Snakes Of Despair

Chapitre 6 : Chapter five

5031 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans

Chapitre cinquième,

« Allez, on se réveille, les marmottes ! »

Tia Halibel se tenait là, sur le pas de la porte de sa propre chambre, les mains sur ses hanches sublimement dessinées. Un petit sourire sur ses lèvres pulpeuses, elle regardait avec tendresse les deux rouquines qui dormaient dans son grand lit, collées l'une contre l'autre, s'enlaçant dans leur sommeil. Elle ne pouvait s'empêcher d'être attendrie à la vue des visages apaisés de Rangiku et Orihime, qu'elle n'avait jamais vu si reposée.

Au son de sa voix, les deux jeunes femmes se mirent à remuer paresseusement, s'étirant et baillant aux corneilles. Tia s'avança dans la pièce et se contenta d'appuyer sur un bouton pour faire ouvrir les stores de la baie vitrée, ce qui finit de réveiller ses deux amies, encore dans le col-tard.

- Déjà réveillée, Tia ? S'enquit Orihime en se frottant les yeux.

- Elle a st'habitude là, répondit Rangiku en grimaçant. 'S'réveille toujours avant les autres.

- Pas faux, fit la concernée en rigolant. Allez, venez, breakfast is ready !

- Quésh qu'elle dit ? Grommela la blonde vénitienne.

- Que le déjeuner était prêt... Je crois, fit son amie rouquine en repoussant les draps.

Tia rigola, avant de sortir de la chambre, leur indiquant que si elles ne bougeaient pas rapidement, toutes les crêpes et pancakes allaient finir dans son ventre. Puis, elle traversa le couloir et descendit au rez-de-chaussée, où elle avait déjà tout préparé. Mais, même pas une trentaine de seconde après, Orihime déboulait dans le salon, les yeux exorbités, de la bave dégoulinant du coin de ses lèvres.

Tia la regarda, ahurie, immobile, voir limite effrayée. Puis, soudainement, un titanesque gargouillement ébranla l'étage tout entier, faisant trembler les murs et les fondations même de la maison. Les deux amies se fixèrent durant de longues minutes, toutes deux incrédules et stupéfaites. Jusqu'à ce que la blonde se plia de rire, entraînant la rouquine avec elle, des larmes roulant sur son visage. D'autant plus que Rangiku débarqua, affolée, pensant qu'un tremblement de terre se préparait ou qu'un ours avait pénétré dans la maison. Orihime, après s'être calmée, s'excusa, se grattant la tête, gênée.

- Vas-y, fit Tia en lui présentant les mets qui ornaient la table, se retenant pour ne pas exploser une nouvelle fois. Fais-toi plaisir.

- Arigatô, lui répondit-elle, en prenant aussitôt place auprès de Rangiku.

La blonde s'installa également, se saisissant d'une tasse de thé. Elle échangea un regard complice avec son amie Rangiku, exactement sur la même longueur d'onde. Orihime n'était déjà plus la même qu'hier. Elle avait un visage bien plus reposé par la bonne nuit de sommeil qu'elle avait passé et son expression n'était plus déformée par la tristesse et la désolation. Non, au contraire, elle arborait constamment un petit sourire et se jetait avec envie sur les crêpes, les yaourts, les fruits, les céréales, et tout ce qui se trouvait sous sa main.

En effet, sans le savoir, les deux femmes aux nuances de blond différentes venaient d'offrir à leur amie sa première nuit de sommeil depuis plus d'un mois, sa première nuit sans cauchemar, sans pleurs, sans vomissements. Et surtout, son premier lien auquel se rattacher.

Qu'elles le veuillent ou non, le trio était lié.

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- Vous avez vu comment ils nous regardent ? Faites preuves d'un minimum de discrétion, sérieux !

- Fais-pas comme si t'aimais pas ça, Rangiku.

- En effet, rigola la concernée. Oh, matez ceux-là, là-bas ! Ils te dévorent des yeux, 'Hime.

- Je ne suis pas sûre que-...

- La ferme, assena-t-elle, feignant la sévérité. On te dit qu'ils te regardent.

- Il faut dire ce qui est, fit la blonde à ses côtés en s'esclaffant. T'inquiète, tu vas t'y habituer, baby.

