Mes mémoires
Le week-end était arrivé et avec les examens de fin de trimestre qui arrivaient, je n’avais pas eu le temps de voir mon petit ami et ma sœur. Je leur avais parlé par sms certes, mais c’était tout. J’attendais ce samedi avec hâte et appréhension à la fois. Pourquoi ? Parce qu’il y avait une réunion de famille. Je ne pouvais pas y échapper, c’était moi qui l’avais demandé avec l’appui de Vi. Le samedi soir était arrivé bien tôt à mon goût. Pourquoi ne pas l’avoir fait le midi ? Simplement parce que notre mère travaillait. Vander étant patron d’un bar, il pouvait laisser ses serveurs gérer le bar une journée et même soirée, ils étaient assez. Je parlais avec Vi de ce soir. Serait-ce un véritable fiasco comme à l’hôpital ? Il était sûr que Vi et moi partagions deux points en commun : le franc-parler et la susceptibilité. De qui ? Peut-être la moitié de chacun de nos parents ? On ne savait pas, ma mère agissant toujours calmement avec moi et Vander faisait de même avec ma grande sœur. Il savait même qu’elle était à la tête d’un gang. Comment l’avait-il pris ? Aucune idée, mais en tout cas, il s’y était fait.
Après que ma mère s’était préparé pour le dîner auquel elle s’était bien apprêtée, j’allais dans la salle de bain me préparer tout en me posant une question à propos de ma mère, sa façon de s’habiller pour ce soir. Voulait-elle revenir en couple avec mon… Père ? Était-ce une question à poser ce soir ? Oui, il était clair qu’on devait le savoir avec Vi ! Enfin. J’attachais mes longs cheveux en deux grands chignons et allais sous la douche. L’eau chaude me faisait avoir un soupir de satisfaction. Je prenais mon temps, restant sous l’eau une dizaine de minutes avant de me décider à sortir. Une fois cela fait, je m’habillais le temps que l’épaisse brume causée par l’eau chaude ne disparaisse puis allais devant mon miroir pour mettre mes lentilles roses. Voilà, il ne me restait plus qu’à faire mes tresses et j’avais enfin fini de me préparer, ma mère me demandait si j’avais faim et je lui répondais par la négative. Je n’avais effectivement pas faim, j’angoissais trop et j’avais décidé de réviser pour faire partir tout ce stress. Mais au final, je n’y arrivais pas, alors je prenais mon téléphone tout en allumant une clope.
« Bordel j’arrive pas à me concentrer ! » écrivais-je à ma sœur.
« Toi aussi ? À cause de ce soir ? » me répondit-t-elle.
« Ouais… Et toi ? »
« J’aurais bien fait ma dure, mais là j’dois t’avouer que j’fais pas la fière... J’angoisse vraiment. »
« Le truc c’est que ça devrait pas être à nous ! »
« T’as raison. Tu veux qu’on se voie avant la « réunion » de famille ? » me demanda-t-elle.
« Non j’vais essayer de bosser pour de bon ! J’avais besoin de savoir si c’était ton cas toi aussi. »
« Maintenant, tu sais ! Au cas où tu me cherches, je serai à la salle. Si j’y suis pas je serai avec le gang.
« Ok pas de souci ma sœur. »
Sur ce dernier sms, je reposais mon portable à côté de moi et j’écrasais ma cigarette dans le cendrier, allant jusqu’à la fenêtre pour l’ouvrir. Il faisait froid dehors, mais pas question que ma chambre se transforme en fumoir ou cendrier géant. Je continuais ensuite à travailler normalement et les heures passaient bien plus vite ainsi, m’étant déconnectée avec le repas de ce soir grâce aux études. Ça paraissait bizarre pour certains, mais pour moi, les études étaient un moyen d’oublier et de me détendre. Ce n’était d’ailleurs pas pour rien que j’étais l’une des meilleures de ma classe. Je travaillais dur, même si j’avais des facilités, alors les deux combinés faisaient un très bon cocktail. Enfin, c'était ma mère qui me sortait de ma bulle en ouvrant la porte de ma chambre.
« Ma fille, c'est l’heure, on doit y aller ! »
« Hmm ? »
Je me tournais vers elle, ne m’en souvenant presque plus à vrai dire.
« Ah oui ! Pardon ouais allons-y ! »
Sur ces paroles, nous partions en voiture pour aller chez mon père et ma sœur. Mon ventre se tordait au fil des minutes. C’est après environ trente-cinq minutes que nous arrivions devant un immeuble ancien, par chance une place était près de cet endroit. Ma mère se garait et nous sortions toutes les deux de la voiture après avoir récupéré un pack de bière, apparemment, c'était l’alcool préféré de mon père. Classique et apprécié de tous. L’immeuble n’ayant pas de code ni d’interphone, nous montions au second étage, là où vivait Vander et Vi. Mon père ouvrait alors la porte avec un grand sourire. Lui aussi, c'était mieux habillé que d’habitude, enfin, j'en concluais ça, vu la première fois où je l’avais vu, Vi avait fait un effort, elle aussi, sûrement à cause de mon père étant donné que c’était ma mère qui m’avait aussi indiqué de bien m’habiller. Les salutations faites, et le pack de bière donné et mis dans la cuisine au frais, nous nous asseyons sur les canapés en cuir bien moelleux. C’était moins dans le style sobre que nous, mais j’aimais bien. En tout cas, c'était l’heure de l’apéro et lorsque Vander précisait que les bières devaient être assez fraîches, il en prenait quatre.
