L'Héritage des Ombres : Le Souffle de la Résistance

Chapitre 15 : Famille

9129 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/06/2024 22:14

Alors que le crépuscule se couchait sur Rome en ce mois de mars, la ville était baignée d'une obscurité aussi dense que les intrigues qui y régnaient. Les derniers éclats de lumière se dissipaient derrière les toits en tuiles et les hautes flèches, laissant Rome à la merci de la nuit.


Dans une demeure secrète du quartier Trastevere, les chandelles vacillaient, leurs flammes projetant des ombres mouvantes sur les murs de pierre. Leur lumière douce formait un halo autour d'Ezio et Arianna, éclairant leurs visages marqués par le temps et les épreuves. Leur demeure, habituellement un sanctuaire, semblait s'être muée en une chambre de réflexion, le sol couvert de parchemins, de cartes et d'armes.


La nouvelle venait de tomber, portée par les murmures inquiets qui s'étaient infiltrés même dans les quartiers les plus reculés de Rome. Le Pape avait succombé à ses blessures issues d’un complot réussi et sinistre orchestré par les Borgia quelques semaines avant. Un complot qu'Ezio et Arianna avaient désespérément essayé de contrecarrer. Leur échec résonnait d'autant plus fortement à cause de la fragilité de la situation personnelle du couple. Ils avaient failli perdre non seulement la bataille contre les Borgia mais aussi leur futur enfant, révélant la grossesse d'Arianna dans les circonstances les plus alarmantes.


Le visage d'Ezio, creusé par la gravité de la situation, se tourna vers Arianna. Ses yeux bruns profonds trahissaient une mélange complexe d'émotions : détermination, inquiétude, mais aussi un espoir prudent. Depuis le récent événement qui avait failli coûter la vie à leur enfant à naître, une nouvelle proximité fragile s'était installée entre eux. C'était comme si l'échec cuisant de leur mission avait révélé, de manière brutale, la préciosité de ce qu'ils avaient construit ensemble.


"Les Borgia ont réussi là où nous avons échoué," dit Ezio, sa voix basse et chargée de sens. "La balance du pouvoir est déséquilibrée, et pas en notre faveur. Les choix que nous ferons dans les jours à venir pèseront lourd, non seulement sur notre famille, mais sur le destin de Rome elle-même."


Arianna acquiesça, ses doigts glissant subtilement sur les courbes de son ventre, comme si elle cherchait à communiquer avec la nouvelle vie qui grandissait en elle. "Je sais, Ezio," dit-elle, ses yeux se fixant sur les siens avec une gravité qui le frappa de plein fouet. "Nous devons agir, il n’y a pas de doute. Mais ma grossesse ajoute une urgence que nous ne pouvons pas ignorer. Chaque décision que nous prenons désormais a des ramifications qui vont bien au-delà de notre propre existence."


Ezio, touché par l'éclat sincère dans les yeux d'Arianna, posa doucement sa main sur la sienne, ses doigts s'entrelaçant aux siens. La chaleur de sa peau semblait instiller une force nouvelle en lui. "Tu as raison," répondit-il, sa voix éraillée par l'émotion. "C’est un fardeau immense que nous portons, mais il est aussi notre plus grande force. Cette nouvelle vie, notre famille, c'est ce qui nous ancre dans ce monde en perpétuel chaos. C’est ce qui nous donne la résilience nécessaire pour affronter les épreuves à venir."


Leurs yeux se croisèrent, et pour un instant, l'ampleur de ce qui les attendait sembla un peu moins accablante. Ils étaient liés non seulement par leur engagement envers l'Ordre des Assassins, par leur lutte contre les Borgia, mais aussi par quelque chose de plus fondamental, de plus intime. Une famille en devenir, une nouvelle génération qui représentait à la fois leur plus grande vulnérabilité et leur source d'espoir la plus tangible.


Ezio serra un peu plus fort la main d'Arianna. "Si nous devons nous battre pour quelque chose, alors faisons-le pour cela. Pour cette nouvelle vie, pour notre famille. Pour un futur où les Borgia et leurs semblables ne régneront pas."


Dans le silence qui s'installa, ponctué uniquement par le crépitement des flammes et le lointain bourdonnement de la cité nocturne, Arianna sentit une conviction renouvelée l'envahir. Ils étaient loin d'être seuls dans cette lutte, et tant qu'ils auraient quelque chose—quelqu'un—pour qui se battre, ils trouveraient le moyen de se lever, de continuer, et, espérait-elle, de prévaloir.


Un moment de silence s'étira entre eux, suspendu dans l'air comme une brume dense. Ils étaient chacun plongés dans leurs propres réflexions, mesurant mentalement la gravité des défis qui se dressaient devant eux. Les ennemis qui les guettaient avaient gagné en force, et la tension de cette prise de conscience s'infiltrait profondément dans les liens qui unissaient la famille Auditore Valentini.


Claudia, toujours fidèle à son rôle, continuait de diriger La Rosa Fleurie. Le bordel fonctionnait non seulement comme leur couverture, mais aussi comme une précieuse source d'information. Et alors qu'Isabella, leur fille de 21 ans, plongeait de plus en plus profondément dans les intrigues de la cour pour rapporter des renseignements, Frédérico, leur fils de 19 ans, se distanciait. Il trouvait sa propre voie, passant de plus en plus de temps à l'atelier de Leonardo da Vinci, absorbé par des projets dont il parlait peu.


Puis il y avait les autres, les amis et les alliés qui élargissaient le cercle de leur résistance. Ses pensées glissèrent vers Machiavelli, l'esprit stratégique et parfois énigmatique qui avait tant fait pour leur cause. Et Leonardo, dont les inventions et l'ingéniosité pourraient bien faire la différence entre la victoire et la défaite. Ce n'était pas simplement une famille qui se battait ici, mais une alliance d'âmes diverses, soudée par des idéaux et des buts qui transcendaient les liens du sang.


Ezio fut le premier à briser le silence qui les enveloppait. Sa voix était basse, mais elle portait un timbre d'amour et de résolution qui résonnait dans la pièce. "Nous faisons face à des adversaires redoutables, c'est vrai. Mais ce qu'ils ne comprennent pas, ce qu'ils ne pourront jamais comprendre, c'est la force qui réside dans notre unité. Dans notre amour, dans notre famille, et dans les amis qui se tiennent à nos côtés. Et cela, Arianna, c'est ce qui fait de nous une force véritablement invincible."


Dans cet instant de silence qui suivit, les flammes des chandelles dans la pièce semblèrent flamber plus vivement, comme si elles étaient nourries par la détermination et l'amour indomptable qui caractérisaient ce couple. Le monde extérieur était en mutation, les nuages de l'incertitude s'amoncelaient, mais en cette demeure secrète, la résolution des Auditore Valentini demeurait aussi inébranlable que les murs de pierre qui les entouraient.