M'y habituer ? Répéta cette dernière.

Yeah ! Bon, allez, j'y vais, moi ! J'ai cours dans le bâtiment B. On se retrouve à midi ! Fit-elle avant de disparaître au bout du couloir.

- Merde ! S'écria Rangiku. J'ai oublié de passer en salle des profs ! Putain. Je te rejoins devant la salle dans cinq minutes, 'Hime ! Excuse-moi !

Et sur ce, elle disparut à son tour, en courant, laissant seule la rouquine un peu paumée. Alors, celle-ci dégaina son carnet et détailla méticuleusement son emploi du temps, tout en continuant sa route, non sans hésitation. Elle escalada un premier escalier, atteignant ainsi le premier étage ; et s'engagea ensuite dans un second, ayant pour but de rejoindre le second étage.

Mais alors qu'elle montait innocemment les marches, plongée dans ses horaires, une odeur étrangère lui traversa subitement les narines. Elle n'eut le temps de rien faire. Elle sentit brièvement une pression sur son épaule, et l'instant d'après, elle tombait à la renverse, dévalant la première partie du long escalier qu'elle avait monté.

Orihime s'écrasa sur le sol froid du couloir sans même un gémissement de douleur, comme habituée à ce type de ressenti physique. Après un temps de réaction, elle se redressa sur ses avants-bras. Heureusement pour elle, son sac avait été fermé, aucune de ses affaires n'était donc tombée. Une expression plutôt neutre sur le visage, elle leva ses yeux sur la personne qui venait de la pousser et ce fut sans une once de surprise qu'elle reconnut son agresseuse. C'était cette même petite brune toute menue, arborant ce même rictus malsain, qui l'avait coincée dans cette même cage d'escaliers, la veille.

Encore une fois, celle-ci la dominait de par ses quelques marches de hauteur, les mains sur les hanches, une expression satisfaite sur son fin visage. Cette dernière poussa un petit ricanement, avant de s'appliquer à descendre majestueusement les marches qui la séparaient de sa victime. Mais alors qu'Orihime fixait cette étrange jeune fille aux grands yeux violets, une tâche rouge attira son attention parmi tant d'autres tâches. Cette dite tâche rouge, en train de monter le premier escalier qu'elle avait aussi emprunté, la remarqua, étalée sur le sol. Son sang ne sembla faire qu'un tour.

A une vitesse bien trop affolante, il se précipita et s'agenouilla près d'elle.

« Orihime, s'exclama-t-il en se saisissant automatiquement de son sac pour le porter à son épaule. Tu vas bien ? Que s'est-il passé ? »

Sans même la laisser répondre, il se retourna comme par instinct, et croisa le regard provocateur de la brune en question. Aussitôt, son visage se durcit, et son regard fut traversé par une lueur de fureur qu'Orihime remarqua bien. Cette dernière, par pur réflexe, se contenta de poser sans un mot une main sur son avant-bras, ce qui fit s'évaporer presque instantanément cette même colère.

Puis, une voix s'éleva :

- Je t'avais dit de faire attention, rouquine, fit la lycéenne au décolleté plongeant jusqu'à son nombril.

- Ferme-là, Loly, rétorqua Renji sur un ton purement menaçant. C'est toi qui vas devoir faire attention, à partir de maintenant.

Ladite Loly n'eut pas le temps de lui répondre, car il passa une main sous les genoux d'Orihime, une autre dans son dos, et la seconde d'après, cette dernière était en l'air, uniquement soulevée par les bras musclés moulés dans la chemise blanche de ce tatoué qui la couvait de son regard protecteur.

Renji s'engagea dans le premier escalier, portant la rouquine comme la Princesse qu'elle était, descendant au rez-de-chaussée. La lycéenne leva sur lui ses grands yeux gris emplis de surprise et d'agitation.

- Euh, je- c'est... Renji... Bégaya-t-elle, gênée. Tu...

- Ne t'en fais pas, ce n'est rien, la rassura-t-il avec ce demi-sourire dont lui seul avait le secret. Et puis, tu n'es pas aussi lourde que je l'aurais imaginé.

A ces mots, Orihime s'offusqua légèrement, ce qu'il remarqua bien évidemment. Il rigola avec amusement.

