Snakes Of Despair
Chapitre huitième,
« Je suis quand même étonnée que tu n'aies pas la moindre migraine. Avec tout le saké que tu as bu, hier...
- J'ai l'habitude, tu sais. Je tiens très bien l'alcool ! Je me souviens de tout, en plus. Enfin, ça a quand même commencé à devenir un peu flou dans mon esprit aux alentours de dix-neuf heures...
- Tu es incroyable, fit la rouquine en rigolant. Vous êtes tous incroyables, en fait. C'était vraiment super, cette journée, avec vous. Je ne regrette pas d'être venue, c'était... Merci, Rangiku.
- Ne raconte pas n'importe quoi, s'exclama la concernée. Tu fais partie de la team, maintenant, je te rappelle. C'était évident que tu devais venir avec nous, 'Hime. Tiens ? Ce ne serait pas Hiyori, là-bas ? Pourquoi est-elle affolée, comme ça ? Hey, 'Yori ! »
À l'appel de son prénom, une petite blonde dotés d'yeux hazel dont la magnifique couleur était soulignée par les tâches de rousseur sur le haut de ses joues eut un sursaut. Cette dernière s'agitait dans tous les sens, le visage cramoisi, tirant avec force sa veste qu'elle s'était attachée autour de la taille. Elle se mit à courir en les voyant.
« Ohayo, Hiyori-san ! Fit Orihime.
- Salut, lâcha celle-ci d'une voix empressée. Vous... Est-ce que... Est-ce que vous...
- Euh... Oui ?
- Je... C'est... En fait, je...
- Quoi ? S'impatienta Rangiku. Crache le morceau, Hiyori. Ça ne te ressemble pas. »
Non sans lui avoir jeté un regard assassin, celle-ci fit signe à Orihime de venir près d'elle. La rouquine se pencha, la blonde se dressa sur la pointe des pieds et lui souffla quelque chose à l'oreille. Rangiku se mit à scruter le visage de la jeune Inoue, à la recherche de la moindre émotion le traversant. Et elle ne fut pas déçue. Celui-ci passa de la réflexion à la suspicion, de la suspicion à la surprise, de la surprise à la gêne, de la gêne à la panique, et pour finir, de la panique à la compréhension. Elle en faisait, des têtes ! À cet instant, on pouvait lire en elle comme un livre ouvert.
« Qu'est-ce qui se passe ? » S'enquit la blonde vénitienne, soudainement intriguée par tant de messes-basses.
Orihime se tourna vers elle et lui adressa un regard grave, avant de répondre à la petite blonde à ses côtés :
« Viens avec moi, Hiyori-san. On ne peut pas te laisser comme ça. »
Le regard d'Hiyori s'illumina et se mit à briller de reconnaissance. Sans perdre une seconde, la rouquine s'empara du poignet de son amie et remonta rapidement le couloir, une Rangiku déboussolée sur ses pas. Elle dévala les escaliers à toute vitesse sans lâcher de la main de sa camarade et se mit à courir entre les rangées de casiers pour atteindre plus rapidement le sien.
« Mais qu'est-ce qui se passe, enfin ? » S'exclama Rangiku, légèrement agacée.
Orihime était en train d'ouvrir son casier. L'allée était bondée de monde. Il fallait dire que c'était la récréation. Elle se tourna vers Hiyori, avant de se souffler à l'oreille de la jolie Matsumoto : « Elle a ses règles. Et sa jupe est... Comment dire... Elle doit impérativement se changer. »
Rangiku ouvrit grand ses yeux. Et malgré le grand sérieux de la situation, elle dut se retenir de ne pas pouffer de rire en croisant le regard gêné et semi-menaçant de Hiyori. C'était vraiment rare de la voir, elle, la plus sauvage et agressive des femmes sur Terre, dans une telle situation. C'était vraiment rare de la voir si... Vulnérable. C'était vraiment tentant. Et à vrai dire, c'était la première occasion qui se présentait à elle de s'en prendre à l'indomptable Hiyori. Cependant, au fond d'elle, Rangiku savait très bien qu'elle n'aurait jamais attaqué sa camarade sur ce type de chose. Hiyori était son amie depuis des décennies maintenant, et même s'il n'était pas forcément visible pour ceux de l'extérieur, le lien qui les unissait était d'une fiabilité, d'une solidité sans failles.