« Pourquoi tu en prends quatre. » questionna Angelina.
« On va tous boire, non ? » s’étonna Vander.
« Sauf Jinx… »
Je voyais les yeux de Vi rouler dans leurs orbites alors que Vander reprenait la parole.
« Allée Angie... Tu penses vraiment que Jinx n’a jamais bu ? Même à quatorze, les jeunes de maintenant ont déjà bu, tu sais » affirma mon père légèrement rieur.
Ma mère soupirait et acquiesçait.
« Ok ! Mais qu’une seule ! »
J’avais un petit sourire vainqueur en regardant ma mère, cependant il faudrait que je la fasse durer.
« Merci ‘pa… »
J’avais encore un peu de mal à dire papa, mais bon, Vi l’appelait, elle aussi, comme ça. Nos bières en main, nous trinquions à nos retrouvailles. Mouais, si ça leur faisait plaisir… Enfin, inconsciemment, cela me le faisait aussi, mais je n’osais pas me l’avouer. Après avoir passé un moment à parler tous les quatre, Vi et moi allions dans sa chambre. En bordel, évidemment, je m’en doutais et pour être honnête, la mienne l’était aussi assez souvent, sauf lorsque je pétais un câble et devenais totalement maniaque.
« Tu penses qu’ils vont mettre le sujet sur le tapis quand toi ? » demandais-je.
« Pendant qu’on mange, à coup sûr », assura Vi.
« Ouais j’aurais dit pareil. Je pense qu’ils vont attendre le plus possible pour passer du temps ensemble. Autant, nous quatre qu'eux deux. »
Vi ouvrait la porte-fenêtre et me faisait un signe de la main, allant sur un petit balcon.
« Pas bête, la sœurette ! »
Elle se mettait à rire et s’asseyait en buvant, m’invitant à en faire de même. Je la suivais et nous commencions à parler d’un peu tout et rien, cela passait entre autres par mes études. Elle était très heureuse que j’arrive à faire un truc qu'elle-même n’arrivait pas à faire.
« C’est parce que tu te donnes pas les moyens. »
« Non Jinx... Toi t’es le cerveau. Moi les muscles. »
« Allé arrête ! »
« Regarde pour John... Tout ce que tu as fait était plus ou moins intelligent. T’as fait dans le bon ordre, tu réfléchissais en le faisant.. Moi ? J’en ai rien à battre, t’en que j’entends les os se briser. Je suis sadique, mais pas de la même manière que toi… » expliqua Vi.
On entendait ensuite taper à la porte. Et Vi prenait la parole en disant que nous arrivions. J’avais un petit frisson lorsque je rentrais, la différence de température avait fait son effet, mais il faisait bien plus chaud à l’intérieur et ça faisait réellement du bien. Enfin, nous nous installions à table et Vander était dans la cuisine pour prendre le plat que Vi reconnaissait tout de suite grâce à son odorat plus développé.
« Lasagnes putain ! » s’exclama ma sœur.
« Attends, c'est ton plat préféré ? » M’étonnai-je avec de la joie dans la voix.
Elle me regardait avec un sourire en coin et nous éclations de rire, ne faisant même pas attention à nos parents. Bon bah, on avait ce plat en commun alors. Il nous servait en premier et j’attendais que le morceau de lasagne refroidisse tout comme Vi et nos parents. Pendant ce temps, le silence était lourd. On se regardait avec ma sœur et on hochait la tête.
« Bon... On suppose que c’est le moment. »
C’était au tour de notre père de hocher la tête.
« Tout d’abord... Sachez que nous nous voulions toutes les deux. Vi hybride ou non, tu as fait le bonheur de ta mère et moi. »
Je regardais Vi qui serrait les crocs. Il était vrai qu’à l’hôpital, elle ne s’était pas sentie « voulue ».
« Deux ans après, tu es née Jinx... Toi, tu étais humaine. Ce qui t’avait protégé de bien des choses comparées à ta sœur et à ton père, mais... Si ton père pouvait se protéger grâce à ses muscles, ce n’était pas le cas de nous trois.» commença à expliquer ma mère.
« J’ai réussi à te protéger, Vi, mais je savais aussi qu’en tant qu’Hybride ce serait plus difficile de m’occuper de Jinx et Angie. Nous avons vécu, ou plutôt essayé de vivre ensemble, pendant un an. Jusqu’au jour où la décision fut obligée d’être prise. » Continua notre père.
