L'Oracle de Gotham
Chapitre 8 : Un grand coup dans la fourmilière
4760 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 05/07/2025 09:57
Le mystérieux justicier donna rendez-vous à Julia la nuit même sur le toit de l’immeuble. Elle transféra les informations sur son ordinateur portable dont elle arracha d’un coup sec le clavier détachable pour le transformer en tablette, plus simple à manipuler. Peu après minuit, elle monta sur le toit de son immeuble et attendit, vêtue de son simple jogging noir.
Tandis qu’elle faisait les cent pas sur le toit, une forme massive mais agile se glissa dans la nuit :
— Qu’avez-vous trouvé ? retentit une voix sombre.
Julia sursauta tout en se retournant vivement. La surprise passée, elle se rapprocha de lui et se posta à ses côtés pour lui présenter les informations qu’elle avait dénichées.
— Le commissaire Loeb doit superviser un trafic, expliqua-t-elle brièvement. Tous les mercredis, il se rend dans les docks à la même heure pour réceptionner un container provenant toujours de la même compagnie.
Pendant qu’elle décrivait sa découverte, elle faisait défiler les captures d’écran des vidéos qu’elle avait récupérées, montrant le commissaire Loeb et plusieurs policiers ripoux qui faisaient transférer les caisses dans des camions.
— Par contre, je ne suis pas parvenue à voir ce qu’ils trafiquent, poursuivit Julia en diffusant une vidéo surveillance.
Elle fit un arrêt sur image où Loeb ouvrait une caisse pour vérifier la marchandise. La qualité de la vidéo ainsi que les jeux d’ombres ne permettaient pas d’identifier ce que contenait les caisses.
— J’identifie le contenu des caisses et je les neutralise, résuma alors le justicier masqué.
— Exact, confirma la jeune femme. Dans l’idéal, prélevez un échantillon du produit trafiqué. Il faudrait pouvoir l’analyser et l’envoyer avec le reste des preuves.
— Très bien, je m’en charge, conclut-il de sa voix rauque.
Il allait repartir quand Julia l’arrêta encore :
— S’il vous plaît, n’utilisez pas votre générateur à impulsion, que je puisse vous suivre au travers du réseau des vidéos surveillance.
L’homme chauve-souris hocha la tête à l’affirmative avant de disparaître. Julia n’avait plus qu’à attendre le mercredi minuit en espérant le succès de leur première mission. Elle se sentit néanmoins un peu démunie car elle ne pourrait pas agir pleinement sur ce qu’il se passerait ce soir-là.
Il y avait trois journées à patienter pour la jeune femme, qu’elle occupa en retournant à son travail après un congé maladie non rémunéré. Elle déjeuna avec Stéphanie comme elles en avaient pris l’habitude, mais aussi avec le lieutenant Gordon. Elle avait tenté de préparer un peu le terrain sans rien lui divulguer de son intention secrète de lui confier la responsabilité de l’arrestation du commissaire Loeb. Elle avait gentiment amené le sujet sur le commissaire, et fut sûre de l’intégrité du lieutenant lorsqu’il lui fit entendre qu’il n’avait pas confiance en Loeb. Elle reparla du mystérieux inconnu masqué pour savoir si d’autres affaires où on l’aurait aperçu avaient fuités, puis il lui confia qu’il était intervenu plusieurs fois contre des malfrats de second ordre. La jeune femme en conclut qu’ils pourraient lui faire confiance pour mener à bien leur projet dans la dernière ligne droite, à savoir l’arrestation de Loeb et le début de l’assainissement dans les rangs de la police.
Julia fut également invitée plusieurs fois à boire le café avec son nouvel ami multimilliardaire ; celui-ci tint néanmoins parole, car il fit en sorte qu’on ne les voie jamais ensemble ni qu’aucun journaliste ne puisse faire le lien entre eux. Elle avait également remarqué que depuis leur rencontre devant le Parkside Lounge, Monsieur Wayne ne s’était plus présenté avec une femme devant les médias. Elle apprécia beaucoup ses efforts, et le lui fit sentir lors de leurs différentes entrevues. Ils discutaient de plus en plus librement ensemble, partageant leurs opinions sur des sujets divers et variés. La jeune femme aimait le taquiner, le faisant toujours passer pour un enfant pourri gâté qui ne savait rien faire de ses mains. Monsieur Wayne prenait très bien ses remarques, les appréciait même. Il finit par l’inviter à dîner au manoir le mardi soir. Julia accepta.