-


Dans les tréfonds d'un sanctuaire secret, Arianna et Ezio se tenaient face à une table en bois robuste. Sur celle-ci étaient étalés divers instruments de navigation — des compas, des astrolabes —, des cartes anciennes de Rome et des régions environnantes, et des manuscrits éparpillés, aux marges remplies de notes griffonnées. Des chandelles disposées à intervalles réguliers éclairaient la pièce de leur lumière vacillante, ajoutant une atmosphère d'urgence et de mystère. Les flammes se reflétaient dans les yeux d'Ezio et Arianna, intensifiant la profondeur de leur regard et mettant en lumière la gravité du moment.


Ezio parcourut du doigt les contours d'un territoire sur la carte étalée devant eux, son visage crispé par la concentration. "Nous ne pouvons pas permettre aux Borgia de mettre la main sur les fragments restants de la Pomme d'Éden," dit-il finalement, ses yeux levant la tête pour croiser le regard d'Arianna. "Si nous échouons, ce n'est pas seulement le destin de Rome qui sera compromis, mais peut-être celui du monde entier."


Arianna acquiesça, son cœur battant à l'unisson avec les mots d'Ezio. Elle se rapprocha, plaçant délicatement ses mains sur la table, ses doigts effleurant légèrement ceux d'Ezio. "Je suis d'accord, et la gravité de la situation n'est pas perdue pour moi. Cependant, ma condition —" elle posa une main sur son ventre arrondi, "— me rend moins apte aux acrobaties et aux combats auxquels tu es habitué."


Ezio serra doucement les doigts d'Arianna, son toucher apportant un confort silencieux. "Je sais, et je ne t'impliquerai pas dans des dangers inutiles. Mais ta brillance et ton ingéniosité sont des armes en elles-mêmes. "


Arianna sourit, ressentant une vague d'amour et de gratitude pour cet homme avec qui elle partageait sa vie, malgré toutes leurs épreuves et séparations. "Alors je vais utiliser ces 'armes' pour mieux comprendre cette Pomme mystérieuse et trouver où les fragments restants pourraient être cachés. Nos ennemis ne seront pas les seuls à chercher des avantages dans les légendes et les artefacts anciens."


Un sourire discret mais indéniablement sincère éclaira le visage d'Ezio. Ses yeux, qui avaient été intensément fixés sur les cartes et les notes, s'adoucirent lorsqu'il se rapprocha d'Arianna. Lentement, presque de manière révérencielle, il posa sa main sur son ventre arrondi. Le contact semblait établir une connexion non seulement entre eux deux mais aussi avec la vie naissante qu'ils avaient créée. "Chaque jour qui passe, mon amour, je suis de plus en plus convaincu que notre enfant aura une mère incroyablement forte et brillante."


Arianna sentit une chaleur douce et rassurante envahir son être, chassant le froid pénétrant de la pièce voûtée. Ses yeux se remplirent de lumière, et elle posa ses propres mains sur celles d'Ezio, renforçant ce lien palpable entre eux. "Et il aura ou elle aura un père courageux et déterminé, prêt à défier le monde pour protéger ceux qu'il aime," ajouta-t-elle, sa voix tremblante d'émotion mais pleine de conviction.


Ezio la regarda, ses yeux se perdant dans les siens. Il se pencha, réduisant la distance entre eux jusqu'à ce que leurs lèvres se rencontrent en un doux baiser. C'était un baiser chargé d'années de lutte, de séparation, mais aussi de passion et de compréhension. Un baiser qui parlait de futurs incertains, mais aussi d'un présent plein d'amour et de détermination.


"Alors nous avons un accord," murmura-t-il en s'écartant légèrement, sa main caressant toujours son ventre. "Tu t'occuperas de la recherche dans nos archives et nos réseaux, et je serai sur le terrain pour récupérer les fragments. Nous sommes deux moitiés d'un tout, travaillant ensemble pour un but commun."


Arianna acquiesça, le regard brillant, comme si les défis à venir n'étaient rien en comparaison du bonheur d'avoir un partenaire aussi dévoué à leurs côtés.


"Nous le faisons, ensemble," confirma-t-elle, la flamme de leur amour et de leur résolution brûlant plus fort que jamais, même dans les ombres de leur sanctuaire secret.


Le lendemain, Arianna se trouvait au sein de la bibliothèque de la résistance, un sanctuaire de la connaissance isolé du tumulte de Rome. Les murs étaient entièrement recouverts d'étagères en bois massif, qui s'élevaient jusqu'au plafond en voûte. Chaque étagère était garnie de volumes reliés en cuir, de parchemins soigneusement enroulés et de cartes géographiques détaillées. L'air était épais de l'odeur du papier vieilli et de l'encre, mélangée à celle de la cire des chandelles qui brûlaient dans des lanternes disséminées dans la pièce.


Chaque ouvrage semblait murmurer des secrets, comme des êtres vivants retenant leur souffle, impatients d'être découverts. Elle se sentait comme une exploratrice en territoire inconnu, où chaque pas pouvait révéler des trésors ou des pièges.


Ses doigts glissaient délicatement le long des tranches des livres, un contact presque sacré, jusqu'à ce qu'un ouvrage en particulier attire son attention. Le titre doré sur la couverture en cuir usé se détachait à peine du brun foncé de sa reliure : "La Géographie Sacrée". Le nom frappa une corde sensible en elle, comme une mélodie longtemps oubliée. Avec le soin et la précaution réservés à un objet de grande valeur, elle retira le livre de son étagère et le transporta jusqu'à une table en bois près d'une fenêtre, où la lumière naturelle pouvait aider ses yeux dans cette quête.


Ezio lui avait fourni tous les documents qu'il avait pu rassembler du Codex d'Altaïr. Combinés au Codex des Valentini et aux ouvrages qu'elle explorait maintenant, Arianna était persuadée de dénicher un indice capital. Elle ouvrit "La Géographie Sacrée" et fut aussitôt frappée par la complexité des textes. Ils étaient rédigés dans des langues variées, du latin à l'arabe, du grec à l'hébreu, comme un carrefour de connaissances venues de tous les horizons.


Arianna ouvrit les autres Codex à ses côtés, prête à croiser les informations. Elle scrutait chaque page, chaque note en marge, chaque diagramme et chaque carte. Les heures s'écoulaient, mais sa concentration restait inébranlable. Et puis, enfin, ses yeux tombèrent sur une série de coordonnées géographiques, accompagnées d'une notation en latin qui mentionnait un "objet de grand pouvoir". Son cœur fit un bond. Était-ce ce qu'elle cherchait ? Un indice sur l'emplacement possible d'un fragment de la Pomme d'Éden ?


