Snakes Of Despair

Chapitre 10 : Chapter nine

8719 mots, Catégorie: M

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Chapitre neuvième,

 

Orihime jeta un coup d'œil à sa montre. Elle était plutôt en avance, ce matin. Elle referma la porte derrière elle et fourra ses clés dans son sac. Lorsqu'elle leva ses yeux, ceux-ci ne rencontrèrent que de gros nuages, menaçants et sombres, qui planaient dans le ciel gris. La brise printanière, pourtant chaude, souffla et elle s'appliqua à s'emmitoufler dans son écharpe de laine, glacée. Dégainant son parapluie, elle descendit les trois marches grises qui la menaient au trottoir et traversa aussitôt la route glissante. Elle marcha. Et bientôt, elle put apercevoir d'autres lycéens qui, comme elle, prenaient la route du lycée.

La rouquine sentit une vibration contre ses côtes. Elle sortit son téléphone de son sac. Après avoir jonglé avec pendant de longues secondes, due à sa célèbre adresse, la jeune fille parvint enfin à stabiliser le petit engin dans ses mains. Elle l'ouvrit. Orihime n'aimait pas vraiment la technologie, ç’avait toujours été comme ça. Il fallait dire qu'elle avait un mal fou à s'en servir, que ce soit un téléphone, un ordinateur, ou autre. Et en réalité, si aujourd'hui elle était en possession d’un portable – un modèle ancien, certes, mais un portable quand même – c'était uniquement grâce à Tatsuki, qui le lui avait imposé après l'avoir perdue en plein cœur d’une ville bondée, un soir de semaine. Alors maintenant, Orihime ne s'en séparait plus. Non pas pour s'en servir plus souvent, mais pour garder avec elle cet objet matériel qui lui rappelait sa meilleure amie. 

Mais alors qu'elle s'apprêtait à déverrouiller l'appareil, son corps se mit à agir de son plein gré et au lieu de se concentrer sur l'écran lumineux, sa tête se releva instinctivement. Ses yeux le cherchèrent une demi-seconde, et l'instant d'après, ils se braquaient sur cet homme à la démarche légère mais à la présence imposante, sur le trottoir d'en face. Vêtu d'une chemise immaculée d'un blanc pur qui contrastait violemment avec ses cheveux d'un noir intense, Ulquiorra marchait sous son parapluie, impassible et solitaire.

« Déchet » avait-il dit la veille pour la caractériser, alors qu’il la croisait, son regard émeraude plongé dans le sien.

Orihime ne s’en rendit presque pas compte. Ses jambes se mirent à bouger de leur plein gré, la portant presque naturellement vers le trottoir d’en face. Pourquoi ? Pourquoi cherchait-elle à l’atteindre ? Pourquoi le considérait-elle, alors qu’il l’ignorait et la méprisait royalement ? Quelle était cette attraction qu’il exerçait sur elle ? Et surtout... Comment ? 

Mais à cet instant, comme s’il avait senti son regard sur lui, Ulquiorra se retourna et lui jeta ce fameux regard en coin dont lui seul avec le secret. Orihime, fut déstabilisée l’espace d’un instant par l’intensité de ses yeux émeraudes. Ce devait être la septième fois qu’elle croisait son regard et à chaque fois, le même phénomène se produisait. A chaque fois, cette même vague électrique remontait le long de son œsophage. A chaque fois, ce même frisson lui parcourait l’échine. A chaque fois, elle perdait ses moyens et était comme poussée par un instinct étranger.

Cependant, sans toutefois quitter son regard, elle continua sur sa lancée. Mais alors que son pied s’apprêtait à quitter le trottoir pour rejoindre la route, la rouquine sentit deux mains venir s’écraser sur son dos, et elle en oublia les yeux émeraude d’Ulquiorra. Elle ne poussa ni cri de surprise ni cri de peur, ses yeux se contentèrent de s’écarquiller alors que le sol se rapprochait dangereusement d’elle. Evitant de peu l’énorme flaque d’eau qui jonchait le caniveau, elle tenta de se rattraper sur sa main libre. Elle s’écrasa, ses genoux allèrent rafler le dur béton, son parapluie roula sur l’asphalte et son téléphone tomba au sol.

Deux rires se mirent à résonner dans le dos d’Orihime qui resta là, étalée sur la chaussée, le visage protégé par son avant bras. Ni les gouttes d’eau tombant sur ses habits, ni les crissements des pneus sur l’asphalte, ni les klaxons des véhicules ne la firent bouger. Des murmures se mirent à émerger autour d’elle et bientôt, un pied vint frapper ses côtes.

  • Elle est morte, tu crois ?

  • Bien sûr que non, cracha celle qu’elle reconnaissait comme étant Loly. Ce serait trop facile.

Ce ne fut qu’à cet instant qu’Orihime décida de bouger. Silencieuse, elle se redressa sur ses genoux, puis se leva, ramassa son téléphone, son sac, et alla récupérer son parapluie un peu plus loin.

« Faut faire attention, rouquine, susurra l’autre, Menoly, en la suivant de près. Tu pourrais te faire mal. »

Sans un regard pour elle, la concernée la contourna, passa devant Loly qui ricanait, devant le groupe de lycéens à l’expression inquiète – mais qui n’avait pas bougé pour autant – et devant Ulquiorra qu’elle ne voyait plus.

