrait pour rien. Tout lui semblait sombre, dur et inhospitalier. Alors elle se contentait de paraître heureuse, pour autant qu’elle en était capable, et d’apprécier les rares instants où la vie ne lui paraissait plus si douloureuse, comme lorsqu’elle riait, par exemple.
Plongée dans ses pensées, Orihime remonta les allées de casiers pour atteindre l’escalier principal. Elle éprouva un certain soulagement quand elle croisa Renji dans le hall, lui aussi en retard. Non seulement parce qu’elle n’avait pas, ainsi, à toquer seule à la porte de sa classe, mais également parce que son ami semblait dans un meilleur état que la veille. Elle eut un sourire, qu’il lui rendit, ayant deviné la direction de ses pensées.
« Oi, Orihime, fit-il d’un ton sérieux alors qu’ils montaient l’escalier. Tu dors la nuit ? Tes yeux sont explosés. Et tes cernes... »
Orihime agita ses mains devant elle et bafouilla le moins convainquant des « Oui » qu’on n’eut jamais entendu, avant de vivement remettre sur table leur retard de trois minutes. Ils montèrent à deux avant de se précipiter vers leur salle de cours. Heureusement, la professeure de Maths était gentille, et plutôt flexible, d’autant plus qu’elle venait visiblement d’arriver, alors elle les accepta. Bien évidemment, Rangiku les réprimanda à la place du sensei, jusqu’à ce que Renji lui rappelle la centaine d’absences et de retards qu’elle avait accumulé l’année passée.
« C’est une nouvelle année qui commence, Renji, avait-elle répondu d’un air sûr d’elle. Ne restons pas focalisés sur le passé, voyons. »
Orihime avait ri.
Les heures s’enchaînèrent, la première cour passa, le midi également et au fur et à mesure, la fin des cours s’annonça rapidement. Mais alors que les trois camarades de classe s’apprêtaient à quitter l’établissement, Orihime s’immobilisa brutalement, et Rangiku dut forcer son arrêt pour ne pas lui rentrer dedans. Elle s’apprêtait à la réprimander comme elle avait l’habitude de faire à chaque fois qu’elle avait la tête en l’air, quand elle remarqua ses yeux rivés sur un point fixe, yeux qui exprimaient son agitation silencieuse. Rangiku, tout comme Renji, suivit son regard et bientôt, ses prunelles bleues-grises se posèrent à leur tour sur le personnage qui venait de refermer son casier.
Des cheveux noirs comme la nuit, tombant sur ses épaules, une peau incroyablement pâle, presque aussi blanche que sa chemise de lycéen et une paire d’yeux verts juste inhumains qui les dévisagèrent sans la moindre émotion dès lors qu’il eut sentit le poids de leurs regards sur lui. Presque inconsciemment, Orihime fit un pas en avant dans sa direction, mais Renji l’arrêta en lui empoignant gentiment l’épaule.
« Ce n’est pas une bonne idée. » Observa-t-il.
Orihime se retourna. De quoi parlait-il ? Se pouvait-il qu’il soit au courant de ce qu’il se soit passé avec Ulquiorra ? Non, le connaissant, s’il l’avait été, elle l’aurait su.
« Je ne sais pas ce que tu lui veux, reprit Renji sans toutefois quitter Ulquiorra du regard. Mais si tu le connais pas, ne t’en approche pas. »
La jeune Inoue avait le regard rivé à celui de Renji, quand elle remarqua soudainement la lueur qui brillait au fond de ses yeux. Ils semblaient se connaître et visiblement, n’étaient pas en bons termes. Mais il y avait autre chose. Une sorte d’animosité à son égard qu’il s’efforçait de maîtriser. Et à sa plus grande stupeur, elle eut exactement la même impression, quoi que bien moins développée, en regardant Rangiku. Alors, elle posa doucement sa main sur celle de Renji et la retira de son épaule, attirant ainsi son regard.
