Would've, Could've, Should've [Arcane]
Voici la suite de notre aventure, j'espère que cela vous plaira et j'attend avec impatience vos retours !
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Pour la millième fois cette nuit, Powder se retourna dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Chaque fois que ses yeux se fermaient, la boule blanche et l'homme — Ekko — en son centre revenaient la hanter, comme une image imprimée derrière ses paupières. L'odeur de fumée flottait encore dans sa cache, un énième rappel de ce qu'il s'était passé quelques heures plus tôt.
Elle avait eu du mal à expliquer à Ekko ce qui s'était produit, encore moins pourquoi il semblait avoir oublié plusieurs jours de sa vie. Elle avait voulu lui dire la vérité, mais quelque chose l'en avait empêchée. Et même maintenant, elle ignorait pourquoi elle s'était tue, se contentant de l'inviter à rentrer se reposer chez Benzo, prétextant qu'il devait être en forme pour la compétition du lendemain.
Une fois de plus, elle se retourna dans son lit, frustrée, et son regard fut attiré par une faible lumière qu'elle n'avait pas remarquée jusque-là. Elle se leva, enroulée dans sa couette, et s'approcha lentement. La lumière venait de l'autel de Violet : un cierge brûlait encore, vacillant, sur le point de s'éteindre.
Elle resta figée, immobile, son regard fixé sur la fumée blanche qui s'élevait doucement dans la tente, contrastant avec la peinture à l'effigie de sa sœur.
Son absence avait laissé un vide dans son cœur, un gouffre que même les années n'avaient pas comblé. Elle avait dit à Ekko — à cet homme qui avait pris sa place — que pour avancer, il fallait laisser quelque chose derrière soi. Mais en cet instant, elle aurait tout donné pour ne jamais l'avoir perdue.
Elle s'assit devant l'autel, la couverture toujours drapée sur ses épaules, et posa sa tête contre la table. Sa main s'aventura vers le tiroir, en sortit l'une des pierres bleues qu'elle gardait soigneusement cachées, et la déposa devant elle. Du bout du doigt, elle la fit rouler, en avant, en arrière, inlassablement.
Les pensées s'emballèrent dans son esprit, tourbillonnant comme une tempête. Les images d'Ekko, cette machine, ce changement. Elle se remémora tout avec une acuité presque douloureuse. La pierre semblait chauffer sous son doigt, mais elle continuait, incapable de s'arrêter.
Il avait pris la place de son ami, puis était reparti d'où il venait.
Un endroit où tout était différent. Ce rêve dont il lui avait parlé... Ce n'était pas une simple invention. C'était réel.
Puis, son esprit se tourna vers la fresque. La peinture de Vi qu'il avait faite.
Il ne l'avait pas imaginée. D'où il venait, Violet était encore vivante. Elle avait grandi, était devenue adulte. Et de la façon dont il l'avait traité elle, Powder était devenue ... Différente.
Elle se redressa d'un bond, renversant cendres et babioles dans un fracas. Ses mains tremblaient, mais sa décision était prise. Elle devait partir. Retrouver sa sœur. Retrouver ce garçon. Elle devait trouver cette vie où elle n'avait pas tout fait exploser.
L'idée lui semblait folle, irréalisable même. Mais la lueur vacillante de l'espoir était plus forte que le doute.
Monter un plan fut bien plus ardu qu'elle ne l'avait imaginé. Tant de données à assimiler, tant de variables imprévisibles dans ce qu'ils avaient créé ensemble. La nuit s'étira, l'aube frôlait déjà l'horizon, et elle n'avait à peine effleuré la surface de ce qu'elle devait reconstruire.
La boucle temporelle, la distorsion, le cœur même de la machine... Tout devait être refait, pièce par pièce, et cette fois, elle était seule.
Elle aurait pu demander de l'aide à son Ekko, mais elle savait qu'il refuserait catégoriquement. Pour lui, cette quête n'était que pure folie, une obsession qui l'entraînerait encore plus loin dans l'abîme.
Mais il y avait autre chose. Elle ne pouvait pas risquer de lui infliger le même sort qu'à Heimerdinger, emporté dans une anomalie temporelle et disparu sans laisser de trace.
Les heures passèrent, les croquis se multiplièrent, et la fatigue alourdissait ses gestes. Mais à chaque moment de faiblesse, l'image de Vi, vivante, quelque part, lui donnait la force de continuer.
Powder se promit qu'elle y arriverait.
Lorsque des bruits de pas interrompirent sa concentration, Powder releva la tête. Un rayon de soleil filtrait par l'escalier, éclairant légèrement la pièce. Elle grogna dans sa barbe : la compétition. Elle l'avait complètement oubliée.
La machine de stockage d'énergie était terminée depuis un moment, mais ils n'avaient jamais eu le temps de la peaufiner. Elle restait instable, reléguée au second plan au profit de la machine à remonter le temps.
"Powder ?" La voix d'Ekko retentit avant qu'elle ne voie son visage. Elle devina immédiatement pourquoi il était là : il venait la chercher pour partir à Piltover et participer à la compétition d'innovation.
Aussitôt, elle se redressa précipitamment et tira sur la couverture posée sur ses genoux pour dissimuler ses travaux.
"Je suis là ! Désolée, je ne me suis pas réveillée... Je crois que je suis malade." Elle simula une toux, suffisamment crédible pour qu'il hésite.
"Sérieusement ? Maintenant ?" lança-t-il avec frustration. "Et la compétition alors ? Je n'arrive pas à croire que j'étais tellement fatigué que je n'ai même pas fini les derniers réglages de la machine !"