Elle compara les coordonnées avec celles mentionnées dans les Codex. Un frisson d'excitation la parcourut lorsqu'elle trouva une correspondance. C'était plus qu'un simple indice; c'était une étincelle d'espoir, une lumière qui perçait les ténèbres de leur lutte. Avec cette découverte, ils avaient fait un pas de plus vers la victoire, et Arianna savait qu'avec Ezio à ses côtés, rien ne serait impossible.


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La lueur dorée du crépuscule s'étendait sur Rome comme un voile, illuminant chaque recoin de la ville éternelle. Les toits de tuiles écarlates semblaient presque s'enflammer sous l'impact des derniers rayons du soleil, mêlant leur rougeoiement au ciel en un tableau majestueux. C'était dans ce contexte captivant qu'Ezio Auditore avançait d'un pas résolu à travers la foule bigarrée, son visage dissimulé sous une capuche. Arianna était à ses côtés, une présence apaisante mais pleine de force. La démarche d'Ezio trahissait une aisance calculée, celle d'un homme qui connaissait l'art délicat de se fondre dans la foule tout en ayant la capacité de la diriger, le cas échéant.


Arianna déroula un petit parchemin, lissant les replis du papier craquelé avant de le lire à la lueur déclinante. "Le premier sur notre liste est un marchand du nom de Fabrizio. Il a perdu son frère aux mains des Borgia et brûle de désir de se venger."


Le couple atteignit bientôt une petite boutique, nichée dans une ruelle étroite. L'endroit avait une aura de discrétion, un secret bien gardé dans un monde tumultueux. À l'intérieur, des tissus richement colorés, des épices exotiques et des bijoux finement ouvragés se côtoyaient dans un espace ressemblant à un coffre aux trésors.


Fabrizio, le propriétaire, était un homme d'une stature corpulente. Ses cheveux, autrefois noirs, étaient maintenant gris, et ses yeux portaient la marque indélébile de la souffrance, un voile de tristesse qui ne pouvait être caché.


Ezio, reconnaissant ce regard, avança silencieusement et prit la parole à voix basse, presque comme un murmure. "Je sais ce que c'est que de perdre un frère, Fabrizio. La douleur peut être insoutenable. Mais la vengeance est une route qui ne mène souvent qu'à plus de douleur. Avez-vous déjà envisagé de rediriger cette fureur, de la canaliser dans une cause plus grande que votre propre désir de représailles?"


Fabrizio considéra l'homme devant lui avec une intensité palpable. Il détailla les traits d'Ezio, cherchant la sincérité dans ses yeux, l'évaluation muette durant ce qui sembla une éternité. Finalement, il posa la question qui pendait en l'air : "Et quelle est cette cause dont vous parlez ?"


Arianna s'avança, déplaçant sa silhouette avec une grâce calibrée et une détermination palpable. Ses yeux, habituellement doux mais fermes, étaient maintenant embrasés par une conviction profonde. "La liberté, Fabrizio," dit-elle, appuyant chaque mot comme si elle gravait son message dans la pierre. "Je ne parle pas seulement de votre liberté, ni de la mienne, ni même de celle d'Ezio. Je parle de la liberté de Rome, de ses citoyens, des hommes et des femmes qui souffrent chaque jour sous la botte des Borgia. Et au-delà de ça, je parle de la liberté des générations qui suivront, de nos enfants et des enfants de nos enfants."


Elle marqua une pause, ses yeux plongeant dans ceux de Fabrizio comme pour chercher son âme. "Ne voudriez-vous pas que le sacrifice douloureux de votre frère serve une vision plus grande, plus noble ? Qu'il ne soit pas en vain, mais qu'il devienne une étincelle dans le grand brasier de la révolution que nous allons mener?"


La tension dans la pièce était à son comble, comme si chaque objet, chaque étoffe et chaque bijou retenait son souffle. Le silence était lourd, presque suffocant, étirant chaque seconde à l'infini, suspendant le temps en un fil d'attente insoutenable.


Finalement, Fabrizio hocha la tête, son visage exprimant une résolution silencieuse mais inébranlable. Ses yeux, jadis assombris par la douleur et la tristesse, se remplirent d'une nouvelle lumière, celle de la conviction. "Je suis avec vous," dit-il avec une solennité qui pesait autant que son engagement.


En prononçant ces mots, il scellait non seulement une alliance personnelle mais peut-être aussi le destin d'une cité et de ses citoyens. Car en cet instant, ils n'étaient plus seulement trois individus dans une petite boutique, mais des acteurs dans la grande scène de l'histoire, unis dans une cause qui dépassait leur propre existence.


Sorti de la boutique, le couple se frayait un chemin à travers la myriade des ruelles de Rome, la lumière du soleil déclinant projetant de longues ombres sur la pierre vieillie. Leur prochaine destination était une caserne militaire. À l'intérieur, ils rencontrèrent un soldat du nom de Marco, aux yeux fatigués et à l'armure tachée. Un homme qui avait vu trop de batailles et trop peu de justice.


"Les Borgia m'ont pris ma terre, mon honneur," cracha-t-il, la colère faisant trembler sa voix. "Je n'ai plus rien à perdre."


"Alors peut-être avez-vous tout à gagner," rétorqua Ezio, fixant le soldat avec une intensité qui défiait le désespoir. "Rejoignez-nous, et combattez non pour un drapeau, mais pour la liberté elle-même."


Marco hésita, mais finalement acquiesça. "Je suis avec vous," dit-il, serrant fermement la main d'Ezio.


Leur périple les mena ensuite à une école discrète où ils rencontrèrent un jeune maître, Lorenzo, qui enseignait en secret des textes interdits par les Borgia. Ses yeux brillaient de l'éclat de la connaissance, mais étaient assombris par la peur.


"Je veux éduquer, illuminer, mais ils me brident à chaque étape," murmura-t-il, montrant un petit recueil de poésie qu'il cachait soigneusement.


Arianna le rassura. "Avec nous, votre connaissance sera votre arme, et votre salle de classe, toute Rome."


Un sourire timide se dessina sur le visage de Lorenzo. "Je suis avec vous," dit-il.


Alors qu'ils quittaient leur dernier rendez-vous, Arianna regarda Ezio, une pointe de fierté dans ses yeux. "Ainsi va la résistance. Petit à petit, nous formons une armée."


Ezio hocha la tête, mais son expression demeura grave. "Oui, mais chaque nouvel ajout porte en lui une responsabilité. Ce ne sont pas seulement des soldats, ce sont des vies, des âmes qui nous font confiance."


