Mes mémoires

Chapitre 30 : Un abandon

1621 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Assise sur la chaise du balcon, je regardais cette photo. De Vi et moi. Pleine de rire et de complicité. Ça changeait vraiment du début de notre rencontre… Pourtant, j’avais l’impression que tout redevenait comme avant. Les jours où nous ne nous connaissions qu’à peine. Je savais très bien où elle était ! Avec cette Caitlyn! Elle était censée passer la semaine avec moi ! Parce que j’avais besoin d’aide, parce que... J’avais besoin d’elle. Les larmes aux yeux, je m’allumais une cigarette, me retenant de brûler cette photo. Vi ne comprendrait, de toute façon, pas pourquoi je l’aurais fait. Mais ! C’était clair, non ? Pfff je n’en savais rien. Alors pourquoi ne pas… Je ne dormais plus chez Ekko depuis quelques semaines. Ça non plus, je ne savais pas pourquoi. Il avait des choses plus importantes à faire, je suppose ? Alors et si... Et puis… Je cicatrisais tellement vite. Pourquoi d’ailleurs ? Je ne l’avais jamais su, mais… Je n’allais pas m’en plaindre non plus, c’était vraiment pratique ! Quoi qu’il en soit, j'enchainais les clopes en travaillant. Essayant par tous les moyens de me changer les idées, mais tout était flou dans ma tête, je n’arrivais pas à m’entendre penser correctement pour les cours. À la place, j’entendais… Lizzy, me disant que je n’étais bonne à rien et qu’elle sortirait de prison pour bonne conduite, exprès pour me capturer et m’enfermer dans sa maison. Cette maison que je ne voulais plus revoir sous aucun prétexte.


Pourtant, quelquefois, je m’imaginais y retourner, juste pour de la devil’s tongue. Il était à présent clair que j’avais envie d’en reprendre. Je ne devais plus me voiler la face, mais alors. Pourquoi n’avais-je pas ressenti le manque avant ? C’était une drogue forte, considérée comme dure. Pourquoi le manque ne s’était pas fait sentir plutôt ? Était-ce l’un des effets ? Je ne connaissais pas cette drogue pour tout avouer. J’en avais entendu parler comme une drogue extra cool, alors quand Lizzy et Mylo m’en avaient proposé et que, de plus, je devais aider My’ je n’avais pas tant hésité que ça. Mais voilà… Au final, j'en reprenais bien encore quelques pilules. 


Putain quelle conne j’étais. Juste pour échapper à la vie, parce que... Elle me dégoûtait ? Ouais, c'était tout simplement pour ça. La vie me dégoûtait, c’était entre autres pour ça que le Docteur Donovan m’avait mise sous antidépresseurs, non ? Je savais à présent pourquoi j’étais soignée et dans un sens, ça faisait un bien fou d’avoir les mots pour expliquer ce qui n’allait pas, un diagnostic. Quand on sait qu’on est malade, cela nous aide souvent lorsqu’un diagnostic est posé. Beaucoup de professionnels disaient l’inverse, pas moi, même si je n’en étais pas un.


J’en avais marre de tout… J’avais tellement envie de tout recommencer, au final, que peut-être je le pouvais ? Peut-être que personne ne verrait rien ? Ekko était de moins en moins disponible et Vi… Vi préférait passer plus de temps avec sa petite amie. Et, dans un sens, je la comprenais. Caitlyn semblait être une personne bien plus saine dans sa tête que je ne l’étais actuellement. De toute façon, depuis le procès, j’avais décliné de plus en plus, m’enfonçant dans ma dépression, alors à quoi bon continuer à faire semblant pour des gens qui s’en foutait? Je savais très bien qu’ils ne s’inquièteraient plus pour très longtemps. Après tout, les antidépresseurs et les séances chez le psy devraient me faire aller mieux, non ? Sauf que... Non. Ça marchait pas comme ça et je le savais, ce genre de médicaments avec un traitement antiépileptique était très dur à doser correctement. Mais au final, qu’est-ce que j’en avais à foutre ? 


Je prenais ma tête entre mes mains et fermais fort les paupières en gémissant. À la fois par énervement et par désespoir. Le sentiment d’agonie montait de plus en plus en moi. En fait, c'était un peu ça… Oui, j’agonisais tellement, je me sentais mal et n’arrivais à rien faire pour m’en sortir. Et si je disais ça, je savais bien qu’on me dirait : « Mais parle avec nous. » Comment parler à des personnes qui ne vivent pas ça ? Comment leur expliquer toute la détresse et le mal-être dont on souffrait. Même le montrer n’aidait pas, au contraire, ça inquiétait encore plus et ça posait de plus en plus de questions. Jusqu’à aller à l'enfermement, je le savais, non, j’en étais même persuadée. Il ne fallait pas se montrer ainsi devant les gens… J’arrêtai soudainement de penser à ça lorsque j’entendis la porte derrière moi s'ouvrir. Je me retournais et fis face à Vi. Par chance, je ne pleurais pas ! 


