Histoires colorées de l'île Panorama

Chapitre 30 : Fossiles vivants

623 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/10/2020 20:16

Fossiles vivants

C’était le dernier jour de séjour du père d’Aurore, et puisqu’il raffolait des dinosaures, ils s’accordèrent une dernière visite de cette aile du musée.

« Je dois vous mettre en garde, avait hululé Thibou à leur arrivée. La veille d’Halloween, le musée est, comme qui dirait, « hanté » par des fantômes du passé… Les fossiles reprennent vie. »

Cela ressemblait drôlement au pitch d’un film qu’ils avaient vu quelques jours auparavant, titré La nuit au musée, où, en effet, les diverses effigies d’os, cire et plastique, s’animaient comme s’ils étaient réellement vivants. Mais ce n’était qu’un film, rien de plus, aussi Aurore et son père s’en allèrent le pas léger, sans la moindre inquiétude, faire un tour dans cette partie du bâtiment.

Le tyrannosaure avait été démantelé et gardé ailleurs, en attendant que les moulages de ses pattes polydactyles fussent finis. La pièce semblait étrangement vide lorsqu’on y entrait, mais il y avait tant de squelettes à admirer qu’on finissait par oublier son absence.

Le diplodocus étirait fièrement son cou à perte de vue, surplombant toute la scène qui lui était accordée. Le ptérodactyle tentait de l’imiter, ma la seule envergure de ses ailes lui permettait à peine d’équivaloir au corps quadrupède de son lointain cousin. Sa tête abaissée lui donnait un air triste à cette constatation.

« Je me demande si c’est vrai, ses histoires de squelettes qui reprennent vie.

– Tu y crois vraiment papa ? Ça m’étonne venant de toi !

– Je sais, rit le vieux manchot grisonnant en secouant ses épaules. Mais cette idée m’amuse beaucoup. Ce serait un spectacle formidable pour Halloween, un défilé de dinosaures ! »

Ils se mirent à rire d’une voix légère. Dans leur dos, un grincement rauque semblable à une troisième voix se joignant aux leurs résonna d’une manière fort inquiétante.

Ils se retournèrent brusquement, et virent le diplodocus allonger son cou jusqu’à eux, sa tête se rapprochant seconde après seconde de leurs visages. Elle se stoppa à quelques centimètres du bec ; la mâchoire pendante semblait afficher un sourire ravi.

« Papa, articula Aurore sans retenir ses tremblements, elle est pas drôle celle-là. S’il te plaît, remets-le comme il était…

– J’aimerais beaucoup, ma puce, mais je te jure que je n’y suis pour rien du tout… »

Lui non plus n’en menait pas large ; ses pauvres jambes peinaient à le supporter tant elles flageolaient. Et l’immense bête restait là, à pencher la tête sur le côté, pour connaître leur réaction. Mais pouvaient-ils en avoir d’autre qu’une peur panique ? La bête affichait de puissantes dents, et même si elle était supposée être herbivore de son vivant, rien ne l’empêchait de croquer pour goûter.

« Est-ce que tu en as vu d’autres bouger ?

– Non, je crois pas… Ah ! »

Le strident cri d’effroi arraché à Aurore sembla déplaire au diplodocus, qui baissa soudainement la tête.

« Aïe, ma tête, gémit quelqu’un dans la pénombre. Qu’est-ce que c’était que ça ? »

Ils furent surpris de retrouver Thibou, à cheval sur la longue queue du dinosaure.

Face à leurs mines interrogatives – et quelque peu agacées – il leur expliqua que c’était là la tradition du musée, lors de la veille d’Halloween. Faire croire que les fossiles étaient vivants.

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