Arianna s'arrêta, touchée par la profondeur de son engagement. "Je sais que tu ne les laisseras pas tomber, Ezio."


Il s'arrêta à son tour et la fixa, ses yeux trouvant les siens comme deux aimants. "Et je sais que tu seras là pour m'aider à les guider."


Dans un geste doux mais déterminé, Arianna posa sa main sur le visage rugueux d'Ezio. "Toujours," dit-elle, ses yeux plongés dans les siens comme si elle pouvait y voir leur avenir.


Ils échangèrent un baiser, rapide mais chargé d'une intensité qui semblait condenser tout leur amour, leur lutte et leurs espoirs en un seul instant. Puis, presque comme des fantômes, ils remirent leur capuche et s'enfoncèrent dans les ombres croissantes de la ville.


Deux silhouettes dans la pénombre, indissociables et inébranlables, unies dans une lutte qui était loin d'être terminée.


-


Au cœur d'une cour intérieure secrète, dissimulée derrière des murs de pierre et des voûtes ombragées, Ezio Auditore se tenait, l'épée à la main. Le gravier crissait sous ses bottes en cuir tandis qu'il observait les visages qui se tenaient devant lui. À ses côtés, sa fille Isabella, une jeune femme aux yeux vifs et aux mouvements agiles, brandissait elle aussi une épée. Sa posture, tout comme celle de son père, était l'incarnation de la détermination et de la grâce.


Face à eux, un groupe hétérogène d'hommes et de femmes, tous impatients mais nerveux, les nouvelles recrues de leur cause. Certains étaient robustes et semblaient confiants; d'autres étaient plus maigres, avec des mains tremblantes.


"Ecco," dit Ezio, sa voix résonnant dans l'air calme comme le grondement d'un tonnerre lointain. "Vous êtes ici parce que vous avez choisi de lutter. Mais la volonté ne suffit pas. Vous devez être formés, aiguisés comme des lames. Car une lame émoussée, peu importe sa qualité, est inutile sur le champ de bataille."


Son regard perçant se posa sur chacun d'eux, comme s'il pesait leur potentiel, leur courage. Puis, il se tourna vers Isabella. "Montre-leur."


Sans un mot, Isabella s'élança vers son père, l'épée levée. Leurs yeux se verrouillèrent l'un sur l'autre un instant, un éclair de compréhension mutuelle, avant que leurs lames ne se croisent dans un tintement sonore. C'était une danse de métal et de feu, leurs épées s'entrechoquant en un rythme presque musical. Chaque étincelle qui jaillissait était comme une note, chaque mouvement une mélodie.


Ils se déplacèrent avec une synchronisation parfaite, comme s'ils étaient les deux faces d'une même pièce. Chaque parade d'Ezio était suivie d'une attaque d'Isabella, chaque attaque esquivée ou repoussée avec une maîtrise absolue. Leurs pieds glissaient sur le gravier de la cour, formant un ballet de mouvements si coordonnés qu'on aurait dit qu'ils avaient été répétés pendant des années.


Finalement, avec un mouvement rapide comme l'éclair, Ezio parvint à désarmer sa fille. Mais Isabella n'était pas une novice. Elle esquiva, roulant sur le sol pour récupérer son arme avant de se redresser avec agilité. Son épée était à nouveau dans sa main, prête pour le prochain échange.


Les recrues, qui avaient été témoins de toute la scène, étaient ébahies. Leurs yeux étaient grands ouverts, leurs bouches entrouvertes dans une admiration silencieuse. Ils comprirent alors que ce qu'ils avaient vu n'était pas un simple combat; c'était une symphonie de compétences, un art façonné par des années d'expérience et de sacrifice.


"Vous voyez," dit Ezio, sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration. "Ce n'est pas seulement la force ou la vitesse qui compte. Ce sont la compréhension, la cohésion. Vous devez anticiper les mouvements de votre adversaire, lire dans ses yeux, sentir ses intentions. Et il en va de même pour vos alliés. Un Assassin n'agit jamais seul, même quand il se bat en solitaire."


Il posa une main sur l'épaule de sa fille, et leur regard se croisa de nouveau. Cette fois, c'était un échange empreint de fierté et de respect.


"C'est ça, l'essence de notre cause," conclut-il. "Nous ne sommes pas simplement des guerriers. Nous sommes des artistes du combat, des maîtres de l'anticipation et de l'adaptation. Et c'est ce que vous devez tous devenir."


Ezio reposa son épée avec un air sérieux et scruta la foule de visages devant lui. Son regard se posa sur un jeune homme au fond, un apprenti nommé Matteo à la carrure mince mais aux yeux plein de détermination. "Avance, garçon. Montre-nous ce que tu sais faire."


Matteo s'avança timidement, les yeux légèrement écarquillés mais l'air résolu. Isabella, d'un geste fluide, lui tendit une épée qu'il saisit avec un certain empressement. Ezio hocha la tête en signe d'encouragement, l'invitant à passer à l'action.


Le jeune homme s'élança, poussant un cri presque trop enthousiaste. Son épée fendit l'air avec force, mais sa trajectoire était erratique, imprécise. En un mouvement fluide, comme s'il dansait avec le vent, Ezio para l'attaque et repoussa Matteo, le faisant trébucher légèrement.


"Non, tu dois sentir l'épée comme une extension de toi-même," intervint Isabella, s'approchant du jeune homme et ajustant la prise de sa main sur la garde de l'épée. "Laisse le mouvement venir naturellement. Tu n'as pas besoin de forcer ; c'est une question de maîtrise, pas de muscle."


Ezio ajouta : "Et surtout, sois conscient de ceux qui t'entourent. Une armée n'est forte que si ses membres agissent comme un seul homme. Isabella, si tu veux bien montrer..."


Isabella prit position aux côtés de Matteo, leurs épées brillaient doucement dans la lumière tamisée de la cour. "Maintenant, attaque à nouveau," ordonna Ezio, se mettant en garde.


Avec un regard entendu, Matteo et Isabella s'élançèrent. Cette fois, leurs mouvements étaient en harmonie, comme s'ils étaient guidés par une même pensée. Les épées se croisèrent, et Ezio réussit à parer, mais il sentit un poids, une pression qu'il n'avait pas ressentie lors du premier échange. Il était clair que le jeune homme avait appris quelque chose, et cela remplissait Ezio d'un sentiment de fierté cachée.


"Bon, c'est un début," dit-il, abaissant son épée et reprenant son souffle. "Vous tous, écoutez bien. Chaque jour, nous nous entraînerons. Et chaque jour, vous deviendrez plus forts. Mais souvenez-vous, la vraie force ne se trouve pas seulement dans la puissance de votre bras. Elle réside dans votre cœur, dans votre esprit, et surtout, dans l'unité que vous formez avec vos frères et sœurs d'armes."


