Snakes Of Despair

Chapitre 7 : Chapter six

7306 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans

Chapitre sixième,

 

On sonna à la porte une première fois. Orihime, étendue dans son fûton, en train de dormir, remua lentement et ouvrit les paupières avec difficultés. Elle se frotta les yeux et une seconde sonnerie retentit. Ah, elle n'avait pas rêvé, on sonnait vraiment à sa porte. Alors qu'elle repoussait ses draps et sortait de son lit, on sonna une troisième fois, une quatrième, une cinquième, et à partir de la treizième, la rouquine arrêta de compter. Qui était cette personne qui venait sonner chez elle, avec affolement et en plus, en plein milieu de la nuit ?

Sans toutefois se presser, Orihime s'avança vers l'entrée et déverrouilla la serrure d'une main, se frottant les yeux de l'autre. Lorsqu'elle tira le battant, juste assez pour passer sa tête, elle ne vit personne sur le pas de sa porte. Elle l'ouvrit complètement, les sourcils légèrement froncés. Était-elle folle ? Cela ne l'étonnerait pas. Elle avait du perdre la tête, avec tout ça...

Mais alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour sans demander son reste, une ombre attira son attention et elle se fit silencieuse. Une silhouette se dessinait dans la nuit, à une dizaine de mètres d'elle. Instinctivement, elle s'avança et plissa les yeux, le ciel sombre et nuageux ne lui facilitant pas la tâche. Cette forme floue lui disait quelque chose et bientôt, elle se retrouva à inconsciemment descendre les trois marches qui menaient à sa porte d'entrée, comme... attirée.

« Ano... » Fit-elle doucement, hésitante.

Il lui sembla alors que la silhouette commença à se retourner pour la considérer. Mais à cet instant bien précis, les nuages, comme coordonnés, s'écartèrent pour laisser passer un unique et solitaire rayon de lune. Le faible faisceau de lumière était précisément et horriblement dirigé vers ladite ombre. Et cette infime clarté suffit à l'éclairer. Orihime croisa son regard. Et là, tout devint soudainement plus ténébreux.

Son souffle se coupa en même temps que son sang se glaça dans ses veines. Elle se figea dans un premier temps, statufiée, paralysée, le visage impassible. Puis, quand l'ombre fit un pas, Orihime en recula d'un. L'ombre en fit un second, Orihime fit de même. Mais au troisième, la rouquine heurta la première marche de l'escalier qu'elle venait de descendre et tomba sur les fesses.

L'ombre, quant à elle, continuait sa progression avec lenteur. Orihime ouvrit la bouche, ses lèvres se mirent à trembloter. Uniquement vêtue d'une jupe déchiquetée et d'un chemisier blanc immaculé de sang, dotée d'une gorge tranchée et déformée, d'une bouche fendue et ensanglantée, d'un bras tordu, d'une jambe droite retournée et d'une gauche brisée, l'ombre continuait pourtant à évoluer. Mais cette ombre, n'en était pas réellement une. Non... C'était bien pire.

Orihime écarquilla ses grands yeux gris. Un cadavre. Oui, c'était ça. Un cadavre humain. Une dépouille féminine. Et ce corps déchiqueté dégoulinant de sang et tâchant le sol à chaque pas, Orihime le connaissait très bien. Oui, très bien... Alors, elle se mit à trembler. Pas de petits tremblements, non. Elle se mit à trembler avec violence et frénésie, secouée de brutaux spasmes qui ébranlaient son corps entier, dans un pur état de terreur folle.

Non... Non... Non...

Ces longs cheveux sombres légèrement ébouriffés, elle les reconnaîtrait entre mille. Sans compter ce grand œil d'un bleu foncé qu'elle connaissait par cœur, bien qu'injecté de sang, dont le compère gauche, tranché de long en large, semblait sur le point de tomber.

A la vue de cette effroyable enveloppe charnelle en phase de décomposition, les organes d'Orihime se retournèrent. Et lorsque l'odeur qui l'accompagnait vint enivrer ses narines, la rouquine manqua de vomir tout son intérieur sur le coup. Elle ne pouvait détourner le regard, elle ne pouvait détacher ses yeux de cevisage atroce et défiguré, ce visage rongé par les insectes, ce visage qu'elle avait tant aimé et qu'elle aimait encore, malgré tout... Mais quand elle entendit une voix, cette voix qui avait tant de fois fait l'objet de ses prières, murmurer son prénom, elle perdit la tête.

