L'Héritage des Ombres : Le Souffle de la Résistance

Chapitre 14 : Conséquences

6055 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/06/2024 22:31

Ezio, le visage grave, traversa rapidement l'entrée du quartier général de la résistance, portant Arianna dans ses bras. Son regard se posa sur Isabella qui le suivait, son visage crispé en un masque de rage et d'inquiétude. Chaque battement de cœur d'Arianna résonnait dans ses bras comme une accusation silencieuse.


Il pénétra dans leur chambre et déposa délicatement Arianna sur le lit. Sa main trembla lorsqu'il effleura son front, trouvant sa peau glacée et humide. Un vertige de peur et d'incertitude s'empara de lui, chaque seconde s'éternisant en une torture interminable.


La porte s'ouvrit brusquement, et le médecin de la résistance entra. Son visage portait les marques de nombreuses batailles et de moments tendus. Un seul regard entre eux suffit à communiquer la gravité de la situation.


"Sortez," ordonna le médecin d'une voix tranchante.


Ezio hésita, son regard balançant d'Arianna au médecin. Finalement, il sortit, laissant la porte se refermer derrière lui avec un bruit sourd. Dans le couloir, il fut submergé par ses émotions refoulées : la peur pour Arianna, la culpabilité, la honte devant sa propre fille.


Isabella s'approcha et posa une main sur l'épaule de son père. Mais aucun mot ne vint. Que pouvait-elle dire ?


Il se tourna vers elle, cherchant dans ses yeux une forme d'absolution ou de compréhension. Tout ce qu'il vit fut le reflet de son propre échec.


"J'ai failli, Isabella," murmura-t-il, sa voix brisée par l'émotion. "J'ai failli envers elle, envers toi, envers nous tous."


Isabella serra les lèvres, retenant ses émotions. "Ce qui compte maintenant, c'est qu'il y a encore une chance de la sauver, Père."


Ezio hocha la tête, fixant une dernière fois la porte derrière laquelle Arianna luttait pour sa vie. Il y avait encore une chance, aussi mince soit-elle, et il s'y accrochait comme un homme perdu en pleine mer s'accroche à un morceau de bois.


Pour Arianna, pour ses enfants, pour lui-même, il devait trouver la force de continuer à se battre. C'était tout ce qui lui restait.


-


Après ce qui semblait une éternité, la porte de la chambre s'ouvrit et le médecin de la résistance en sortit, son visage moins tendu, mais marqué par la fatigue. Il croisa le regard d'Ezio, debout seul dans le couloir.


"Elle va survivre," annonça le médecin, le soulagement palpable dans sa voix, mais aussi une note de prudence. "Et l'enfant aussi. Ils auront besoin de beaucoup de repos, mais avec du temps, ils devraient tous deux récupérer pleinement."


L'annonce frappa Ezio comme un coup de tonnerre, ébranlant son monde déjà instable. "L'enfant?" répéta-t-il, à peine capable de croire ce qu'il venait d'entendre. Sa gorge se resserra, le mot formant une barrière dans sa bouche comme s'il pouvait à peine le prononcer. "Elle est enceinte?"


Le médecin leva un sourcil, un air d'étonnement traversant brièvement son visage fatigué. "Oui. Je suis surpris que ni vous ni elle n'en ayez été conscients."


Un vertige s'empara d'Ezio, un maelström d'émotions déferlant en lui comme une tempête. L'incrédulité, le soulagement, mais aussi la peur et un soupçon d'indignation. Avait-elle caché cette nouvelle de lui? Non, il chassa cette pensée. Arianna n'était pas ce genre de femme.


"Elle n'était probablement pas au courant," trancha le médecin, devinant le tumulte d'émotions dans le regard d'Ezio. "Avec son âge et les conditions stressantes de ces derniers mois, sans parler de votre... disons, période tumultueuse, les symptômes auraient facilement pu être attribués à d'autres facteurs."


Ezio regarda le sol, englouti dans un tourbillon de culpabilité et de remords. "Quand a-t-elle... quand l'enfant a-t-il été conçu?" réussit-il enfin à demander, sa voix chargée d'une hésitation douloureuse.


Le médecin semblait peser ses mots avant de répondre. "Il y a environ trois mois, peut-être un peu plus. Vous pouvez compter en arrière à partir de là si vous voulez."


Les mots frappèrent Ezio avec une brutalité dévastatrice. Trois mois. Durant une période où sa vie et celle d'Arianna avaient été un enchaînement de violences, d'incompréhensions et de négligence mutuelle. Cette nouvelle vie, cet innocent, avait été conçu dans une ombre qu'il aurait préféré laisser derrière lui. Mais maintenant, cette ombre était incarnée dans une vie nouvelle, une vie qu'il avait contribué à créer.