"Oh, tu t'en sortiras très bien sans moi," répondit-elle en feignant une nouvelle quinte de toux. "Je vais retourner me coucher. Tu me raconteras comment ça s'est passé, d'accord ? Je suis sûre que tes idées vont les impressionner."
Ekko fronça les sourcils, son regard oscillant entre l'inquiétude et le doute.
"Tu es sûre que ça va ? Tu n'as pas l'air en forme."
Elle haussa les épaules, forçant un sourire fatigué. "Juste un mauvais rhume, rien de plus."
Il hésita, visiblement contrarié, mais finit par soupirer et hocher la tête. "D'accord. Mais repose-toi, d'accord ? On a encore du travail après la compétition. Je te raconterai tout en détail."
"Bonne chance," murmura-t-elle, le regard fixé sur lui alors qu'il disparaissait dans l'escalier.
Il était exactement comme avant. Son regard doux et familier, ce mélange de confiance et de chaleur qui lui rappelait tant de souvenirs. C'était Ekko, son Ekko. Celui qu'elle connaissait depuis toujours, celui qui avait toujours été là, malgré tout.
Elle le regarda s'éloigner, et son cœur se serra. Elle savait que ce qu'elle s'apprêtait à faire serait difficile. Elle savait que partir, le laisser derrière, signifiait bien plus qu'une simple absence. Mais l'idée de revoir sa sœur, de retrouver cette vie qu'elle avait perdue ou peut-être jamais eue, était plus forte que tout.
Lorsqu'il disparut dans l'escalier, elle ressentit une douleur vive, comme une lame invisible qui se plantait dans sa poitrine. C'était comme un adieu qu'elle ne pouvait prononcer à haute voix.
Elle serra les poings, se raccrochant à cette détermination qui lui brûlait l'âme. "Je suis désolée, Ekko," murmura-t-elle pour elle-même, le regard perdu dans les ombres de la pièce. "Mais je dois le faire."
Il fallut plusieurs jours à Powder pour terminer la machine. Elle avait utilisé le matériel récupéré après l'explosion ainsi que les plans laissés par Heimerdinger. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Elle ne pouvait pas échouer.
Avant de partir, elle laissa un mot à sa famille. Elle savait qu'ils la chercheraient, alors elle essaya de se montrer rassurante, prétextant une soudaine envie de voyager et leur promettant de donner des nouvelles.
Le cœur lourd et les mains tremblantes, elle se tenait au centre de la machine, une corde fermement serrée dans sa paume. C'était le moment. Lorsqu'elle se sentit prête, elle tira dessus. La même boule blanche, celle dans laquelle l'homme avait disparu, se forma atour d'elle.
Une douleur déchirante lui coupa la respiration, elle hurla d'une voix étouffée puis, plus rien.
Et ainsi, Powder disparut.
Pendant de longues secondes, elle se sentit aspirée dans un vortex immaculé, déchirée puis réassemblée. Puis, d'un coup, ses poumons s'ouvrirent, et elle tomba en avant. Elle atterrit de tout son long sur un plancher brun, l'odeur de l'eau salée et du poisson lui montant aussitôt au nez. Le soleil, haut dans le ciel, projetait une chaleur écrasante.
En s'appuyant sur ses mains pour se relever, la première chose qu'elle remarqua fut un doigt manquant à sa main gauche. Elle poussa un hurlement et se redressa précipitamment, avant qu'une violente nausée ne la saisisse, la forçant à vomir le contenu de son estomac. Les hommes autour d'elle ne semblèrent pas s'en soucier, continuant leurs activités, bien que certains lui jetèrent des regards suspicieux.
Devant ses yeux, une longue mèche violacée où la repousse atteignait la moitié de sa longueur. Elle prit appui sur ses jambes et se redressa, agrippant un tonneau proche pour ne pas tomber. Malgré la chaleur accablante, elle était couverte d'une cape jaunâtre qui la protégeait de la tête aux pieds, et ses bottes montaient jusqu'aux mollets.
Elle fit quelques pas, mais une nouvelle vague de vertige l'étourdit, la faisant trébucher. En rouvrant les yeux, elle aperçut son reflet dans une flaque d'eau : deux yeux violets la fixaient. Le visage reflété était le sien, mais elle ne se reconnut pas. Ce n'étaient pas ses yeux. Elle semblait avoir le même âge, mais une fatigue marquée imprégnait ses traits.
C'était elle... sans être elle.
"J'ai fait un rêve... où les choses se passaient autrement... Tu étais aussi différente dans mon rêve," lui avait-il dit un jour.
Elle leva une main et caressa son visage, l'examinant attentivement. Des détails qu'elle n'avait jamais vus auparavant lui sautèrent aux yeux : les tatouages qui couraient le long de son bras en motifs de nuages bleus, et les fines cicatrices qui marquaient ses joues.
Elle se demanda : quelle vie avait-elle vécue ici ?
"Hé, petite dame," lança une voix masculine, brusquant ses pensées. Elle ne reconnut pas le timbre, mais en voyant une paire de bottes usées s'arrêter devant elle, elle comprit qu'on s'adressait à elle.
"On va bientôt poser l'ancre. Vous êtes prête ?"
Powder releva la tête et découvrit un homme qu'elle ne connaissait pas. Sa carrure massive lui rappela Vander, mais ses cheveux blancs et ses rides profondes trahissaient son âge avancé.
"Où exactement ?" demanda-t-elle, un peu hésitante.
"Comment ça 'où' ? On arrive à Ionia, là," répondit-il avec un air légèrement perplexe.
'Ionia' ? Le nom fit écho dans son esprit. Une île, lointaine, isolée, perdue dans l'immensité de l'océan, bien loi, de Zaun.
"Oh merde," souffla-t-elle