Mes mémoires
Ce n’était pas sans mal que je me préparais pour le procès. Les deux jours s'étaient écoulés à une vitesse folle, mais en même temps, cela m’était paru peu. Étais-je prête à monter à la barre ? La réponse était : non. Très certainement non. Je ne voulais pas avoir affaire à Lizzy. J’avais peur d’elle, de son regard lorsqu’elle avait été arrêtée. Je savais qu’elle me voulait encore plus de mal à présent. Ce que je me demandais… Que s'était-il passé la dernière fois ? Lorsque j’avais donné mon corps à Ekko. Je l’avais vu, j’en étais persuadée ! Et pourtant, non… Devenais-je folle à cause de cette peur viscérale et de la drogue que j’avais prise ? Non, je n’étais pas devenue accro à la drogue, sinon je serais déjà en manque. Bon, il fallait que je parte, je savais que j’allais avoir des personnes pour m’épauler et ça, c’était le plus important pour moi. Enfin arrivée, je m’allumais une clope devant le tribunal, ma famille et Ekko m’ayant conduite en avance pour que je puisse le faire.
« Ça va aller, p’tite sœur, on est avec toi d’accord ? » m’assura ma grande sœur.
Sur ces mots, elle ébouriffait mes cheveux sur le crâne et je grognais. Pas de méchanceté, elle le savait. C’était un peu son petit jeu pour montrer qu’elle tenait à moi, mais aussi qu’elle était là pour moi. Vi n’était décidément pas une personne à étaler ses sentiments par la parole, mais qu’importait. Je l’aimais comme ça et je n’aurais jamais pensé que cela arriverait un jour. Moi, j'aurais un père et surtout, une sœur… Ça me faisait un bien fou de penser à ça jusqu’à ce que…
« Viens, ma fille. C’est l’heure… »
Il posait sa grande main qui devait faire la taille de mon omoplate sur celle-ci justement et m’invitait à avancer. Je soupirais et commençais à marcher doucement, mes pas étant mal assurés et mes boyaux se tordant dans tous les sens. Heureusement pour moi, j’arrivais plus ou moins à me détendre lorsque je regardais mes proches. Bien que voir ma persécutrice me donnait froid dans le dos. Pourtant, je savais qu’elle ne pourrait rien me faire. À mon plus grand étonnement, Mylo avait eu le droit de passer pour témoigner. De ce que l'on pouvait voir, il allait un peu mieux et cela me faisait sourire. Mais en plus de la détention de drogue, de la corruption de mineur, il y avait détournement de mineur. Des faits qui ne resteraient pas sans conséquences pour elle et je l’espérais, du fond du cœur, pour Mylo. Parce qu’à présent, il était une personne brisée.
Je ne savais pas combien de temps avait duré le procès. Peut-être trois heures ? Peu en soi, mais énorme lorsqu’on était face à son bourreau. Je la voyais me regarder et cela me rendait de plus en plus folle. Si bien que lorsque c’était à mon tour de monter à la barre, je craquais à la seconde question. Et j’apercevais son sourire. Oui, elle avait réussi ce qu’elle voulait faire de Mylo et de moi. Étais-je prise au piège ? Enfermée dans une cage que tenait Lizzy ? Non, je devais paraître forte. Ce procès avait été d’autant plus dur qu’il n’y avait pas eu de pause. C’était dans un sens plutôt bien : l’expédier pour sortir d’ici et être libérée, mais c’était aussi très éprouvant. À la fin du procès, le jury ne mettait pas beaucoup de temps à rendre le verdict : COUPABLE. Un long soupir de soulagement sortit de nos bouches. Mais là n’était pas la seule chose à écouter : elle écopait de six ans de prison, de soixante-dix mille edobas d’amende. Et lorsque nous pouvions enfin sortir, je me précipitai vers la sortie, retrouvant ma famille et les autres.
« Comment tu vas, My’ ? »
Vi s’avançait en notre direction, c’était son ami depuis bien plus longtemps après tout !
« C’est dur… Le sevrage surtout… Et les hallucinations… Mais… »
Vi lui tapota l’épaule sans force, juste une tape amicale en le coupant. Mais… Lui aussi avait des hallucinations ? Je me mordis la lèvre inférieure.
« Tu vas t’en sortir, Mylo ! On le sait et on sera derrière toi pour t’aider à te relever ! T’en fais pas ! »
Il pouffait et répondit.
« Oh ça, j’en doute pas Vi ! »
Ma grande sœur et moi lui faisions un large sourire. Oh que oui ! Nous allions être là pour lui, et davantage dans les moments les plus durs. Vi ayant envoyé un message à Claggor pour le prévenir de la fin du jugement et lui demander de venir parce qu’il était attendu. Lui aussi soutenait Mylo, tout autant qu’il me soutenait. Nous attendions donc sa venue et discutions tranquillement pour faire passer le temps. Vander, ma mère, Sofia et Aurélie, la mère de Mylo, avaient proposé de faire un barbecue pour évacuer tout ce stress et cette négativité dans l’air. Cela ferait du bien à tout le monde. Mylo devait rentrer à l'hôpital, certes, et les adultes étaient dubitatifs au fait de le faire venir. En particulier Aurélie. Mais Vi et moi donnions quelques arguments pour faire pencher la balance, et leur accord était d’autant plus fort lorsque nous leur disions que cela changerait les idées à Mylo. Sa mère s'était donc dépêchée d'appeler l'hôpital pour demander une sortie exclusive. Vander quant à lui prenait la parole enjoué, comme souvent.