- Va falloir que tu t'habitues à mon humour, jeune fille.

- J'ai toute l'année pour ça, fit-elle en lui adressant un sourire sincère et qui ressemblait à quelque chose, pour une fois.

Renji eut un moment de réaction face à cet éclat de Lumière et de beauté. Wow. Il ne lui avait évidemment pas échappé que depuis son retour de la demeure de Halibel, Orihime avait repris des couleurs et retrouvé de sa beauté, de sa joie de vivre. Pour lui, la jeune fille fermée, brisée, détruite, constamment sur la défensive et insensible qu'il avait rencontrée il y a deux jours n'était pas la véritable Inoue. Même s'il ne l'avait jamais connue qu'ainsi, il savait que ce n'était pas là sa véritable nature. Alors la voir s'ouvrir, la voir se lâcher au point de lui adresser un éclatant sourire qui ne ressemblait pas à une grimace lui réchauffait le cœur. Renji eut un sourire. Il aimait cette Orihime là. Et il remerciait silencieusement Halibel et Rangiku pour ce qu'elles avaient fait, pour lui avoir rendu une partie de son humanité.

- Au fait, où va-t-on ? S'enquit-elle soudainement.

- Quelle question. A l'infirmerie.

- A l'infirmerie ? Reprit-elle. Mais je n'ai ri-

- Regarde ton bras, lâcha-t-il avant même qu'elle n'ait fini sa phrase. Tu saignes.

S’exécutant, Orihime regarda son membre. En effet. Bien évidemment, elle s'était tailladée l'avant-bras sur quelques centimètres. Elle n'y avait même pas prêté attention, et à vrai dire, cette douleur-là était presque réconfortante, comparée à celle qui torturait son être. Presque inconsciemment, la rouquine leva sa main et la posa sur sa poitrine, là où se trouvait son petit cœur souffrant. La douleur était encore là, bien présente, bien puissante. Les Ténèbres aussi étaient là. Elle les ressentait, prête à bondir à la moindre inattention de sa part.

Et pourtant, quand elle était en compagnie de ces camarades, elle arrivait à passer quelques moments sans souffrir des masses, sans s'effondrer en pleurant. Était-ce bien ? Était-ce mal ? N'était-elle pas en train d'oublier Tatsuki ? A cette pensée, une vague de souffrance s'empara de son corps, compressant son cœur et ses entrailles. Sans oublier qu'elle n'avait toujours pas trouvé la force pour aller voir ses parents. Presque instantanément, les larmes se mirent à affluer dans l'enceinte de ses yeux. Mais elle fut tirée de sa rêverie par Renji, qui rompit sa douleur :

- Oi, oi, ta mère ne t'a jamais dit que te toucher les seins devant un gars, ça pouvait avoir des conséquences dramatiques sur nous autres ?

- Ma mère ? Répéta Orihime, pensivement. C'était une prostituée, alors... Pas vraiment.

La jeune fille avait lâché ces mots sans les peser, sans même y penser. Elle fixait le vide d'un regard pensif et ne remarqua donc pas que Renji manqua de trébucher et de s'étouffer à sa réplique. Mais quand elle se rendit compte de l'impact de ces paroles, elle reprit avec affolement :

- Euh, je...- Excuse-moi ! C'est...

- T'inquiète, fit-il. C'est plutôt à moi de m'excuser. On a tous notre propre histoire.

Elle le fixa avec considération et ne put s'empêcher de sourire intérieurement. Elle appréciait déjà énormément Renji.

- Au fait, c'était qui, cette fille ?

- Loly. Fais pas attention à elle, c'est la pire des connasses. Rien qu'à voir ses fringues de pute, tu devrais avoir cerné le personnage.

- Oh ! Fit-elle, surprise par le langage fleuri de son camarade.

- Ah oui, va falloir que tu t'habitues à ça, également. Ben dis donc, t'as du boulot, ma chère Orihime Inoue !

