Mes mémoires

Chapitre 11 : On apprend

2408 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/10/2024 13:30

Après cette petite séance de torture à laquelle je n’aurais jamais cru être aussi violente, ma sœur expliquait à Ekko et moi que nous pouvions partir. En effet, deux gars de son gang qui avaient l’habitude, amèneraient Johnny loin de toutes preuves de rattachement à eux. Quant à la planque ? Elle allait aussi s’en charger pour la nettoyer. Dans son gang chaque personne avait son rôle, tandis que dans celui de mon petit ami, il n’y en avait pas vraiment. Il fallait dire que leurs deux gangs ne jouaient pas dans la même cour. Avec Ekko, nous partions sans nous retourner. Ayant fumé une dernière clope tous les trois, nous avions chacun quelque chose à faire. Vi de s’occuper de tout ça, Ekko d’aller faire des courses pour Sofia, et moi ? De simples devoirs. Rien de bien excitant en soi, mais je ne devais pas oublier les études, même si j’étais dans un gang. Il ne fallait pas que ma mère se doute de ça, sinon Ekko et moi serions séparés et je ne le supporterai jamais.

 

Enfin bref, nos chemins s’étaient séparés bien vite et chacun avait repris ses occupations. Arrivée chez moi, je fus surprise de voir Vander assis au comptoir en train de parler à ma mère. Que voulait-il ? Hein ? Si ce n’était pas pour vivre enfin tous réunis, à quoi cela servirait-il ? Je haussais les épaules à cette idée et me déchaussais à la fois.

 

« Lu… » Dis-je sans les regarder et d’un ton plat.


Quant à eux, ils me dirent bonjour avec bien plus d’enthousiasme. Je leur tournais le dos puis baissais la tête et mes épaules s’affaissèrent. Je me retournais et allais embrasser ma mère sur la joue, regardant mon père. Devais-je ? Je le voyais me regarder et dans ses yeux je reconnaissais ce sentiment. Le même que le mien : l’indécision. Mais il avait repris la parole assez tôt après s’être raclé la gorge.

 

« Tu prends bien ton traitement ? »


« Ouais ouais… »

 

Je le regardais dans les yeux puis baissais le regard assez vite.


« Je… J’ai des cours à réviser. »

 

Je me retournais et trottinais jusqu’à ma chambre. Je ne me sentais clairement pas à l’aise. Une fois en haut, je fermais derrière moi et m’adossais à la porte en soufflant. Pourquoi j’étais comme ça ? Pourquoi je perdais mes moyens ? C’était mon père, je devrais être heureuse de l’avoir revu, mais, non… Il représentait un mensonge et pourtant… J’avais envie de connaître ce mensonge, seulement, je leur en voulais encore trop. Ils avaient tous les deux détruit notre famille et pour quoi ? Pour soi-disant épargner ma mère et moi ? Ma mère devait avoir l’habitude, et puis moi ? Moi, je me serais habituée, non ? Et puis Vi aurait été là pour moi ? J’en étais sûre, je le sentais. Nous avions une chose en commun, outre ce plaisir de se bagarrer : avoir un caractère fort toutes les deux. J’ouvrais ma fenêtre et sortais mon paquet de clopes de mon sac, m’en allumant une et m’accoudant à la rambarde de la fenêtre. J’avais des pensées par dizaines, voire par centaines. Toujours les mêmes et pas forcément, « audibles » si je pouvais dire ça ainsi. Elles étaient arrêtées alors soudainement par la sonnerie de mon téléphone. Numéro inconnu… Je fronçais les sourcils, mais me risquais à répondre tout de même, qu’avais-je à perdre ?

 

« Allo ? »


« Jinx ? » Je pus reconnaître la voix de Vi.


« V… Vi ? » 


Entendre sa voix au bout du fil me fit bizarre et je savais déjà ce qu’elle allait me dire.


« Ouais écoute c’est… C’est Ekko qui m’a donné ton numéro. »


Comme je le pensais…


« Pourquoi ? » Mon ton n’était pas sec, juste surpris, pourquoi avait-il fait ça ?


« Ça… Ça te tente un entraînement ? »


À cette demande, je fus, il fallait bien l’avouer, aux anges. Moi qui pensais qu’elle ne m’aimerait jamais. Qu’elle ne m’accepterait pas, même en sachant notre lien de parenté. Alors…


« Oh… Euh.. Ou… Ouais ! » 


« Je serai à la salle dans dix minutes de mon côté. »


« Ok, moi une quinzaine ! »

 

Sur ces mots, je rangeais mes affaires en vitesse, je prenais mon sac de sport qui était toujours prêt et descendais à toute vitesse. Une fois la main sur la poignée, j’étais arrêtée par la voix de ma mère qui me demandait où j’allais. Je tournais la tête, regardant mon… Vander… Et ma mère.