« Tu ne pourras pas fuir éternellement ! » S’écria Loly dans son dos, alors qu’elle s’éloignait calmement.

La jeune fille reprit sa route comme si de rien n’était. Elle ne ressentait ni le sang qui coulait de sa main, ni la brûlure que lui infligeaient ses genoux. Sa chemise blanche avait été froissée par la route, sa veste salie, son écharpe mouillée, mais elle n’y prêtait pas attention. Elle ne voulait pas y prêter attention. Elle ne voulait pas souffrir davantage, alors elle intériorisait. C’était la seule manière pour elle de se protéger.

Orihime franchit le portail blanc du lycée et pénétra dans le hall du bâtiment A. Elle se rendit dans son casier, où elle rangea son parapluie, prit ses affaires et changea de chaussures, comme tous les matins. Puis, quand elle remonta l’allée de casiers, elle croisa le magnifique Yumichikka, et sortit un peu de son état second.

Il va vraiment falloir faire quelque chose pour ce teint et cette perte de poids, chéri, soupira-t-il alors qu’ils montaient les escaliers ensemble. Sinon, tu vas flétrir. Et je ne donne pas cher de ta peau lorsque ça arrivera.

Ouais, et tes seins ressembleront à de gros pruneaux ridés, rétorqua une voix derrière eux.

A l’inverse de Yumichikka qui se contenta d’avoir un petit sourire tout en continuant son escalade des marches, Orihime sursauta, poussa un cri d’horreur et fit volte-face.

Le jeune homme était juste derrière elle, sa veste et son sac jetés par-dessus son épaule, sa main libre dans sa poche. Comme toujours, ses longs cheveux d’un rouge vif avaient été rassemblés en une haute queue de cheval, et un bandana noir enlaçait son front. Il la regarda avec un léger sourire malicieux.

  • Renji ! S’offusqua-t-elle.

  • En personne ! Rigola-t-il. Tiens, tu rougis. Là, au moins, tu retrouves des couleurs. Allez, me fixe pas comme ça. T’avais qu’à répondre au message que je t’ai envoyé toute à l’he- Oi, s’arrêta-t-il soudainement. C’est quoi ce sang sur tes genoux ?

  • Oh, ce n’est rien ! Je vais bien ! S’empressa-t-elle de répondre. Ne t’inquiète pas.

  • Tu es sûre ? On t’a poussée ?

  • Non, non, fit-elle avec des gestes précipités. Je suis simplement tombée. Voilà tout !

  • Tombée ou pas, tu saignes beaucoup. Et qui dit sang dit infirmerie.

  • Mais non, Renji, je-

  • Tais-toi, assena-t-il durement. On a encore le temps d’aller à l’infirmerie.

Et sans même lui laisser le temps de riposter, il salua Yumichikka et la passa dans ses bras. 

  • Mais, Renji, s’écria-t-elle, je peux marcher !

  • Oh, mais c’est pas fini, oui ? Rétorqua-t-il. Sois coopérative et laisse-moi jouer le gentleman ! Regarde comme les filles me matent, avec leurs grands yeux de biche. Si ça peut augmenter ma côte de popularité, je suis prêt à te porter tous les matins. Non mais regarde moi. Le prince charmant en personne ! 

C’en fut trop. La tête légèrement rejetée en arrière, Orihime éclata de rire, la main devant la bouche. Renji la regarda et s’arrêta un instant. Wow. Puis il rigola à son tour. Orihime ne s’en rendait pas compte, mais Renji parvenait petit à petit à briser le mur derrière lequel elle s’était barricadée.

La suite de la matinée se déroula plutôt bien. Les deux premières heures furent consacrées à la manipulation chimique. Autrement dit, ils passèrent presque cent vingt minutes à concocter toutes sortes de produits sous les yeux vigilants du professeur de Physique Chimie. Orihime aimait assez cette matière. Revêtir sa blouse blanche de scientifique pour jouer au petit savant fou, ça lui plaisait. Il se trouvait d’ailleurs que Rangiku avait la tragique habitude de faire exploser chaque solution qu’elle préparait, grâce à un don unique qu’elle-même ne comprenait pas. Alors pour le côté savant fou, c’était réussi. Mais après avoir manqué de faire cramer la longue chevelure écarlate de Renji, il fut décidé qu’elle resterait à l’écart lors des manipulations, à son plus grand dépit. Le rouquin, quant à lui, s’en sortait à merveille. Il n’était pas forcément doué à l’école, mais la chimie, ça lui plaisait, et il s’y retrouvait. 

Les deux heures passèrent vite, et les deux heures d’après encore plus. Arriva donc le temps de la cantine. Renji s’étira.

« Enfin ! Mon ventre n’arrêtait pas de gargouiller, j’avais l’impression d’avoir une bombe nucléaire dans l’estomac. »

Les trois amis descendirent, mais alors qu’ils s’apprêtaient à quitter le bâtiment, Orihime s’arrêta.

  • Je dois passer à mon casier, j’ai oublié mon bentô ! Partez devant, je vous rejoindrais !