« Orihime..., Répéta le cadavre, maintenant à proximité d'elle. Tu te souviens de moi, hein ? Cela ne fait pas si longtemps. »

La concernée, immobile, absorbée avec effroi par les prunelles bleutées du corps décomposé, ne bougea pas.

« Ne me dis pas que tu m'as oubliée, quand même... C'est moi.»

Le cadavre plissa les yeux et eut un sourire malsain.

« Tu sais, ta meilleure amie, morte en te sauvant ? », susurra-t-elle.

Ladite meilleure amie se pencha sur la rouquine, laissant son sang moisi dégouliner sur elle. D'épaisses gouttes puantes vinrent tomber sur les joues d'Orihime.

« Tu sais, ta sœur de cœur, assassinée par ta faute...»

Sa voix était différente de celle qu'Orihime connaissait. La brune se pencha d'avantage et vint passer son pouce pourri sur les grosses traces de sang, étalant le liquide rougeâtre sur l'ensemble de son visage. Elle s'attarda sur ses lèvres, les rendant d'une couleur écarlate, avant de lui fourrer délicatement son doigt ensanglanté dans la bouche, sans que la rouquine ne cille.

« Ne me regarde pas comme ça, fit-elle doucement en rigolant. Nous savons toutes deux qui est le véritable responsable de ma mort. N'est-ce pas ? »

A ces mots, les yeux d'Orihime s'écarquillèrent encore plus, jusqu'à manquer de sortir de leurs orbites. Les Ténèbres se mirent à l'envelopper, pénétrant son cœur, infiltrant son âme, infectant son être. Alors, Tatsuki passa ses bras derrière le cou de son amie et colla son corps rongé par les vers au pyjama de la rouquine, avant de glisser à son oreille :

« Oui. C'est toi qui m'a tuée... O-ri-hi-me. »

-

Et là, Orihime hurla.

D'un geste brusque, elle se redressa de son fûton, se leva pour courir, mais trébucha dans son salon et s'écrasa aussitôt contre le parquet froid de son petit studio. Elle se redressa de nouveau avec frayeur, les larmes roulant sur son pâle visage décomposé par l'effroi, et détailla l'endroit de ses yeux exorbités, ne savant plus exactement où elle se trouvait. Totalement paniquée, elle chercha avec frénésie les deux visages les plus importants pour elle, comme pour s'assurer qu'il s'agissait bien d'un cauchemar. Et, lorsqu'elle posa son regard sur les deux cadres photos en question, sa folie perdit en ampleur et elle s'effondra au sol pour pleurer encore plus fort.

Quand Orihime arriva devant la grille blanche de son lycée, elle s'était un peu remise de ses émotions. Il fallait dire que ce n'était pas la première fois que la rouquine vivait ce type de scène durant son sommeil, cela faisait maintenant partie de sa routine. Mais elle avait beau y être habituée, chaque nouveau cauchemar était tout aussi dur et violent que le précédent et la douleur restait toujours aussi puissante. Enfin.

Elle s'avança dans la cour sans un regard pour les lycéens autour d'elle, les groupes d'étudiants se rejoignant avant le début de cette banale journée scolaire. Sa veste de blazer marine ouverte, son cartable à la main, elle pénétra dans le hall et bifurqua dans les rangs des casiers à la recherche du sien. La minute qui suivait, elle échangeait ses chaussures contre celles réglementaires du lycée, prenait ses affaires, et fermait le battant d'acier.

Mais alors qu'elle prenait la direction de l'escalier, son regard fut attiré, comme par instinct, par l'entrée du hall. Instantanément, elle tourna la tête et vit le jeune homme qui pénétrait à son tour dans le rez-de-chaussée. Les mêmes cheveux noirs que la veille, les mêmes larmes tatouées glissant sur son visage, le même air nostalgique et surtout, les mêmes yeux hypnotiques. Comment avait-elle fait pour le voir, même au travers de cette masse de passants qui venait perturber son champ de vision ? Le hall était rempli d'un nombre incalculable de lycéens auxquels elle ne faisait même pas attention, et pourtant, elle l'avait vu, lui. C'était comme si... Elle l'avait senti entrer. Comme si... Un instinct, un sixième sens, quelque chose, en elle, avait senti sa présence.

Elle ne se rappelait pas très bien ce qui s'était passé la veille. Tout ce dont elle se souvenait, c'était du froid, de l'ombre, de la peur, et du regard inquiet et affolé de Renji qui s'était par la suite occupé d'elle. Orihime fixa cet individu à la peau singulièrement pâle, sans même voir tous ceux qui passaient devant elle. Il y avait quelque chose chez lui... Quelque chose de différent. Quelque chose qu'elle n'arrivait pas à trouver, et qu'elle n'arriverait probablement jamais à déterminer. Elle se répétait peut-être, mais c'était vrai. Était-elle la seule à ressentir ça, à son propos ?