« Vi... La cicatrice que tu as dans le dos a été causée par un coup de couteau que tu as pris à la place de sœur et la cicatrice que j’ai sur l’épaule vient d’un second. Ton père a eu le temps de me protéger, mais pas Jinx ni toi. Il l’a fait en partie. Les deux hommes ont été emprisonnés, mais après cette agression... On s’est rendu compte que c’était bien trop dangereux de vivre à quatre et que Vander aurait plus de facilité à surveiller une seule personne plutôt que trois. »
Ma sœur et moi nous étions regardées, alors que nos mains sous la table s’étaient prises. Dans ces conditions, nous ne pouvions pas blâmer nos parents... Au final, ils avaient eu raison de faire ça, mais... Vi prenait la voix d’un ton plus ou moins doux, je ne l’avais entendu parler sur ce ton seulement qu’une fois, à l’endroit de mon accident.
« Pourquoi m’avoir dit qu’elle était morte et ma sœur aussi ? »
« Je pensais qu’il valait mieux ainsi, car je savais que ta mère et ta sœur n’étaient plus en ville. Je ne pensais pas que tu poserais de plus en plus de questions sur elles… »
Vi n’avait pas le temps de répondre que je prenais la parole.
« Et moi, mom’ ? Pourquoi tu m’as dit qu’il était mort et que tu en es même venue à ne pas parler d’une sœur ? » rétorquai-je.
« Je pensais que ce serait mieux ainsi, plus simple. Mais quand, chacune de votre côté, vous avez commencé à parler plus sur ces sujets, on s’est dit avec votre père qu’il serait temps qu’on vous en parle… »
Ayant les larmes aux yeux, je regardais toujours Vi qui serrait les crocs et qui prenait la parole après avoir vu mon regard.
« Fais chier ! Viens Jinx ! »
Je hochais la tête et la suivis alors que nos parents soupiraient.
Lorsque nous étions enfermés dans la chambre, des larmes roulaient le long de mes joues.
« Viens là. »
Elle ouvrait les bras et je me jetai presque dans ceux-ci, agrippant même ses épaules. Au bout de plusieurs secondes, Vi me faisait reculer et m’attrapait le visage en essuyant mes larmes de ses pouces.
« Hé... Calme-toi ptite sœur. On est là. On est réuni maintenant ! Et j’te jure j’te lâche plus, quitte à me refaire planter pour toi ! Viens, on va se fumer une clope, ça te détendra. »
Je hochais la tête et allais sur le balcon pour m’asseoir devant l’endroit où se trouvait mon paquet de cigarettes. J’en prenais une et l’allumais. Quelques minutes plus tard, ma sucette à cancer m’avait bel et bien calmée. Il était temps de retourner à l’intérieur pour manger et... Subir le regard de nos parents, mais je savais qu'autant moi et Vi que Vander et Angelina le sujet était clos.
« J’ai remis les lasagnes dans le four pour laisser les parts au moins tièdes pour être mangées. »
Je voyais sur la table que même leurs parts y étaient et je souriais. Visiblement, ils nous avaient attendues. Je m’asseyais pendant que Vi allait chercher le plat et revenait s’installer en posant les lasagnes sur la table, nous resservant nos parts.
« Tu l’as remis à temps dans le four ! C’est encore tiède ! »
Vi lui faisait un sourire tendre. Je ne pourrais pas dire que j’avais l’habitude de la voir sourire ainsi souvent, car nous étions souvent dehors lorsque nous étions ensemble, et je savais que pour elle, il était hors de question de montrer sa part tendre, ne laissant entrevoir que sa haine et son sadisme pour rester respectée et crainte de tous. Pour elle, en tant que cheffe, elle se le devait et je dois avouer que Ekko était à peu près pareil, enfin, pas au même niveau qu’elle non plus.
Nous commencions donc à manger tranquillement. L’ambiance avait clairement changé et était beaucoup plus détendue. En vérité, je n’avais pas envie de revenir sur le sujet et je pensais que Vi non plus. Nos parents nous en avaient assez parlé, ils s’étaient assez expliqués pour que nous n’en demandions plus. À mon humble avis, c'était lorsqu'ils avaient parlé de l’agression de ma mère et de ma sœur que le sujet était réellement clos, sans le savoir vraiment. Après tout, Vi aurait pu continuer et… Elle en aurait eu le droit, étant donné que c’était elle l’hybride et non pas moi... Quoi qu’il en soit, la discussion était ensuite plus fluide et même chaleureuse, comme si nous ne nous étions jamais quittés en réalité, et ça faisait un bien fou d’avoir une réelle famille. J’entendais par là un père et une mère, et avec une sœur, cela était encore mieux, d’autant plus que j’avais toujours rêvé d’en avoir une. Au moins, mon souhait était réalisé, même si cela ne l’était que depuis environ deux mois et demi.