Would've, Could've, Should've [Arcane]
Lorsque Powder avait écrit la lettre pour sa famille, prétextant un voyage, elle n'aurait jamais imaginé finir ailleurs qu'à Zaun ou Piltover. Et pourtant, une fois descendue du bateau, l'air marin et les bruits du port l'entouraient de toute part. Elle ne possédait rien, si ce n'est les vêtements qu'elle portait.
Elle resta immobile sur le ponton, perdue et incapable de décider quoi faire. Elle pouvait toujours monter à bord d'un autre bateau, mais combien de temps cela lui prendrait-il pour arriver quelque part ? Et où se trouvaient sa sœur et Ekko actuellement ? Peut-être à Piltover, ou peut-être à l'autre bout du monde. Est-ce que quelqu'un l'attendait encore, quelque part ?
Une bouffée d'angoisse l'envahit, et ses yeux se remplirent de couleurs tourbillonnantes. Elle entendit des rires, des voix indistinctes, et ses yeux semblèrent pulser comme s'ils allaient se déloger de sa tête. Elle grogna de douleur et, après quelques instants, les voix s'évanouirent. Elle n'avait jamais ressenti quelque chose de semblable, comme si quelque chose en elle s'éveillait pour lui nuire.
Elle n'eut pas le temps de reprendre ses esprits lorsqu'un homme la bouscula dans la foule, la faisant trébucher de quelques pas. Sa capuche glissa de sa tête et retomba sur ses épaules. Immédiatement, les passants s'écartèrent, formant un cercle autour d'elle comme s'ils craignaient de l'approcher. Des murmures s'élevèrent dans la foule, et un mot revenait sans cesse : "Jinx."
Rapidement, elle remit sa capuche et s'éloigna, traversant la foule d'un pas pressé. Elle arpenta des ruelles bordées de maisons en bois rouge, au hasard, la tête baissée, évitant le regard de quiconque croisait son chemin.
'Qu'est-ce qui se passe, bon sang ?' pensa-t-elle, serrant un peu plus fort sa cape contre elle, malgré la chaleur étouffante.
Lorsque la nuit tomba, Powder avait un plan. Elle naviguait dans un océan d'inconnu et de hasard, se sentant perdue dans une confusion presque écrasante, mais elle refusait de se décourager.
Elle devait retourner à Piltover. C'était sa meilleure chance de retrouver Vi et Ekko dans ce monde, ou au moins de trouver une trace d'eux, quelqu'un qui pourrait la guider.
Prendre un bateau était trop risqué. Elle avait réussi à passer inaperçue à l'aller — peu importe comment cet "aller" avait commencé — mais désormais, les gens semblaient la reconnaître, et pas en bien. Il était possible que certains la recherchent encore là-bas. Elle décida donc de tenter sa chance avec un dirigeable. Enfant, elle avait toujours rêvé de voyager dans l'un de ces ballons. Et par un mécanisme qu'elle ne comprenait pas, ils semblaient étonnamment rapides, traversant le ciel à une vitesse extraordinaire grâce à un portail bleu.
C'est ainsi que Powder se cacha dans un tonneau de vin vide, dissimulée par l'obscurité de la nuit, dans un hangar métallique qui tranchait étrangement avec l'architecture paisible et les toits en forme de pagode. Par chance, une cargaison semblait être en préparation pour Piltover, comme les panneaux semblaient indiquer. Elle n'avait pas les moyens de monter à bord légalement et, après tout, elle aurait pu trouver pire comme cachette. Elle attendit de longues heures avant que sa caisse soit enfin déplacée vers le dirigeable.
Des sueurs froides lui parcoururent le dos lorsqu'elle entendit les pas des travailleurs s'approcher. Elle retint son souffle lorsqu'un homme saisit sa caisse, mais il ne sembla rien remarquer et l'emporta avec les autres.