Ulquiorra resta immobile quelques instants sur le perron. Orihime était bien trop loin pour qu'il puisse la voir, et pourtant, il tourna presque aussitôt la tête dans sa direction. Son regard perçant traversa naturellement l'attroupement massif d'adolescents, et vint trouver le sien sans la moindre difficultés. Prise de court, la rouquine sursauta intérieurement, coupée dans sa contemplation, son analyse. Comme pour se rattraper, elle tenta de sourire et lui adressa un signe amical de la main.

Mais comme elle aurait du s'y attendre, il la fixa impassiblement encore quelques secondes, avec ce même masque d'insensibilité teinté de dédain sur le visage, avant de se détourner et de disparaître dans la foule. Orihime soupira à la fois de déception et de soulagement. Elle ne savait absolument pas ce qu'il lui arrivait.

Cependant, alors qu'elle faisait volte-face pour enfin accéder à l'escalier, deux épaules vinrent entrer en collision avec les siennes. Parallèlement, deux pressions se firent ressentir au niveau de ses tibias, et sans même en comprendre le pourquoi du comment, elle s'écrasa au sol, se rattrapant avec justesse sur ses avants-bras affaiblis qui encaissèrent le choc non sans peine.

Ignorant les deux ricanements qui résonnaient dans son dos ainsi que les regards de pitié, de désapprobation et même... de compassion ? Que lui jetaient les autres lycéens, Orihime se redressa. Elle se leva à son rythme, et se retourna, le visage presque neutre. Elle reconnut sans la moindre surprise la brune dévergondée qui lui souriait avec méchanceté. Loly, si elle se souvenait bien. Cependant, elle n'avait jamais vu la fine blonde aux grands yeux verts à ses côtés, bien plus couverte, mais qui souriait avec ce même vice. Elle avait une apparence assez garçonne avec ses cheveux coupés très courts, son col de chemise relevé, sa veste jetée sur son épaule, et ses mains dans ses poches.

Elle semblait être la pure opposée physique de ladite Loly et pourtant, elles avaient des airs en communs. Cela ne sautait pas aux yeux, mais elles se ressemblaient énormément. Étrangement, certes, mais énormément. Quelque chose les liait, Orihime en était sûre. Puis, Loly se pencha, les mains posées sur ses hanches, dévoilant presque l'entièreté de son petit buste encore plus dénudé que les précédents jours, et lâcha d'un ton mesquin :

« Bien tenté, petite salope. Mais tu n'atteindras jamais Ulquiorra. »

Alors, c'était ça ? Ulquiorra Schiffer-kun, hein ? Faisant comme si elle n'avait rien entendu, la rouquine attrapa son sac tombé au sol avant de faire volte face et de partir sans demander son reste. Elle fut d'ailleurs surprise de constater qu'aucune des deux ne suivait sa trace. Enfin, elle n'allait pas s'en plaindre. Elle soupira. La journée commençait bien.

-

- 'Hime. 'Hime !

- …

- Ouh ouh ! 'Hime ! Reviens sur Terre !

- …

- Oi, Orihime !! 

- O-Oui ! S'empressa-t-elle de répondre, s'étant brusquement rendue compte que Rangiku l'appelait.

- Sérieux, soupira son amie. Le monde pourrait s'écrouler que tu n'entendrais rien, c'est incroyable...

- Désolée, répondit-elle, arborant un sourire gêné. J'étais perdue dans mes pensées...

- Tes pensées, hein ? Répéta-t-elle, soucieuse. Enfin, ce n'était pas ça dont je voulais te parler. Tu es là, ce week-end ?

- Euh, et bien, oui... Pourquoi ?

- C'est l'Hanami, me dis pas que t'as oublié ! Sérieux, si tu as oublié ça... Je pense qu'on devrait se faire quelque chose, avec la bande. Ils ne l'avoueront jamais, mais on est tous un peu attachés à ce type de célébration traditionnelle, c'est convivial... Je m'égare. Je disais don-

- Matsumoto et Inoue-san ! S'écria le professeur. Je vous entends ! Concentrez-vous un peu.

- Même plus de « -san » pour moi, hein ? Grommela la blonde vénitienne en se détournant, soupirante. Il y a du laissé aller, sensei.