  • Mais non, protesta naturellement Rangiku. On va t’acc-

  • Non, ne vous dérangez pas pour moi. Je me dépêche, et je vous retrouve immédiatement, promis !

Et sur ce, elle se mit à courir et bifurqua à la fin de la première rangée, disparaissant derrière les blocs de boîtes d’acier. Lorsqu’Orihime revint à l’emplacement de départ, son bentô fourré dans son sac, ils n’étaient plus là. Elle quitta le hall, mais au lieu de contourner le bâtiment A dont elle sortait, elle préféra couper en passant par la fine allée ponctuée de poteaux qui séparait les deux bâtiments principaux.

Elle se mit à courir pour aller plus vite, et s’engagea dans le corridor désert. Le vent y soufflait bien plus fort, et l’ombre ne laissait que peu de place au soleil. Mais lorsqu’elle passa sous l’une des passerelles qui reliaient les deux bâtiments, un horrible grincement se fit entendre, et deux tâches apparurent dans son champ de vision. Comme toute personne sensée, elle tourna automatiquement sa tête vers la gauche et vit s’ouvrir une épaisse porte grise dont elle n’avait jusqu’alors jamais soupçonné l’existence. Deux individus en sortirent et lorsqu’elle croisa ce regard d’un bleu glacial auquel elle s’était déjà confrontée, elle détourna aussitôt les yeux et continua sa course.

Mais bien évidemment, c’était trop tard. Il l’avait vue, et elle savait qu’il savait qu’elle l’avait vu. Cependant, même si elle s’en doutait, elle ne put s’empêcher de frémir lorsqu’elle l’entendit jeter à son intention :

« On peut savoir tu vas où, comme ça ? »

Orihime ne s’arrêta pas et tenta de garder le même rythme qu’au départ. Mais ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle vit une touffe bleue jaillir de sa gauche, et venir se poster devant elle à une vitesse surhumaine. Quoi ? Comment avait-il... ?

La rouquine freina et considéra le bleuté qui lui bloquait la route. Elle avait comme un mauvais pressentiment sur ce qui allait suivre, et le sourire qu’arborait Grimmjow Jaggerjack la confirma dans sa crainte.

Le vent souffla avec puissance, faisant cligner de gêne les yeux de la rouquine, et l’enivrant au passage de ce parfum incroyablement masculin que portait le lycéen. Ouah. Cette odeur... Orihime se reprit rapidement et jeta un coup d’œil derrière elle. Elle croisa aussitôt le regard de ce brun qui traînait toujours avec Grimmjow, adossé contre le mur, un sourire aux lèvres. Comment l’avait appelé Rangiku, déjà ? G... Gon... Gonjo ? Dans tous les cas, elle ne le sentait pas, lui non plus... Mais alors, vraiment pas. Ils se trouvaient entre deux bâtiments, dans un couloir sombre et désert, sous la passerelle, seuls, dans ce coin reculé et isolé de l’école.

« Je vais... Manger. » Fit-elle sans prendre le risque de regarder Grimmjow dans les yeux.

Elle essaya de le contourner, mais de nouveau, il la bloqua. 

  • C’est quoi ton p’tit nom, déjà ? Demanda-t-il se s’approchant d’elle.

  • O-Orihime.

  • Ori quoi ? J’men rappelle déjà plus, cracha-t-il. M’enfin, c’est pas grave. Tu te souviens de moi, rouquine ?

  • Oui...

Oh oui, elle s’en rappelait. Cette brute qui ne pouvait s’empêcher de la frapper à chaque fois qu’il la croisait.

« Ah oui ? Intéressant, susurra-t-il. Tu sais, rouquine, j’aime... J’adore les défis. »

Hein ? De quoi parlait-il ? Il se pencha sur elle et elle fut forcée de le regarder en face. Son souffle se coupa et elle ferma la bouche. Ses yeux d’un bleu givré et pourtant enflammés, son nez droit, sa mâchoire carrée, sa bouche parfaitement dessinée, ses cheveux bleus décoiffés tombant sur son front et pour finir, son incroyable odeur. Il était beau. Divinement beau. Mais pas comme la plupart des gens. C’était... Plus intense.

« Et ta copine blondie m’en a récemment lancé un, sans même s’en rendre compte... » Reprit-il.

Ce n’était pas la beauté exotique d’Halibel, la beauté voluptueuse de Rangiku, la beauté surnaturelle de Toshiro ou encore la beauté calme et chaleureuse d’Hisagi. Non, il s’agissait là d’une beauté monstrueuse, sauvage et agressive. Il s’agissait d’une beauté glaciale qui, doublée de son charisme brûlant, la faisait chanceler.

« Tu comprends ? »

Elle déglutit. Bien sûr que non, elle ne comprenait pas. Un défi ? Blondie ? Parlait-il de Rangiku ? Ou de Tia peut-être ? Et puis, il y avait aussi Hiyori ! Mais d’abord, que venait-elle faire dans cette histoire ? Que lui voulait-il ? Pourquoi se penchait-il davantage ? Et pourquoi était-il aussi beau ? 

« Ce défi qui m’a été lancé... » Souffla-t-il à son oreille.