Même si la jeune femme avait insisté pour que ce dîner soit celui entre deux amis, elle ne put elle-même s’empêcher de réfléchir à la tenue qu’elle allait porter. Elle en essaya plusieurs, insatisfaite, pour terminer avec une tenue des plus simples : un jean noir, un haut ample en jersey satiné rose saumon évasé sur les épaules, bordé d’une dentelle blanche et de perles, ainsi qu’une paire d’escarpins noirs. Elle se maquilla très peu, un simple trait d’eyeliner et du mascara, ainsi qu’un rouge à lèvres d’un rose mat proche de sa carnation. Une voiture était censée la récupérer vers 19 heures en bas de chez elle. A 19 heures tapante, une Rolls-Royce noire ancien modèle l’attendait devant l’immeuble. Elle entra rapidement dans la voiture rutilante et s’assit sur la banquette arrière. Elle salua timidement le chauffeur, qui se présenta :
— Alfred Pennyworth, dit-il avec un accent britannique, je suis le majordome de Monsieur Wayne.
— Enchantée, Monsieur Pennyworth, répondit-elle en attachant sa ceinture.
Le trajet fut paisible, la conduite de Monsieur Pennyworth était d’une grande fluidité. Julia aperçut enfin les jardins de la demeure des Wayne, puis le majordome continua sa route jusqu’à un parking privé souterrain où se trouvaient une vingtaine de voitures de luxe garées en épi, à l’abri de tout voleur. Il lui ouvrit la portière et l’aida à descendre, puis lui demanda de le suivre au travers du garage jusqu’à une petite volée d’escaliers en colimaçon. Arrivée en haut, elle ne reconnut pas les lieux, ils se trouvaient dans l’une des deux ailes du manoir.
Bruce Wayne dévalait un large escalier qui menait aux étages pour venir accueillir son hôte, vêtu d’un costume deux pièces bleu marine, dont la veste cintrait parfaitement ses larges épaules et sa taille, par-dessus une chemise de popeline de coton et de soie gris perle dont il essayait d’accrocher des boutons de manchette en platine, gravées de ses initiales qui s'entrelaçaient subtilement.
— Vous êtes bien élégant pour un dîner entre amis, releva Julia en soupirant.
Bruce s’arrêta dans son élan et se regarda rapidement en ouvrant les bras.
— Je n’ai pas mis de cravate ! s’exclama-t-il pour sa défense.
Julia secoua la tête tout en souriant.
— Mais vous êtes aussi ravissante, rétorqua-t-il en souriant, et pourtant je ne vous en fais pas la remarque, moi !
— Vous êtes incorrigible ! lui lança-t-elle en riant.
— Venez, suivez-moi, le dîner sera bientôt prêt, dit-il en lui tendant son bras.
Il fit alors un signe à Alfred, signal que la jeune femme ne comprit pas, mais le majordome parut parfaitement au fait de la situation. Ils traversèrent sans s’arrêter une vaste salle à manger où la table avait été richement dressée, puis descendirent un nouvel escalier en colimaçon caché derrière une petite porte dérobée qui devait servir pour le personnel. Ils aboutirent dans une petite salle à manger et un coin cuisine qui devait à l’époque servir pour les domestiques, et qui procurait une sensation bien plus intimiste que la salle à manger du manoir. Ils y retrouvèrent Alfred Pennyworth qui avait revêtu un tablier et terminait d’éplucher des gousses d’ail.
— Vous m’excuserez mademoiselle, je n’ai pas tout à fait terminé encore, dit-il de son accent britannique châtié.
— Vous êtes tout excusé ! s’exclama Julia, Monsieur…
— Appelez-moi Alfred, l’interrompit le majordome avec un grand sourire chaleureux.
Il devait avoir passé la soixantaine d’années, les cheveux gris presque blancs, le visage ridé mais avenant. Son accent ainsi que son nom de famille trahissaient son origine britannique. Il avait de petits yeux bleus en amande et une bouche aux minces lèvres qui semblait constamment afficher un léger sourire. Sa tenue était impeccable, composée d’un pantalon noir et d’une redingote par-dessus une chemise blanche parfaitement repassée, ainsi que d’un veston noir. Le tablier contrastait avec sa tenue.