« Désolée. Je dois juste lui dire quelque chose. Du moins, s’il m’écoute... »
Renji la fixa quelques secondes et elle crut d’abord qu’il allait l’en empêcher par la force. Mais au lieu de ça, il soupira et croisa les bras sur sa poitrine.
« Vas-y. Mais s’il te touche, non, s’il s’approche de trop près, je ne te demanderais pas la permission pour lui casser la gueule. »
Orihime ne put s’empêcher de sourire. Elle le remercia du regard et hocha la tête. Puis, elle reporta son attention sur Ulquiorra, tentant de résister à ses yeux émeraudes braqués sur elle. Ses sourcils se froncèrent, son estomac se crispa, ses poings se serrèrent. Elle souffla, essayant de réprimer cette vague électrique qui prenait naissance au creux de son estomac. Et alors, d’un pas rapide, elle se mit à marcher dans sa direction, traversa l’allée principale du hall, et vint se planter quelques mètres devant lui, à une distance plus que raisonnable. Sans même attendre qu’il ne parle, elle s’arrêta, et s’inclina sous ses yeux.
D’une voix mal assurée mais paradoxalement très claire, elle commença :
« Je sais que tu m’as dit de ne plus t’approcher, mais je tenais au moins à te présenter mes excuses, même si je ne sais pas si tu les accepteras... Je ne sais pas de quel « rôle » tu parlais l’autre fois, et à vrai dire, je n’ai pas saisi grand chose de ce que tu as dit. Il faut dire que j’avais du mal à respirer, alors je n’ai pas réellement cherché à comprendre. Je ne sais pas si j’ai fais quelque chose de travers, je ne sais pas non plus laquelle de mes actions a pu t’offenser, mais je suis désolée si j’ai pu faire quoi que ce soit qui t’ait dérangé, ou vexé. Sache que cela n’était pas dans mon intention, et que je ne ressens ni pitié ni compassion à ton égard, comme tu as pu le penser. Alors... Désolée. »
Elle avait parlé d’une traite, sans lui laisser la moindre occasion d’en caler une. Lorsqu’elle se releva, il était encore là – heureusement – et avait ses yeux rivés sur elle. Elle ne parvint pas à décrypter le message qu’ils portaient, mais elle réussit à déceler un infime changement dans son regard, bien que ce ne fut que l’espace de quelques secondes. En bien ? En mal ? Peu importe. Au moins, elle avait été sincère et franche jusqu’au bout. Après lui avoir souri, elle tourna les talons aussi rapidement qu’elle était arrivée et se dirigea, le visage cramoisi, vers ses deux camarades qui l’attendaient sur le pas de la porte du hall.
Lorsqu’elle les eut rejoints, ses épaules se décrispèrent et elle reprit son souffle normal. Finalement, quoi qu’elle y fasse, c’était pareil. Elle ne parvenait absolument pas à agir normalement en sa présence. Dès qu’elle ouvrait la bouche, les mots se précipitaient hors de ses lèvres, avant même qu’elle n’ait eut le temps de les penser, de les peser, de les tourner. Son cœur s’affolait, son pouls s’affolait et elle sentait de nouveau cette même décharge magnétique parcourir son corps. Quelque chose clochait chez lui.
La rouquine se tourna vers Rangiku et Renji.
- Qu’est-ce que tu lui as dit ? S’enquit la blonde vénitienne.
- Je me suis excusée. Il n’a pas l’air de beaucoup m’aimer, et je ne sais pas pourquoi. Alors... Je voulais régler le problème, même si je ne crois pas que ça ait suffi.
Estomaquée, Rangiku la regarda avec de grands yeux, avant de se passer une main sur le visage :
- Hime, hime... Tu n’es vraiment pas croyable.
- Tu ne peux pas être amie avec tout le monde, tu sais ? Renchérit Renji. Encore moins avec un type pareil.
- Oui, je sais. Mais... Je ne sais pas... Enfin !
- Ne tente pas de la raisonner, Renji, soupira la blonde vénitienne. C’est une cause perdue.
Elle enfila ses chaussures de ville avant de sortir dehors.