Leurs visages n’étaient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, et elle se sentait défaillir. La peur laissa peu à peu place à un feu brûlant qui s’empara d’elle toute entière et la fit rougir jusqu’à un point inimaginable. Elle était sûre qu’il sentait la chaleur qui émanait d’elle et qu’il entendait les battements accélérés de son cœur. Elle était totalement paniquée.

« Je ne le perdrais pas. Sois en sûre, rouquine. »

Il s’écarta légèrement, et son attraction sur ladite rouquine faiblit l’espace d’un instant. Elle ne se le fit pas dire deux fois : elle sut saisir l’occasion. Se moquant complètement de paraître ridicule ou apeurée, elle se faufila derrière le prédateur et prit ses jambes à son cou, courant comme si sa vie en dépendait. 

Elle courut jusqu’au grillage au fond de la cour, elle courut à l’entrée du bois, elle courut à travers les arbres, elle courut jusqu’au bâtiment abandonné où ses amis l’attendaient. Elle avait couru comme jamais elle n’avait couru, comme si un animal sauvage était à sa poursuite. Et maintenant que l’adrénaline procurée par l’affolement et la peur avait disparu, la rouquine se trouvait bien ridicule, là, essoufflée, le visage rouge, sur le pas de la porte, sous les yeux incrédules de ses camarades.

L’après-midi, comme tous les mardis, la classe d’Orihime, Renji, Rangiku et celle de Toshiro eurent sport ensemble. Mais contrairement à la semaine passée, Orihime ne resta pas assise à papoter ou à encourager. A la surprise générale, Toshiro ne participa pas aux habituels matchs entre garçons. Le magnifique adolescent aux cheveux immaculés de blanc vint trouver la rouquine, un ballon sous le bras, et lâcha d’un ton sérieux :

« Des passes, ça te dit ? »

Et ce fut sur cette simple phrase que l’enrôlement d’Orihime dans le football démarra inconsciemment.

Sous les yeux protecteurs de Rangiku qui avait préféré regardé, les deux camarades se postèrent à l’écart des autres, sur le terrain dédié au basket qui n’était pas occupé durant cette heure, et commencèrent à jouer. Orihime avait affirmé n’avoir jamais joué au foot, mais pourtant, Toshiro était étonné de l’habilité qu’elle avait à rattraper et lancer le ballon. En réalité, la rouquine n’avait pas dit la vérité. Oui, elle n’avait jamais réellement pratiqué le football, mais combien de partie de « foot-base » avait-elle joué, avec Tatsuki ? C’était au collège qu’elles avaient commencé à jouer à ce jeu tout droit sorti de l’imagination des deux amies, ce jeu qui combinait football et baseball. Et c’était au collège que Tatsuki lui avait appris les bases du maniement le ballon. Sa meilleure amie n’avait jamais fait de foot, mais elle aimait ça, et elle savait y jouer. Et maintenant qu’elle avait disparu, jouer au football rappelait à Orihime des tas de souvenirs qui lui faisaient mal et la torturaient mais qui, d’un autre coté, lui donnaient l’impression de suivre la volonté de sa si chère Tatsuki.

Orihime n’aurait jamais pensé à faire du football. Le sport, ce n’était pas forcément sa tasse de thé. Et elle n’aurait jamais osé intégrer une quelconque équipe. Et pourtant, elle s’amusait. Elle se sentait libre. Elle se sentait proche de Tatsuki. Et Toshiro le ressentait. 

Toshiro aimait le foot comme personne n’aimait le foot. Bien avant ses camarades, le football avait toujours été sa seule manière de s’en sortir et de tenir debout. Le football était le brin d’herbe auquel il s’était raccroché lorsque les choses avaient mal tourné dans sa vie. Le football avait été son échappatoire ; il l’était encore. Et il ressentait quelque chose de similaire chez Orihime. Il voyait que même si elle débutait, elle y mettait son cœur, son âme, et tout ce qu’elle avait. Certains pensaient que le foot n’était qu’un passe-temps, un loisir, ou dans le meilleur des cas, une passion. Toshiro n’était de cet avis. Pour lui, le foot, c’était tout. Pour lui, le foot, c’était une manière de partager ses sentiments, de ressentir ceux de l’autre, de communiquer. 

Toshiro appréciait Orihime. Il l’appréciait, mais ne la connaissait pas vraiment, car ils n’avaient jamais réellement eu l’occasion d’approfondir leur connaissance l’un de l’autre. Cependant, en jouant avec elle, il se sentait en capacité de la comprendre, de l’entendre. C’était comme s’il la voyait vraiment, pour la première fois. Leurs regards se croisèrent et ce qu’il lut dans ses yeux couleur ardoise le convaincu dans sa pensée. Il en était de même pour elle. Elle lui ressemblait beaucoup, sur ce point. Elle frappait dans le ballon avec autant de sentiments que lui, et rien que ça, ça lui suffisait pour qu’il la prenne sous son aile.

Et ce fut ainsi que le lien entre Toshiro et Orihime se scella. 