Isabella sourit et posa sa main sur l'épaule de Matteo, qui semblait un peu moins tendu à présent. "Bienvenue dans la famille," dit-elle avec chaleur.


"Et bienvenue," ajouta Ezio en fixant son regard dans celui de chaque nouvelle recrue, "dans la lutte pour la liberté."


Après que les derniers apprentis eurent quitté la cour, un silence tranquille s'installa, presque comme un soupir de soulagement après la tension palpable de la journée. Les lampes à huile brûlaient faiblement, jetaient des ombres tremblantes sur les vieux murs de pierre, comme si elles aussi s'attendaient à un autre chapitre de cette longue histoire.


Ezio posa son épée à côté de lui et sortit une pierre à aiguiser de sa poche. Avec des gestes machinaux mais précis, il courba son bras pour glisser la pierre le long de la lame. Le son du métal contre la pierre avait quelque chose d'apaisant, presque méditatif.


Isabella, assise un peu à l'écart, étirait ses muscles endoloris et observait son père. Ses pensées dérivaient vers les années de séparation, ces moments où l'image de son père lui était plus familière dans les récits et les lettres que dans la réalité. Les circonstances avaient peut-être été cruelles, mais elles les avaient aussi rapprochés. Pour le meilleur ou pour le pire, ils étaient ensemble à nouveau.


Ezio sembla sentir son regard, car il leva les yeux et abandonna sa pierre à aiguiser. "Un autre entraînement, Isabella? Pour toi et moi?"


Elle hocha la tête, un sourire timide mais sincère illuminant son visage. "Je pense que nous en avons besoin, tous les deux."


"Allora, cominciamo," déclara Ezio en se levant et en ramassant son épée. Il marcha vers le centre de la cour, la poussière légère se soulevant sous ses bottes.


Cette fois-ci, alors qu'ils croisaient le fer, il n'y avait plus le poids du regard des autres, plus de besoin de montrer l'exemple. Ce qui restait était pur, c'était réel, c'était un dialogue silencieux entre eux. Leurs épées se rencontraient avec une sorte de grâce féroce, chaque mouvement une partie d'une conversation qu'ils avaient différée depuis trop longtemps.


Chaque attaque, chaque parade, chaque esquive étaient des mots non dits, des émotions contenues. Ce n'était pas seulement une maîtrise du combat qui se manifestait dans leurs mouvements, mais aussi une longue histoire d'abandon, de regret, et un amour souvent tacite mais indéniable.


Finalement, Ezio esquissa une feinte, un mouvement si subtile qu'il aurait trompé n'importe qui d'autre. Mais Isabella le suivit presque parfaitement. Presque. Avec une torsion habile du poignet, Ezio parvint à désarmer sa fille. La lame d'Isabella s'envola et atterrit dans la poussière.


Mais Ezio, au lieu de proclamer sa victoire, baissa simplement son épée et ouvrit ses bras. Pour un moment, Isabella resta figée, comme si elle pesait l'éternité dans ce geste. Puis, après une seconde d'hésitation, elle se jeta dans l'étreinte de son père, un acte non pas de reddition, mais de retrouvailles.


"Je suis désolé," murmura Ezio, sa voix tremblante d'une émotion qu'il avait rarement montrée. Le poids des années et des regrets semblait s'atténuer, même si c'était juste un peu, dans cet aveu. "Pour tout."


Isabella resserra son étreinte autour de lui, sentant les vieilles cicatrices de son cœur commencer à guérir. "Et moi, je suis prête à aller de l'avant. Nous avons une ville à sauver, n'est-ce pas?"


Ezio la serra plus fort contre lui, comme si ce simple acte pouvait réparer les erreurs du passé et forger un avenir plus fort. "Sì, abbiamo molto da fare, mia cara."


Leur étreinte se brisa enfin, mais l'électricité de ce moment restait, faisant briller leurs yeux d'une résolution nouvelle. Isabella se pencha pour ramasser son épée, sa lame semblant plus légère qu'avant. Avec un mouvement fluide, elle la glissa dans son fourreau. "Alors, qu'est-ce qui vient ensuite, Padre?"


Ezio esquissa un sourire, sentant un regain de force et de but à travers les veines de sa vie compliquée. Il rangea lui aussi son épée, l'acier chantant doucement en se logeant dans son étui de cuir. "Nous formons une armée. Et cette fois, nous le faisons ensemble."


Isabella hocha la tête, son visage se durcissant en envisageant les défis qui les attendaient. "Ensemble," répéta-t-elle, comme si le mot lui-même avait le pouvoir de changer leur destin.


Les deux figures, père et fille, échangèrent un regard complice, chacun lisant dans les yeux de l'autre un engagement renouvelé à la cause, à leur famille, et à eux-mêmes. Sans un autre mot, ils se tournèrent et quittèrent la cour, marchant côte à côte comme des égaux.


Et alors qu'ils disparaissaient dans les ombres croissantes de la ville, enveloppés par la nuit qui se préparait, on pouvait sentir, presque comme une palpitation dans l'air, que leur union était maintenant plus solide que jamais. Ils étaient prêts à affronter les tempêtes à venir, ensemble.


-


Ezio marchait d'un pas lourd à travers les couloirs de la vieille bâtisse, les pierres usées du sol semblant absorber chaque once d'énergie qu'il lui restait. Ce sanctuaire, qui servait de quartier général aux Assassins, avait vu tant de vies s'entrelacer dans ses murs, chacune avec ses propres luttes et triomphes. Ces murs, autrefois si accueillants, semblaient aujourd'hui murmurer des jugements silencieux, comme s'ils étaient les gardiens des secrets et des déceptions qui pesaient sur lui.


Il était épuisé, mentalement et physiquement, portant depuis des mois le fardeau de diriger une organisation en guerre constante. Mais ce qui le tourmentait ce soir, ce n'était pas la menace toujours présente des Templiers, ni les défis de diriger les Assassins. C'était plutôt l'absence constante de Frédérico aux entraînements, une absence qui se transformait en abîme grandissant entre eux.


Enfin, il arriva à la porte de la chambre de son fils. Sa main se leva et frappa fort contre le bois, une colère sous-jacente faisant trembler ses doigts légèrement.


"Entrate!" cria Frédérico de l'intérieur, sa voix dépourvue de la gravité qui saturait l'air du couloir.