« On peut y aller ! »
Ils sortirent du bâtiment A et se retrouvèrent sous le ciel dégagé de l’après-midi. Renji jeta son sac derrière son épaule et leva la tête vers le ciel. Mais alors qu’il marchait calmement aux côtés de ses amies, il eut un sursaut et interpela Orihime. Elle se retourna, et il lui dit en se grattant la tête :
« J’avais oublier. Viens avec moi. »
Les deux rouquines le regardèrent, un sourcil haussé. Voyant qu’aucune des deux ne bougeait, le tatoué s’empara avec agacement du poignet de la jeune Inoue et la fit bifurquer à la sortie du bâtiment avant de s’engager dans la contre-allée bordée d’arbres menant à la partie sport du domaine du lycée.
- Où est-ce qu’on va ? S’enquit-elle.
- Oi, oi, grogna Rangiku à l’intention de Renji. N’espère pas pouvoir lui faire des trucs bizarres dans le gymnase, je t’en empêcherais. Et je sais me battre, ne l’oublie pas.
- La ferme, rétorqua-t-il du tac au tac, avec un sourire mi-amusé mi-agacé.
La jeune Inoue se laissa mener les yeux grands ouverts, se plaisant à imaginer tout un tas de scénarios farfelus dans sa tête. Aurait-il déterré un trésor derrière le gymnase ? Ou encore, aurait-il découvert une soucoupe volante ? Mais lorsqu’elle se retrouva en haut de la colline qui dominait le terrain de foot, et qu’elle aperçut l’attroupement masculin qui se trouvait sous ses yeux, tous ses scénarios s’envolèrent. Rangiku plissa les yeux à la vue de la chevelure blanche qui se démarquait des autres, et un gigantesque sourire étira ses lèvres. Elle leva son bras et se mit à faire de grands gestes en hurlant : « TAICHÔ ! OUH, OUH ! TAICHÔ ! »
Orihime ne put s’empêcher de sursauter en voyant le groupe tout entier se retourner avec vivacité, gênée par la masse de regard posée sur elle. Puis elle aperçut le visage de Toshiro qui semblait profondément agacé par les gesticulations de Rangiku à ses côtés et son cœur se desserra. Sans plus attendre, Renji dévala la pente, les deux rouquines sur ses pas. En descendant, la jeune Inoue reconnut un second personnage, et ses yeux s’illuminèrent en voyant le visage familier d’Hisagi.
« Orihime ? Rangiku ? S’étonna-t-il. Que faites-vous ici ? »
Lorsqu’ils atteignirent le plat du terrain de foot, le petit groupe constata que les garçons autour d’eux semblaient s’agiter, et chuchotaient entre eux. Mais alors qu’elle observait l’assemblée en face d’elle, postée entre Rangiku et Renji, se demandant silencieusement ce qu’elle foutait ici, Orihime croisa, l’espace d’une demi-seconde, un regard qui lui fit écarquiller les yeux. Dès l’instant où elle l’eut perdu de vue, son cœur s’affola et elle se remit à sa recherche. Mais elle n’eut pas besoin de cogiter très longtemps, car une voix rauque et virile s’éleva avec violence dans la seconde, venant confirmer ses craintes :
« MAIS WECH, QU’EST-CE QU’ELLE FOUT LA, CELLE-LA ? »
Les oreilles de la rouquine frémirent de la puissance de cette voix et ce fut avec réticence qu’elle posa son regard sur le bleuté qui la fixait, une lueur noire dans ses incroyables yeux bleus. La première pensée qui lui traversa l’esprit fut celle-ci : Grimmjow Jaggerjack était étrange. La première fois qu’elle l’avait aperçu, Orihime avait été bouleversée par la rage monstrueuse qu’elle avait perçue dans ses prunelles, mais cette dernière ne semblait pas uniquement dirigée sur elle. A l’inverse, la dernière fois, elle ne se souvenait pas avoir lu une quelconque colère dans son regard. Mais là, aujourd’hui, la haine habitait de nouveau ses traits, et ses yeux brillaient d’animosité à son égard.