Dans l'obscurité de la cale du dirigeable, Powder finit par sortir de sa cachette. Elle se sentait poisseuse, et l'odeur de vinasse de mauvaise qualité imprégnait ses vêtements. Grimaçant, elle retira sa cape et l'accrocha sur un clou qui dépassait de la paroi. Elle prit le temps d'attacher ses cheveux, qui étaient désormais bien plus longs que dans ses souvenirs, avant de s'asseoir dans un recoin sombre.
Elle n'avait aucune idée du temps que prendrait ce voyage, mais au moins, elle ne manquerait pas d'alcool si elle avait soif.
Dans la pénombre, des ombres semblaient bouger, murmurer, rire, se moquer d'elle. Powder ferma les yeux, tentant désespérément de chasser les démons qui la hantaient.
Elle se réveilla en sursaut lorsque le grondement des machines du dirigeable retentit sous elle. Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé depuis qu'elle s'était assoupie, mais les faibles rayons qui filtraient à travers la trappe indiquaient qu'il était temps de se préparer. Elle récupéra sa cape, qui avait séché mais portait toujours l'odeur tenace de vinasse, et l'attacha autour de ses épaules avant de remonter la capuche sur sa tête.
Elle ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Après avoir observé ces ballons filer dans les cieux à une vitesse vertigineuse, elle se demanda si c'était vraiment une bonne idée de s'être cachée à bord.
Mais avant qu'elle ne puisse changer d'avis, elle le ressentit avant même de l'entendre. Un changement imperceptible dans l'air, comme si elle était passée de la lumière à l'ombre. Un froid soudain l'enveloppa, accompagné d'une étrange pulsation dans ses oreilles. Pourtant, elle n'avait pas mal, et elle n'avait pas eu non plus l'impression de bouger d'un centimètre.
Elle resta figée, tapie dans un recoin de la pièce poussiéreuse, tendant l'oreille pour capter le moindre son, le moindre mouvement. Mais rien ne vint, si ce n'est le silence assourdissant après l'arrêt du moteur du dirigeable.
'C'est tout ? Je suis arrivée ?' pensa-t-elle, déconcertée.
Des bruits étouffés parvinrent alors à ses oreilles, des voix et des cliquetis mécaniques. Peut-être était-elle bel et bien arrivée. Elle retourna précipitamment dans son tonneau, le cœur battant, et attendit ce qui lui sembla une éternité avant qu'un grincement ne retentisse.
Quelqu'un était entré et s'affairait à vider la cargaison de la cale. Rapidement, elle sentit sa cachette se soulever, transportée vers l'extérieur.
Piltover n'était plus qu'une ombre de ce qu'il avait été dans son propre monde. Les rues étaient toujours aussi nobles et riches, et des tours gigantesques s'élevaient encore fièrement dans le ciel, mais elle sentait sans même y entrer que ce Piltover-là n'était pas le sien. Les passants, la façon dont leurs regards méprisants glissaient sur elle malgré sa cape, tout semblait étranger et hostile.
Elle traversa rapidement le pont qui reliait les deux cités et fut frappée de plein fouet par la réalité : Zaun n'était pas la Zaun qu'elle connaissait. Différent, certes, mais loin d'être aussi terrifiant que ce qu'elle avait quitté.
Et puis, elle le vit.
Elle aperçut d'abord son dos, brillant sous le soleil du matin. Son cœur s'accéléra, ses jambes se figèrent.
'Non... ça ne peut pas...' pensa-t-elle, paralysée par ce qu'elle s'apprêtait à découvrir. Pourtant, c'était bien lui. Vander.
Un mémorial.
Ses genoux tremblèrent avant de céder sous elle. Les larmes montèrent, incontrôlables. 'Il n'est pas mort, il n'est pas mort, il n'est pas mort.'
Elle sanglotait, effondrée devant ce monument. Avait-elle brisé sa famille, une nouvelle fois ? Avait-elle échangé la mort de sa sœur contre celle de son père ?
Le bâtiment était en ruines, une coquille abandonnée depuis longtemps. Il ne restait presque rien du Last Drop. Elle resta là, immobile devant les décombres, son cœur se serrant davantage face à cette désolation.