Ezio poussa la porte, le grincement des gonds semblant annoncer son humeur tendue. Frédérico était là, assis sur son lit, un livre ouvert posé sur ses genoux. Ses yeux se levèrent pour rencontrer ceux de son père, et dans cet instant, Ezio sentit son visage se durcir. Ce n'était pas le livre lui-même qui le dérangeait, la littérature avait toujours été un refuge bienvenu pour les esprits agités. Non, c'était le symbole que le livre représentait : une autre distraction, une autre raison que trouvait son fils pour rester éloigné de ses responsabilités, de son héritage, et plus douloureusement, de lui.


"Frédérico, pourquoi n'étais-tu pas à l'entraînement aujourd'hui? Encore?" demanda Ezio, la déception incrustée dans chaque syllabe.


Frédérico leva les yeux, son visage impassible, comme s'il avait sculpté un masque d'indifférence pour l'occasion. "Je ne vois pas pourquoi je devrais aller à chaque entraînement. Je suis assez bon dans ce que je fais."


"Bon?" répliqua Ezio, la voix pleine de dédain, un mélange d'irritation et de regret. "Penses-tu que 'bon' est suffisant quand il y a des vies en jeu, des familles à protéger, une ville à libérer? Quand nous sommes en guerre?"


Sans un mot, Frédérico ferma brusquement le livre qui reposait sur ses genoux et se leva, se tenant face à son père. "Je n'ai pas à me justifier devant toi."


"Tu as des responsabilités, envers toi-même, envers ta famille, envers l'Ordre," rappela Ezio, ses yeux fixés sur ceux de son fils, cherchant un indice, une ouverture, un signe que quelque chose, n'importe quoi, avait percé.


"Ma famille?" Frédérico éclata d'un rire amère, son masque impassible se fissurant légèrement. "Depuis quand te soucies-tu de la famille?"


Le visage d'Ezio se tendit, et il serra les poings pour contrôler la colère qui montait. "J'ai fait des erreurs, je le sais. Mais je suis ici maintenant. Nous devons être unis, surtout avec la menace des Borgia qui plane sur nous."


"Unis? Comme tu es uni à Maman?" Le dédain dans la voix de Frédérico était tellement épais qu'on aurait pu le trancher avec une dague. "La mettre enceinte dans une période où chaque ombre dans la rue pourrait être un assassin, c'est de la folie pure. C'est comme si tu souhaitais que nos ennemis aient encore plus de moyens de nous atteindre."


Ezio, la mâchoire serrée, tenta de ramollir sa voix, comme s'il pouvait édulcorer la vérité par ce simple geste. "Ce n'était pas prévu, c'est vrai, mais c'est une bénédiction, pas une malédiction."


"Une bénédiction?" Les yeux de Frédérico s'embrasèrent, les flammes de vingt années d'abandon y brûlaient. "Tu parles avec l'ignorance d'un homme qui n'a jamais vu les conséquences de ses actes. Tu ne sais rien de ce que c'est que de grandir en se demandant chaque jour si son père est mort ou pire, s'il a simplement choisi de disparaître."


Les mots de Frédérico étaient comme des flèches empoisonnées, et chaque mot trouvait sa marque. "Je fais de mon mieux pour réparer mes erreurs," dit Ezio, la voix tremblante malgré lui.


"Réparer? Est-ce que tu as une idée de ce que signifie réparer?" Frédérico se rapprocha, son visage à quelques centimètres de celui d'Ezio. "Isabella peut bien tomber dans tes bras si ça lui chante. Elle était toujours la plus sentimentale d'entre nous. Mais n'attends pas la même indulgence de ma part."


Ezio, son visage un masque de douleur et de regret, ouvrit la bouche pour parler, cherchant désespérément les mots qui pourraient bâtir un pont, si petit soit-il, entre lui et son fils. Mais Frédérico ne lui en donna pas l'occasion.


"Tu as peut-être réussi à gagner le cœur d'Isabella avec tes belles paroles et tes actes de bravoure, mais pour moi, tu resteras toujours l'homme qui a abandonné sa famille quand elle avait le plus besoin de lui. Et ni un nouveau-né, ni un million d'actes de bravoure ne pourront effacer ça." Frédérico saisit son livre avec une telle force que la couverture se déforma légèrement, passa à côté de son père comme si ce dernier était un simple meuble, et sortit de la pièce, claquant la porte derrière lui.


Ezio resta là, son cœur lourd comme du plomb, à réfléchir sur le gouffre béant qui s'était creusé entre lui et son fils. Un gouffre qui semblait, à cet instant précis, aussi vaste et infranchissable que la mer elle-même.


Ezio s'assit lourdement sur le banc de bois proche de la fenêtre, ses mains tremblantes posées sur ses genoux. Il était comme un homme naufragé, agrippé à des fragments de son passé tout en étant ballotté par les tempêtes du présent. Les souvenirs de son arrivée à Rome refirent surface, une époque où tout semblait possible.


À son arrivée, Frédérico l'avait accueilli avec un mélange de curiosité et d'espoir palpable. Le jeune homme avait étudié son père à la dérobée, ses yeux brillant de l'admiration réservée aux héros d'enfance. Ils avaient partagé des discussions profondes sur les philosophies des Assassins, s'étaient entraînés ensemble dans le maniement des armes, et avaient même échangé quelques rires spontanés, ces rares moments où les murs entre eux semblaient momentanément s'effondrer. Frédérico avait semblé vouloir laisser derrière lui les années d'abandon et de silence, ouvert à la possibilité de connaître l'homme derrière la légende qui avait peuplé ses rêves et ses cauchemars.


Mais ce fragile édifice s'était effondré, brisé par une série d'événements malheureux. La mission qui avait mal tourné, coûtant la vie à des alliés précieux. La blessure d'Arianna qui l'avait laissée alitée pendant des semaines. Chaque incident avait érodé la confiance naissante de Frédérico, transformant son admiration en une déception qui s'était accumulée comme du sable dans un sablier.


La grossesse inattendue d'Arianna avait été la goutte qui avait fait déborder ce sablier déjà plein. Pour Frédérico, cette nouvelle avait résonné comme un écho du passé, une nouvelle démonstration de l'irresponsabilité de son père. Une décision prise dans le feu de la passion, sans considération pour ceux qui devraient vivre avec les conséquences. Cela avait été un miroir cruel, reflétant l'image d'un Ezio qui, pour toutes ses compétences en tant qu'Assassin, pour toute sa grandeur légendaire, restait terriblement faillible, terriblement humain.


Chaque événement avait distendu un peu plus le fil déjà fragile qui les reliait, jusqu'à ce que Frédérico se retire presque complètement, bâtissant autour de lui une muraille faite de silence et de froideur. Et aujourd'hui, cette distance s'était manifestée de la manière la plus douloureuse, dans des mots empreints d'une amertume que même le temps ne pourrait peut-être pas guérir.