Mais alors qu'elle gardait ses yeux attendris rivés sur Hiyori, un étrange et violent bruissement la tira de ses pensées. Elle tourna sa tête et considéra Orihime, comme exactement tous les lycéens présents dans cette rangée, soit une trentaine d'adolescents. La rouquine se tenait devant son box, assaillie par une sorte de rivière qui découlait sur elle, tout droit sortie de son casier. C'était très difficile à expliquer : une masse de petits objets non-identifiés se déferlait de la boîte d'acier, telle une fontaine colorée renversant la rouquine.
La cascade sembla durer des heures. Et lorsque celle-ci prit fin, une tonne de petits paquets de tous les tons, de toutes les nuances, s'étalait aux pieds de la lycéenne, figée. C'était quoi, ça ? Rangiku s'approcha. Un hoquet de surprise resta coincé au fond de sa gorge et elle sentit Hiyori se figer près d'elle. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour identifier la nature de ces petites poches carrées dans lesquelles étaient plastifiés ces célèbres petits élastiques enroulés sur eux-mêmes. Autrement dit, des préservatifs.
Les jeunes aux alentours se mirent à s'agiter, et le silence qui avait pris place laissa place à un grésillement de commentaires incessants. Hiyori, comme ses deux amies, était figée d'effroi et d'incompréhension. À vrai dire, elle ne parvenait pas encore à intégrer ce qui venait de se produire. Qu'est-ce qui se passait, ici ? Mais à cet instant précis, un rire strident se fit entendre à l'entrée de l'allée, rire qui se chargea de faire revenir la blonde sur terre.
Bien évidemment, Hiyori reconnut parfaitement cet éclat qu'elle avait entendu des années durant. Son rythme cardiaque s'accéléra considérablement, et presque instantanément, ses traits se déformèrent sous l'effet de la colère. Loly. Elle fit volte-face et avec une rapidité sans précédent, se rua sur la brune qui s'esclaffait à quelques mètres d'elle. Les lycéens s'écartèrent avec vivacité sur son passage et l'instant d'après, la puissance de la collision entre Hiyori et sa victime faisait vibrer les portes d'acier de la rangée entière.
Deux jeunes filles non loin d'elles poussèrent un cri d'effroi alors qu'Hiyori soulevait la brune par le col. Menoly, juste à côté, fit un pas en avant, prête à agir, mais Loly lui fit comprendre d'un regard qu'elle n'avait pas besoin de son aide. En effet, elle ne semblait pas du tout inquiète, au contraire, et une lueur de défi brûlait dans ses yeux violacés.
« C'est toi qui a fait ça ? Siffla Hiyori entre ses dents serrées. Hein ? Enfoirée ? »
De là où elle était, Orihime ne parvint pas à entendre les mots que prononça Loly en réponse, mais son sourire provocateur lui en dévoila tout autant que si elle avait parlé. Cependant, ni elle ni Rangiku n'eurent le temps de réagir. Avec une vivacité effroyable, Loly dégagea son bras de l'emprise de la blonde sans toutefois la quitter des yeux. Et là, d'un geste rapide et précis, elle dénoua le nœud des manches de la veste de blazer de son adversaire qui la maintenait autour de sa taille.
Orihime vit les yeux d'Hiyori s'écarquiller, et les siens firent de même. Tout se passa en une fraction de seconde. La veste tomba au sol dans un léger froissement, dévoilant au monde entier les énormes tâches de sang qui souillaient sa jupe. Un hoquet de stupeur se fit entendre. Ses yeux se rivèrent sur Hiyori et sa bouche s'entrouvrit de stupéfaction. La rage folle qui se mit à pointer dans ses prunelles était d'une intensité sans pareille. Ce... C'en était effrayant.
Il n'y eut aucune parole, si ce n'était le cri silencieux d'Hiyori. À une vitesse inhumaine, cette dernière libéra une de ses mains pour l'enfouir dans son dos. Sa chemise se souleva légèrement et un éclat atteignit la pupille d'Orihime qui plissa les yeux. Qu'est-ce que c'était que... ? Elle vit Rangiku se crisper à ses côtés et faire un vain pas en avant. Elle était trop loin pour agir dans les temps.
Cependant, à cet instant précis, alors qu'Orihime se demandait quel était cet objet qu'elle venait d'apercevoir, une fine silhouette fit son apparition, à une telle vitesse telle que la rouquine ne parvint tout bonnement pas à suivre ses mouvements du regard. Ses yeux se fermèrent l'espace d'une demi-seconde, comme gênés par ces gestes qu'ils ne pouvaient saisir et lorsqu'elle les ouvrit, la situation avait changé. Loly était maintenant libérée de la poigne d'Hiyori qui, à l'inverse, était fermement maintenue contre les casiers par... Yumichikka ?