Il sentit comme si un poids immense s'abattait sur ses épaules, écrasant toute autre pensée. Cet enfant, ce petit être encore en formation, avait déjà vécu les échos d'un chaos qu'il n'avait pas demandé. Et Ezio savait qu'il ne pourrait jamais changer ce passé obscur, mais il pouvait au moins veiller à ce que l'avenir soit différent. Ce petit être, encore sans nom et sans faute, méritait bien mieux que ce qu'ils avaient jusqu'à présent été capables de lui offrir.


Le médecin le regarda une dernière fois. "Prenez soin d'eux," dit-il, avant de tourner les talons et de s'éloigner.


Seul de nouveau, Ezio franchit le seuil de la chambre comme s'il pénétrait dans un sanctuaire. Le bois de la porte semblait vibrer sous ses doigts, comme s'il sentait la gravité du moment. Arianna était étendue sur le lit, un voile de sérénité sur son visage émacié. Elle paraissait à la fois fragile et infiniment forte, une guerrière qui avait enduré plus que sa juste part de batailles.


Avec une délicatesse presque religieuse, Ezio referma la porte derrière lui et s'avança lentement vers le lit. Ses pas étaient lourds mais déterminés, comme s'il portait le poids de leurs années tumultueuses sur ses épaules. Il s'agenouilla près du lit, son cœur battant à l'unisson avec celui de la femme qu'il aimait et du nouvel être qu'elle portait en elle.


Prendre la main d'Arianna dans la sienne était comme toucher un talisman, une connexion tangible à toutes les complexités et contradictions de leur vie ensemble. Sa peau était douce, mais ses mains portaient les cicatrices de combats passés, tout comme lui. La culpabilité, l'auto-récrimination, tous les démons qui l'avaient tourmenté se cristallisaient en ce simple acte.


Les erreurs, les manquements et la violence de leur passé semblaient s'amonceler autour de lui, formant une montagne insurmontable de regrets. Mais au pied de cette montagne, il voyait un chemin étroit et rocailleux, un chemin vers la rédemption. Et il savait qu'il devait le prendre, non seulement pour lui-même mais pour la femme devant lui et pour l'enfant à naître.


"Je te promets, Arianna," murmura-t-il, sa voix tremblante mais claire, comme s'il délivrait un serment sacré. "Je vais changer, pour toi, pour notre enfant, pour nous. Ce cycle de douleur et de violence s'arrête ici, aujourd'hui. Nous méritons tous un avenir meilleur, et je vais nous l'offrir."


Alors qu'il parlait, ses yeux ne quittèrent pas le visage paisible d'Arianna, comme s'il puisait dans sa force intérieure la résolution de devenir un homme meilleur. C'était une promesse silencieuse, mais elle retentissait dans la pièce comme un accord solennel, chaque mot imprégnant l'air d'une gravité nouvelle.


Pour la première fois depuis longtemps, Ezio sentait comme si le poids de ses erreurs commençait à se lever, remplacé par une détermination renouvelée. Il se sentait comme un homme transformé, renaissant à partir des cendres de ses fautes passées.


Avec une tendresse infinie, il se pencha en avant et embrassa doucement le front d'Arianna. C'était un geste simple, mais profondément significatif, comme s'il scellait leur pacte avec ce contact silencieux.


Alors qu'il restait là, à côté de la femme qu'il avait failli perdre et du nouvel espoir qu'elle portait en elle, Ezio Auditore da Firenze comprit que ce jour marquait non seulement la fin d'une ère sombre, mais aussi le premier chapitre d'une histoire nouvelle. Une histoire qu'il écrirait avec amour, avec soin, et surtout, avec l'engagement d'être meilleur. Pour Arianna, pour lui-même, et pour la vie nouvelle qu'ils avaient créée.


-


Isabella franchit la porte de la salle de réunion du quartier général qui servait aussi de bureau à Machiavelli en ces temps de crise, le visage marqué par l'angoisse et la détermination. Son cœur était lourd dans sa poitrine, comme si chaque battement lui rappelait l'échec cuisant de leur dernière mission et l'état incertain de sa mère, Arianna.


Machiavelli, qui avait déjà commencé à étaler divers parchemins sur une grande table, leva les yeux quand elle entra. L'expression de son visage était indéchiffrable, mais ses yeux reflétaient une profonde préoccupation.