Renji se pencha sur Toshiro, et elle l’entendit murmurer :
« Fais le taire. Je ne supporterais pas un second commentaire. »
Mais à cet instant précis, une deuxième voix, encore plus grave, vint lancer :
« Jaggerjack. Calme-toi. »
Le regard d’Orihime se porta vers le reste du groupe et elle aperçut un homme, dont la tête dépassait largement celle des autres venir fendre la foule et se poster devant eux. Il était grand, peut-être pas autant que Renji, mais sa carrure était telle qu’il paraissait avoir un mètre de plus. Il avait de soyeux cheveux argentés qui tombaient sur son front, rasés courts sur les côtés et plus longs sur le haut de son crâne. Il avait un visage viril doublé d’un regard dur, un charisme écrasant, ainsi qu’une musculature effroyablement développée. En bref, la panoplie du type avec qui il fallait être poli.
Et pourtant, lorsqu’il aperçut le visage angélique d’Orihime, ses yeux s’agrandirent et il la dévisagea avec surprise.
« C’est toi, Orihime Inoue ? » S’enquit-il, étonné.
Se sentant soudainement ridiculement minuscule, la concernée fit quelques pas en arrière pour ne plus avoir à le regarder avec le cou tordu, avant d’hocher vivement la tête.
« Wow, fit-il, jetant un coup d’œil à Toshiro. Tu m’avais dit que je serais étonné, mais je ne pensais pas que... »
Il laissa sa phrase en suspens avant de reporter de nouveau son regard sur la concernée. Dévisagée, elle se figea. Mais, à la stupéfaction de la rouquine, un léger sourire illumina le visage de cet imposant personnage et il vint lui tendre une main accueillante :
« Moi, c’est Kensei Muruguma. Je suis l’entraîneur de l’équipe de football du lycée. Hitsugaya m’a parlé de toi. Ravi de te rencontrer. »
Par pure politesse, la rouquine avança sa main tremblante vers la sienne avec une hésitation mal contenue. Son esprit tournait à mille à l’heure, tentant d’assimiler ce qu’il venait de lui dire.
Kensei Muruguma-san. Jusqu’ici, tout allait bien. L’entraîneur de l’équipe de foot. Ce qui signifiait donc... Qu’elle se trouvait devant l’équipe de football. Et là, les choses se compliquaient. Toshiro lui avait parlé d’elle ? Quand ? Dans quel but ? De quelle manière ? A quel propos ? Et surtout : pourquoi ?
Un sourire crispé figé sur son visage, elle se tourna vers Toshiro, et celui-ci réprima un rire en se penchant à son oreille :
« Tu aimes le foot, non ? »
A ces mots, les épaules d’Orihime se détendirent l’espace d’un instant, jusqu’à ce qu’elle comprenne ce qu’il avait voulu dire par là. Son sang se glaça dans ses veines. Non... Il n’avait quand même pas... ? Si... ? Le corps tendu, elle se mit à observer les gens autour d’elle, qui lui donnaient subitement l’impression d’être encerclée par une vingtaine de prédateurs.
Kensei s’avança et s’adressa au groupe de garçons devant lui :
« Je vous présente Inoue Orihime, votre nouvelle camarade. »
Des murmures d’incompréhension prirent naissance, et lorsque tous les regards se braquèrent de nouveau sur elle, la pauvre rouquine sentit le sol s’effondrer sous ses pieds. Leur nouvelle... Camarade ? Elle croisa le regard de Hisagi, et vit que ce dernier était tout aussi surpris qu’elle. Elle chercha de l’aide auprès de Renji, mais celui-ci ne la regardait pas. Quant à Rangiku, elle n’avait pas non plus l’air d’être disposée pour venir à son secours.
- QUOI ? S’écria Grimmjow, le visage décomposé par une stupéfaction phénoménale. Tu veux dire qu’elle... Elle va intégrer l’équipe ?
- Oui.
- En tant que manager ? S’enquit un autre. Que pom-pom girl ?