La fin des cours arriva assez rapidement. Cette journée s’était passée plutôt vite pour Orihime, et elle s’était amusée. Pourtant, aujourd’hui, elle mourait d’envie de rentrer chez elle. Non pas pour retrouver le silence implacable de son studio et son éternelle solitude, mais juste pour revoir le visage de Tatsuki et s’imprégner de ses traits. Elle en avait besoin. Elle avait besoin de la voir heureuse, et de graver un peu plus ce magnifique sourire dans son esprit. Presque inconsciemment, Orihime se mit à courir à la sortie du lycée. Les larmes lui montèrent aux yeux à la mention silencieuse de l’être le plus cher à ses yeux et elle sentit son nez la picoter. Tatsuki... Elle voulait la voir. Tatsuki... Tatsuki...

Orihime traversa la route et emprunta le chemin qu’elle prenait chaque jour. Mais soudain, elle s’arrêta. Elle se trouvait devant une minuscule ruelle qu’elle s’apprêtait à dépasser mais instinctivement, elle s’était arrêtée. Pourquoi ? Elle ne savait pas. La ruelle était si sombre qu’elle ne voyait absolument rien. Ce n’était pas rassurant. Alors, elle se prépara à reprendre sa route. Mais à cet instant précis, deux mains surgirent rapidement de l’ombre pour s’avancer vers elle. Orihime écarquilla ses yeux de frayeur. Que- 

Mais c’était trop tard. Les deux mains s’emparèrent d’elle et l’instant d’après, elle était violemment plaquée contre un mur de briques. Un gémissement de douleur s’échappa de sa gorge et son souffle se coupa par la violence du coup. Elle n’eut le temps de rien dire qu’une main fine mais puissante vint agripper son cou, la soulevant du sol.

L’espace d’un instant, elle crut revivre la scène avec Ichigo et une crise de panique menaça de pointer le bout de son nez. Elle tenta de se débattre à l’aide de ses pieds, en vain. De ses petites mains, elle vint agripper à son tour le poignet de son agresseur mais la surprise de ce contact la fit revenir sur terre. C’était un contact froid et glacé qui ne ressemblait en rien à celui d’Ichigo. Cette main... Et lorsqu’elle ouvrit les yeux, ce fut presque sans surprise qu’elle croisa ce fameux regard émeraude qui la figeait sur place à chaque fois. C’était donc pour cela qu’elle s’était arrêtée ? 

« Sc... Schiffer... Kun ? » Parvint-elle à glisser malgré la pression.

Il était là, devant elle, l’étranglant d’une seule et unique main. Quelle était cette force qui lui permettait de la soulever d’une main, et de garder l’autre dans sa poche de pantalon ? Orihime se gifla mentalement. Ce n’était pas ça le plus important !

La lycéenne tenta de faire abstraction de la douleur et de la panique folle qui remontaient à la surface, causée par le contact de cette main masculine sur sa gorge. Elle tentait de rester concentrée et de ne pas craquer, mais ses pensées étaient incontrôlables et dérivaient instinctivement vers Ichigo et Tatsu...

« Ecoute-moi bien, femme. » Commença-t-il.

Orihime parvint à se calmer légèrement, et à diriger ses pensées vers un autre type de peur que celle qui l’avait marquée à vie, vers un autre type de mal que celui qui la torturait depuis presque un mois.

« Ne t’approche pas, ne t’approche plus de moi » Lâcha-t-il d’un ton neutre mais maîtrisé.

Orihime tenta de respirer, en vain. Il allait finir par la tuer !

« Arrête d’essayer de m’atteindre, reprit-il. Je n’ai besoin ni de ta pitié, ni de ta compassion. Les faibles comme toi n’ont rien à faire avec des gens comme moi. »

Le cerveau d’Orihime tournait à toute allure. Qu’est-ce qu’il racontait ? Il avait les yeux rivés dans les siens mais il semblait qu’il ne la regardait pas vraiment, ou du moins, qu’il ne la regardait pas comme il l’avait regardée précédemment. Elle laissa ses bras tomber le long de son corps. Elle vit les yeux d’Ulquiorra vriller, mais il se ressaisit aussitôt. 

  • P... Pourquoi ? Fut le seul mot qu’elle parvint à faire sortir de ses lèvres.

  •   Tu ne sembles pas comprendre, déchet.

Orihime ouvrit grand ses yeux. Encore. Encore !

« Le rôle que je joue au lycée n’est pas applicable ici » Reprit-il calmement.

Il se rapprocha d’elle, et Orihime ne put s’empêcher de faire le lien avec la scène de ce midi. Qu’avaient-ils tous à se pencher sur elle comme ça, et à la plaquer contre les murs ? C’était une nouvelle mode ou quoi ? Mais lorsqu’il posa le bout de ses longs doigts sur le centre de sa poitrine, là où ses boutons de chemise luttaient pour ne pas exploser, elle s’immobilisa et son sang se figea dans ses veines. La peur. Elle la sentait venir en elle.

« Faut-il que je te déchire la poitrine, ou que je te fende le crâne pour que tu comprennes ? »

Les yeux d’Orihime se voilèrent. Les images ressurgissaient de son esprit, une à une, venant amplifier la terreur qui s’emparait d’elle.