— J’ai cru déceler chez vous un accent français, dit Alfred pour lancer la conversation.
Julia marqua un temps de pause, surprise.
— Vous l’avez entendu ? s’étonna-t-elle.
— J’avoue qu’il est très léger, mais oui, acquiesça le majordome dans un français impeccable.
Julia ne put répondre, prise au dépourvu. Cela faisait plus de dix ans qu’elle n’avait plus eu l’occasion d’entendre ni de parler sa langue maternelle. Les larmes lui montèrent aux yeux.
— Vous parlez français ? dit-elle dans sa langue, la voix débordante d’émotions.
— J’ai rarement l’occasion de la parler, mais j’ai toujours aimé sa rythmique et ses sonorités, confirma Alfred. Je suppose donc que vous aimerez ce que j’ai préparé : un aïoli.
Julia resta bouche-bée, stupéfaite.
— Comment savez-vous que je suis d’origine niçoise ? s’exclama-t-elle, le français reprenant naturellement le pas.
— Je ne le savais pas, rit doucement Alfred.
— Je n’ai pas tout compris, intervint Bruce, dépassé par la conversation.
— Mademoiselle est d’origine française, de la Côte d’Azur, lui traduisit Alfred avec une pointe de condescendance qui fit rire Julia.
— C’est vrai ? Vous ne me l’aviez jamais dit, s’exclama-t-il alors.
— Vous ne me l’avez jamais demandé, répliqua la jeune femme avec taquinerie. Puis-je vous aider à préparer, Alfred ? ajouta-t-elle à l’adresse du majordome.
— Si cela ne vous dérange pas, répondit-il en lui tendant un tablier.
— Au contraire ! J’adore cuisiner.
Elle attacha le tablier autour de sa taille et s’enquit de ce qu’avait déjà préparé Alfred. Elle se proposa alors de préparer la mayonnaise à l’ail et mit à contribution Monsieur Wayne. Elle lui fit finir d’éplucher les gousses d’ail pour pouvoir ensuite les passer au pilon au fond du saladier. Elle y ajouta deux jaunes d’œuf, qu’elle pilonna pour obtenir une pâte homogène. Pendant ce temps, Alfred s’occupa de la fin de la cuisson des légumes et du poisson. Une fois la pâte à l’ail obtenue, elle confia le saladier à Bruce ainsi qu’un fouet et lui ordonna de fouetter de manière énergique et régulière pendant qu’elle verserait un filet d’huile.
— Allez, du nerf ! le tança-t-elle avec humour.
Bruce donna un coup énergique qui les éclaboussèrent. Julia se mit à rire, suivi du trentenaire, puis elle le rabroua et le somma de fouetter encore. La mayonnaise prit, puis monta, jusqu’à ce que la jeune femme s’arrête d’ajouter l’huile. Elle prit une petite cuillère et la fit goûter à Bruce.
— C’est très fort en ail, remarqua-t-il en faisant une légère grimace.
— C’est le but ! se réjouit-elle.
Alfred annonça que les légumes et le poisson étaient cuits, puis ils débarrassèrent la table de la cuisine afin d’y manger tous ensemble. Le repas fut savoureux et convivial. Alfred, sous les supplications de Julia, se mit à raconter quelques anecdotes sur monsieur Wayne quand il était enfant, comme la fois où il était tombé dans un puits condamné et qu’il y était resté pendant des heures ; une fois qu’on l’eut retrouvé, son père était descendu en rappel pour le récupérer, il s’était foulé la cheville. Ou encore lorsqu’il voulut jouer à une partie de cache-cache dans le manoir et qu’il s’était endormi au fond de l’armoire de sa mère. Le jeune homme fit mine d’être embarrassé, mais il aimait cela. C’était simple, intime et joyeux.
A la fin du repas, Bruce invita la jeune femme à boire un verre de vin dans un petit salon où se trouvait une cheminée. Alfred y alluma un feu et les laissa pour la fin de la soirée. Julia avait enlevé ses escarpins et s’était assise dans le canapé, les genoux repliés sous elle ; Bruce quant à lui s’était assis à même le tapis et regardait le feu crépiter dans l’âtre. Ils restèrent un moment silencieux à siroter un excellent Syrah rouge, jusqu’à ce que Julia brise le silence :
— Pourquoi vous sentiez-vous coupable après le décès de vos parents ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.
