Avant qu'Henry ne revienne

Chapitre 11 : Prison

1288 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/12/2022 18:29

1946

- Sammy?

Le rideau de fer resta fermé et Joey n'entendait que le silence, épais et vaguement menaçant qui régnait dans la salle d'enregistrement déserte. Il soupira.

- Je sais que tu es là. Je veux t'aider.

Il avait un peu de mal à garder un ton posé, alors que ce brusque coup de folie meurtrière aurait pu avoir des conséquences désastreuses et que les choses étaient déjà assez compliquées. Heureusement, il s'en était rendu compte tôt le lendemain, car il embauchait souvent dès six heures du matin pour travailler au calme, et il avait donc pu s'occuper du problème avant que quiconque ne tombe sur les corps. Il lui faudrait faire taire les quelques témoins qui avaient réussi à s'échapper, oui, mais chaque chose en son temps.

- S'il te plaît, Sammy. Je voudrais que nous en parlions. Tu m'ouvres ?

Mais le musicien faisait le mort. "Probablement qu'il l'est vraiment à présent," pensa distraitement Joey en continuant à marteler la porte de son sanctuaire en l'appelant d'une voix qui se voulait inquiète. Le contact avec l'encre était mortel. Le musicien - qui ne jouerait plus jamais de musique - avait été le seul à y être exposé sans avoir été sacrifié d'abord, puis soumis a la machine. Il avait probablement été lentement dévoré vivant, membre par membre, en se voyant changer sans savoir comment arrêter la corruption. En plus de perdre la tête... Car il s'était également mis à adorer Bendy au point de lui sacrifier des gens comme certains croyants sacrifient des moutons.

Au bout de deux minutes, il commença à caresser l'idée de demander à Caym de forcer l'entrée, pressé par le temps, quand le rideau se leva enfin dans un bruit de métal froissé. Joey ne risquait rien et il savait déjà à quoi il ressemblait grâce aux enregistrements de surveillance, et pourtant, il tressaillit légèrement en voyant Sammy émerger de l'entrée pleine d'instruments de musique. Il pinça les lèvres, écœuré par ce gâchis. Depuis sa disparition, Sammy avait dû continuer à consommer de l'encre et il avait fini complétement transformé par elle. Il était méconnaissable à présent, sans ses traits fins, ses yeux clairs et ses cheveux blonds. Il ne restait de lui qu'un corps noir d'encre, aux vêtements tachés et au visage lisse.

Et il était impossible de le sauver. Joey avait assez avancé dans ses recherches pour savoir que les ravages de l'encre étaient permanents. "Il faudra quand même vérifier si l'ingestion d'encre rend automatiquement fou..." À cause d'un bête accident, il perdait un excellent directeur de département, en plus de se retrouver avec un problème de plus.

- Recule, Joey! Tu ne dois pas m'approcher. Je... Je ne sais pas combien de temps je vais rester conscient. La Voix...

"Un éclair de lucidité? Bien."

- Tout va bien, Sammy. Je suis là pour t'aider. On va arranger la situation.

L'homme d'encre secoua la tête.

- Je ne crois pas qu'on puisse arranger quoi que ce soit. J'ai... Mon dieu, j'ai tué des gens hier.

- Je sais. Mais j'ai tout nettoyé moi-même, personne ne saura rien.

- Tu as nett... Tu as pris ce risque ?

- Ça a l'air de te surprendre, mais oui, bien sûr. Depuis combien de temps nous connaissons-nous ? Quinze ans ? Je sais que tu n'es pas un tueur. Il fallait que je t'aide, c'est à ça que servent les amis, non ?

Il l'avait su dès le début. Sammy n'avait pas les épaules assez larges pour accepter de se salir les mains comme lui, et le fait qu'il panique ainsi ne faisait que le conforter dans son idée. Heureusement qu'il ne l'avait pas inclus dans son grand projet, et qu'il ne lui avait jamais dit ce qu'il faisait vraiment avec la machine et avec tous ces donneurs qu'il fallait sans cesse remplacer.