Ezio ferma les yeux, luttant contre les larmes qui menaçaient de jaillir. Il avait été un homme de nombreux accomplissements, un symbole de résistance et de bravoure. Mais en cet instant, assis seul dans cette pièce silencieuse, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait échoué là où cela comptait le plus. Dans le simple, mais oh combien complexe, rôle d'être un père.


Ezio se leva lentement, chaque fibre de son être semblant peser lourd sous le fardeau de son passé et de ses erreurs. Il traversa la pièce, les planches du sol gémissant sous ses pas, jusqu'à la fenêtre qui donnait sur les toits en terracotta de Rome. La cité éternelle s'étalait devant lui, ses ruelles tortueuses et ses monuments majestueux baignant dans la lumière du crépuscule. Rome était le théâtre de leurs drames personnels et collectifs, un labyrinthe de pierre où se déroulaient leurs batailles, qu'elles soient avec des épées ou des mots.


Alors qu'il contemplait ce paysage qui avait vu tant de ses victoires et de ses défaites, une prise de conscience le frappa comme un coup de poignard en plein cœur. Le combat le plus difficile de sa vie ne se trouvait peut-être pas dans les arcanes politiques de la cité, ou sur le champ de bataille contre les Borgia, ces ennemis extérieurs qu'il pouvait toucher, voir et vaincre. Non, le vrai combat se situait à l'intérieur, contre les ombres intangibles de son propre passé, contre les regrets et les déceptions qui s'étaient accumulés comme des cicatrices invisibles sur son âme et celle de ses proches. Ces ombres menaçaient maintenant de déchirer les derniers fils qui maintenaient sa famille unie.


Pour la première fois depuis bien longtemps, Ezio Auditore se sentit réellement perdu, vulnérable. Il avait été un guerrier, un leader, un homme qui tranchait le cours de l'histoire avec la lame de son épée. Il avait affronté des armées entières, avait déjoué les complots des Templiers, et avait même, d'une certaine manière, vaincu le destin lui-même. Mais devant cette nouvelle épreuve, il était démuni. Comment combattre le ressentiment ancré dans le cœur de son propre fils ? Comment vaincre les spectres d'un passé qu'il ne pouvait ni changer ni effacer ?


Il se tenait là, la main sur la vitre froide, cherchant des réponses dans le dédale des rues et des toits de Rome, comme si la cité elle-même pourrait lui offrir une solution, un chemin à suivre. Mais Rome restait silencieuse, et Ezio prit conscience que certains combats ne pouvaient être gagnés par la force ou la ruse, mais seulement par le temps, la patience et, peut-être, par cette chose fragile et insaisissable qu'est le pardon.


-


Frédérico referma la porte derrière lui avec une force maîtrisée, la colère palpable dans chacun de ses gestes. Il s'arrêta un instant, inspirant profondément pour calmer les battements de son cœur. Finalement, il se dirigea vers le salon. Il y trouva sa mère, Arianna, absorbée par la lecture d'un livre dense, peut-être une chronique historique ou un traité philosophique. Elle semblait si paisible dans ce moment d'évasion littéraire que Frédérico hésita à rompre cette quiétude.


Mais lorsqu'Arianna leva les yeux, elle sentit aussitôt la tempête émotionnelle qui bouillonnait en son fils. "Qu'est-ce qui s'est passé?" demanda-t-elle, marquant sa page d'un ruban de soie avant de refermer le livre avec précaution.


"Rien que des vieilles histoires, Maman. Des choses que je croyais derrière moi, mais qui ne semblent jamais vouloir disparaître," répondit Frédérico, ses mots imprégnés d'une amertume qui trahissait son jeune âge.


Arianna posa son livre sur la table, son regard perçant se fixant sur Frédérico. "Tu parles de ton père, n'est-ce pas?" Elle ne posait pas une question, mais plutôt confirmait ce qu'elle savait déjà être vrai. C'était comme si elle déchiffrait une écriture ancienne, familière et pourtant toujours déconcertante.


Frédérico hocha la tête, tout en s’asseyant à ses côtés, son visage se durcissant. "Il est inconscient. Nous sommes dans une guerre sans fin, Maman, et il pense qu'il est bon de ramener une autre vie dans ce chaos? C'est de la folie."


Arianna sentit le pincement de ces mots. Frédérico n'avait pas dit 'vous', mais 'il', comme si son père était le seul à prendre cette décision, mais elle savait que dans son cœur, son fils les blâmait tous les deux. "Ton père a ses raisons, peut-être difficiles à comprendre pour toi," commença-t-elle, sa voix restant étonnamment calme malgré la tension palpable. "Mais cette grossesse, bien qu'inattendue, n'est pas une décision légère. C'est aussi ma décision, Frédérico. La vie ne s'arrête pas parce que nous sommes en guerre."


Frédérico la regarda, ses yeux trahissant un mélange de colère et de déception. "Alors c'est ça? Vous faites des choix pour vous deux, sans penser à ce que ça signifie pour Isabella et moi? Sans penser à ce que ça signifie pour cette famille ?"


La réplique de Frédérico fit écho dans la salle, et Arianna sentit le poids de ses paroles. Elle avait espéré éviter cette confrontation, mais elle savait maintenant qu'elle était inévitable. Leur famille était à un tournant, et les choix qu'ils faisaient maintenant allaient les définir pour les années à venir.


Frédérico, ne trouvant pas le réconfort qu'il était venu chercher, se leva brusquement, les poings serrés. "Vous parlez toujours de choix, mais où est le nôtre, à Isabella et moi? Où est notre voix dans tout ça?"


Arianna leva les yeux, ses propres émotions mêlées de douleur et de compréhension. "Frédérico, tu es assez grand maintenant pour comprendre que les choix des parents résonnent dans toute la famille. Mais cela ne signifie pas que nous faisons ces choix à la légère, ou sans considérer comment ils vous affectent, toi et ta sœur."


"Vous voulez dire comment ils nous condamnent," rétorqua Frédérico, laissant éclater sa frustration.


Arianna se leva à son tour, s'approchant de lui avec une gravité qui la rendait presque intimidante. "La vie est pleine de défis, mon fils. Ce n'est pas parce qu'il y a une guerre que nous devons cesser de vivre, cesser d'aimer. Si nous le faisons, alors ils ont déjà gagné, ceux qui veulent nous détruire."


Frédérico sentit ses défenses s'effriter face à la force tranquille de sa mère. Mais il ne pouvait pas la laisser gagner ce round aussi facilement. "Et qu'en est-il de la guerre à l'intérieur de cette maison? Celle entre toi et papa? Vous croyez vraiment qu'ajouter un autre enfant dans cette dynamique est sage?"