Personne, exceptée Rangiku, n'aurait su dire à quel moment précis ce bel homme efféminé avait fait son entrée. Mais le résultat était bien là, et maintenant, ce dernier se penchait sur Hiyori pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille qui eut pour effet d'adoucir son visage.
« Yumi... » Souffla-t-elle.
Rangiku choisit alors ce moment pour agir. Elle s'avança vers eux, et ramassa la veste d'Hiyori qu'elle lui tendit. Puis, elle se tourna légèrement vers Loly et Menoly, qui s'étaient éloignées, et leur lança un regard qui valait largement toutes les menaces les plus effrayantes du monde. Pour seule réponse, les deux lycéennes se contentèrent de sourire de plus belle avant de disparaître derrière la rangée de casiers.
Rangiku fit alors volte-face et jaugea l'état de l'allée. Sur le sol, un nombre incalculable de préservatifs qu'Orihime s'acharnait à ramasser ; et Yumichikka, qui se hâta de la rejoindre pour l'aider. Rangiku considéra la trentaine de lycéens qui peuplait le corridor, à la fois surprise et choquée. Tout était allé si vite que seule une poignée d'entre eux avait saisi ce qui s'était passé. Et heureusement.
Elle regarda Hiyori, qui avait rapidement remis sa veste en place, le visage encore durement fermé. Personne ne savait ce qui se tramait dans la tête de Loly – et Menoly – et personne ne le saurait sûrement jamais. C'était comme ça depuis qu'elle était apparue au lycée, et tout laissait à croire que la surnommée « salope du lycée » ne comptait pas changer. Dieu merci, Yumichikka était intervenu à temps. Rangiku s'approcha d'Hiyori, un léger sourire sur le visage, un regard lourd se sens, et posa une main sur son épaule :
« Pense à ce qui te serais arrivé si tu avais fait ça, 'Yori. À ce qui nous serait arrivé. »
Et sur ce, elle se joignit à ses deux amis pour ramasser la quantité de petits paquets colorés qui jonchaient le sol.
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Orihime considéra l'enseigne illuminée qui trônait sur la façade lisse du magasin. Elle n'avait pas fait ses courses depuis longtemps, et même si elle n'en avait ni l'envie ni les moyens, elle devait s'acheter de quoi manger si elle ne voulait pas mourir de malnutrition dans les prochains jours à venir. Il était vrai que la maigreur dont elle faisait l'objet était absolument inquiétante. Elle ne ressemblait plus à rien. Elle se laissait mourir à petits feux, et elle était bien consciente que cela ne pouvait plus durer.
Elle s'avança, les portes s'ouvrirent automatiquement sous l'ordre des capteurs qui avaient ressenti sa présence. Comme on pouvait s'y attendre de cette grande chaîne asiatique réputée pour ses prix plutôt bas, le magasin était très vaste, mais aussi très rempli. Orihime se dirigea lentement vers le portique d'entrée, et se ravisa au moment de prendre un panier. Elle n'avait absolument pas l'argent de le remplir ; elle prendrait tout au plus trois articles, alors à quoi bon ? Heureusement qu'elle commençait son travail de serveuse ce soir, songea-t-elle.
Orihime se mit à vagabonder dans les différents rayons sans la moindre émotion. Elle ne prenait même plus plaisir à regarder toutes ces bonnes choses à manger, comme avant. La disparition de Tatsuki avait littéralement bouleversée toute sa vie, et chaque lieu dans lequel elle se rendait lui rappelait un moment passé avec sa meilleure amie. Chaque instant n'était qu'un amer constat de la mort de sa sœur de cœur. Un paquet de riz sous le bras, un sachet de poulet dans la main, elle se dirigea vers les caisses.
Orihime regarda par la porte de sortie. Le soleil se couchait dehors. Aujourd'hui, Hisagi comme Toshiro, Kira et Nemu avaient été absents. Personne ne s'en était préoccupé, si ce n'était Orihime, à qui on n'avait donné qu'une vague réponse. Ce n'était pas grave. Ils étaient grands. Et puis, elle leur faisait confiance. La rouquine se figea. Quoi ? Confiance... ?