« Hé bien ! Un couvert en plus dans ce cas. Ah ! Claggor arrive ! » s’exclama Vander avec joie.
Nous nous tournions tous vers lui.
« J’ai fait quelque chose de mal ? »
Nous ricanions et Vi prit la parole.
« Notre père fait un barbeuc’ chez Auré et t’es de la partie... Ça te va ? »
« Mon estomac dit oui ! » Il se mit à rire avec nous tous.
« Et de deux ! Je vais racheter de la viande. Qui monte avec qui ? »
La mère de Mylo prenait la parole en premier.
« Mylo, Claggor et Vi vous pouvez monter avec moi. » dit Aurélie.
« Jinx et Ekko avec moi, comme ça Angelina et Vander peuvent aller chercher la viande, vu que je connais le chemin.» continua Sofia.
« Moi aussi. »
Sur ce, tout le monde acquiesça et partit en voiture. Dans la voiture de Sofia, il régnait un silence de mort. Cependant, elle prenait la parole pour débloquer un peu la discussion.
« Comment avez-vous trouvé Mylo ? »
Ekko soupirait, mais non pas d’ennui.
« Je l’ai trouvé. Abattu, mais… »
Je le coupais.
« Pour l’avoir vu avant son internement, il a déjà une meilleure mine. Mais le plus dur reste à venir.. »
« Oui, effectivement… » acquiesça Sofia
« Je ne sais pas ce qui va guérir en premier. Il a tellement de choses à soigner… »
« Ouais... Ça va pas être facile… »
On pouvait voir la belle-mère d’Ekko sourire.
« Je ne doute pas que vous allez être de bons piliers pour lui. »
« On espère... Quand nous avions empêché à My’ de voir Lizzy, ça allait mieux. On n'aurait pas dû lâcher l’affaire... À cause de nous, il a replongé… »
« Ekko.. Ce n’est pas votre faute… Malheureusement, je vais être dur, mais c’est votre ami qui a pris cette décision. C’est lui qui a décidé de se laisser aller… »
« On aurait dû faire plus attention… Il avait décroché, j’te jure ! C’est cette putain de salope ! »
« Je peux comprendre, oui, mais il ne faut pas oublier que Lizzy est une perverse narcissique... Vous savez tous ce que ça veut dire… »
« Ouais, ouais... Toujours de beaux discours pour laver le cerveau de la personne en face... De la manipulation mesquine qui fait perdre la tête et j’en passe…
« C’est ça... Et toi ? Jinx ? »
J’écarquillais les yeux, j’avais juste entendu vaguement la discussion et la réponse d'Ekko à propos des pervers narcissiques. Je me sentais tout à coup bête. J’étais tellement plongée dans mes pensées que j’en avais oublié la discussion.
« Pardon, je... J’ai pas suivi... Sûrement une absence épileptique. »
« Ah ? Ça va, mon amour ? Ça faisait longtemps… »
Je secouais ma main dans les airs.
« Oui, ne t’en fais pas. Vous parliez de quoi du coup ? »
« Je te demandais si tu savais pourquoi il avait replongé comme ça, à cause de Lizzy. Après tout, c’est une perverse narcissique, comme j’ai dit. »
Je réfléchissais un instant avant de prendre la parole.
« Il est vrai que c’est surtout parce que c’en est une. Elle nous fait croire qu’on est particulier, qu’on est meilleur que les autres. Elle a décidé de lui voler son cœur et son sourire. Il est tombé dans le panneau comme toute personne un peu trop… Dupe le ferait. Après tout... J’ai même moi été prise dans le filet… »
Ekko me coupait la parole à son tour.
« Attends quoi !? Toi aussi, t’es dans le même état que My’ ? »
Je secouais la tête, bien que je sache, dans le fond, que c’était un peu exact.
« Je ne suis pas devenue accro à la drogue ni aux... Scarifications. »
Je l’espérais tout du moins, mais continuais mes paroles.
« Le point faible que Mylo avait, était qu’il était amoureux de Lizzy et c’est ce qui l’a détruit encore plus. Moi, je savais qu’elle était néfaste, je voyais son véritable visage, pas My’. »
La belle-mère de mon petit ami hochait la tête pour approuver ce que je disais.
« Jinx a raison, mon fils. Quand on aime, on ne voit pas les défauts des autres. On voit ce que l’on veut bien voir. »
Il soupirait en baissant la tête, mais en serrant ma main.
« Vous avez raison… »