- Ne raconte pas de bêtises. En tant que joueuse, bien évidemment.
Les murmures laissèrent brusquement place à un silence de plomb, qui fut aussitôt remplacé par un brouhaha d’autant plus intense. Les minutes s’écoulèrent.
- Pour ça, c’est une nouvelle, chuchota l’un des lycéens. Je ne m’y serais jamais attendu.
- Moi, ça ne me dérange pas, reprit un second. Au contraire. Elle est vraiment belle... Wow.
- Tu l’as dit, renchérit un énième garçon. On ne pouvait pas rêver mieux. Ça me motive !
Kensei Muruguma resta quelques temps silencieux, et bientôt, les chuchotements se tassèrent. Il eut un sourire en interceptant les lumières qui brillaient dans les yeux de son assemblée. Visiblement, ses joueurs accueillaient la nouvelle à merveille.
« Pour l’instant, elle est à l’essai, reprit-il une fois l’agitation calmée. Je sais que cela peut vous paraître un peu précipité, mais en réalité, il n’y a rien d’étrange à cela. A vrai dire, je compte sur vous pour lui enseigner tout ce que vous savez, pour l’aider. Selon les dires de Hitsugaya, elle a du potentiel à développer, ainsi que l’envie de réussir. Alo- »
Mais l’entraîneur n’eut pas le temps de terminer sa phrase, car brusquement, un certain bleuté traversa la foule, l’air furibond, et s’écria d’une voix enragée :
« Oi, Kensei ! Te fous pas de moi ! T’as fumé ou quoi ? Une fille dans l’équipe ! Une fille comme elle... »
Orihime fut de nouveau frappée par la violence de ses mots, ou plutôt de son ton, et lorsqu’elle vit son regard haineux sur posé sur elle, un brusque frisson lui parcourut l’échine. Mais à vrai dire, elle ne parvenait pas à déterminer de quel type de frisson s’agissait-il. Malgré la distance, l’odeur de Grimmjow enivrait ses narines, et elle s’était surprise à plus d’une reprise en train de humer l’air avec extasie. Ce garçon... Il était effrayant. Mais même si elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une immense crainte à son égard, elle ne pouvait pas s’empêcher non plus de le détailler du regard. Il était différent de tous les hommes qu’elle avait vus dans sa vie. Il dégageait quelque chose d’incroyable, quelque chose de puissant, de sauvage. De dangereux. Ses yeux, ses cheveux, sa mâchoire, son nez, sa bouche, son corps... Il était hypnotisant. Son regard était resté captif et elle ne pouvait s’empêcher de le trouver divinement beau.
Mais alors, une pensée lui revint brusquement en mémoire, telle une gifle qui lui fit récupérer ses esprits. Elle se figea un peu plus et elle sentit son cœur s’arrêter de battre. Sa figure se décomposa et on vit le sang quitter son visage. Elle avait failli oublier. Grimmjow... Il l’avait vue en soutien-gorge. Par la faute de Loly et Menoly. « Tu caches bien ton jeu. » C’était ce qu’il avait dit. Et surtout, il avait vu sa cicatrice.
Orihime fut tirée de ses sombres pensées par la voix grave de Kensei.
« Jaggerjack, lâcha-t-il d’un ton neutre mais dont la menace restait perceptible. Un club est fait pour apprendre, pour donner l’occasion de jouer à ceux qui en ont envie. Et à ma connaissance, il n’y a aucune loi interdisant à une fille de jouer au football, ou encore d’intégrer l’équipe. Je ne veux rien entendre, grogna-t-il alors que le bleuté s’apprêtait à répliquer. Je ne te demande pas ton avis. »
Le visage déconfit, Grimmjow resta abasourdi l’espace de quelques instants, avant que ses traits ne se déforment sous le coup de la colère. Ses dents se mirent à grincer, et alors qu’Orihime voyait nettement Renji, furieux, s’agiter dans son champ de vision, le bleuté tourna les talons, non sans avoir jeté un dernier regard à la pauvre Orihime.