« Coucou grande sœur, ça va ? » dis-je avec un faux sourire.


Elle me regarda en fronçant les sourcils. Merde ! Elle commençait à réellement bien me connaître.


« Moi ça va, mais toi… Qu’est-ce qu’il y a ? »


Je soupirai et, du plus sérieusement possible, je lui répondis une chose qui n’était pas totalement fausse.


« J’arrive pas à bosser, ça me les brise ! »


Elle ricana.


« Pas moi qui pourrais t’aider. De toi et moi t’es le cerveau, et la seconde fille qui est aussi intelligente après toi, c'est Cait… »


Caitlyn… Pourquoi devait-elle parler d’elle ? Elle n’en avait pas assez de passer tout son temps avec elle ? Il fallait en plus qu’elle parle d’elle ici ? Elle me volait ma sœur et elle accaparait bientôt tout mon espace vital. Parce que, oui, l’appartement de mon père était l’un de mes espaces vitaux. Elle allait tout me voler alors ? Bientôt, ce serait qui ? Mon père ? Parce qu’il était clair que Miss Parfaite voudrait que Vi la présente à Vander et... Bordel, ma mère aussi?! Merde ! J’espérais que cela ne s’était pas vu, ce que je pensais ? Je reportais le regard sur ma sœur qui s’était retournée pour aller chercher son paquet de clopes. Sauvée. Elle n’avait pas dû voir la tronche décomposée que j’avais dû faire en pensant à Caitlyn.


« Si tu veux, j'avais mes clopes sur la table à côté. J’ai bossé sur le balcon depuis que je suis rentrée. » Je ricanai.


Elle revenait avec sa clope allumée entre les lèvres, un sourire à celles-ci.


« Non… J’avais besoin du goût de mon tabac! » elle ricana à son tour.


Je haussais les épaules non sans un sourire. Celui-ci était vrai en revanche. Seulement, ce sourire ne dura pas longtemps. Je détournais mon regard vers le bas de la rue. Peut-être que ce n’était pas Caitlyn le problème ? Peut-être que c’était Vi en réalité ? Qu’elle se détachait de moi parce qu’elle avait une véritable relation ? Ou encore parce qu’elle n’en avait plus rien à foutre de moi ? Que maintenant qu’elle pensait que notre lien était acquis, cela ne servait plus à rien de l’entretenir ? Mais, non ! Vi! Pourquoi ? J’aspirais une grosse latte sur ma sucette à cancer. Pourquoi me faisait-elle ça ? Je voulais juste une grande sœur… Je voulais juste… Ne plus être seule. Je voulais qu’elle soit l’une de mes bougies pour rallumer la flamme en moi. Mais non, elle m’abandonnait, comme tous les autres, et c’est peut-être celle qui me faisait le plus de mal. Surtout que ce n’était pas que de sa faute en réalité. Je la comprenais, si c’était sa première relation sérieuse.


C’était donc bien celle de la bleue. Pourquoi ? Pourquoi voulait-elle m’ôter ce que j’avais toujours rêvé d’avoir ? Était-elle, en vérité, diabolique ? Oh oui, un loup caché en agneau pour dévorer le reste de la meute pendant leur sommeil. Oui… J’en étais persuadée ! Elle était en train de voler le cœur et l'esprit de Vi! Mais bien sûr ! C’était donc ça ! Caitlyn n’était rien d’autre qu’une personne comme Lizzy! Une perverse narcissique et il semblait que seul moi l'ai vu ? Alors… Peut-être me faisais-je des idées ? Rha je ne savais plus quoi penser! Elle ne méritait sûrement pas un tel jugement si vite. Je ne la connaissais pas après tout…


« Ptite sœur… Faudrait que t’essayes de te concentrer des fois. Je sais que c’est dur avec tes médicaments, mais essaye… Pour moi? »


Et je répondis du tac o tac sans m’en rendre compte.


« Tu devrais faire attention à Caitlyn… »


« Hein? » Me dit-elle, tombant des nues.


« Y’a un truc qui cloche chez cette fille… » 


« Mais?! On t’a retourné le cerveau ou quoi!? »


Je me raclais la gorge en entendant le timbre de voix de ma sœur. À la fois énervé, inquiet et à la fois amer. Je m’en voulais, mais j’en voulais à Miss parfaite. Et même ma sœur. Non, en réalité. Je m’en voulais surtout à moi-même. Le reste de la soirée se fit sans aucun mot prononcé de ma part.


Laisser un commentaire ?