Histoires colorées de l'île Panorama
Hôtesse tête en l'air
Puisqu’il avait reçu un congé de la part de ses supérieurs, le père d’Aurore avait voulu profiter de ses courtes vacances pour rendre visite à sa fille. Elle lui avait longuement décrit les beautés de l’île et le calme de son quotidien dans les longues lettres qu’il avait reçues. Il se faisait toujours une joie de découvrir le papier fleuri selon la saison, et sur lequel elle pulvérisait quelques gouttelettes de ce parfum qu’elle portait depuis plusieurs années. C’était sa manière à elle de faire imaginer à ses parents qu’elle est toujours proche d’eux, comme avant son départ.
Quoi qu’il en fût, il avait trouvé l’occasion de revoir sa fille adorée, et ne l’avait pas laissée passer. Il aurait adoré pouvoir venir avec sa femme, mais malgré la retraite qui approchait, cette dernière était plus débordée que jamais.
« Oh, papa, je suis si contente de te revoir ! lui dit Aurore en le serrant contre elle à son arrivée à l’aéroport.
– Et moi donc ! Ça fait si longtemps que j’attends de te revoir ! »
La chaleur des liens familiaux unissant les manchots empereurs compensaient de loin la fraîcheur de leur habitat naturel. Bien qu’elle fût proche de ses voisins de la même espère, Aurore déplorait leurs centres d’intérêts plutôt éloignés. Il était parfois difficile de trouver des sujets de conversation avec Reynald, de garder patience près de Cube, ou bien de ne pas se sentir intimidée par Friga. Elle confia ses inquiétudes à son père lors de longue promenade, et il l’écoutait parler, hochant la tête de temps à autre, ou lui prononçant quelques paroles rassurantes.
Comme chacun des résidents de l’île le faisait lorsqu’il recevait un ami ou un parent, elle lui fit tout visiter, à commencer par sa maison. L’air approbateur que prit son père en constatant la banquise qui lui servait de pièce de vie la rassura. C’était toujours quelque chose lorsque votre mère ou père venait voir votre maison ; il était tout à fait normal de chercher leur accord, une validation qui vous dit que vous vous êtes bien débrouillé.
« Dis-moi, avant que je t’emmène à droite à gauche, est-ce que tu voudrais faire une pause ? Tu as des affaires à ranger, ou quelque chose comme ça ? »
Le regard vide qu’il lui lança fut… particulier.
« Mes bagages.
– Oh non ! – Aurore commençait déjà à s’affoler – On a oublié de les récupérer à l’aéroport !
– Il suffit d’y retourner, non ? »
La manière dont relativisait son père impressionnait Aurore ; elle paniquait plus que raison, convaincue d’avoir commis la plus grosse bourde du siècle. Ce fut presque au bord des larmes qu’elle ferma à clé sa porte derrière eux, avant qu’ils ne se rendissent d’un pas pressé jusqu’à la porte d’entrée et de sortie de l’île.
Morris les accueillit avec un sourire, malgré son air surpris de revoir le voyageur de sitôt alors que son vol retour était pour le week-end qui venait. Lorsque Aurore lui expliqua la raison de leur visite non prévue, il rit gentiment, et les informa qu’on allait leur apporter les bagages.
« Désolée, s’excusa encore une fois Aurore auprès de son père. Je suis décidément vraiment tête en l’air, pas vraiment une excellente hôtesse…
– Ne t’en fais pas, ça m’arrive aussi. La preuve : j’avais complètement oublié que j’avais des bagages avec moi ! »
Une fois la valise retrouvée, ils la déposèrent chez le manchot. Enfin pouvait commencer leur visite, et les vacances en famille.