Kensei se tourna vers le reste de son assemblée et lâcha d’une grosse voix :
« Quelqu’un d’autre a un problème avec le fait qu’elle fasse partie de notre équipe ? Bien », reprit-il, n’ayant pas obtenu de réponse.
Cette dernière, qui n’était pas retombée de son état de stupéfaction, le fixait encore, déambulant entre les arbres avec la démarche la plus virile du monde, mains dans les poches, jusqu’à ce que Rangiku se penche sur elle :
« Tu sais, je pense que ce n’est pas une mauvaise idée. »
La blonde vénitienne vint passer ses bras autour de son cou, et posa sa tête sur son épaule.
« Le football... Je veux dire. Peut-être l’auras-tu déjà remarqué, mais c’est ce qui a fait tenir Toshiro, lorsqu’il était mal. C’est en partie ce qui lui a permis de ne pas sombrer. Peut-être que ça pourrait t’aider, toi aussi... »
La rouquine eut un sursaut et tourna la tête pour apercevoir le profil de son amie, mais celle-ci l’en empêcha en empoignant sa mâchoire, la forçant à regarder devant elle. Orihime ouvrit grand ses yeux. Quand est-ce que... ? Rangiku...
« Et puis, Toshiro n’est pas du genre à prendre ça à la légère. N’oublie pas que c’est quand même le Capitaine de l’équipe, reprit-elle d’un ton plus joyeux, plus léger. S’il te l’a proposé, c’est qu’il te tient en estime ; s’il te l’a imposé, c’est qu’il t’apprécie, et que tu le mérites. Il a dû juger que c’était la meilleure chose à faire pour toi, et que tu en étais capable. J’en suis sûre. »
Elle s’écarta, libérant Orihime de son emprise, et posa ses mains sur ses hanches avec un large sourire.
« Je viendrais à tes entraînements, et à tous tes matchs ! C’est promis ! »
La rouquine la regarda de ses magnifiques yeux ardoises et ne put s’empêcher de sourire. Peut-être son amie avait-elle raison.
« Maintenant que j’y pense, dit Kensei, en s’adressant à l’ensemble des élèves, on va participer au tournoi régional en fin d’année, ainsi qu’aux différents festivals fixés pour la fin de cet été. On intensifiera les entraînements à partir de Septembre, mais d’ici là, je compte sur vous pour ne pas relâcher vos efforts. »
Puis Toshiro s’avança et prit la parole :
« En parlant de cet été... Avec Hisagi, nous avons programmé un camp d’entraînement près d’Okinawa et j’ai besoin de vous pour trouver des idées pour le financement. Je veux que l’équipe soit au top de sa forme, en vue des régionales. L’année dernière, on a pu se contenter du minimum pour les préfectorales, mais cette année, ce sera certainement plus dur. Alors on va mettre toutes les chances de notre côté, et on se qualifiera pour les nationales ! »
Son annonce fut accueillie par de nombreuses acclamations, et Orihime comprit alors dans le regard des joueurs que Toshiro était un incroyable capitaine. Il aimait vraiment ça... Le football.
Et alors que le jeune adolescent continuait de parler, Kensei s’approcha de la petite rouquine et vint passer un bras autour de ses épaules. Un tantinet gênée par cette brusque marque de familiarité, Orihime se crispa. Il se débrouilla pour la prendre à part, et commença :
- Je suis désolé, pour l’attitude de Jaggerjack. Ne lui porte pas d’attention.
- Ce n’est rien, s’empressa-t-elle de répondre, ne vous inquiétez pas.
- Tu sais, j’ai été très étonné lorsque Hitsugaya m’a annoncé qu’il voulait te faire intégrer le club. Il est plutôt intransigeant et très exigeant sur ce point, d’habitude. Mais il avait l’air sûr de lui, et comme tu peux le voir, toute l’équipe a une entière confiance en lui. Il croit en toi. Alors, moi aussi, je vais croire en toi.
- Je... Merci, souffla-t-elle, touchée, et bien plus détendue. Je vous promets de donner tout ce que j’ai.
