Histoires colorées de l'île Panorama
Il y a un os
Suite à sa dernière mésaventure mettant en scène d’odieux papillons le prenant pour un arbre où se percher, Thibou avait pris la décision de demander de l’aide à des bénévoles pour faire ses rondes quotidiennes. Il avait cependant gardé l’idée de faire ces vérifications le matin, comme ça il pouvait toujours être tiré d’affaire plutôt rapidement grâce à un visiteur. Si ce genre de chose lui arrivait en pleine nuit, il s’imaginait déjà mourir d’angoisse avant l’aube.
Ce jour-là, ce fut Chiyoko qui vint l’aider. La petite humaine semblait toujours serviable, prête à rendre un service si c’était dans ses cordes. Il avait vu sa petite silhouette disparaître dans l’entrée de l’aile des insectes, le bruit de ses sandales de bois claquant contre le sol devint rapidement muet.
Puisque la partie des sculptures et tableaux et celle des poissons avaient déjà été vérifiées, il ne lui restait plus qu’à jeter un œil du côté des fossiles. Oh comme il adorait leur rendre une petite visite ! Il adorait suivre les lignes au sol, observant les nombreuses branches de cet immense arbre généalogique évolutionnel, et s’arrêter au bout de l’une d’elle pour perdre de longues minutes à rêvasser au sujet de la créature qui se tenait devant lui.
Ce matin-là, il n’y eut aucune exception, et il se retrouva à errer à travers les trois grandes salles, ses yeux se posant sur les côtes rutilantes sous les projecteurs, sur les queues écrasantes, et son corps frémissant de joie et de crainte à la simple vue des dents immenses et tranchantes. Il adorait ces sensations, mais son instinct de survie lui dictait de ne pas trop s’approcher de ces monstres. Bien qu’inertes, ils pouvaient toujours le blesser, en tombant par exemple.
Ce fut en passant devant l’effroyable roi tyrannosaure qu’il devina que quelque chose n’allait pas.
En y regardant de plus près, ne manquait-il pas une partie de son imposant squelette ? Pourtant, les larges membres inférieurs étaient entiers, et il en était de même pour la longue queue qui avait dû faire de gros ravages lors de combats de titans. En revanche…
Oui, c’était bien ça !
Le tyrannosaurus rex étaient un de ces reptiles qui ne possédaient que deux doigts griffus au bout des membres antérieurs. Alors pourquoi celui-ci en avait-il trois sur sa patte gauche ?
Quiconque s’était bien amusé à le façonner et l’ajouter s’était donné beaucoup de mal pour rendre ça très réaliste. Un œil amateur n’aurait pas relevé l’énormité de la faute – un t-rex à trois doigts ? Et puis quoi encore !? – mais pour Thibou, c’était bien trop gros pour laisser passer l’erreur.
Le hibou détacha soigneusement les articulations artificielles et les supports afin de déloger toute la main de la bête titanesque. Il alla trouver une source de lumière afin de mieux observer tout ça, et s’enferma donc dans son bureau. Loupe et lampe l’aidèrent à mieux se pencher sur la chose.
Et ce qu’il voyait là était tout bonnement incroyable !
Il avait vraiment cru qu’il y avait là un os factice façonné par un petit malin ou une petite maligne qui voulait lui faire une farce – après tout Halloween arrivait à grands pas ! –, fait de pâte à sel ou encore de papier mâché. Mais la réalité était toute autre, et il n’en revenait toujours pas.
Le tyrannosaure était tout bonnement polydactyle. C’était une première, nul n’avait jamais trouvé de squelettes d’individus préhistoriques présentant une telle variation physique !
Comment avait-il fait pour ne pas le voir lorsqu’il avait monté le squelette ? Ah, peut-être s’était-il fait aider de quelqu’un qui n’y connaissait rien en fossiles. Quoi qu’il en fût, il se hâta de prendre une série de photos d’excellente qualité, et après avoir remis le morceau de squelette à sa place, il commença à réfléchir à ce qu’il pourrait bien inscrire dans son prochain article. Cette nouveauté fantastique ferait bientôt le tour de la communauté scientifique, il en était convaincu !!