- Viens. Tu as certainement peur, mais fais-moi confiance. Je sais comment te guérir. Tout va redevenir comme avant. Tu pourras oublier ce cauchemar et retourner à la musique, il faut seulement que l'on aille ensemble jusqu'à la machine à encre.

" Jusqu'au pentacle d'invocation de Caym, plus précisément. Pour qu'il puisse s'occuper de toi."

- Oui, je voudrais... Je voudrais que ça s'arrête. Je ne veux plus entendre la Voix dans ma tête, Joey ! Et... Je ne veux plus jamais avoir à faire ce qu'elle m'ordonne.

- Suis-moi, et tu en seras libéré, je te le promets, répondit-il en retenant une grimace sceptique.

Comme il était facile d'accuser quelqu'un d'autre, imaginaire ou non, de l'horreur de certains de nos actes. C'était quelque chose que lui ne s'était jamais abaissé à faire.

Ils coururent presque jusqu'au hangar fermé à clef qui contenait la machine à encre, alors que Sammy pleurait, la main écrasée sur sa bouche sans lèvres. Joey était trop occupé à veiller à ce qu'ils ne croisent personne pour y prêter vraiment attention, et de toute manière, il ne le voyait plus comme un homme. Ce qu'il traînait par le poignet n'était plus le soutien discret et loyal qui l'avait écouté si souvent, ni le compositeur de talent en qui il avait eu confiance. Ce n'était qu'une ombre, une empreinte. Un donneur de plus pour la machine.

Joey déverrouilla la lourde porte en bois, celle dont il était le seul, avec Thomas, à en avoir la clef, et poussa Sammy à l'intérieur. Il entra derrière lui, et se détendit dès que la porte fut refermée. "Bon. Ça se présente bien."

Ignorant ses questions inquiètes, il se dirigea vers la machine. Sous elle, invisible aux yeux des autres, était dessiné avec du sang d'animaux le grand cercle d'invocation qui liait Caym à cette dimension. C'est là qu'il était le plus simple d'entrer en contact avec lui et que le démon avait le plus de pouvoir. Joey posa la main sur le métal froid de la machine, et immédiatement, il sentit une petite décharge dans la poitrine. Il n'avait pas besoin d'appeler pour savoir que Caym était attentif. Il s'adressa à lui à voix haute.

- Débarrasse-moi en. Il ne m'est plus d'aucune utilité.

La réponse s'insinua douloureusement dans sa tête comme un début de migraine.

"Je peux l'enfermer dans le Studio, et faire en sorte que personne ne sache qu'il est là. On ne le verra pas et on ne l'entendra pas. Mais à une condition."

Joey ne s'était pas attendu à ce que le démon lui fasse une faveur sans en profiter. Il releva le menton.

- Laquelle?

"Tu continuera à entendre ses cris."

Joey haussa les épaules sans jeter un seul coup d'œil à Sammy, dont les orbites plein de larmes noires s'étaient agrandis.

- D'accord.

La machine se mit en marche d'elle-même, et une épaisse giclée d'encre sortit du gros tuyau principal, formant une vague miroitante aussi haute qu'un homme qui passa devant Joey et se dirigea vers Sammy. L'ex-musicien poussa un cri de terreur, les mains tendues devant lui pour se protéger, et le supplia de l'aider. Joey resta immobile et regarda la vague déferler sur Sammy pour l'engloutir en un instant, coupant net sa voix. Le silence retomba brusquement. La vague se reforma et revint lentement vers la machine avec des précautions de boa repu. Elle s'écrasa ensuite contre le métal et y disparut comme si elle n'avait jamais existé. Joey soupira. Problème réglé.

- Bien. Maintenant, voyons ce qu'on peut faire des témoins...

Laisser un commentaire ?