« Sache que je n’aurai aucun mal à te détruire, femme. S’il le faut, j’irais jusqu’à te briser en milles morceaux, aussi bien physiquement que mentalement. Je m’introduirais dans ton cerveau, et tu n’y survivras pas. »

La bouche d’Orihime s’entrouvrit, mais aucune réponse n’en sortit. Elle semblait avoir radicalement changée en à peines quelques secondes, Ulquiorra le voyait. C’était comme la première fois où il s’était approché d’elle. Ses yeux étaient devenus vitreux, ils ne reflétaient plus aucune vie, et il lui semblait qu’elle n’était plus là, avec lui. Pourtant, elle tressaillait un peu plus à chaque parole qu’il prononçait et il la voyait lutter contre un ennemi invisible. Le brun plissa légèrement les yeux. Quel était ce démon qu’il ne pouvait pas voir ? Quelles étaient ces pensées qu’il ne pouvait percer ? Qui était-elle, à la fin ?

Alors il la lâcha, et elle sembla récupérer une partie de ses esprits. Elle s’écroula au sol, haletante, et porta ses mains à sa gorge. Elle leva ses yeux gris vers lui et il lui tourna le dos, la regardant en coin.

« Pauvre fille. »

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Le lendemain, Orihime commençait plus tard, pour cause de professeur absent. Pour autant, elle avait choisi de se préparer comme pour un matin normal. Elle ne voulait pas rester chez elle, elle ne voulait pas rester seule, et en proie à elle-même. Elle n’avait pas dormi de la nuit, torturée par des rêves toujours plus violents, toujours plus innovants, toujours plus originaux les uns que les autres. Son esprit était violenté, son cœur semblait se briser un peu plus chaque jour et le mur qu’elle se construisait ne semblait plus suffire à la protéger. Elle était fatiguée, fatiguée de tout et cela faisait maintenant presque une demi-heure qu’elle était écroulée sous la douche, pleurant toutes les larmes de son corps. 

Après s’être habillée et avoir écouté d’une oreille distraite les informations qui relataient divers morts à Karakura même, Orihime quitta son domicile et se dirigea d’un pas lent vers son lycée. Il ne pleuvait pas aujourd’hui, le ciel était dégagé. Ce matin, le chemin jusqu’à son école fut bien plus tranquille que la veille. Elle marcha, plongée dans ses pensées, jusqu’au hall du bâtiment A, là où se trouvait son casier. Elle fit volontairement tomber ses chaussures d’école sur le sol, dans un claquement de semelles, et les enfila sans conviction. Puis, d’un pas lent, elle monta jusqu’au centre d’information et de documentation du lycée, où elle s’était souvent réfugiée dans son ancien établissement, pour ne pas rentrer chez elle. Mais dans cette année, c’était la première fois qu’elle y entrait.

Avec lassitude, elle pénétra dans l’entrée. Une femme d’âge mûr l’accueillit avec un sourire bienveillant, assise sur son fauteuil, derrière son ordinateur. Elle s’empara du stylo et inscrivit son nom sur la feuille encore vide.

« Bienvenue, Inoue-san, fit la documentaliste après avoir lu le papier. J’espère que tu te plairas ici, et que tu trouveras ce dont tu as besoin. N’hésite pas à venir me voir au moindre soucis. »

Après l’avoir remerciée, la rouquine s’avança dans la bibliothèque et respira l’air, sans remarquer le regard attendri de la dame sur elle. Orihime aimait beaucoup les livres, depuis toute petite. Elle n’aurait jamais pu exprimer cette passion qu’elle avait à se plonger dans un bouquin et à le dévorer en quelques heures, quelques jours à peine, selon le volume. Elle avait grandi et avait été élevée dans les pages des livres de son défunt frère, Sora, alors elle supposait que c’était un peu comme un héritage de sa part, une façon de marcher sur ses pas. 

Ayant quelque peu retrouver de quoi s’occuper l’esprit, Orihime se laissa aller. Elle vagabonda entre les allées, parcourant les étagères, découvrant les trésors que recelaient cette bibliothèque. Elle toucha les livres, en parcourut quelques-uns et huma le parfum qui émanait de chacune de leurs pages. Mais bientôt, alors qu’elle se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir lire, son regard fut attiré par une couverture familière et elle s’empara du livre avec curiosité.

« Les Hauts de Hurlevent » 

En lisant à voix haute ce titre, les yeux d’Orihime s’illuminèrent légèrement et elle eut un sourire intérieur. Sans attendre, elle parcourut l’ensemble des pages du roman et les noms familiers des personnages lui réchauffèrent le cœur. Heathcliff. Catherine. Ah ! Combien de fois avait-elle lu ce livre ? Comment de fois l’avait-elle relu ? Orihime était de nature, une personne joyeuse et optimiste. Elle n’aimait pas la violence, la cruauté et la noirceur. Mais ce livre... Elle ne s’en lasserait jamais. 

Son choix fut presque instantané. Dès lors qu’elle avait passé ses doigts sur la couverture, elle savait qu’elle allait se replonger dans cet univers tourmenté. Elle se hâta d’inscrire son nom sur la feuille accrochée à la dernière page et alla la donner à la documentaliste. Celle-ci eut un sourire en caressant la façade du bouquin.

« Très bon choix » Commenta-t-elle.