"Isabella," dit-il d'une voix grave. "As-tu des nouvelles de ta mère ?"


Elle secoua la tête, les lèvres tremblantes. "Le médecin est toujours avec elle. Je n'en sais pas plus pour l'instant."


Le silence qui s'ensuivit était lourd, tous deux étant conscients des enjeux. L’attaque contre le pape avait créé un vide de pouvoir que les Borgia étaient trop disposés à remplir. Et ils devaient agir, vite et efficacement, pour contrecarrer leurs plans.


Machiavelli se racla la gorge, rompant le silence. "La situation est grave, Isabella. Nous devons contenir les répercussions de cet événement, tant politiquement que socialement. Je crains que nous devions prendre des mesures désespérées."


Le poids de la situation écrasait déjà Isabella. Elle sentait une culpabilité immense la ronger, se demandant si elle aurait pu agir différemment pour éviter l'issue catastrophique de leur mission. Et maintenant, elle craignait ce que Machiavelli allait dire ensuite.


"Tu as déjà fait beaucoup pour obtenir des informations sur le complot contre le pape," reprit-il, ses mots mesurés mais empreints de gravité. "Mais nous avons besoin de plus. Ta nouvelle connexion avec Cesare Borgia peut s'avérer précieuse. Nous avons besoin de savoir ce qu'ils planifient ensuite."


Isabella sentit un frisson lui parcourir le dos. Elle avait déjà payé un lourd tribut pour accéder à ces informations, et l'idée de devoir continuer à entretenir une intimité avec Cesare lui était insupportable. Mais elle savait aussi que c'était nécessaire.


"Je comprends," dit-elle finalement, sa voix tremblante mais déterminée. "Je ferai ce qu'il faut pour protéger notre cause, pour protéger notre famille."


Machiavelli hocha la tête, reconnaissant de son courage mais conscient du fardeau qu'il plaçait sur ses épaules. "Sois prudente, Isabella. Les enjeux sont élevés, et les Borgia sont des adversaires redoutables."


Alors qu'elle se préparait à quitter la pièce, Isabella jeta un dernier regard vers Machiavelli. Ils étaient dévastés, oui, mais aussi résolus. Le poids sur ses épaules semblait encore plus lourd, mais elle savait qu'elle ne portait pas ce fardeau seule. Avec une dernière salve de détermination, elle se dirigea vers la porte, prête à plonger une fois de plus dans l'antre du lion pour le bien de tous.


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Frédérico et Claudia étaient assis au rez-de-chaussée du quartier général, la lourdeur de leurs pensées pesant dans l'air déjà saturé d'angoisse. Chaque minute qui passait sans nouvelles s'étirait en une éternité d'incertitude. Ils s'étaient figés quand ils avaient vu Ezio porter Arianna, inconsciente, à l'étage. Un médecin les avait suivis, laissant Frédérico et Claudia dans une attente silencieuse et pénible.


Le bruit des pas sur l'escalier mit fin à ce silence oppressant. Les deux regards se tournèrent vers la silhouette qui descendait : c'était Ezio. Son visage semblait marqué par une décennie en quelques heures, et ses épaules portant le poids d'une culpabilité inexprimable. Cependant, ses yeux rencontraient les leurs avec une lueur de soulagement fragile.


Il s'arrêta à quelques pas d'eux et chercha les mots, un mélange d'hésitation et de gravité passant sur son visage. Il croisa le regard anxieux de son fils et les yeux emplis de bienveillance mais visiblement fragiles de sa sœur. Ezio prit une grande inspiration et parla.


"La mission a échoué," dit-il d'une voix où chaque syllabe semblait peser lourd. Mais il ne s'arrêta pas là, ajoutant rapidement, "Arianna est stable. Le médecin a fait tout ce qu'il pouvait. Elle et l'enfant vont bien."


"L'enfant?" Frédérico se leva brusquement, ses yeux s'élargissant d'incrédulité et de fureur. Les muscles de son visage se crispèrent, et sa voix trahissait une rage qu'il ne parvenait plus à contenir. "De quel enfant parles-tu? Tu oses parler d'une nouvelle vie alors que tu as mis celle de maman en péril?"


Claudia, anticipant l'éruption imminente de son neveu habituellement si posé, interjeta rapidement : "Frédérico, je comprends ta colère, mais gardons notre calme…"


"Calmes? Tu veux que je reste calme?" Frédérico l'interrompit, les veines de son cou saillantes sous la tension. "Maman a été mise en danger par ce que lui, mon propre père, a déclenché. Et maintenant, il nous parle d'un autre enfant? Dans cette période chaotique, où même le sol sous nos pieds menace de s'effondrer? C'est de l'insanité!"