Finalement, elle traversa les gravats tant bien que mal, cherchant une explication. Même si peu de choses subsistaient, elle voyait bien que l'endroit avait été géré par d'autres après Vander.
"Eh bien, revenue d'entre les morts, à ce que je vois ?" Une voix rauque brisa le silence. Powder se retourna brusquement. Babette. La vieille femme était presque identique à celle qu'elle avait connue, mais plus marquée par le temps. Une cigarette pendait entre ses lèvres, libérant une fumée violette au parfum âcre.
"Babette ? Qu'est-ce qui... qu'est-ce qui s'est passé ici ?" demanda Powder d'une voix tremblante. La vieille plissa les yeux.
"Drôle de question. Il me semble bien que c'est toi qui as fait sauter ce bar. Celui de Silco, en tout cas. Ça fait bien trois ans, maintenant."
"Moi ?" Powder resta bouche bée. L'information lui semblait si absurde qu'elle ne savait quoi en faire.
Babette haussa un sourcil. "Qu'est-ce que tu fais là, Jinx ?"
Jinx. Encore ce nom.
"Powder," corrigea-t-elle.
Les yeux de Babette s'écarquillèrent un instant avant de se plisser, méfiants. Elle tourna la tête comme pour mieux la scruter.
"Je m'appelle Powder. Pas Jinx. Et je cherche ma sœur. Où est-elle ?"
Babette lui attrapa la main sans répondre et l'entraîna avec elle. La vieille femme avançait lentement, chaque pas marqué par une certaine difficulté, mais Powder ne dit rien et se contenta de la suivre.
Alors qu'elles traversaient le pont pour rejoindre Piltover, une pensée surgit dans l'esprit de Powder : est-ce que Babette allait la livrer à la police ? Mais cette hypothèse lui semblait absurde. Babette n'était pas de ce genre. Elles se connaissaient depuis toujours. Babette l'avait vue grandir, traverser les épreuves qui avaient fait d'elle ce qu'elle était. Non, elle avait une raison de l'emmener là où elles allaient.
Lorsqu'elles arrivèrent devant un portail doré majestueux, il fallut quelques secondes à Powder pour comprendre où elle se trouvait.
"La conseillère Kiramman ? Attends... Je crois que tu n'as pas compris. C'est ma sœur que je cherche—" Babette la coupa d'un ton ferme, mais avec gentillesse.
"Tes réponses se trouvent ici. Salue-la pour moi, mon enfant. C'est bon de te revoir."
Sur ces mots, elle tourna les talons et repartit, clopinant sur ses jambes fatiguées, disparaissant peu à peu dans la lumière du jour.
Powder resta plantée là, hésitante, comptant mentalement les secondes. Exactement 2 minutes et 31 secondes plus tard, la porte s'ouvrit.
Une jeune femme se tenait dans l'encadrement. Ses cheveux longs, d'un bleu profond, encadraient un visage marqué par un cache-œil qui dissimulait son orbite gauche. Powder la reconnut immédiatement : Caitlyn Kiramman, la fille de la conseillère.
"Hm... Bonjour... Je cherche quelqu'un. On m'a... conseillé de venir ici..." balbutia Powder, mal à l'aise.
C'était la première fois qu'elle rencontrait Caitlyn, mais l'expression de la jeune femme lui donnait l'impression inverse. Caitlyn la scrutait avec une intensité troublante, comme si elle la connaissait déjà... ou plutôt, connaissait une autre version d'elle.
"Oh, merde," souffla Caitlyn, brisant le silence.
Un fracas retentit dans la pièce, faisant sursauter les deux femmes.
Vi se tenait au centre du salon, une pile de livres éparpillée à ses pieds.
"Jinx ?" murmura-t-elle, hésitante, comme si le nom lui avait brûlé les lèvres.
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Oh here we go agaaaaaaaaain ! Mon addiction n'a pas de fin. J'espère que ce chapitre vous plaira, j'attend vos retours avec impatience !