Et quelques minutes après une petite discussion sur l’aspect sombre de ce livre, Orihime sortait du C.D.I bien plus reposée qu’elle n’y était entrée. Elle aurait pu le lire tranquillement ici, et surtout, elle aurait du. Mais elle préféra se rendre sur le toit. Alors elle gravit toutes les marches avec une fougue qui ne lui ressemblait pas, et ouvrit brusquement la porte menant au toit, comme pressée de pouvoir penser à autre chose qu’à sa propre destruction. Elle s’avança, les cheveux au vent, sans refermer derrière elle. Le toit du bâtiment A était vraiment gigantesque. Mais soudainement, elle comprit alors qu’elle n’était pas seule et elle se figea. Non, pas elles...

Mais si. Elles étaient là. Loly, et Menoly, qui avaient d’ailleurs l’air tout aussi surprises qu’elle. Pourquoi avait-il fallu qu’elles soient là, elles, à cet instant précis ? Pourquoi avait-elle fallu qu’elle choisisse d’aller sur le toit ? N’aurait-elle pas pu se contenter de la bibliothèque ? Orihime fit aussitôt volte-face, pour retourner là d’où elle venait. Mais Loly fut plus rapide qu’elle, et dans un brusque claquement, elle referma la porte restée ouverte.

« Oi, oi, pourquoi est-ce que tu veux déjà t’en aller ? Ricana-t-elle. Tu viens tout juste d’arriver ! » 

Elle fit un pas en avant, Orihime recula, mais la blonde vint aussitôt la bloquer de derrière.

« C’est vrai, quoi ! Renchérit-elle sur le même ton. On n’a même pas encore commencé ! »

Toutefois, Orihime parvint à se dégager l’espace d’un instant, et contourna calmement Loly dans l’espoir d’atteindre la porte. Mais sa tentative pacifiste échoua, et la brune revint sauvagement lui barrer la route, un sourire carnassier sur le visage.

« Je t’ai dit que tu ne pourrais pas éternellement fuir, rouquine ! » S’écria-t-elle.

Orihime se figea l’espace d’une seconde, mais cet instant d’hésitation lui fut fatal. 

« Menoly ! » Lança la brune, comme un ordre.

Et en réponse, la blonde fit son apparition dans le dos d’Orihime et porta sa main sur son épaule, la caressant. Elle se pencha jusqu’à ce que sa bouche atteigne l’oreille de la rouquine et là, lui souffla : 

« Amusons-nous... Ensemble... »

La rouquine ouvrit grand ses yeux avec horreur. Mais qu’est-ce que... ? Elle regarda devant elle : Loly avançait dans sa direction, un horrible sourire fendant son visage. Et dans son dos, sa copine blonde, avec une expression tout aussi effrayante. La jeune Inoue était encerclée.

Mais avant qu’elle n’ait pu faire le moindre mouvement, Menoly passa ses deux bras sous ses épaules, l’entravant avec force. Le sac de la rouquine tomba au sol et elle sentit le corps de la blonde se presser contre le sien. Orihime allait dire quelque chose, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge lorsque deux mains vinrent empoigner ses seins avec force. Horrifiée, elle considéra la brune qui s’était jetée sur elle, malaxant avec violence sa poitrine à travers sa chemise. Un gémissement de douleur s’échappa de ses lèvres, et le sourire de Loly s’accentua.

« Cris, rouquine, cris. Ce n’est que le commencement. »

La concernée tenta de se débattre, mais la fille aux courts cheveux dans son dos l’en empêcha. Elle se mit à frapper des jambes, mais Loly lui assena un terrible coup de poing dans l’abdomen qui la fit se plier de douleur. Elle cracha. Qu’était-elle en train de vivre ? Qu’avait-elle fait à ces deux filles pour être traitée de la sorte ? Pourquoi était-ce toujours à elle qu’on s’en prenait ? Pourquoi était-ce toujours le même scénario ?

Orihime n’aurait su dire combien de minutes s’étaient écoulées depuis qu’elle était arrivée sur le toit, mais chaque seconde durant laquelle Loly s’appropriait son corps avec animosité lui semblait être une éternité. Son ventre, son cou, son visage, mais surtout ses seins. Elle allait y passer. La brune passa une main dans ses longs cheveux roux et les huma avec un sourire mauvais. Elle plongea son regard violacé dans celui, orageux, d’Orihime. Et cette dernière tressaillit lorsqu’elle vit la lueur perverse qui avait traversé les yeux de la lycéenne. Puis, brusquement, Loly empoigna la chemise blanche de sa victime et la déchira violemment, faisant sauter les boutons déjà sous pression. 

Tétanisée, Orihime écarquilla ses yeux au moment où la brune écarquillait les siens, mais pour une toute autre raison. Elle fit passer sa langue sur les lèvres, sans toutefois quitter du regard la poitrine découverte de sa proie, et lança à sa copine, qui elle, n’avait pas bougé :

« Menoly, j’ai jamais violé de rousse. Ça te tente ? »

Et sans même attendre, elle plongea dans les seins de ladite rousse. Mais à cet instant, la pression des bras de Menoly diminua et celle-ci bredouilla d’une voix mal assurée :

« V-Violé ? Oi, Loly, tu es sûre ? Tu n’en fais pas un peu trop ? »

A ces mots, la concernée se redressa, tout sourire avait quitté son visage. Elle jeta un regard menaçant à sa camarade et gronda :

« Quoi ? »

La blonde se dandina sur elle-même et Orihime se figea. C’était peut-être sa seule chance de s’en sortir.