Ezio, secoué jusqu'au tréfonds de son être par l'ire de son fils, chercha un terrain stable dans ce moment vacillant. "Je reconnais mes erreurs, mes manquements. Je ne les minimise pas, Frédérico. Mais ce nouvel être, cet enfant, représente aussi une possibilité de rédemption. Pour être un homme meilleur, un père meilleur. Pour votre mère, pour vous, pour notre famille."


"C'est facile pour toi de parler de rédemption," répliqua Frédérico, son regard dur comme de l'acier. "Tu n'es pas celui qui a dû regarder sa mère souffrir. Tu n'es pas celui qui a grandi dans l'ombre de tes choix. Parle-moi de rédemption quand tu auras réparé les dommages que tu as causés, pas quand tu mets ma mère enceinte pour te donner une seconde chance!"


Isabella entra dans la pièce, son visage tendu trahissant une lutte intérieure. Le ton des voix et l'atmosphère électrique lui donnèrent une idée immédiate de la crise en cours. Mais c'est le mot "enceinte" qui l'arrêta net, le temps semblant suspendu pour un court instant. Une vague d'émotions la submergea: colère contre son père pour avoir mis sa mère en danger, inquiétude pour l'avenir incertain d'un nouvel enfant, mais aussi un sentiment complexe d'espoir et de renouveau.


Malgré la tourmente émotionnelle, son temps avec Machiavelli lui avait enseigné l'art du pragmatisme dans le feu de l'action. Elle avait vu les effets dévastateurs des divisions et savait que la maturité et l'unité étaient leurs seules chances contre les menaces qui pesaient sur eux, notamment les Borgia.


"Nous n'avons pas le temps pour les querelles familiales," lança-t-elle, sa voix coupant net la tension qui saturait la pièce. "Les Borgia se rapprochent et maman est enceinte. C'est compliqué, certes, mais nous ne pouvons pas nous permettre de nous déchirer en ce moment crucial."


Les visages de Claudia et Frédérico se tournèrent vers elle, leurs expressions reflétant la surprise et l'incertitude. Ezio était une mosaïque d'émotions, visiblement tiraillé entre la honte, la fierté et une pincée de regret.


"Isabella a raison," insista Claudia, le regard allant de son frère à son neveu. "Nous avons tous nos raisons d'être en colère, mais n'oublions pas qui est l'ennemi véritable ici."


Frédérico, cependant, semblait loin d'être apaisé. "Tu ne comprends pas," lui lança-t-il, les yeux emplis de colère et de trahison. "Les erreurs de papa ne sont pas des détails que l'on peut simplement ignorer. Elles ont des conséquences, des conséquences qui affectent chacun d'entre nous, y compris maman et ce nouvel enfant."


Ezio acquiesça lentement, le cœur lourd. Il comprenait que le chemin vers la réconciliation serait difficile, peut-être même impossible. Mais il voyait aussi, dans les yeux mûris de sa fille, une lueur d'espoir, un rappel que même dans les moments les plus sombres, la famille restait leur plus grande force.


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Ezio franchit le seuil de la chambre, le bois de la porte grondant doucement sous le mouvement de ses gonds. Il la referma avec soin derrière lui, cherchant à préserver le sanctuaire d'intimité qu'était cette pièce. Ses pas le menèrent jusqu'au lit où Arianna reposait, toujours plongée dans le voile inconscient de l'épuisement ou peut-être de la douleur.


Il prit place sur une chaise à côté du lit, ses mains se joignant comme pour former une prière silencieuse. Ses yeux détaillèrent le visage d'Arianna. La lampe à huile posée sur la table de chevet jetait une lumière douce qui adoucissait les traits de son visage, masquant les signes de l'âge et des épreuves qu'elle avait traversées. Chaque ombre semblait caresser sa peau, comme pour lui offrir un répit éphémère de la tourmente qui les avait tous engloutis.


Le temps s'arrêta, ou peut-être n'avait-il jamais existé dans ce moment d'immobilisme. Les pensées d'Ezio vagabondèrent à travers les labyrinthes du temps. Les années de séparation et de fuite, les moments fugaces de réunion et la récente période où ils avaient de nouveau partagé leur vie, tout cela défilait devant ses yeux. Ils avaient connu tant de joies, certes, mais aussi de douleurs, de déceptions, d'incompréhensions.