Bruce ne répondit pas tout de suite, son regard perdu dans les flammes.
— Nous étions sortis à l’opéra ce soir-là, se souvint-il douloureusement. Alors que nous regardions Nabucco de Verdi, j’ai pris peur d’une scène, et j’ai demandé à mes parents de sortir de l’opéra. Si je ne leur avais pas demandé cela, peut-être qu’ils seraient toujours en vie. C’est pour cela que je me sentais coupable à l’époque. Parce que j’avais eu peur.
Bruce fronça soudain les sourcils avant de se retourner vers elle :
— Comment le savez-vous ? demanda-t-il perplexe.
Cette fois-ci, ce fut elle qui garda le silence un instant, avant de lui raconter comment elle avait appris son histoire et ce qu’elle avait cru déceler dans la photographie du journal. Cela l’avait intriguée. Comprenant mieux l’interrogation de la jeune femme, Bruce poursuivit :
— En grandissant, je me suis rendu compte que ce n’était pas moi le coupable. J’ai d’abord rejeté la faute sur le voleur qui avait tiré sur eux, puis j’ai compris que lui non plus n’avait pas eu le choix, qu’il était désespéré. Le coupable, c’était en fait mon père.
Ce fut au tour de Julia de froncer les sourcils.
— Parce qu’il n’avait pas agi, continua-t-il. Parce qu’il n’avait jamais réellement agi pour cette ville, finalement.
— Et vous, agissez-vous pour cette ville ? lui lança alors Julia.
Sa mâchoire se serra tout d’un coup, puis il but une longue gorgée de vin et resservit le verre de Julia avant de se resservir lui-même.
— Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas reparlé de ces événements, dit-il en dissimulant son sentiment de frustration. Et vous, pourquoi avoir quitté la France ?
— Je n’ai pas eu le choix, répondit-elle. Après la mort de ma mère, quand j’avais douze ans, mon père a décidé de partir aux Etats-Unis pour faire fortune. Il s’est noyé dans la boisson, et a fini par mourir quand j’avais dix-sept ans. Je me suis mise à travailler très tôt, des petits boulots, pour qu’Adeline et moi survivions, et on n’est jamais rentrées en France.
— Qui est Adeline ? demanda alors Bruce en se tournant vers elle.
Julia marqua un temps d’arrêt. Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle avait mentionné ce nom à voix haute. Elle se mordit la lèvre.
— Ma petite sœur, finit-elle par répondre.
— Que fait-elle maintenant ? demanda-il encore.
Julia garda un instant le silence, les larmes lui montaient aux yeux. Bruce se retourna tout à fait et vit les larmes briller sur ses joues. Il se leva pour s’asseoir à ses côtés, déposant une main réconfortante dans son dos.
— Elle est portée disparue depuis plus d’un an, dit enfin Julia d’une voix éteinte et tremblante. Depuis septembre l’année passée, ils ont abandonné les recherches.
Elle essuya les larmes qui coulaient sur ses joues, puis se leva brusquement.
— Je vais rentrer, dit-elle abruptement en enfouissant son chagrin derrière un visage distant et un regard froid.
— D’accord, répondit simplement Bruce qui respecta la douleur de la jeune femme. Alfred va vous raccompagner.
Julia le remercia d’un signe de tête. Sans un mot, Alfred la raccompagna en voiture jusque devant la porte de son immeuble, puis avant de partir, Julia le remercia infiniment pour la soirée, et pour sa gentillesse. Le majordome lui sourit avec chaleur et bienveillance, puis la salua. Elle regarda la voiture repartir, puis monta dans son appartement où elle se retrouva seule.
Là, elle laissa éclater sa douleur. Les larmes ne s’arrêtaient plus de couler, mais c’était autant de colère que de peine. Elle n’avait pas avancé dans sa recherche. Elle n’avait rien trouvé qui puisse la mener à sa sœur. Elle voulait toujours la croire vivante, même si au fond d’elle-même, elle savait que les chances diminuaient comme peau de chagrin. Vivante ou non, Julia avait besoin de savoir ce qu’il lui était arrivé. Elle n’abandonnerait pas. Ce fut sur ces pensées qu’elle finit par s’endormir dans son lit, son oreiller humide de larmes.
