Mes mémoires
« Tu penses vraiment qu’il a recommencé ? » entendis-je en arrivant devant l’endroit du lycée où l’on se retrouvait toujours avec les autres.
Recommencé quoi au juste ? Qui aurait recommencé quoi ? J’arrivais et pouvais voir Clag et Vi adossés au mur, clope au bec.
« De qui vous parlez y s’passe quoi ? » Dis-je en arrivant comme une fleur.
Ils me regardaient, étonnés et confus lorsque je fus devant eux.
« Ah Jinx ! Comment ça va ? On parle d’un pote rien de bien important… » dit Claggor.
« Moi, ça va mais vous on dirait pas... Vous avez pas l’air dur, mais plutôt hmmm... Inquiets. C’est un pote proche ?
Je voyais Claggor regarder à côté de lui, baissant les yeux. Je me tournais alors vers ma sœur.
« Vi accouche ! »
« Un pote à nous a des problèmes d’addictions qui sont sûrement réapparues.
« Mylo ? »
Je pouvais entendre la langue claquer sur le palais de ma grande soeur. J’avais vu juste, mais, qui allait me le dire en premier ? Et pourtant, les deux gardaient la bouche fermée comme si chacune d’elles étaient des boîtes de pandore...
« Vous croyez que je suis aveugle ? J’ai vu les cicatrices sur ses bras et c’est une addiction parmi tant d’autres... Mais vous avez parlé « DES » addictions, y’a quoi d’autre ? »
Vi se mordait la lèvre inférieure n’étant visiblement pas à l’aise pour le dire. Claggor qui la regardait décidait de le dire à sa place.
« Il se drogue... Devil’s tongue… »
Ma bouche dessina un « o ».
« Oh merde... Depuis longtemps ? C’est pour ça qu’il vient presque plus aux réunions? »
Vi soupirait et prit la parole.
« Deux ans, mais on pensait avoir réussi à le sevrer comme pour les scarifications. »
« Comme j’ai dit, la scarification est une drogue parmi beaucoup d’autre et le sevrage ne fonctionne souvent pas. Surtout si la personne est faible mentalement et qu’elle n’est pas prête à s’arrêter ni à avoir de la volonté...
« Ce con à les épaules ! »
Dit-elle en serrant les crocs.
« Vi… » dit doucement Claggor, voulant la calmer.
Pour seule réponse à l’entente de son prénom, Vi se contentait juste de frapper dans le mur en crépis. Crépis qui s’effritait sous la puissance du coup.
« Peut-être qu’un truc la fait replonger ? Vous avez pas moyen de savoir ?
« On sait d’où… »
Vi coupait le Claggor.
« Ça vient d’une salope qui l’a manipulé et s'il a bien recommencé. Je... Je ne donne pas cher de sa peau… Si c’est pour qu’il refasse… »
« Calme-toi, il ne retentera pas ça, s’il faut on se fait même des idées ! »
« Bon je vous suis plus là ! On peut m’expliquer clairement ? » Commençai-je à m’énerver.
Claggor prit une grande inspiration, pour se donner du courage, peut-être ? Où était-ce plutôt parce que c’était une longue histoire ?
« My’ a rencontré une fille y’a deux ans pendant un festoche. On a tous déjà fini torché à quatorze ans, non ? J’en sais rien, mais lui l’était et il a rencontré la « femme de sa vie ». »
Dit-il en faisant des guillemets pour entourer « la femme de sa vie ». Il continua.
« Enfin bref, la fille parfaite de prime abord, gentille, toujours joyeuse, à l’écoute… »
« Une putain d’hypocrite ! » Dit ma sœur en s’allumant une clope, main tremblante et poing ensanglanté.
« Bref! Tout se passait bien, enfin, durant les premiers mois... Elle l’a initié à la devil’s tongue genre... Trois mois après le début de leur relation. Il était amoureux, forcément, il a dit oui et là ça a empiré... Elle lui avait appris à trouver les dealer, My’ était un peu devenu la mule. Elle a aussi commencé à l’empêcher de sortir avec nous, surtout quand y’avait des filles du gang. Jalouse envers tous, elle avait aussi besoin de tout contrôler dans sa vie, lui faisant du chantage. C’est là que les cicatrices ont commencé à apparaître, de plus en plus profondes. Y’avait pas une journée où elle ne lui faisait pas de chantage affectif. Tu vois, c'est quoi un pervers narcissique ?
Je hochais la tête silencieusement, l’écoutant attentivement.
« Bah voilà, c'était le cas de Lizzy, il en était venu à être apeuré face à elle et incapable de dire quoi que ce soit. Elle le tenait de toutes parts. Avant qu’il n’arrive à la quitter, elle lui avait précisé que s’il faisait ça, elle se suiciderait. À la place, il a raccroché et a tenté lui-même de mettre fin à ses jours. C’est… »
« Moi qui l’ai retrouvé… » dit ma grande sœur en déglutissant les crocs serrés.
Sur ces mots, elle décida de partir en disant qu’elle ne voulait plus entendre parler de ça, au moins jusqu’à demain, et je pouvais la comprendre. C’était pour ça que je ne lui avais pas envoyé de message.