Arianna avait toujours été une femme d'une complexité fascinante pour lui. Elle était son amour de jeunesse, la mère de ses enfants, mais elle avait aussi été son plus grand défi, une énigme qu'il avait toujours ressenti le besoin de résoudre sans jamais y parvenir. Même dans son sommeil, elle gardait une sorte de mystère, une profondeur que toutes ces années n'avaient pas réussi à épuiser.


Il se demanda ce qui se cachait derrière ce visage paisible. Des rêves? Des cauchemars? Ou peut-être un silence apaisant, un répit du monde extérieur et de ses fardeaux incessants?


Ce fut cette pensée, celle de la complexité irrésolue d'Arianna et de l'amour qu'il éprouvait pour cette complexité même, qui le fit rester à ses côtés, en silence, à la contempler, comme pour chercher des réponses dans les traits apaisés de son visage endormi.


Au milieu de ces pensées errantes, son regard se posa sur le ventre d'Arianna, encore à peine arrondi par la nouvelle vie qu'il abritait. Cette vie, dont la présence n'était qu'une révélation récente, changeait tout et rien à la fois. Un nouveau départ, peut-être, mais également une complication inattendue dans un monde déjà plein de dangers.


Ezio sentit son cœur se serrer à cette pensée. Cette nouvelle vie était aussi innocente que fragile, à la merci des événements turbulents qui les entouraient. Un enfant qui arriverait dans un monde tourmenté, au sein d'une famille divisée. Pourtant, cette même innocence était aussi une promesse de renouveau, un espoir fragile mais persistant que peut-être, juste peut-être, ils pourraient se racheter aux yeux l'un de l'autre et se reconstruire ensemble comme une famille.


C'était là un fardeau et un privilège, une responsabilité qui lui pesait lourdement sur les épaules. Mais alors qu'il regardait Arianna, il se dit que ce fardeau était un peu plus léger, parce qu'il le partagerait avec elle. Il ne savait pas encore comment elle réagirait à la nouvelle, ni même comment lui-même y ferait face. Mais dans cet instant, dans cette chambre silencieuse éclairée seulement par la douce lueur d'une lampe, tout cela semblait à la fois lointain et incroyablement clair.


C'est alors qu'Arianna commença à émerger du voile du sommeil, ses yeux s'entrouvrant lentement, rencontrant ceux d'Ezio. Le moment était venu de partager la nouvelle qui pourrait changer à jamais le cours de leur existence.


"Ezio..." murmura-t-elle, sa voix tremblante, comme si prononcer son nom pourrait dissiper la magie fragile de cet instant.


"Chérie," répondit-il, un ton de douceur dans sa voix qu'elle n'avait pas entendu depuis des mois. Cela la désarma complètement. "Comment te sens-tu?"


"Comme si une armée de soldats m'avait marché dessus," tenta-t-elle de sourire, mais sa voix se brisa, trahissant la gravité de ses mots. "Qu'est-il arrivé? Pourquoi suis-je ici?"


La mâchoire d'Ezio se serra. "La mission a échoué," avoua-t-il, les yeux remplis d'un remords tellement profond qu'il sembla noyer la pièce. "Mais cela n'a plus d'importance maintenant. Ce qui compte, c'est que tu sois là, saine et sauve. Toi... et notre enfant."


Elle le regarda, les yeux écarquillés, comme si elle venait de se réveiller d'un rêve — ou d'un cauchemar. "Notre enfant? Je suis... enceinte?"


Ezio hocha la tête, sa main tremblante se portant à sa barbe. "De plus de trois mois, Arianna."


Elle posa ses mains sur son ventre, les yeux fixés sur cet espace vide qui n'en était pas un. Son esprit bourdonnait, en état de choc. "Je n'arrive pas à y croire, Ezio. Après tout ce que nous avons enduré, à nos âges... Comment est-ce même possible?"


Ezio glissa sa main pour caresser la joue d'Arianna, son toucher presque sacré dans sa douceur. "Je ne sais pas. Peut-être est-ce le destin, ou peut-être est-ce simplement une chance, une petite étincelle dans cette obscurité qui a été notre vie ces derniers temps. Mais c'est peut-être notre chance pour un nouveau départ, Arianna. Notre chance de corriger ce qui peut encore l'être."


À ces mots, Arianna sentit le barrage de ses émotions céder. Des larmes commencèrent à couler, non pas de tristesse ou de regret, mais d'un mélange si complexe qu'il en était presque beau. L'espoir, la peur, l'amour et la douleur, tous dansaient dans les confins de son cœur, créant une mélodie que même elle ne pouvait pas comprendre. Mais pour la première fois en des années, elle se laissa ressentir, sans crainte du jugement, sans crainte de l'avenir. Car pour cet instant éphémère, elle vit une possibilité — une seconde chance à une vie qu'elle avait presque abandonnée.