Dès que sa camarade fut retournée et que le cours reprit, les pensées d'Orihime repartirent de plus belle, le beau ciel dégagé aidant à laisser libre court à son imagination. L'Hanami, hein ? Oui, elle l'avait oublié. La fête du Printemps... Discrètement, elle soupira. Cette année, elle n'irait sûrement pas voir les cerisiers en fleurs.

Mais dès lors qu'elle se fit cette remarque, les souvenirs affluèrent dans sa petite tête déjà bien dévastée, sa mémoire lui imposant les images du dernier O'Hanami qu'elle avait célébré. Elle était bien évidemment avec sa fidèle amie, son tout, Tatsuki, mais il y avait également Rukia, Chad, Ishida, Mizuiro, Asano, et même I... Ich... Ichigo. Enfin, comment devait-elle l'appeler, maintenant ?

Orihime baissa les yeux tristement et dut lutter pour ne pas s'effondrer à la mention du rouquin. Au final, excepté Tatsuki, avait-elle déjà eu un ami ? Ni Chad, ni Rukia, ni Ishida, personne n'était venu prendre de ses nouvelles, la voir à l'hôpital. En perdant la perle qu'était Tatsuki, elle avait perdu son lien même avec le monde. Qu'est-ce qui la retenait encore ici, déjà ? Pourquoi n'allait-elle pas rejoindre sa meilleure amie ?

Cette idée fit sursauter Orihime, tant elle était alléchante. Mais comme pour la faire revenir sur Terre, la dernière image de Tatsuki, lui hurlant de s'enfuir – de vivre – s'imposa dans son esprit et elle eut un hoquet de stupeur. Les larmes lui montèrent instantanément aux yeux. Non. Tatsuki s'était battue pour elle. Tatsuki était morte pour elle. Tatsuki s'était sacrifiée pour la sauver, elle, la misérable, la pauvre Orihime. Jamais elle ne pourrait gâcher ça, et rendre son sacrifice vain. Son sacrifice... La rouquine versa une larme. Elle devait l'honorer.

« Je ne peux pas, sans toi... Tatsuki... »

La sonnerie se fit entendre, retentissant dans l'ensemble de l'établissement, annonçant la fin de cette journée, et par la même occasion, la fin de la semaine. Les élèves finirent de noter leurs cours, puis se levèrent. Renji, qui était loin d'elles dans ce cours, à son plus grand désespoir, vint s'asseoir sur le rebord du bureau d'Orihime, tandis que celle-ci ramassait ses affaires.

- Ça fait à peine quelques jours, et j'en ai déjà marre de l'école, se plaignit-il en grimaçant, resserrant sa haute queue de cheval qui tombait dans son dos.

Rangiku, qui occupait la place juste devant, se leva et repoussa sa chaise sous la table.

- Va falloir t'y faire et travailler, Renji, fit-elle en soupirant. Ne compte pas sur moi pour te suivre dans ton redoublement une seconde fois.

- Oh, ça va, rétorqua-t-il en croisant les bras sur sa poitrine, les yeux mi-clos, ils ne t'auraient pas laissé passer, de toute façon. Et puis, il y avait Hisagi et Ikkaku, aussi.

Orihime releva la tête et les regarda l'un l'autre avec surprise.

- Vous avez redoublé ? S'enquit-elle.

- Certains d'entre nous, oui, répondit la vénitienne. Mais moi, c'était par pure solidarité, hein..., rajouta-t-elle avec un petit sourire.

- C'est ça, on te croît Ran', enchaîna le rouquin en ricanant. Il n'y a que nous deux, Hisagi et Ikkaku, comme redoublants. Shinji et Kira sont passés de justesse, à l'inverse d'Hiyori et Nemu qui sont de vraies intellos et Toshiro, le petit génie qui a du sauter on ne sait combien classes. Puis, il reste Tia et Yumichikka, qui sont dans la moyenne.

- Hiyori ? Une intello ? Répéta-t-elle avec étonnement alors qu'ils sortaient de la salle de cours.

Rangiku rigola.

- Et oui, ça ne colle pas trop au personnage, hein ? J'ai longtemps pensé qu'elle trichait...

- Oi, vous deux, faites gaffe, chuchota furtivement Renji qui observait les alentours avec appréhension. Elle peut surgir à tout moment. Et si elle vous entend...

Rangiku éclata de plus belle lorsqu'Orihime mit sa main devant sa bouche et ouvrit ses grands yeux gris, effrayée par une telle idée. Toujours plongés dans une conversation à divers sujets, les trois amis sortirent du lycée sans même s'en rendre compte, leur cheminement ponctué d'éclats de rire, avant de s'arrêter devant la grille d'entrée, où leurs chemins se séparaient.