La caissière lui donna le montant de ses achats. Elle vida ses poches, ou plutôt, son porte-monnaie. Enfin. Toujours était-il qu'elle avait passé sa journée avec Rangiku, Renji, Shinji, Tia, Ikkaku, Yumichikka et Hiyori, qui avait pu régler son problème de « truc de filles ». Elle s'entendait vraiment bien avec tout le monde, et même Ikkaku commençait à s'ouvrir à elle. Comme son professeur le lui avait plus ou moins suggéré, Orihime avait été élue déléguée, ce dont elle se serait évidemment bien passé. Mais bon, visiblement, elle n'avait pas le choix.
Lorsque la jeune fille quitta le supermarché, le soleil avait disparu, ne laissant que l'image de son reflet dans le ciel orangé. Orihime traversa la route et bifurqua à gauche pour retrouver son chemin de retour. Il allait bientôt faire nuit – les journées étant encore assez courtes à cette période de l'année – et elle devait rapidement manger avant de se rendre au travail. Ses courses à la main, la rouquine remonta l'allée et passa devant un immense parc bordé d'arbres avant de s'engager dans une petite et sombre ruelle.
Auparavant, Orihime aurait été effrayée à l'idée de s'aventurer dans un tel quartier, seule, et de nuit. Mais maintenant, elle n'avait strictement plus rien à perdre, si ce n'était sa virginité maintenant passée à un plan secondaire. Et puis, habitant elle-même à la commissure de cette zone plutôt instable, elle n'avait absolument pas le choix. Il fallait faire avec.
Mais alors qu'elle marchait d'un pas lent et lassé, un mouvement attira son attention dans l'ombre d'un garage abandonné. Dans l'angle du bâtiment, un homme faisait craquer les jointures de ses poings. Enfin... Était-ce vraiment un homme que ce gigantesque personnage dont elle n'avait jamais vu l'égale en presque dix-huit ans d'existence ? Non, rectification : cette chose n'était pas humaine. Il s'agissait tout bonnement d'un monstre. Jamais Orihime n'avait vu telle carrure, telle taille, telle masse. Il était littéralement gigantesque, et doté d'une monstrueuse musculature qui aurait fait fuir le plus brave des Hommes. C'était indescriptible. Il était juste... Horriblement effrayant.
Mais alors que ses yeux écarquillés étaient rivés sur cet énergumène à la peau mate, un second personnage attira son regard, beaucoup plus petit, plus fin, plus pâle. Il ne lui fallut que quelques secondes, même dans la pénombre, pour reconnaître cet homme à l'opposé complet du premier. Ulquiorra Schiffer. Il s'approcha du métisse en question, dont le visage était tout aussi atroce que le corps, avant de se tourner vers un troisième personnage, beaucoup plus banale, qui semblait... Terrifié. Et il avait sûrement de bonnes raisons de l'être.
Le brun souffla quelques mots, quand soudain, il se retourna, comme conscient de la présence d'Orihime dans son dos, à une quinzaine de mètres de là. Leurs regards se trouvèrent presque instantanément, et lorsqu'elle la rouquine croisa ses magnifiques iris émeraudes, celle-ci crut que jamais elle ne pourrait s'en détacher. Mais lorsqu'elle sentit le regard pénétrant de celui qu'elle avait décidé de nommer intérieurement « Le Monstre » la déshabiller, un frisson parcourut tout son corps et elle détourna vivement le regard.
« Oi, Ulquiorra, fit-il d'une voix grave, détachant chaque syllabe des mots qu'il prononçait, avec un accent étranger. On dirait qu'cette nana t'veux quelque chose. Tu la connais ? »
La concernée riva son regard sur Ulquiorra, comme pour y trouver un quelconque soutien, avant de se rendre compte de la débilité de cet acte. Mais son cœur se serra lorsqu'elle l'entendit prononcer :
« Non, ce n'est qu'un déchet. »
Un rire se fit entendre, résonnant dans ses oreilles. Un déchet ?
« Encore un déchet, hein ? Ricana le monstre. Je dois la buter elle aussi ? Elle est carrément bonne ! Je me ferais un plaisir de m'amuser avec elle avant.
- Non, reprit-il calmement. Elle est insignifiante. Partons, Yammy. »
Orihime, frigorifiée par cette conversation à son sujet, à laquelle elle n'avait pourtant pas pris part, resta immobile quelques instants. Les questions se bousculaient dans son esprit. Ulquiorra Schiffer-kun connaissait ce type ? Un déchet ? Insignifiante ? S'amuser avec elle ? Bonne ? La buter ? « Elle aussi » ? Orihime secoua la tête et frissonna. Elle ne devait pas rester là. Quelques instants après, elle finit par se remettre en mouvement, d'un pas plus rapide, se ressassant mentalement toutes ces choses horribles et lourdes de sens qu'elle venait d'entendre.