"Un nouveau départ, dis-tu?" Arianna répéta doucement, ses yeux levés vers lui, cherchant dans les profondeurs de son regard une sorte de certitude, un point d'ancrage dans le tumulte de leurs vies.


Ezio rencontra son regard, sentant une vulnérabilité qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps. "Si tu veux bien m'accorder cette chance," dit-il, sa voix tremblante sous le poids de l'émotion, ses yeux se remplissant d'une humidité qu'il ne chercha pas à cacher.


Arianna regarda leur mains, puis lentement, elle saisit la sienne. Elle la guida jusqu'à son ventre, où une vie nouvelle prenait forme. Une vie qui était le fruit de leur amour, mais aussi, peut-être, une promesse d'un futur moins sombre. "Alors commençons par là," dit-elle, sa voix emplie d'une douceur et d'une résolution qui firent vibrer chaque mot.


À ce contact, à ces mots, Ezio sentit quelque chose se relâcher en lui, comme si les chaînes qui le retenaient se brisaient enfin. Il sourit, un sourire sincère et chargé d'espoir, et pour la première fois en des années, il eut la sensation que les ombres et les erreurs de leur passé pouvaient être surmontées. Que malgré toutes les incertitudes et les dangers qui les attendaient, il y avait, ici et maintenant, une chance pour eux de retrouver la lumière qui avait autrefois brillé si fort entre eux.


Et pour Arianna, sentir cette main sur son ventre, la main de l'homme qu'elle avait aimé, qu'elle aimait toujours, c'était comme si tous les morceaux disparates de son monde trouvaient une nouvelle cohérence. Une harmonie longtemps oubliée, mais jamais vraiment perdue. Pour ce moment, et pour l'espoir qu'il portait, elle était prête à croire en un nouveau départ.


-


Le grincement léger de la porte annonça l'entrée d'Isabella et Frédérico. Leur démarche était mesurée, presque solennelle, comme s'ils marchaient dans un temple sacré plutôt que dans la chambre de leur mère. Leurs yeux se fixèrent immédiatement sur Arianna, qui gisait faible mais résiliente sur son lit d'alcôve.


Un sourire fragile se dessina sur les lèvres d'Arianna. Elle avait survécu à tant de batailles, mais cette fois-ci, elle était particulièrement consciente de la tension palpable qui électrisait l'air de la pièce. Chaque regard, chaque silence en disait long.


À l'écart, près de la fenêtre éclairée par la lumière dorée du crépuscule, se tenait Ezio. Il était silencieux, presque comme une ombre. Son visage était un champ de bataille émotionnel, où le regret se mesurait à l'espoir, créant une tension presque tangible.


"Maman, comment te sens-tu?" La voix d'Isabella tremblait d'une maturité nouvelle, comme si les événements récents avaient précipité son passage à l'âge adulte.


Arianna la regarda, puis ses yeux se posèrent sur Frédérico. "Mieux, grâce à votre présence," répondit-elle, son ton doux mais teinté d'une certaine lassitude. Puis, son sourire prit une teinte douce-amer. "Et peut-être aussi grâce à cette nouvelle vie qui grandit en moi. Un nouveau départ, en quelque sorte."


Frédérico prit une inspiration profonde et lourde, comme s'il essayait d'absorber tout l'oxygène de la pièce pour éteindre le feu de sa colère. Ses yeux naviguèrent de sa mère à son père, puis de nouveau vers sa mère, pesant silencieusement chaque conséquence possible de ses prochains mots. "Un miracle que tu sois encore là pour en parler," finit-il par dire, sa voix chargée d'une colère à peine contenue et d'un souci latent.


Isabella, ressentant l'ébullition de son frère, posa une main apaisante mais ferme sur son bras musclé. "Fré, pas maintenant," murmura-t-elle, ses yeux rencontrant brièvement ceux de leur père avant de revenir sur Frédérico. Elle sentait les muscles de son frère se tendre sous sa main, mais il semblait entendre son message.


Frédérico resserra sa mâchoire, comme s'il enfermait ses émotions derrière une barricade invisible. Il acquiesça, son regard croisant celui de sa sœur. Pour l'amour et le bien-être de leur mère, il mettrait sa colère de côté, au moins pour le moment.