Le visage d'Arianna se durcit, une lueur de tristesse traversant ses yeux. "Les relations sont compliquées, Frédérico. Ton père et moi avons nos différences, nos conflits, c'est vrai. Mais nous avons aussi notre amour, un amour qui a survécu à des épreuves que tu ne peux pas encore comprendre. Et parfois, c'est cet amour qui nous pousse à prendre des décisions audacieuses, comme d'avoir un autre enfant, même au milieu du chaos."


Frédérico regarda sa mère, cherchant des fissures dans son armure de conviction, mais n'en trouva aucune. "Je veux croire que vous savez ce que vous faites," dit-il finalement, sa voix adoucie par un mélange de résignation et d'espoir naissant.


Arianna s'approcha pour le prendre dans ses bras, cherchant à apaiser la tempête qui faisait rage en lui. Mais Frédérico recula, l'empêchant d'effectuer ce geste maternel qui, autrefois, mettait fin à toutes disputes.


"Je ne peux pas, Maman. Pas cette fois," dit-il, les yeux brillants mais déterminés.


Arianna sentit une bouffée de chagrin l'envahir, mais elle respecta la distance que son fils imposait. "Frédérico, je sais que c'est difficile à comprendre, mais—"


"—Non, Maman, c'est très simple à comprendre," le coupa Frédérico. "Vous avez fait votre choix, sans penser aux conséquences pour Isabella, pour moi, ou pour cette famille déjà en ruines. Alors je fais le mien. Je ne serai pas là pour voir ce désastre s'effondrer encore plus."


"Frédérico, tu ne peux pas dire ça. Tu es mon fils. Tu es un Auditore. La famille est tout," implora Arianna, en utilisant les mots qu'elle avait autrefois utilisés pour consoler et guider.


"Peut-être," répondit Frédérico, se dirigeant vers la porte. "Mais parfois, la famille fait des choix qui nous forcent à remettre tout en question. Même l'idée de la famille elle-même."


Arianna regarda son fils s'éloigner, sentant que l'abîme entre eux s'élargissait en un gouffre qui pourrait ne jamais être comblé. Pour la première fois, elle se demanda si les choix qu'elle et Ezio avaient faits étaient véritablement pour le mieux, ou s'ils avaient simplement semé les graines de la discorde qui menaçait maintenant de déchirer tout ce qu'ils avaient chéri.


Frédérico franchit le seuil de la porte, jetant un dernier regard vers sa mère. "Je t'aime, Maman. Mais je ne peux pas accepter ceci. Pas cette fois."


Et il sortit, laissant Arianna seule dans la pièce, à méditer sur le coût véritable des décisions et des sacrifices que la vie, en temps de guerre et de paix, exige inévitablement.


-


Arianna quitta la pièce, ses pas lourds résonnant dans le couloir sombre de leur demeure. Elle sentait encore le poids de la confrontation avec Frédérico, une masse douloureuse dans sa poitrine. Elle ouvrit la porte qui menait à la chambre qu'elle partageait avec Ezio, s'arrêtant un instant sur le seuil pour l'observer.


Ezio était assis devant son bureau, absorbé dans la rédaction d'un parchemin, sans doute un message pour un autre membre de l'Ordre des Assassins. Il ne l'avait pas entendue entrer, et elle hésita à rompre sa concentration.


Mais il leva les yeux, comme s'il sentait sa présence, et tout à coup, le masque de l'Assassin disparut pour révéler l'homme qu'elle avait aimé pendant toutes ces années. "Arianna, qu'est-ce qui ne va pas ?" demanda-t-il, voyant la détresse dans ses yeux.


Elle s'approcha, et cette simple question la fit se sentir encore plus vulnérable. "J’ai parlé à Frédérico"


Il mit de côté son parchemin et sa plume, geste qui symbolisait leur besoin mutuel de faire une pause dans leurs vies agitées. "Comment s'est passée votre conversation ?"


Arianna soupira. "Aussi mal que l'on pouvait s'y attendre. Il est en colère, Ezio, et pas seulement contre toi. Contre nous deux."


Ezio hocha la tête, les traits de son visage se durcissant. "Nous nous sommes aussi disputés, il m'a accusé de mettre en danger notre famille en apportant une nouvelle vie en ce monde. Il ne peut pas voir au-delà de la guerre et du chaos."


"Je crois que c'est notre plus grand échec," dit Arianna en prenant place à côté de lui. "Nous avons élevé nos enfants dans un monde en conflit, et ils ne peuvent pas imaginer autre chose."


Ezio saisit ses mains, les tenant comme si elles étaient un ancrage au milieu d'une tempête. "Nous avons toujours fait de notre mieux pour eux. Mais il est difficile de leur montrer la lumière quand nous naviguons à travers tant d'obscurité."


Arianna sentit ses yeux se remplir de larmes. "Alors que faisons-nous, Ezio ? Comment réparons-nous cette brèche entre nous et notre fils ? Comment lui montrons-nous que la vie, même dans sa plus pure complexité, est un cadeau et non un fardeau ?"


Ezio baissa les yeux, visiblement perdu. "Je ne sais pas, Arianna. Peut-être que certains dommages ne peuvent pas être réparés, même avec toute la bonne volonté du monde."


Son cœur se serra à ces mots, et elle sentit la gravité de leur situation. "Alors où cela nous laisse-t-il ? Continuons-nous simplement à errer dans cette obscurité, en espérant qu'un jour une lumière nous guide ?"


Il releva les yeux vers elle, et le regard qu'ils échangèrent était empreint de tristesse. "J'aimerais pouvoir te donner une réponse, Arianna. J'aimerais pouvoir dire que tout ira bien, que nous trouverons un moyen de réparer ce qui a été brisé. Mais la vérité, c'est que je ne sais pas si c'est possible."


Elle se détourna, sentant le poids de ses paroles. "Je suppose que la seule chose que nous puissions faire, c'est essayer de survivre à cette tempête et espérer qu'elle ne détruira pas tout ce qui nous est cher."


Ezio l'attira vers lui, mais cette fois, l'étreinte n'était pas réconfortante. Elle était un rappel de leur vulnérabilité, de leur impuissance face aux défis qui les attendaient. "Nous faisons de notre mieux, Arianna. C'est tout ce que nous pouvons faire. Et espérer que cela sera suffisant."


Elle s'accrocha à lui, mais au lieu de trouver du réconfort, elle trouva seulement une confirmation de leurs peurs et de leurs doutes. Ils étaient unis, mais c'était une union fragile, mise à rude épreuve par un monde en proie au chaos et par les fissures grandissantes dans leur propre famille.

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