 

« Je vais m’entraîner avec ma SŒUR ! »

 

Ayant bien appuyé sur le dernier mot et leur faisant un clin d’oeil, je passais le palier de la porte, évitant tout de même de la claquer. J'en avais envie, mais je n’avais, dans le fond, pas tant de raison de le faire. Je me mis à courir dans la rue en direction de la salle. J’avais toujours la main en vrac, mais je pouvais tout de même faire du sport sur les machines.

 

Arrivée, je voyais Vi qui m’attendait contre un mur. Moi qui pensais la retrouver à l’intérieur… Enfin bon quelle importance ? Je me dirigeais vers elle avec un petit sourire heureux. J’étais réellement heureuse d’avoir une sœur, d’autre part : une sœur comme elle. Elle était peut-être une délinquante, mais ça ne me gênait pas, je me sentais en sécurité avec elle. Avec Ekko aussi certes, mais ce n’était pas la même chose. Et si je n’acceptais pas encore totalement Vander dans ma vie, bien qu’il ait l’air aimant, Vi ? Je l’avais déjà accepté, le jour où j’avais remarqué qu'Ekko était en contact avec elle. Il faisait confiance aux bonnes personnes donc forcément…


« Coucou… Grande sœur… »

 

Je détournais les yeux, je ne savais pas si je devais l’appeler ainsi ou pas, mais je pouvais tenter non ?

 

« Salut ptite tête ! » Dit-elle, semblant heureuse. Elle m’ébouriffait les cheveux avec un sourire alors que je soufflais.


« Hey ça va hein ! Je sais que j’suis petite et arrête de faire ça ! »


« Hm ? Quoi ? Ça ? » Et elle recommença, je me mettais au final à rire avec elle. « Allez on y va ! »

 

Et tout en me recoiffant, je la suivais de près. Nous posions nos sacs sur l’un des nombreux bancs et Vi me regardait un instant la main.


« Pas de sac de frappe et de corps à corps, j'en conclus ? »

 

Je hochais la tête et elle sourit gentiment.


« On va bosser tes jambes. »


« Ok! » Dis-je d’un ton déterminé.

 

Et pendant une bonne heure et demie, nous nous étions entraînées, à la fin, après une bonne douche et vêtues de tenues de ville, nous sortions de la salle.


« Tu viens je te paye une pizza si t’aimes ? Y’a une pizzeria pas loin, c’est là qu’on a mangé la première fois avec Ekko. »

 

Je la regardais, la tête inclinée avec le sourire aux lèvres.


« J’te suis… »


Elle mettait ses mains dans ses poches pendant que je réajustais la sangle de mon sac de sport. Nous avancions lentement vers la pizzeria en fumant une clope, ne sachant que dire. Finalement, ce fut ma grande sœur qui prit la parole.


« Dis-moi… Ekko et toi… Depuis combien de temps vous vous connaissez ? Vous sortez depuis combien de temps ensemble ? »

 

Je clignais des paupières plusieurs fois. Pourquoi voulait-elle savoir ça ? J’avais un sourire léger aux lèvres.


« On s’est rencontré à la salle alors que je m’étais… »

 

« Pris le sac de frappe… » Dit-elle en me coupant la parole. J’écarquillais légèrement les yeux. Alors… Elle m’avait vu ?

 

Elle tournait le regard vers moi.

 

« Quoi ? Tu crois qu’une crevette comme toi avec ce genre de coiffure passe inaperçue ? »

 

Je gonflais les joues.


« La crevette en attendant, elle est quand même musclée, mais…». Je fis une légère pause tout en rougissant légèrement. « Je suis contente que tu aies fait attention à moi sans même savoir que j’étais ta sœur. »

 

Vi se dépêchait alors de prendre la parole.

 

« Te méprends pas ! J’ai une meilleure ouïe qu’un humain, t’as troublé ma tranquillité… Chaque Zenghotien a des capacités propres à l’animal qui les habite. Mon père m’a souvent raconté l’histoire de l’arrivée des Terriens ici. Ce n’est connu que par les hybrides et leurs descendances… »

 

La regardant, je voyais qu’elle avait tourné la tête. Était-elle gênée ? J’avais un sourire presque imperceptible sur mon visage, mais ne lui disais rien, je ne voulais pas la gêner encore plus si c’était déjà le cas. Croquant dans ma part de pizza au fromage, je regardais ma grande sœur et une fois mon morceau avalé, je prenais la parole.