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Le midi, évidemment, Orihime, Renji et Rangiku retournèrent dans ce qu'ils appelaient « le Q.G. » : le bâtiment désaffecté et presque entièrement rebâti par la bande, dont 50 % avaient été réalisés par l'unique participation d'une seule personne : Nemu. Ce chiffre avait énormément surpris Orihime, à qui on expliqua discrètement que derrière son apparence de superbe asiatique un peu nostalgique, ladite Nemu s'avérait être un monstre doté d'une puissance titanesque et d'un sang-froid inébranlable. La rouquine le nota dans un coin de sa tête. Elle voyait maintenant la brune aux yeux d'un vert intense d'un autre œil.

Aujourd'hui, Orihime fit la rencontre d'un nouveau personnage de leur team – qui comptait maintenant autant de membres qu'une équipe de football. Il s'agissait d'Hitsugaya Toshiro, qui faisait justement partie de l'équipe de football du lycée. Inoue se souvenait parfaitement de lui : le magnifique adolescent aux cheveux immaculés d'un blanc parfait ayant un véritable don pour l'attaque. Il la reconnue aussitôt, lui aussi, et une conversation entre les deux s'engagea presque naturellement, à la plus grande surprise de tous les autres, qui n'avait pas l'habitude de voir le Glacial Toshiro s'ouvrir à la première venue.

- J'en reviens pas, commenta Hiyori, affalée sur son pouf couleur pourpre. Pour une fois qu'il fait pas son sauvage, celui-là.

- Non mais je rêve, s'esclaffa Shinji, une cannette à la main. Et c'est elle qui dit ça !

- Qu'est-ce que tu veux, espèce d-

- C'est vrai que c'est rare pour lui de s'entendre aussi bien avec quelqu'un du premier coup, coupa Hisagi, empêchant ainsi la naissance d'une énième dispute entre les deux blonds.

- De même pour Yumichikka, ajouta Tia en les regardant, tous les trois discutant un peu plus loin. Il a l'air de l'apprécier.

- C'est vrai, confirma Renji. Le fait qu'il n'ait pas encore tenté de l'étriper est un miracle.

- Cela vaut aussi pour toi, Renji, Rangiku et Tia. Si on y réfléchit bien, commença Kira, on est tous un peu comme ça, ici. Avez-vous déjà vu l'un d'entre nous se lier aussi facilement avec une personne de l'extérieur ? Personnellement, non.

A ces mots, ils relevèrent tous leurs yeux sur la rouquine, qui rougissait un peu plus à chaque commentaire de Yumichikka, sous les yeux d'un Toshiro qui feignait le sérieux, une lueur amusée dans ses extraordinaires prunelles turquoises.

- Hm... Cette fameuse Orihime doit avoir un don, lâcha Ikkaku, comme une conclusion, finissant d'une traite sa bouteille de bière. 

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Comme à son habitude, Orihime était assise sur sa chaise de cour, à sa place habituelle : près de la fenêtre. Comme à son habitude, Orihime rêvassait, son regard virevoltant sur les diverses éléments du paysage. Comme à son habitude, Orihime, dans son monde à elle, n'entendit pas le professeur prononcer son nom.

Mais lorsque celui-ci prit la peine de se déplacer pour venir taper sur son bureau, celle-ci fut brusquement tirée de ses pensées et sursauta violemment. La classe toute entière la regardait, y compris Renji et Rangiku, qui avaient visiblement tenté de la prévenir, eux aussi.

- Inoue-san, êtes-vous sourde ? S'enquit l'instructeur, agacé.

- Euh... Non... Je... J'étais dans mes pensées. Excusez-moi.

- C'est pas croyable, quand même, soupira-t-il. Que cela ne se reproduise plus ! Maintenant, pouvez-vous vous rendre en salle des professeurs pour me faire des photocopies, Inoue-san ? Puisque vous semblez avoir compris l'intégralité du cours.

La rouquine hocha la tête sans la moindre hésitation et s'empara machinalement de la feuille qu'il lui tendait, avant de se lever et de quitter la salle de cours. Une fois la porte refermée, elle se retourna, puis remonta le couloir pour accéder à l'escalier. Mais alors qu'elle bifurquait mécaniquement à l'angle, elle stoppa net son évolution, s'immobilisant soudainement, et ses bras tombèrent le long de son corps. Elle soupira bruyamment. Et oui. Bien évidemment : Orihime n'avait absolument aucune idée de l'endroit où se trouvait la salle des professeurs.