« C’est bon, fit-elle doucement. Je crois qu’elle a déjà assez peur, maintenant. On peut s’en al- »

Mais Loly ne la laissa pas terminer. Sa main partit toute seule, et le claquement de sa paume sur sa joue résonna dans les oreilles d’Orihime. Elle venait de gifler son amie. Loly fit un pas en arrière, le regard dur. 

« Tu te dégonfles, maintenant, Menoly ? »

Toute aussi stupéfaite que la rouquine, la concernée, figée, porta sa main à sa joue, ses yeux verts grand ouverts. Sa seconde main retomba le long de son corps, et Orihime fut libérée de son emprise. La rouquine rassembla alors toutes les forces qu’il lui restait, récupéra rapidement son sac tombé par terre, et courut jusqu’à la porte de sortie. 

Sans regarder dans son dos, Orihime ouvrit la porte avec une force qu’elle ne se connaissait pas et se précipita dans le corridor qui menait aux escaliers. Elle entendit Loly crier derrière elle et se mit à dévaler les marches en courant, prise d’une panique monstre. Mais alors qu’elle arrivait à la fin de la cage d’escalier menant au second étage, elle heurta violemment un mur et tomba sur les fesses. Son dos cogna contre la marche de derrière et elle grimaça. Elle en avait bavé, ces derniers jours.

Légèrement sonnée, elle porta une main à son front, et s’accorda une seconde de répit, essoufflée. Mais ce fut alors qu’elle remarqua la silhouette dessinée devant elle et qu’elle se figea. Avec une frayeur mal dissimulée, elle leva ses grands yeux gris vers ce qu’elle avait pensé être un mur, et son sang se glaça dans ses veines à l’instant où elle reconnut l’imposant personnage qui se dressait devant elle. Des cheveux bleus. Non, pas lui...

Mais lorsqu’elle croisa son regard frigorifiant, sa crainte se confirma. Grimmjow Jaggerjack était là, dans les escaliers, la dominant dans toute sa splendeur malgré les deux marches qui les séparaient. Orihime vit clairement ses incroyables yeux bleus se balader sur son corps, et elle les vit aussi s’écarquiller à la vue de sa chemise déchirée. Sans la moindre gêne, il riva son regard sur son buste dénudé. Une putain d’énorme poitrine, magnifiquement dessinée, certes moulée dans un soutien-gorge de grand-mère, mais magnifique quand même. Des seins comme il les aimait.

Son visage était impassible, mais ses yeux s’agitaient. Et lorsqu’Orihime vit une étincelle de désir s’allumer dans ce regard profond, elle crut mourir. Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Mais lorsqu’elle intercepta également le lourd jugement qu’il portait à son égard, elle sentit le sol s’effondrer sous ses pieds. 

« Bah dis donc, lâcha-t-il d’un ton parfaitement maîtrisé et recherché. J’aurais jamais cru. » 

En oubliant sa tenue, Orihime se releva avec affolement, envahie de l’irrépressible besoin de s’enfuir, mais aussi de se justifier auprès de cette brute qu’elle ne connaissait pourtant pas.

« Non ! S’écria-t-elle. Elles... »

Sans même l’écouter, il riva son regard dans le sien, et assena :

« Tu caches bien ton jeu. » 

Les larmes lui montèrent instantanément aux yeux et elle s’empressa de dissimuler ses seins, en vain. Elle n’y parvenait pas. Mais alors, elle vit son regard froid se détourner d’elle pour venir se poser sur quelque chose, en haut des escaliers, elle s’arrêta et se retourna lentement. Elles l’avaient rattrapée. L’espace d’un instant, Orihime pensa à se réfugier derrière le lycéen aux cheveux bleus, mais elle se rappela soudain de l’identité de celui qui se trouvait en face d’elle. Il s’agissait de Grimmjow Jaggerjack, pas d’un gentil adolescent, serviable et courageux. Soudainement consciente de la situation dans laquelle elle se trouvait, Orihime vit sa dernière heure arriver. Elle se trouvait dans une fine cage d’escalier, encerclée par Loly, Menoly, et Grimmjow. Orihime n’en avait pas la force. Le Diable lui-même se trouvait sur ces marches. C’en était fini d’elle.

Lorsqu’elle se retourna vers Grimmjow, celui-ci continuait à calmement examiner son corps, les mains dans les poches. Mais lorsqu’elle vit que son regard perçant était fixé sur une partie bien particulière de son corps, le cœur d’Orihime cessa de battre. Au bord du malaise, elle suivit son regard et ses yeux manquèrent de quitter leurs orbites lorsqu’elle vit sa longue cicatrice dépasser sous son soutien-gorge. Il l’avait vue. Non seulement il l’avait vue en petite tenue, mais en plus, il avait vu sa cicatrice. C’en fut trop pour elle. Les larmes se mirent à couler silencieusement le long de ses joues. Immobile, Orihime releva lentement son visage vers Grimmjow et plongea ses yeux humides dans les siens, dont elle ne parvenait pas à déterminer le message. 

Et sans un mot, elle s’enfuit.

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