"Isabella a raison," commença Arianna, ses yeux scrutant le visage de ses deux enfants. Elle sentait la tension électrique entre eux, comme un orage prêt à éclater. "Nous avons eu assez de divisions dans cette famille. En ce moment précis, plus que jamais, nous avons besoin de solidarité. Pas seulement pour cette nouvelle vie qui se forme en moi, mais pour chacun de nous."


À ces mots, Ezio se détacha de l'ombre près de la fenêtre et s'approcha. Chacun de ses pas semblait lourd, comme s'ils étaient chargés du poids de toutes ses erreurs passées et de toutes les opportunités manquées. "Votre mère a raison," dit-il, ses yeux se levant pour rencontrer ceux de ses enfants. "Je n'ai pas été le père que vous méritiez. Je suis conscient de mes manquements, et bien que le temps perdu ne puisse être récupéré, je souhaite essayer de devenir l'homme que vous méritez dans votre vie."


Isabella sentit une vague d'émotion la submerger, les murs qu'elle avait construits autour de son cœur commençaient à se fissurer. Elle voyait maintenant son père non plus comme une figure imparfaite, mais comme un homme brisé qui cherchait sincèrement à se reconstruire. "Nous devons tous essayer," dit-elle, ses yeux se verrouillant sur ceux d'Ezio. "C'est le seul moyen de guérir."


"Pour le bien de notre famille," ajouta Arianna, une lueur d'espoir et de détermination naissante dans ses yeux. Ce n'était pas seulement une affirmation, mais un serment, un pacte silencieux.


Frédérico déplaça son regard de sa mère à son père, et enfin à sa sœur. Il voyait l'optimisme qui avait germé en Isabella, et même s'il n'était pas prêt à partager cette vision rédemptrice de leur père, il comprenait que leur mère, en ce moment de fragilité, avait besoin de l'unité de leur famille. "Pour notre famille," dit-il enfin, son ton délibérément neutre, comme s'il pesait chacun de ses mots sur une balance intérieure.


"Pour notre famille," répétèrent-ils tous en chœur, Ezio inclus. Et dans cet écho de voix, il y avait un engagement tacite, une promesse non prononcée mais fortement ressentie. Une promesse de combattre, de s'aimer, et de se réparer, malgré les erreurs du passé, malgré les cœurs brisés et les années perdues.


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La nuit était tombée sur Rome, drapant ses vieilles pierres et ses rues sinueuses dans un voile d'obscurité mystérieuse. Seules les lampes à huile accrochées aux balcons projetaient une lueur tremblante, éclairant sporadiquement les ombres. Dans la chambre, Arianna était assise sur un fauteuil rembourré près de la fenêtre, son regard captivé par le ciel étoilé. Chaque étoile semblait être une histoire, une vie, une bataille gagnée ou perdue, et elle se perdait dans ces récits célestes.


Ezio poussa doucement la porte, son entrée délibérément silencieuse comme s'il craignait de rompre le charme qui enveloppait la pièce. Ses bottes en cuir effleuraient à peine le sol lorsqu'il marcha vers elle, et il se rendit compte combien la simple vision d'Arianna, là, réfléchie et belle, avait sur lui un effet apaisant. Il s'approcha et se plaça derrière elle, ses mains trouvant naturellement leur place sur ses épaules frêles mais solides.


"Tu es lointaine," murmura-t-il, sa voix douce mais empreinte d'une inquiétude palpable.


À ses mots, Arianna se détourna de l'immensité du ciel pour plonger son regard dans celui d'Ezio. Un sourire lent se dessina sur ses lèvres, comme si elle venait de revenir d'un voyage lointain et était heureuse de retrouver le confort de son port d'attache.


"Je pensais à tout ce que nous avons traversé, à toutes les épreuves et toutes les joies," dit-elle, son ton réfléchi, "et à tout ce qui nous attend, avec notre famille et cette nouvelle vie qui grandit en moi."


Ezio ressentit une onde d'émotion lui parcourir le corps. Les mots d'Arianna étaient comme des pierres précieuses, rares et inestimables, surtout après les années tumultueuses qu'ils avaient vécues. Son toucher sur ses épaules semblait moins une emprise qu'une étreinte, comme s'il pouvait à la fois la retenir et la laisser libre.


"Je suis là, Arianna. Pour tout ce qui nous attend, je suis là," répondit-il, ses mots imprégnés d'une solennité qui venait du plus profond de son âme.


Arianna sentit ses yeux se mouiller, non de tristesse, mais d'une gratitude écrasante. Elle se leva et se tourna complètement vers lui, les mains d'Ezio glissant de ses épaules à sa taille.