Kensei ne répondit pas de suite, se contentant d’analyser la lueur qui brillait dans ses yeux. Un léger sourire étira ses lèvres, et il reprit :
- Je n’en doute pas. L’entraînement ici est dur, alors j’attends de voir ce dont tu es capable. Pour l’instant, les entraînements auront lieu le mercredi après les cours, mais je risque sûrement de poser d’autres horaires. Ah, et j’oubliais ! On joue un match demain, à l’extérieur.
- Je serais là, répondit-elle avant même qu’il n’ait posé sa question.
- Bien, fit-il d’un air satisfait. Bienvenue parmi nous, Inoue.
Après un dernier sourire échangé, il fit volte-face et alla rejoindre le reste de l’équipe. Toshiro qui discutait avec l’un des joueurs, s’excusa auprès de son interlocuteur et vint la rejoindre. Elle le regarda venir se poster sur son côté droit, avant de river son regard dans la même direction que lui, c’était-à-dire, sur le reste du groupe. Kensei discutait tranquillement avec Rangiku et le reste de l’équipe.
« Tu m’en veux ? »
Orihime émit un faible gémissement de surprise et plongea dans les yeux aux différentes nuances turquoises de son ami. Il avait un regard magnifique, sans aucun doute le plus beau qu’elle eut jamais vu. Elle ne s’en lasserait jamais.
- Je sais que tu peux penser que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, et que je n’aurais pas dû agir sans ta permission, et à vrai dire, tu as certainement raison.
- Non, répondit-elle calmement avant qu’il ne puisse continuer. C’est peut-être ce qu’il me faut...
Il la regarda. Un petit sourire étirait ses lèvres, ses yeux gris brillaient.
« C’est plutôt à moi de te dire merci. Je n’aurais jamais osé, toute seule. A vrai dire, je n’avais même pas envisagé cette option. J’ai aimé jouer avec toi, alors, même si mon niveau est faible et que je n’y connais rien, je vais me donner. Je ferais en sorte de ne pas être un fardeau pour l’équipe, je te le promets. »
Toshiro la vit balayer l’assemblée du regard avant de lui adresser un éclatant sourire. Et subitement, elle lâcha :
« Merci infiniment, Toshiro-kun. Merci de m’accepter. »
Il ouvrit ses yeux vrillant de surprise, réalisant qu’elle était sincère.
« Ne sois pas idiote, grommela-t-il après quelques secondes, en détournant le regard. Ne me remercie pas pour des choses aussi stupides. Et puis, je ne me rappelle pas t’avoir donné l’autorisation de m’appeler Toshiro. »
Le sourire d’Orihime s’étira davantage. Elle commençait à connaître Toshiro, et ses réactions. La couche de glace qui l’entourait se craquelait, petit à petit, et le lien se tissait inconsciemment.
Puis, Kensei libéra les joueurs. Mais Toshiro, Orihime, Rangiku, Hisagi et Renji choisirent de rester. Hisagi, qui avait disparu derrière la réserve l’espace de quelques secondes, revint et lança un habit noir à Orihime qui le saisit avec maladresse.
- Qu’est-ce que c’est ? S’enquit-elle.
- Un short d’entraînement. Va aux vestiaires, et enfile-le.
- Un short ? Répéta-t-elle.
- Oui, fit-il avec un sourire. Tu fais maintenant partie de l’équipe de football. Que dirais-tu de commencer ton premier entraînement ?
Orihime releva de grands yeux brillants vers lui, et après lui avoir rendu son sourire, elle s’empressa de rejoindre les vestiaires. Kensei qui s’apprêtait lui aussi à rentrer chez lui, vit avec étonnement le petit groupe sortir des ballons. Il fronça les sourcils et posa son sac. Mais ce qui l’étonna le plus fut de voir une bonne partie des autres joueurs faire demi-tour pour les rejoindre.
« Bon sang. » Souffla-t-il.