Le mercredi matin, Julia reçut un message de la part de Bruce Wayne tandis qu’elle était à son bureau de la mairie. Il l’invitait pour un simple café pendant sa pause méridienne. Elle accepta, ne voulant pas le laisser sur les événements de la soirée.
Le trentenaire fut exemplaire : il ne releva pas l’incident mais prit des nouvelles avec tact. Elle l’en remercia intérieurement, et le rassura de vive voix. La chaleur du repas et les vapeurs d’alcool avaient été propices à une intensification des émotions qu’elle aurait préféré garder pour elle. C’est alors que Bruce eut des paroles qui l’émurent :
— Les amis sont là pour cela.
Elle l’observa bouche-bée puis, tout à coup, elle se blottit amicalement dans ses bras, la chaleur de son étreinte suffit à apaiser son esprit. Elle fut d’ailleurs étonnée par la puissante musculature du trentenaire qui saillait discrètement sous son costume d’homme d’affaires.
— Merci, murmura-t-elle en enfouissant son visage dans son épaule ; son odeur aux notes boisées lui plut.
Il la serra d’une étreinte protectrice tant qu’il ressentit qu’elle en avait besoin, puis la relâcha lorsqu’elle se dégagea de ses bras. Elle repartit à son travail une fois sa pause terminée, rassérénée.
Le soir venu, Julia s’installa devant ses écrans d’ordinateur à l’abri dans la mezzanine après s’être douchée et mise à l’aise. Une mission importante l’attendait cette nuit, même si elle n’allait pas agir directement. Elle voulait voir le Batman en action. Minuit approchait, la jeune femme s’était raccordée au réseau des caméras des docks et observait les containers. Puis, elle vit apparaître plusieurs voitures qui escortaient un camion et une voiture banalisée. Ils se garèrent devant le container portant le numéro 89 en provenance d’Asie. Elle repéra une patrouille qui guettait parmi les autres containers des docks, puis aperçut une ombre furtive les recouvrir. Les deux hommes disparurent des écrans, neutralisés. Julia se redressa sur son siège, captivée. Elle recentra sur la cargaison des trafiquants, et vit le commissaire Loeb qui examinait la marchandise et qui avait mis de côté deux caisses qui furent chargées dans la voiture. Elle tenta des captures d’écran, et ne put qu’entr’apercevoir ce qui ressemblait à des ours en peluche, ainsi que des lapins. Elle fronça les sourcils. Ceux-ci devaient sûrement contenir le produit illicite.
Deux autres policiers disparurent des caméras, mais Julia se rendit compte qu’il y avait trop de lumières vers le container pour que le Batman puisse agir librement. Elle intégra alors le réseau électrique, sélectionna les lampadaires proches de leur position et les éteignit. Elle enclencha ensuite les lumières de secours, créant une atmosphère sombre ou les ombres pouvaient régner. Elle put alors l’apercevoir qui neutralisa l’ensemble des ripoux, les uns après les autres. La jeune femme remarqua néanmoins que le commissaire tentait de s’échapper, il se dirigeait vers sa propre voiture. Elle prit l’appareil de communication :
— Loeb prend la fuite, côté ouest, dans une berline noire, dit-elle rapidement.
Le Batman se tourna du côté ouest et lança deux projectiles qu’il avait à sa ceinture ; il creva les pneus de la voiture, puis, une fois qu’il eut assommé le dernier homme de main du commissaire, il arracha la portière, tira Loeb à l’extérieur par le col et le jeta violemment à terre. Loeb sortit son arme et le visa, mais l’homme chauve-souris écrasa son poignet du pied et éloigna l’arme. Il lui asséna un violent coup dans la figure, le commissaire en perdit connaissance. Il attacha solidement tous les trafiquants et les ripoux désarmés, puis ouvrit l’une des caisses de la cargaison. Il examina l’un des ours en peluche, l’ouvrit dans le dos et y découvrit des sachets de drogue. Il en subtilisa un, versa la poudre blanche dans deux petites éprouvettes et les rangea à sa ceinture, avant de s’en aller dans l’ombre.
Julia avait déjà préparé tout le dossier de preuves et l’avait envoyé de manière anonyme sur le téléphone portable de Jim Gordon afin qu’il puisse agir tout de suite. Elle vérifia que le lieutenant de police arrivait bien sur les lieux et mettait en arrestation la bande de ripoux. Soudain, l’émetteur-transmetteur s’activa :
— Rendez-vous sur le toit.