- Bon, commença Renji en posant sa main sur l'épaule de son amie rouquine, prenant une expression grave. Orihime, écoute... Je sais que je vais énormément te manquer durant ce week-end et que tu vas mal vivre le fait de ne plus passer tes journées avec moi. Mais tu dois être forte. Tout va bien se passer, Orihime. C'est l-

- Arrête tes bêtises, le coupa Rangiku en rigolant, lui frappant au passage l'arrière du crâne. Laisse-la un peu tranquille, ok ?

Renji gloussa, levant innocemment les mains au ciel. Il croisa les yeux d'Orihime qui pétillaient d'amusement, auxquels il répondit par un clin d'œil complice, associé à ce fameux demi-sourire qu'elle avait défini comme étant sa signature.

- Allez, reprit Rangiku. Nous, on y va, 'Hime-chan. On s'appelle ce week-end, ok ?

- Oui, répondit-elle avec ce sourire enthousiaste qu'elle ne quittait pas lorsqu'elle était avec eux. Rentrez bien !

- Toi aussi, s'exclama Renji en s'éloignant aux côtés de la blonde aux teintes rousses. Fais attention à toi !

Et sur ce, ils s'éloignèrent sur le trottoir, agitant leurs bras en l'air pour lui faire signe. Orihime, maintenant seule sur le pas du lycée, les fixa jusqu'à ce qu'ils disparaissent complètement au coin de la rue. Elle eut un sourire. Elle se sentait vraiment bien, avec eux. Mais ce sentiment allait-il durer ? Allait-elle finir par sombrer, une nouvelle fois ?

A cette pensée, la rouquine eut un haut de cœur. Mais elle fut brutalement tirée de ses pensées lorsque une puissance inconnue vint la heurter de plein fouet, et qu'elle fut projetée en avant. On la bouscula avec une telle violence qu'elle dut faire quatre pas en avant et lutter pour ne pas s'écrouler contre le béton. Orihime ouvrit grand ses yeux de surprise et fit volte-face dès lors qu'elle eut retrouvé son équilibre. Elle s'était bien doutée qu'autant de force ne pouvait appartenir à cette fameuse Loly, ou même à sa copine blonde, et ses doutes furent confirmés lorsqu'elle se retrouva face à un individu gorgé de masse musculaire qui la dominait de plusieurs têtes.

Il était très imposant, oui, voir effrayant. Et doté d'une beauté qui aveuglait, aussi. Et même si elle l'avait déjà vu – de très près, en plus – elle semblait le découvrir pour la première fois. Ses yeux ne pouvaient s'empêcher de se balader, détaillant ses larges épaules, ses trapèzes imposants, son tour de bras impressionnant, sa mâchoire carrée, son visage viril et pour finir, sa singulière chevelure bleue. Mais le plus important restait ses yeux. Ces yeux d'un bleu si glacial qu'ils feraient frissonner le plus téméraire des Hommes, ces yeux dans lesquels s'agitait une mer sauvagement déchaînée, ces yeux d'une intensité sans pareille dans lesquels Orihime se noya presque instantanément.

Mais la jeune fille fut vite ramenée à la surface lorsqu'elle entendit sa voix purement masculine lâcher du ton le plus méprisant qu'elle eut jamais entendu :

« T'es sur mon chemin, la rousse. »

Ladite rousse le regarda sans la moindre émotion, une expression neutre figée sur son visage, soutenant presque inconsciemment ce regard hautain qu'il lui portait. Enfin, il finit par passer son chemin, non sans lui avoir jeter un dernier œil noir. Il sortit du lycée, tandis que les yeux d'Orihime restaient rivés sur lui. Un instinct sauvage émanait de ce personnage, une lueur animale brillait dans ses prunelles. Il était extrêmement musclé, même autant qu'Ikkaku après réflexions, et arborait une démarche typiquement masculine. Il représentait à lui tout seul la Virilité, symbolisait la force même, la Masculinité.

Mais alors que la rouquine observait ledit Grimmjow Jaggerjack, montant sur son quad déjà chevauché par une femme aux courts cheveux noirs qui lui avait roulé une pelle au passage, elle fut de nouveau interrompue, mais bien moins violemment. Une petite voix pourtant bien grave vint se glisser jusqu'à son oreille, lui susurrant malicieusement :

« Qu'est-ce que tu regardes donc ? »

Sursautant, la pauvre lycéenne fit volte-face et manqua de se cogner contre la tête du craquant jeune homme penché sur elle, qui éclata de rire à sa réaction, rire qui aurait d'ailleurs fait fondre l'entière population féminine du Japon.