"Je sais, Ezio. Et je suis là aussi, pour toi, pour nous," elle déclara, scellant ainsi une promesse silencieuse mais indéniable entre eux deux.


Ezio s'agenouilla devant Arianna, en une posture qui rappelait presque une demande en mariage. Son regard était intensément fixé sur elle, les yeux bruns captant la lueur des chandelles de la pièce. "Je suis conscient des erreurs que j'ai commises, Arianna," dit-il, sa voix vibrante d'une sincérité à fendre l'âme. "Je veux être l'homme que tu mérites, l'homme que notre famille mérite. L'homme que j'aurais dû être depuis le début."


Ces mots résonnèrent dans la chambre, se mêlant aux ombres et aux lumières qui dansaient sur les murs. Arianna se sentit presque déstabilisée par l'intensité de son regard et la gravité de ses paroles. Avec une tendresse renouvelée, elle plaça ses mains sur les joues d'Ezio, ressentant la rugosité de sa barbe sous ses doigts. Il était le guerrier et le protecteur, mais dans cet instant, elle voyait aussi en lui une vulnérabilité qu'il avait rarement montrée.


"Ezio, nous avons tous deux nos erreurs, nos regrets," répondit-elle doucement. "Mais nous avons aussi notre amour, un amour qui a survécu aux épreuves, aux conflits et même à la distance entre nous. Il nous a survécu."


Leurs regards se bloquèrent, et pour un instant, il n'y avait plus que cette vérité entre eux. Arianna se pencha en avant et posa sa tête sur son épaule. Il l'enveloppa dans ses bras, et pour la première fois depuis ce qui semblait être une éternité, ils se sentirent en paix. C'était comme si le poids du monde, avec toutes ses obligations et ses batailles, s'était momentanément levé, laissant place à un instant de tranquillité pure.


"Je t'ai aimée depuis le moment où je t'ai vue, et je t'aimerai jusqu'à mon dernier souffle," murmura Ezio à son oreille, son souffle chaud frôlant sa peau et faisant naître des frissons sur son échine.


Ces paroles, simples mais chargées d'émotion, enveloppèrent Arianna comme une couverture chaude. Une vague d'émotion la submergea, libérant un espace en elle qu'elle n'avait pas réalisé être si encombré.


"Et je t'aimerai, Ezio, à travers toutes nos vies passées et futures," répondit-elle, ses propres mots pleins de la même conviction éternelle.


Ils restèrent ainsi, dans un silence apaisant, laissant leurs promesses mutuelles se dissoudre dans l'air, mais jamais dans leurs cœurs.


Ezio se leva, ses genoux craquant légèrement sous le poids de l'âge et des batailles passées. Il se rapprocha d'Arianna et, avec une tendresse qui contrastait avec ses gestes habituellement assurés, captura ses lèvres dans un baiser. C'était un baiser doux mais puissant, chargé de toutes les années qu'ils avaient perdues et des promesses à venir. C'était comme si, dans cette étreinte, ils essayaient de combler le gouffre du temps, de dire toutes les choses qu'ils n'avaient jamais dites, de cicatriser toutes les blessures qu'ils s'étaient infligées.


Après un moment qui aurait pu être une éternité, ils s'éloignèrent légèrement. Leurs fronts se touchèrent, un contact simple mais réconfortant. Leurs yeux étaient fermés, comme pour mieux savourer ce moment d'unité, de reconnexion. Les visages si près, ils pouvaient sentir le souffle l'un de l'autre, mélange réconfortant d'intimité et de familiarité.


"Un nouveau départ?" demanda Arianna, sa voix tremblante d'espoir et d'incertitude. Ses mots étaient plus une prière qu'une question, une prière pour que cette fois-ci, les choses soient différentes, qu'ils puissent être les personnes qu'ils avaient toujours voulu être l'un pour l'autre.


Ezio ouvrit les yeux, plongeant son regard dans celui d'Arianna. "Un nouveau départ," répéta-t-il, mais cette fois, ce n'était pas une question. C'était une affirmation, une promesse.


Dans cet instant, il n'y avait plus de doute, plus de regret. Seulement la certitude que peu importe les défis et les incertitudes qui les attendaient, ils les affronteraient ensemble. Ils avaient été brisés, certes, mais ils étaient aussi résilients, façonnés par des décennies d'amour et de lutte. Et alors qu'ils se tenaient là, front contre front, une nouvelle détermination s'alluma entre eux, aussi lumineuse et inextinguible que les étoiles qui veillaient au-dessus d'eux dans le ciel nocturne de Rome.

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