Presque une heure plus tard, Orihime se trouvait devant ce restaurant en centre-ville dans lequel elle avait postulé pour travailler après les cours. Elle s'était changée les idées et l'épisode « Ulquiorra » lui semblait bien loin maintenant. Enfin, pour combien de temps ? Elle ouvrit la porte et pénétra dans l'entrée. Il s'agissait d'une enseigne locale spécialisée dans les produits européens, qui faisaient fureur au Japon. C'était un petit espace simple, convivial, mais aussi très prisé. La rouquine s'avança dans la pièce à manger, à la recherche du monsieur qui l'avait engagée. Elle le trouva après quelques minutes, affairé derrière le bar.
« Oh, Orihime-chan, s'exclama-t-il avec enthousiasme. Tu tombes à pic, ma belle ! Le service va bientôt commencer. »
Il n'était pas très grand, d'un certain âge, les cheveux gris. Dès leur première rencontre, la rouquine avait été saisie par la générosité et la gentillesse dont ce cher monsieur avait fait preuve à son égard. Il semblait vraiment prendre soin de son personnel, et c'était ce qui l'avait convaincue – elle, ainsi qu'Hisagi, qui l'avait superbement aiguillée – à choisir ce poste. Et la suite avait été plutôt facile.
Le bon monsieur lui attrapa la main avec un sourire sincère et accueillant, puis la mena derrière le bar. Il tendit ses mains devant lui, dévoilant trois employés qui s'affairaient avec sourire.
« Oi, tout le monde ! Venez par ici. Je vous présente Inoue Orihime-chan, celle dont je vous ai parlé récemment. Elle fait partie de l'équipe à partir d'aujourd'hui, alors s'il vous plaît, coachez-là bien ! Bon, excuse-moi, Orihime-chan, j'ai un travail monstre qui m'attend. Tu vas voir, ils sont super sympas ! Bonne chance ! Au moindre soucis, viens me voir !»
Il lui fit un clin d'œil et disparut à la hâte. Il y avait deux femmes, qui se jetèrent aussitôt sur elle. L'une était grande et plutôt ronde, dotée de magnifique yeux verts et de longs cheveux frôlant le noir, et l'autre, bien plus petite, et plus mince, avait de grands yeux bruns et des cheveux châtains coupés très courts à la garçonne.
« Super, s'écria la première avec enthousiasme. Regarde comme elle est mignonne !
- Wow, renchérit l'autre sur le même ton. On a une métisse dans l'équipe, Annah !
- On dirait une européenne ! Elle est vraiment magnifique !
- Me l'fais pas dire, reprit celle aux cheveux courts. Non mais regarde moi ces yeux ! Orihime-chan, c'est ça ? »
La concernée eut un mouvement de recul instinctif et se mit à bafouiller toutes sortes de sons et d'excuses sans le moindre sens. Les deux jeunes femmes étaient penchées sur elle, les yeux brillants d'admiration et d'intérêt, quand une troisième voix se fit retentir :
« Oi, Annah, Mina, laissez-là un peu tranquille, vous voulez ? Vous allez l'effrayer. »
Frustrées, elles grognèrent en parfaite synchronisation et s'écartèrent toutes deux pour jeter un coup d'œil au jeune homme qui se trouvait derrière elles, s'appliquant à essuyer un verre. La grande brune se pencha sur Orihime et lui souffla à l'oreille : « Fais pas attention à lui. Stark est peut-être le plus bel homme que j'ai jamais vu au monde, il n'en reste qu'un imbécile tête en l'air. Ne t'en occupe pas. »
Orihime plissa légèrement les sourcils et tenta d'apercevoir le visage de cet homme aux cheveux bruns mi-longs qui lui tournait le dos. Stark... Où avait-elle déjà entendu ce prénom ? Puis, comme pour répondre à son attente, il fit volte-face, ses soyeux cheveux ondulés voletant dans les airs. Orihime eut un hoquet de surprise. Ça y est, elle se rappelait.
Les mots s'imposèrent dans son esprit comme une évidence : « Un putain de beau gosse eurasien ». C'était ce qu'avait dit Rangiku. Oui, c'était ça. Elle avait trouvé les mots justes. C'était un beau gosse. Bon, elle n'irait pas jusqu'à dire qu'il était le plus beau du monde, mais il était extrêmement charismatique et séduisant, elle en avait conscience.