- Qu- Oh, Hisagi ! Tu m'as fais peur !

- Je sais, fit-il avec un gigantesque sourire. C'était le but. C'était trop tentant, excuse-moi. Mais tu sais, j'aurais pu faire bien pire...

- Je me vengerais, c'est promis, répondit-elle, avec un sourire complice.

- J'ai hâte de voir ça, continua-t-il sur le même ton, la même lueur malicieuse dans ses iris.

- On dirait bien qu'on va encore rentrer ensemble aujourd'hui, reprit-elle d'un ton enjoué.

- A part si tu y vois un inconvénient, évidemment, ajouta-t-il, feignant la peine.

- Bien sûr que non, répondit-elle en lui s'offusquant. C'est toujours un plaisir !

- Heureux de t'entendre dire ça, fit-il en croisant les bras sur sa poitrine d'un air sérieux, les yeux fermés. Car je ne t'aurais pas lâchée de toute façon, et ce, jusqu'à la fin de l'année.

Tout en entamant une conversation avec son ami, Orihime le regarda. Elle appréciait énormément Hisagi. De ce qu'elle connaissait de lui, il était extrêmement gentil, malin, drôle, altruiste et il la mettait rapidement à l'aise. Il était de ceux avec qui elle avait directement eu des affinités et elle arrivait à lui parler naturellement et facilement, ce qu'elle avait toujours eu du mal à faire auparavant. Il s'éclaircit la voix.

- Au fait, tu me laisserais t'accompagner, ce soir ?

A ces mots, Orihime eut un temps de réaction. De quoi parlait-il donc ? Elle le regarda, incrédule, et il soupira bruyamment, ayant compris que toute évidence, elle n'avait pas compris, elle.

- Au restaurant des quartiers nord. Tu sais, pour ton entretien... D'embauche..., en tant que serveuse...

La rouquine ouvrit sa bouche de stupeur. Oh !

- J'en étais sûr, reprit-il en arborant un sourire mi-satisfait mi-réprobateur. Tu avais oublié ! Sérieusement, tu es forte, Orihime. Très forte. Heureusement que je suis là.

- C'est vrai que je suis un peu tête en l'air des fois..., commenta celle-ci en souriant.

- « Des fois » ? S'exclama-t-il en s'offusquant. C'est un euphémisme, jeune demoiselle !

Elle rigola devant sa moue faussement horrifiée.

- Tu as sûrement raison. C'est très gentil à toi de te proposer, Hisagi. Tu es sûr que ça ne te dérange pas ?

- Idiote, rétorqua-t-il en lui assénant une pichenette sur le haut de la tête. Je te signale que c'est moi qui ai proposé !

A cours d'arguments, elle se gratta la tête avec gêne tout en rigolant, puis après avoir coupé court à ses remerciements, il reprit :

- C'est prévu pour quelle heure ? A moins que ça aussi, tu ne t'en rappelles pas... Je ne serais pas surpris, d'ailleurs. Plus rien ne me surprends, avec toi.

- Si, rétorqua-t-elle avec fierté, ses bras ayant un peu de mal à se croiser sur son torse, ses deux pastèques faisant obstacle. C'est prévu pour 18:30.

- Parfait, s'exclama-t-il, on a quelques heures devant nous. J'aimerais d'abord passer chez moi, avant. Ça te dirais de venir avec moi ? Comme ça, on irait en voiture, au lieu de prendre les transports.

- Tu as une voiture ? S'enquit-elle, surprise. Wow, la classe !

- Et oui, fit-il en faisant mine de frimer dans l'attitude, ce qui la fit éclater de rire derrière sa main. Évidemment, après, c'est comme tu veux. Si tu préfères, je peux aussi venir te chercher chez toi.

- Tu es vraiment très gentil, Hisagi. Je vais t'accompagner chez toi, si tu n'y vois pas d'inconvénients.

- Baka ! Grogna-t-il. Si je te le propose !

Quelques minutes après, ils s'engageaient dans un quartier qu'Orihime reconnaissait comme étant plutôt proche du sien. Bon nombre de fois, Hisagi manqua de s'écrouler de rire sur le sol et à chaque fois, la rouquine le suivait, presque involontairement. Orihime chérissait plus que tout ces moments où elle riait à s'en muscler le ventre, ces moments où la douleur qui torturait son âme devenait plus supportable, ces moments où elle ne se sentait plus seule, ces moments où elle se sentait vivre. Et Hisagi avait ce don là : celui de la faire rire pour tout et pour rien, de rendre hilarant le moindre petit détail pourtant passé inaperçu.