Alors elle resta là, figée, les yeux rivés dans le vide, fatiguée et perdue. Quand soudain, une voix retentit derrière elle :

« Tu t'es perdue, femme ? »

A ces mots, Orihime fit lentement volte-face, tentant de maîtriser son cœur qui avait raté un battement au son de cette voix étrangère. Elle se retourna, la gorge nouée, et considéra le jeune homme qui la fixait, les mains dans les poches. Que faisait-il là ? D'où venait-il ? Pourquoi ne l'avait-elle pas entendu arriver ? Elle n'eut aucun mal à le reconnaître, avec ses cheveux mi-longs d'un noir extrêmement intense qui contrastaient avec sa peau pâle et les deux singulières larmes émeraudes qui coulaient le long de ses joues. Il était beau. Oui, d'une beauté intrigante. D'une beauté fascinante. Ce qu'il dégageait... Cet aura... C'était... Incroyable. Quelque chose que la jeune fille n'avait jamais rencontré auparavant. C'était inexprimable.

Se rappelant soudainement la question qu'il lui avait posé, elle passa une main derrière sa tête et se gratta bêtement le crâne.

- Je- euh... Oui. J'aurais du penser à ça avant de m'aventurer toute seule, pensa-t-elle tout haut. Sérieux, qu'est-ce que j'avais dans la tête ? Continua-t-elle sans même s'adresser à lui. Ce n'e-

- As-tu peur ? La coupa-t-il subitement.

A ces mots, son sourire gêné disparut et elle leva les yeux vers lui. Quoi ? Elle remarqua alors qu'il s'était rapproché sans même qu'elle l'ait vu bouger. Comment s'appelait-il, déjà ? Oui. Ulquiorra Schiffer-kun. Mais à cet instant précis, ses iris grises croisèrent son regard pénétrant et son cœur sursauta, alors que sa bouche s'entrouvrait imperceptiblement de stupéfaction. Sans même comprendre ce qui lui arrivait, elle se retrouva absorbée par ses grands yeux à la couleur verte inhumaine qui semblaient exercer une sorte d'attraction sur elle. C'était quoi... ça ?

Ils étaient à quelques mètres de distance, et pourtant, Orihime se sentait si proche de lui. Elle avait l'impression d'être... Dans lui. Et elle le sentait en elle. L'intensité de ce contact – bien qu'uniquement visuel – était sans égale. Elle se perdait complètement dans ces centaines de nuances de vert différentes, se noyait dans l'éclat de ses prunelles ahurissantes. Ses entrailles furent secouées par une vague de chaleur glacée, un frisson parcouru son être tout entier. Son cœur s'affola, son sang se mit à taper violemment contre ses veines. Elle n'était absolument pas capable de décrire ce qui lui arrivait, ni même d'en comprendre le sens. Mais c'était puissant. Oh oui, c'était puissant. C'était comme... Électrique. C'était magnétique. C'était surnaturel. Et pour une raison qui lui échappait, elle sentait qu'il en était de même pour lui. Elle le savait.

Elle n'arriva pas à déterminer le temps qu'ils restèrent ainsi, plongés l'un dans l'autre. Mais elle fut vite rattrapée par la réalité, par sa composition d'humaine et du rompre le contact. En effet, elle en avait complètement oublié de respirer durant tout ce temps. Elle se détacha donc brusquement de lui, en manque d'air, et s'appliqua à reprendre sa respiration, le souffle court.

- De... Quoi ? Fit-elle lorsqu'elle eut retrouvé un minimum de contenance.

- N'es-tu pas assez intelligente pour deviner ? Demanda-t-il d'une voix bien trop neutre. As-tu peur de moi ?

- Je ne comprends pas...

- C'est pourtant simple. Quel mot ton cerveau ne comprend-t-il pas ? Est-ce que je t'effraie ?

Orihime le regarda de nouveau, tentant de déceler la moindre trace de raillerie dans son visage – n'osant plus regarder ses yeux plus de quelques secondes – mais elle n'y trouva rien. Absolument rien. Il était sérieux. Alors elle prit sur elle et lui adressa ce détestable rictus qui se voulait être un sourire, qu'elle arborait involontairement dès lors qu'elle se sentait déconcertée ou désemparée.