Des yeux d'un bleu pur et pastel qui étaient légèrement tirés en arrière, un visage fin, un nez droit, une légère barbe parfaitement taillée. Il n'y avait pas de doute. C'était lui, le Stark Coyote qui était fiancé à la Magnifique Halibel Tia. Mais Orihime fut bien obligée de sortir de son monde intérieur quand il s'approcha d'elle et lui avança une main amicale qu'elle mit du temps à saisir. Il sourit, elle le lui rendit.
« Sois la bienvenue ici, Inoue-san. »
Cette soirée se passa extrêmement bien. L'équipe de serveur fut très agréable avec elle, tout comme le gérant et l'équipe de cuisine. Annah s'occupait de l'accueil, des réservations et des paiements, Mina, elle, se chargeait du bar ; et Stark et Orihime étaient attachés au nettoyage continu pendant le service et principalement, du service.
Ce fut donc Stark qui s'occupa de lui apprendre le métier, et ce fut avec surprise que celle-ci intégra toutes les informations qu'il lui donnait. Elle s'habitua très vite à son nouveau job. Elle n'avait jamais fait quelconque activité de ce style, et pourtant, elle s'en tirait magnifiquement bien, surtout avec les clients de quelque sexe qu'ils soient, qui s'attachaient rapidement à sa bouille d'ange et à son naturel touchant.
« Table 18, Orihime-chan ! »
La concernée se dirigea vers l'unique assiette qui trônait sur le comptoir reliant le bar aux cuisines, et s'en empara avec précaution. D'un pas léger, elle se dirigea vers la table en question, et s'y pencha pour y déposer le plat, adressant son plus beau sourire au client qu'elle n'avait pas encore reconnu. Ce dernier ouvrit grand ses yeux, comme subjugué par la beauté de ce sourire, de ce visage, avant de lâcher :
« J'ai eu raison de venir voir ça. Tu t'en sors vraiment bien ! »
Prise au dépourvu, Orihime rouvrit les yeux et considéra le craquant jeune homme aux cheveux bruns ébouriffés qu'elle venait de servir.
« Hisagi, s'exclama-t-elle, agréablement surprise. Que fais-tu ici ?
- Quelle question ! Je suis venue voir comment tu t'en tirais, bien évidemment. Je me devais d'être là pour ton premier jour en tant que serveuse, quand même ! D'ailleurs, je dois t'avouer que j'espérais te voir galérer un peu plus... C'est franchement pas drôle, Orihime ! »
Il arbora une moue faussement vexée, et fut ravit de la voir rigoler. Orihime était vraiment belle. Malgré son teint blafard du moment, malgré ses joues creuses, malgré les horribles cernes qui soulignaient ses yeux, malgré tout cela, elle restait super jolie. Si seulement elle pouvait redevenir celle qu'elle était censée être... Non qu'il ait une idée de ce qu'elle avait pu être par la passé, mais... Enfin. Si seulement elle pouvait s'ouvrir et devenir celle qu'elle était vraiment.
Il soupira intérieurement, avant de lui sourire.
« Je t'attends ici jusqu'à la fin de ton service, comme ça, je te ramène. Hé, fit-il en voyant qu'elle ouvrait la bouche, pas de protestations. Je te ramène, un point c'est tout. »
Elle rigola, le remercia, et se mit à jouer avec une mèche de cheveux qui tombait sur son visage. Ah ouais, elle était belle. Ils restèrent ainsi à discuter quelques minutes, jusqu'à ce que celle-ci se rappelle qu'elle était ici en tant que serveuse et non en tant que cliente. D'un air affolé, elle se hâta vers le bar, manquant de se prendre le pied dans les tables au moins deux fois, sous le regard amusé d'Hisagi qui se retenait pour ne pas rire seul. Elle n'était pas croyable, celle-là !
Avec un léger pincement au cœur, le jeune homme se rendit compte qu'il appréciait vraiment la rouquine. C'était quoi ce bordel ? Il la connaissait depuis quoi... Une semaine ? Et pourtant, il sentait qu'elle faisait déjà entièrement partie de la bande, de son entourage. Et il n'était pas le seul à ressentir ça. Il ne savait pas pourquoi il s'était attaché si vite à cette jeune femme un peu tête en l'air qui semblait en avoir plus gros sur le cœur qu'elle ne voulait bien l'avouer. Et d'ailleurs... Il ne savait pas non plus où cela allait le mener.