N'importe quel passant aurait pu penser qu'ils étaient ivres, mais non, ils étaient juste deux jeunes qui s'amusaient et avaient des fous-rires incontrôlés, incontrôlables. Enfin, après s'être plié de rire une énième fois, provoquant la naissance de crampes dans leurs abdomens, Hisagi et Orihime s'arrêtèrent devant une maison de taille moyenne, qui avait tout de même une belle superficie, et s'étalait sur deux niveaux. A la vue de cette bâtisse qui lui semblait trop grande pour un seul individu – Halibel mise à part – Orihime se rendit soudainement compte qu'elle était peut-être sur le point de rencontrer les parents d'Hisagi.

A cette pensée, son cœur s'affola et l'idée de soudainement refuser l'aimable invitation lui effleura l'esprit. Mais il était trop tard : Hisagi déverrouillait déjà la porte d'entrée. Allez, courage. Le battant s'ouvrit sur un living room chaleureux et plutôt sobre, légèrement décoré et de composition simple. La cuisine était directement ouverte sur un espace de salle à manger, lui-même ouvert sur le salon, comme ces pavillons de styles européens. Tout était superbement entretenu, et l'intérieur semblait avoir été rénové récemment.

Hisagi posa ses clés sur la commode d'entrée, retira ses chaussures, son blouson, puis invita Orihime à entrer. Tout en la débarrassant de ses affaires, il remarqua son visage à l'affût d'une quelconque figure parentale, et lui souffla à l'oreille : « Elle va t'adorer, tu verras. », avec un éclatant sourire qui lui réchauffa le cœur.

A peine eut-il prononcé ces mots que des pas précipités se firent entendre dans l'escalier de bois sombre. L'effet d'attente était à son comble, la rouquine fixait la cage d'escalier avec appréhension, quand un gros « boom » se fit soudainement entendre, puis... Plus rien. Hisagi se passa une main sur le visage, exaspéré, avant de lâcher :

« Maman... Je pensais que tu avais compris que courir dans les escaliers en chaussettes, c'était une très mauvaise idée...»

Un petit rire assuré se fit entendre en réponse, et ladite maman fit son apparition, avec plus de prudence, et moins d'ardeur, cette fois-ci. Orihime ouvrit grand ses yeux en découvrant la magnifique femme descendit les dernières marches. Elle était d'un gabarit exactement similaire à celui de la lycéenne : pas très grande, dotée d'une taille fine, et d'une poitrine très bien formée, qui semblait tout aussi importante. Elle avait les mêmes yeux en amande que son fils, la même expression, mais se distinguait de lui par son teint un peu moins foncé – car Hisagi était bronzé – et par ses traits occidentaux qu'elle ne lui avait transmis qu'à moitié.

Malgré les quelques légères rides d'expression, qu'on ne distinguait qu'en se focalisant dessus et qui marquaient à peine son visage, elle semblait clairement jeune. Elle était vêtue d'un ensemble pyjama de velours pourpre ; son carré de cheveux noirs aux reflets violets était relevé en une toute petite queue de cheval, et une lueur d'énergie brillait au fond de ses iris sombres. Elle marqua tout d'abord un temps d'arrêt en voyant la rousse un peu timide dans l'entrée, comme mortifiée, et écarquilla ensuite ses yeux bruns.

- B-Bonjour, fit Inoue avec un sourire, se tenant sagement aux côtés de son ami.

Son regard se mit à violemment alterner entre la rouquine et son fils et bientôt, sa mâchoire se décrocha. Mais alors qu'Hisagi s'apprêtait à parler, celle-ci prit une impulsion du diable et se propulsa sur Orihime qu'elle prit dans ses bras comme s'il s'agissait de sa propre fille. Celle-ci, prise du court, émit un petit cri de surprise, avant d'y prendre secrètement goût, contaminée par la joie de vivre de cette magnifique maman.

- Regardez-moi ça, s'écria-t-elle en s'écartant pour observer Orihime de plus près. Mon fils m'a ramené la plus splendide des belles filles ! Elle est belle, polie, et adorable ! Oh, comme je suis heureuse !

Les joues d'Hisagi s'empourprèrent exactement comme celles d'Orihime, et il s'écria d'un ton sévère :

- Maman, mais qu'est-ce qui te prend ? Elle vient à peine d'arriver, et elle n'est pas ta belle fille ! C'est juste mon amie. Sérieux, c'était quoi ça ? C'est bien la première fois.

- Évidemment que c'est la première fois, répliqua-t-elle en lui adressant un regard noir. Tu ne m'as jamais ramené de filles à la maison, excepté Rangiku et Tia.