« Non..., répondit-elle. Bien sûr que non. Je... Pourquoi aurais-je peur de toi ? »

Mais alors qu'elle rouvrait ses yeux plissés, elle le vit bondir sur elle à une vitesse effroyable et une fraction de seconde après, elle se retrouva plaquée contre le mur, la respiration coupée, encadrée par deux bras receleurs d'une force énorme. C'était elle, ou elle avait sa dose journalière de plaquage contre le mur, maintenant ? Sérieux, c'était une manie, dans ce lycée, ou quoi ?

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle se retrouva nez à nez avec le visage d'Ulquiorra, qui la dominait de tout son être. Elle avait une sérieuse sensation de déjà vu. Son odeur enivra ses narines et marqua sa mémoire. Mais à cet instant précis, lorsqu'elle refusa de le regarder dans les yeux, tout revint à vitesse grand V. Absolument tout : Rukia, Ichigo, les inconnus dont elle ne se rappelait pas les visages et pour finir, Tatsuki. La peur et la douleur, devenues complices, sautèrent sur l'occasion, déployant leurs ailes ténébreuses autour de leur victime : une pauvre petite rouquine au cœur broyé et en cours de reconstruction.

« As-tu peur de moi, femme ? » Répéta-t-il.

Mais elle ne l'entendait plus. Elle ne le voyait plus, ne le sentait plus, et il le comprit en voyant ses yeux se couvrir d'un voile. Ses pupilles vrillaient dans le vide, comme si elle voyait quelque chose qu'il était, lui, dans l'impossibilité de voir. C'était bien la première fois, tiens. Lui qui avait la capacité de tout voir, de tout déceler, voilà qu'il se retrouvait confronté à une fille dont il ne pouvait percer le secret.

Il la fixa. Son pouls s'affolait encore plus qu'avant, sa respiration devenait irrégulière et rapide, sa poitrine se soulevait violemment et la chair de poule envahissait peu à peu tout son corps. Dans son cerveau, les images s'enchaînaient sans répit, usant un peu plus la fille rongée qu'elle était déjà. Elle ne se rappelait pas encore de tous les éléments de ce jour-là, mais elle en savait bien assez pour savoir qu'elle ne voulait pas se rappeler.

Mais dès lors qu'il eut compris qu'il n'obtiendrait pas sa réponse – peut-être l'avait-il déjà – l'étrange Schiffer se retira et se décolla d'elle, intrigué. Mais à cet instant, la panique frénétique de la rouquine prit en ampleur et elle écarquilla un peu plus ses grands yeux gris. Sa vision s'embruma alors qu'elle s'affolait et tout devint flou, pour ensuite s'assombrir. L'unique tâche de lumière qu'elle percevait était cette forme floue qu'elle voyait s'éloigner au fut et à mesure. Il partait.

Instinctivement, elle tendit là main vers lui. Elle ne voulait pas qu'il parte. S'il partait... Elle... Mais il était déjà bien loin.

Elle ne l'entendit pas lâcher, plus loin : « La salle des professeurs est au rez-de-chaussée, dans le couloir de l'infirmerie. ». Elle ne le vit pas la fixer du coin de l’œil, avant de disparaître complètement, sans un bruit. Ses genoux lâchèrent et elle flancha aussitôt, s'effondrant sur le sol froid et dur, le sol de sa réalité à elle. Froide. Et dure.

Elle se mit à frissonner, les yeux rivés dans le vide. Elle releva les jambes et se recroquevilla sur elle-même, secouée par de violents spasmes. Elle était seule. Une vague gelée envahit son être, la glaçant jusqu'aux os. Elle était absolument terrifiée, ses prunelles vrillaient dans tous les sens, et il n'y avait personne pour l'aider.

Les larmes se mirent à rouler silencieusement sur ses joues, sans même qu'elle ne les sente. Elle avait froid. Elle avait peur. Elle avait mal. Tout devint noir. Les Ténèbres se mirent à planer au-dessus d'elle comme une bande de vautours affamés. Et l'instant d'après, elles fondirent sur leur victime et l'envahirent sans la moindre difficulté. L'ombre l'avait pénétrée, pour ne plus jamais la quitter.

« Tatsuki... »

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