Comme si c’était la première fois

Chapitre 7 : Danse avec le chaos

1603 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 5 mois

EKKO


J’ai encore du mal à respirer.

Mon ventre me lance, et mes pensées sont en vrac.

Son regard. Son putain de regard, avant qu’elle ne m’envoie valser.


Je serre les dents et me force à avancer. Ce n’est pas le moment. Pas maintenant.

Je rejoins Diego en bas, tentant d’ignorer le feu qui me brûle encore la peau. S’il a pris le risque de venir jusqu’ici, c’est que c’est grave. Alors j’écrase tout ça, je ravale ma fierté et je me concentre.

Mes yeux bifurquent un instant vers la plateforme. Elle est toujours là.


— Ils sont venus jusqu’à l’arbre. Ils cherchent Jinx.


Je me fige. Le poids de ses mots me cloue sur place, mais déjà mes yeux balaient les ombres autour de lui, cherchant une menace invisible.


— Ekko…


Il marque une pause, et quand il reprend sa voix est plus grave, plus dure.


— Ils ont pris les enfants en otage.


Un frisson me vrille l’échine. Je sens mes mâchoires se contracter, ma gorge se nouer. Pas maintenant…

Je ferme les yeux, juste une seconde. Mon cerveau tourne à plein régime, cherchant un plan, une solution, une issue—


— Salut Diego ! Bon, on y va ?


Sa voix résonne dans mon dos, légère.

Trop légère.

Je me retourne d’un coup. Elle est là, accrochée au cou du Vestaya, se balançant d’avant en arrière sur un pied.

Elle joue. 

Comme si tout ça n’avait aucune importance. Comme si personne n’attendait d’être sauvé.

Elle avance déjà vers le tunnel, insouciante, une grenade tournoyant entre ses doigts.

Je déglutis et lui emboîte le pas.


— Jinx, il nous faut un plan !


Elle éclate de rire, sans ralentir.


— Il est tout trouvé.


Puis elle pivote, brusquement. Elle me regarde. Ses yeux brillent d’une lueur incontrôlable.


BOOM !


Elle mime une explosion avec ses mains, et tout en moi hurle que quelque chose ne va pas. Je croise le regard de Diego et on comprend en même temps. Mon cœur bondit dans ma poitrine.


NON !


Mon bras se tend d’instinct vers la chaînette… Mais il n’y a rien.

Quoi ?!

Je baisse les yeux. Ma chaînette… elle a coupé l’embout métallique. Le piège s’est refermé. Mes doigts tremblent, tentent d’attraper ce qu’il reste de la ficelle—


Trop tard.

Un sifflement.

Une détonation.


Un souffle violent me percute et je suis projeté en arrière, l’air arraché de mes poumons. Le sol tremble sous moi. Un bruit sourd. Puis un autre. Et soudain, tout s’effondre.

Une masse de gravats s’abat devant moi dans un fracas assourdissant, soulevant un nuage de poussière qui me brûle les yeux et la gorge.

Je me redresse en toussant, mes oreilles sifflent encore sous l’onde du choc.

Le tunnel est condamné. Je me tourne vers Diego, le souffle court.


— Elle va faire quoi ?


Sa voix tremble légèrement.

Je serre les dents.

C’est Jinx, elle est capable de tout. 

Je cherche une issue du regard. Rien. Juste des gravats, des blocs de pierre, et cette foutue mélodie qui continue de tourner en boucle. Elle me hante, s’infiltre dans mon crâne comme une aiguille sous la peau. Je serre les dents, essayant d’ignorer la danse, d’ignorer Powder, d’ignorer les souvenirs.

Il faut penser au futur. À la menace.

Jinx est seule, et si elle n’a plus rien à perdre, elle peut tout faire sauter. Sans se soucier des enfants, sans se soucier de rien.


Je me tourne vers Diego. Il est déjà en train de déblayer le tunnel pierre par pierre, comme si la force brute pouvait suffire. Je sais que non. On n’a pas le temps.

Alors je fonce vers l’atelier de Jinx. Il me faut quelque chose d’efficace, rapide. Je fouille, repousse des outils, ouvre des tiroirs, et tombe sur ses créations. Une ménagerie de métal et d’explosifs. Des singes, des chiens, des requins… Un bestiaire improbable, grotesque. Je n’ai pas le temps de comprendre leur fonctionnement, pas le temps de réfléchir. Je les attrape tous.

Les bras chargés de ces engins, je reviens en courant. Diego s’arrête une seconde pour m’observer, incrédule.


— Le singe, c’est une grenade… je crois. Mais j’en ai pas assez pour tout déblayer.


Il attrape un chien mécanique et l’observe un instant avant de hausser les épaules. On n’a pas le choix. J’acquiesce, dégoupille le premier gadget et recule de plusieurs pas.