— Compris, répondit-elle en récupérant sa tablette qu’elle avait relié à son programme Oracle.
Elle monta rapidement sur le toit de son immeuble et attendit avec impatience. Pendant ce temps, elle observait toujours les vidéos surveillance des docks, jusqu’à ce qu’elle aperçoive l’arrivée du lieutenant Gordon sur les lieux. Il procéda directement à l’arrestation du commissaire et de ses hommes de main avec l’aide des policiers qu’il avait recrutés.
— Oui ! s’exclama-t-elle avec triomphe.
Julia entendit un bruissement près d’elle et aperçut la silhouette massive du Batman.
— Vous avez réussi ! lança-t-elle avec joie. Gordon est en train de les arrêter en ce moment-même.
La jeune femme se posta à ses côtés et lui montra les images en temps réel.
— Nous venons de donner un grand coup de pied dans la fourmilière, poursuivit-elle. Il va falloir s’attendre à une réaction de Falcone.
— Il essayera de faire acquitter ses hommes, commenta Batman de sa voix rauque.
— Notre prochain coup doit donc nettoyer le palais de justice, répondit-elle à nouveau d’un ton sérieux. J’imagine qu’il doit avoir le procureur, ou des gens autour de lui qui sont corrompus.
Elle se mit à fouiller les données qu’elle possédait sur tous les employés du palais de justice. Batman observa par-dessus l’épaule de la jeune femme.
— Comment avez-vous obtenu l’accès à ces informations ? demanda-t-il intrigué.
— Le programme Thorne, sourit-elle avec malice. Mais je suis encore trop limitée. Idéalement, j’aimerais avoir accès à toute la ville par les services publics et privés. Si je pouvais avoir accès aussi à certains satellites, cela me permettrait d’agir sur tous les appareils connectés en réseau wi-fi, mobile, etc. Mais en soi, il me suffit d’avoir une porte d’accès pour contrôler tout appareil électronique. Pour les services de la ville, je les ai tous intégré grâce à la création d’une backdoor…
Julia s’interrompit. Elle ne devait pas non plus trop en dévoiler sur son système afin de maintenir son efficacité.
— Notre première collaboration est un succès, releva-t-il.
— Oui, acquiesça Julia. Mais si nous devons continuer à collaborer, je pense qu’il est nécessaire que nous puissions communiquer plus facilement. Au vu de certains de vos équipements, je me dis que vous devez avoir un très bon fournisseur…
— C’est exact, confirma-t-il simplement.
— Si vous avez l’occasion de vous munir d’un appareil de communication, type oreillette par exemple, je pourrai m’y appairer sans difficulté.
— Je vais voir ce que je peux faire, dit-il avec un hochement de tête.
— Bien, répondit-elle. Dès demain, nous aurons des nouvelles de Falcone je pense. Cela me permettra de déterminer qui travaille exactement pour lui au sein de la justice. Ainsi, nous pourrons mettre en place notre prochaine intervention.
— De mon côté, je fais analyser ceci et l’enverrai au lieutenant Gordon, ajouta l’homme chauve-souris en montrant les fioles récupérées.
Julia fronça soudain les sourcils, un élément de leur intervention lui revint en mémoire :
— Vous avez prélevé les deux éprouvettes sur la même peluche ?
— Oui, pourquoi ?
— Il y avait beaucoup d’ours, mais très peu de lapins, réfléchit à voix haute la jeune femme. Y avait-il encore des lapins ?
— Non.
— Pourtant, j’ai vu des lapins en peluche, marmonna-t-elle en revisionnant les vidéos surveillance. Regardez, là.
— Deux caisses qu’ils ont emportées en premier, fit remarquer Batman.
— Ces peluches doivent contenir autre chose, en conclut Julia. Il faut savoir quoi, et où ces caisses ont été emmenées.
— Je m’en charge.
Elle acquiesça d’un signe de tête.
— On se recontacte dès que l’un de nous a du nouveau, dit-elle en lui tendant la main.
La jeune femme avait considéré cette première mission comme un test pour leur collaboration. Cette main qu’elle lui tendait signifiait la confiance qu’elle lui accordait désormais. Batman la lui saisit, scellant tacitement leur alliance.