Quelques secondes après, il fit Orihime revenir. Elle avait troqué sa jupe contre un large short de sport qu’elle avait visiblement serré au maximum, et sa chemise avait été remplacée par un simple tee-shirt blanc. Oui, depuis l’incident avec Loly et Menoly, elle préférait garder quelque chose sous sa chemise.
Celle-ci se hâta de rejoindre ses amis, et Kensei vit ses yeux s’agrandir lorsqu’elle se retrouva entourée de la dizaine d’autres garçons qui était restée. Il vit des sourires fuser sur les figures de ses joueurs, il vit le visage d’Orihime s’illuminer, et il vit Toshiro croiser les bras sur sa poitrine d’un air satisfait.
« Allez ! S’écria Renji. C’est parti ! »
Kensei soupira en voyant le groupe s’emparer des ballons et dégaina son sifflet. Un sourire au visage, il le porta à son bouche et souffla un bon coup.
« On peut savoir ce que vous faites ? S’écria-t-il en feignant un air sévère, feinte qui frôlait d’ailleurs la perfection. Bande d’imbéciles ! On ne commence pas un match sans échauffement ! »
Bien que réservée et loin d’être confiante, Orihime se mit à courir. La chétive petite rouquine sans la moindre qualité qui n’avait jamais été douée en rien et qui maintenant, intégrait l’équipe de football. C’était du jamais vu !
Elle n’était pas sûre de ce qu’elle faisait, et ne savait pas vraiment si c’était une bonne idée. Mais là, maintenant, elle se sentait bien. C’était la première fois que la jeune Inoue avait l’occasion de se donner dans un domaine particulier. Le sport, cela n’avait jamais été son truc. Au collège, elle avait toujours été moyenne, et n’y avait jamais réellement mis de motivation. Mais là, c’était différent. Pour la première fois, elle se donnait, elle faisait des efforts, et elle appréciait ce qu’elle faisait. Elle se dépensait, et elle aimait ça. Elle aimait jouer avec tout le monde, elle s’amusait. Et surtout, elle sentait qu’elle était capable de progresser. Elle sentait que ses efforts pouvaient porter leurs fruits. Surtout si elle était entourée de ses amis, et de Toshiro en particulier.
Une heure passa, ainsi. Une heure durant laquelle l’entière équipe de football se chargea de prendre Orihime en main. Kensei n’en revenait pas. Il n’aurait jamais pensé qu’elle s’intégrerait aussi vite. Il voyait ses joueurs répéter les mouvements, les lui expliquer avec une patience qu’il ne leur connaissait pas, la corriger dans ses positions, et recommencer une énième fois quand elle ne comprenait pas. Aucun d’entre eux ne se plaignait, ils semblaient tous heureux de pouvoir l’aider, et la joie qui se peignait sur leur visage lorsqu’ils la voyaient réussir et évoluer était telle qu’elle avait manqué de renverser Kensei à plusieurs reprises.
Kensei les observa chacun leur tour avec une lueur satisfaite durant un long moment, jusqu’à ce qu’il remarque le teint effroyablement pâle d’Orihime qui avait viré au bleu-vert. Cependant, il n’eut pas le temps de faire le moindre mouvement, car avant même qu’il ne comprenne, il la vit chanceler et tomber comme une quille. Un joueur la rattrapa aussitôt avec précaution, et les autres déboulèrent à l’instant. Les minutes s’écoulèrent, minutes durant laquelle la rouquine resta inerte, délicatement allongée sur l’herbe.
On envoya des joueurs chercher de l’eau, de la glace, du sucre, on leur ordonna de s’écarter pour lui laisser de l’air, mais rien ne changea. Puis, après avoir inquiété la totalité de l’équipe pendant de longs instants, et avoir rendu complètement hystérique la blonde vénitienne qui jusqu’alors s’était tenue tranquille, Orihime rouvrit les yeux, et se releva, non sans peines, comme si de rien n’était. Elle se frotta les yeux sous les regards ahuris de ses compagnons mortifiés, considéra l’attroupement autour d’elle et lâcha nonchalamment :
« Qu’est-ce qui se passe ? L’entraînement est déjà fini ? »