L’explosion résonne dans le repaire. Un éclair de lumière, un souffle violent, puis… un feu d’artifice. Des étincelles multicolores éclatent dans l’obscurité, illuminant les gravats qui n’ont pas bougé d’un centimètre.

Je jure entre mes dents.

Le temps presse.


Je chope un requin et le lance dans le tunnel. Une fumée bleue envahit immédiatement l’espace. Un putain de fumigène. Je tousse, me couvrant le nez d’un bras. La visibilité diminue, l’air devient plus lourd. L’oxygène va nous manquer.


— Encore, grogne Diego.


J’obéis. Un autre. Puis un autre.

Un oiseau mécanique explose en une pluie de confettis. Un chat projette une salve de peinture fluorescente. Un lézard émet un sifflement strident avant de se consumer en silence.


— T’es sérieux, Jinx…


Ma voix s’étouffe dans le nuage qui nous encercle. La gorge en feu, je lance un dernier projectile. Enfin, une explosion utile. Une partie du tunnel cède, un trou s’ouvre… mais c’est insuffisant. Il faudrait des heures pour dégager le passage.

Les heures qu’on n’a pas.

Je passe une main tremblante dans mes cheveux et regarde autour de moi. Il n’y a plus rien à tester. Plus rien à faire.

Diego, haletant, s’adosse contre un mur. Je sais ce qu’il pense. Il ne le dira pas, mais il regrette. Il regrette que je l’aie ramenée ici.

Et moi…

Moi, je réalise que je l’ai peut-être perdue. Définitivement.


Je pousse une dernière pierre et sens les gravats trembler sous mes doigts. On y est presque. Mon regard croise celui de Diego, et dans un ultime effort, on force le passage.

L’air s’engouffre brutalement dans mes poumons alors que je m’extrais enfin du tunnel effondré. Mais il est lourd, vicié. Rien ne semble plus respirer normalement ici. Je plaque une manche contre mon nez et me redresse, scrutant les alentours.

Des corps jonchent le sol.

Des Enforcers, uniquement.

Mon cœur cogne dans ma poitrine. Je ne perds pas une seconde et fonce vers l’arbre.


Il est là.

Intact.


Mon souffle se coupe. Pendant un instant, plus rien d’autre n’existe. L’arbre tient toujours debout, comme un mirage au milieu du chaos.

Puis l’adrénaline me rattrape.

Je cherche Jinx du regard. Mais au lieu de sa silhouette, je ne vois que des visages hagards, des corps tremblants, des enfants accrochés à leurs parents comme si leur vie en dépendait.

Les enfants… Ils sont en vie.

Je saisis un habitant au hasard, ma voix plus pressante que je ne le voudrais :


— Tout le monde va bien ? Il y a des blessés ?


L’homme hoche la tête, silencieux, avant de repartir sans un mot.

Un cri fend l’air.


— Il faut sauver Jinx !


Je me retourne brusquement. Rune court vers son père, des larmes plein les joues, mais son visage est illuminé d’un soulagement presque inconnu pour moi.

J’approche vivement et me baisse à sa hauteur.


— Où est-elle ?


Ses petits poings tremblent alors qu’elle sanglote :


— Les méchants l’ont prise !


Mon estomac se tord.

Si elle s’est laissée capturer, c’est qu’elle était à bout.

Je me redresse d’un coup, déjà en mouvement.

Pas le temps d’hésiter.

Pas le temps de réfléchir.

Jinx est en danger.


Je cours vers la sortie de mon antre, le cœur battant, prêt à foncer droit vers l’enfer s’il le faut.

Mais une ombre se détache dans la fumée.

Je m’arrête net, les muscles tendus. Mon regard accroche une silhouette qui avance lentement, et sans réfléchir, j’empoigne une barre métallique, prêt à frapper.

La forme devient plus nette.

Et mon monde s’arrête.

Enveloppée dans mon manteau, portée comme un poids mort contre une épaule massive…

Jinx.


Mon souffle se coince dans ma gorge alors que mes yeux remontent vers Sevika. Son expression est fermée, mais quelque chose dans son regard me frappe. Elle s’arrête juste devant moi, soutenant toujours Jinx comme si elle pesait à peine plus qu’une plume.


— Elle est blessée.


Sa voix est dure, mais les mots suffisent à balayer la colère qui me rongeait encore.

Je m’avance d’un pas sec. Jinx est inconsciente, sa peau anormalement pâle sous la lumière trouble des lampes. Ses cheveux collent à son front, poissés de sueur et de sang.


— Elle s’est bien battue, lâche Sevika. Les Enforcers ne sont pas prêts de revenir.


Je tends les bras, et elle me la confie sans un mot de plus.

Jinx est là. Vivante.


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