« Tu… Si tu sais tout ça tu… Tu pourrais m’expliquer un jour ? Mais… Pour en revenir à ta question… Ça fait trois semaines avec Ekko, donc je dirais… Deux mois depuis notre première rencontre ? »


« Il a l’air de prendre soin de toi… » Dit Vi avec un petit sourire en coin. « Enfin… Il a intérêt, ou je lui brise la nuque… »

 

Elle n’avait pas dit ça sur un ton particulièrement violent, mais tout de même menaçant. Malgré tout, cela me fit pouffer.

 

« Quoi ? Je compte bien rattraper le temps perdu ! » 

 

Je rougis d’un coup.


« Même si… J’suis une humaine ? »


« Ouais, même si tu portes sur toi cette… tare… »

 

Quelques heures étaient déjà passées et j’avais tout de même envoyé un sms à ma mère. Même si j’étais toujours en froid avec elle, elle ne méritait pas de s’inquiéter encore plus pour moi. À la fin de notre repas, Vi décida de me raccompagner chez moi. Une fois arrivées devant la porte, nous nous faisions un geste de la main timide et je la regardais partir, pénétrant ensuite dans mon duplex. J’apercevais alors ma mère lire dans le canapé, que devais-je faire ? La pardonner ? Peut-être lui poser des questions ?


« Maman ? » L'interrogeais-je.

 

Ma mère levait les yeux sur moi et ferma son livre.


« Oui ? »


« On peut parler ? »

 

Elle retirait ses lunettes.


« Quand tu veux… »

 

J’inspirais le temps de quelques secondes, me posant au niveau de la fenêtre que j’avais ouverte pour fumer.


« Pourquoi tu ne m’as jamais dit que mon père n’était pas mort et que j’avais une sœur ? » Dis-je d’une voix douce


« Je voulais attendre que tu sois en âge de comprendre pourquoi, avec ton père, on a fait ça. » me répondit-elle avec une voix tout aussi douce.


« Tu ne me penses pas assez mature pour ça ? » Dis-je en serrant le poing et en m’allumant la clope que je venais de sortir.

 

« Regarde comment tu as réagi quand tu as entendu la conversation que j’avais avec ton père… » 

 

Je prenais une taffe.

« Parce que je vous ai pris en flagrant délit ! » 



 

Ma mère baissait les yeux. Je supposais qu’elle trouvait que je voyais juste ?


« Comment aurais-tu voulu que je t’annonce ça ? Pour Vander et Vi ? » me questionna-t-elle.

 

Je haussais les épaules. Pour être honnête, je ne savais pas réellement.  Je réfléchissais un instant avant de prendre la parole.


« J’en sais rien, mais pas en l’apprenant comme ça, à la volée... Si j’étais pas rentrée à ce moment-là, je l’aurais pas su... C’est ça ? » dis-je déçue par le comportement de ma mère.


« Oui... Mais pas maintenant… »

 

« Mais pourquoi !? » dis-je irritée par la façon d’être de ma mère et la colère qui commençait à monter en moi. Je commençais à perdre patience.


« Tu n’étais pas prête JINX ! » dit-elle en haussant le ton.

 

Le temps semblait s’être arrêté lorsque ma mère avait dit cela en appuyant sur mon prénom. Je me mordais la lèvre inférieure et prenais la parole en sanglotant.


« Mais... Une famille doit rester unie quoi qu’il arrive... J’étais prête… »

 

Ma mère se levait doucement et venait me serrer dans ses bras.


« Tu l’aurais su quoi qu’il arrive. Si nous sommes parties toutes les deux, c'est d’un commun accord avec ton père. Il voyait que notre… ou plutôt, ma vie était difficile étant donné que j’étais mariée à un hybride et avais une enfant hybride. Nous avons tenu bon en ayant Vi mais lorsque tu es arrivée... Ton père a préféré que tu grandisses hors de la haine entre hybrides et humains. »


« Maman... Je la voyais tous les jours là où nous habitions avant... Pourquoi être revenues à Iruta alors ? »

 

« Justement... Pour pouvoir te le dire… »

 

Je soupirais.


« Et Vi ? » Dis-je en levant la tête vers elle.


« Vi ? »


« Ouais ! Pourquoi elle n'était pas au courant ? »


« Vi déteste les humains, on ne savait pas comment elle aurait réagi... Tu sais toi même qu’elle est violente. Et nous voulions que vous le sachiez à deux, ensemble. »

 

J’aspirais sur ma clope et l’écrasais dans le cendrier.


« Écoute, je vais demander de faire une réunion de famille à Vander... Ça te va ? »

 

Mes yeux roulaient dans leurs orbites et je me levai.


« Ce sera la meilleure chose que tu auras faite depuis cette histoire… »

 

«  Jinx ça suffit !»


« J’vais dans ma chambre. »


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