Le visage du jeune homme prit une teinte cramoisie mais alors qu'il allait répliquer, le regard de sa mère l'en dissuada, d'autant plus le petit rire discret d'Orihime fit disparaître toute sa gêne et sa frustration. Il la regarda avec de grands yeux. Elle se cachait derrière sa main, le visage illuminé de jovialité et rayonnant de vie. Elle était bien plus belle, comme ça. Elle ne semblait plus la moins gênée du monde et l'instant d'après, celle-ci se mit à discuter tranquillement avec sa mère. Il soupira et eut un petit sourire. Il avait menti en disant que plus rien ne le surprendrait, venant d'elle. Elle ne cesserait jamais de le surprendre, c'était écrit.

- Enfin, souffla-t-il, je suppose que vous n'avez pas besoin de moi.

- Tu es brillant, fils, fit sa mère en ricanant, le narguant du regard, entraînant parallèlement Orihime dans le salon.

- Je vais me doucher, répondit-il, ignorant la remarque acerbe de sa jeune mère, avant de disparaître dans l'escalier.

Deux heures s'écoulèrent ainsi, deux heures durant lesquelles Orihime et la mère d'Hisagi, Anna, passèrent leur temps sur le canapé, à discuter, par la suite rejointes par Hisagi, qui avait tout d'abord préparé le repas.

« C'est Hisagi le cuisinier de la maison, avait affirmé Anna à ce moment, avec un air faussement attristé, toutefois teinté de fierté. J'ai bien essayé de m'imposer en tant que Chef Cuisinier, mais il m'a sauvagement humiliée et détrônée dès son plus jeune âge. »

Orihime avait été agréablement surprise quand ledit Chef cuisinier attitré lui avait fait goûté sa sauce d'accompagnement avec ses morceaux de viande. Elle n'avait jamais rien goûté d'aussi bon, et pourtant, il n'y avait ni haricots verts, ni coulis de framboise. Voyant la lumière qui brillait dans le fond de ses grands yeux gris, Hisagi se décida à lui apprendre la recette en question, ravissant à la fois la rouquine, et sa mère, qui observait tout avec attendrissement. Tout au long de la soirée, Orihime en apprit un peu plus sur la personnalité de son camarade de lycée et leur lien d'amitié s'ancra encore un peu plus profondément.

La fin de son après-midi fut ainsi ponctuée de blagues, de conversations agréables, de rires, et d'anecdotes. Elle avait également été stupéfaite de la facilité, du naturel avec lequel elle communiquait avec Anna, au passage âgée de trente-six ans. C'était un des points communs qu'elle avait avec son fils : le courant était tout de suite passé, et elle s'était aussitôt sentie à l'aise en sa présence. Il était bien trop tôt pour pouvoir dire ça, mais c'était la première fois que la rouquine ne se sentait pas de trop dans un foyer. Elle était bien, ici. Même avec les parents de Tatsuki, elle n'avait jamais eu ce type de relation. Elle les adorait, bien sûr, mais...

A cette pensée, le cœur de la rouquine se serra. Elle n'avait toujours pas rendu visite à ses parents... Après tout ce qu'ils avaient fait pour elle, elle était incapable d'aller les voir, et de les soutenir dans la mort de leur fille unique. Mais comment les aider, alors qu'elle-même n'était – et ne serait jamais – dans la capacité de se remettre de la disparition de sa si précieuse Tatsuki ? Son souffle sembla se couper et une intense douleur vint lui saisir les entrailles. Mais à cet instant, Hisagi surgit dans son champ de vision pour la tirer de sa torpeur, de sa panique soudaine.

« C'est l'heure pour toi de faire ton entrée sur scène. »

Il y eut un temps de réaction. Elle le regarda avec de grands yeux. Il lui tendit la main, sa paume s'offrant à elle.

« On y va, Orihime ? »

Le rayonnant sourire qu'il lui adressa effaça d'un coup toutes ses émotions négatives, toute sa douleur, toute sa tristesse, toute sa culpabilité. Tout disparut, pour laisser place une vague de bien-être, d'ondes positives, qu'il lui transmettait à travers son regard et son sourire. Elle riva ses grands yeux brillants dans les siens, porteurs d'une bienveillance infinie et chaleureuse, avant de poser sa main dans sa paume.

Elle lui sourit à son tour et la minute qui suivait, ils sortaient de la maison sous les yeux attendris d'Anna, qui admirait leurs visages illuminés rivés l'un vers l'autre, promesse d'une longue et belle relation.

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