Le Clan Dolores : plume et aiguille

Chapitre 8 : Chapitre 8 : la fée verte

9737 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/03/2017 19:27

"Je vais la tuer je vais la tuer je vais la tuer je vais la tuer !


Dawn faisait les cent pas dans le salon à une vitesse phénoménale. Étonnamment, elle avait enfilé un bas de pyjama et un soutien-gorge.


- Mais qui, putain ?! la questionnai-je pour la millième fois.


Elle s'immobilisa enfin, avant de prendre une grande inspiration pour se calmer.


- En deux mots, fit-elle, le diable est revenu. 

- Ça fait quatre mots. 


Dawn se vautra sur le fauteuil face à moi, s'emparant d'un coussin.


- Cette sale pisseuse de Libby Vanderbilt a finalement accepté de s'associer à Lino, expliqua-t-elle en donnant des coups dans ce pauvre oreiller. Et là, elle profite que tante Agatha travaille pour Shilow Home pour l'expédier à Bruxelles et m'obliger à rester là !


J'avais presque oublié que Libby était de retour dans nos vies. Elle n'avait pas dû apprécier que je lui rappelle indirectement les plus gros échecs de sa vie à l'occasion du repas que j'avais partagé avec la famille des jumeaux. 

Dawn s'était soudainement arrêtée de frapper dans le coussin.


- Il faut que je trouve Ruben, fit-elle en se levant. 

- T'as eu aucune piste ?


Elle me répondit en secouant la tête tout en poussant un long soupir.

Je me souvins alors de ma discussion avec Laeti quelques minutes plus tôt. 


- Je pense que j'en ai une.


Elle fut piquée de curiosité et releva sa tête blond cendrée vers moi. 

Je lui racontai alors ce que j'avais appris en allant au Mad's avec les jumeaux. 


- Jeter une fille alors qu'elle est mignonne comme tout, c'est bien du Ruben, observa-t-elle. Tu lui as demandé ce qu'il avait commandé ?


Hein ? Je lui répondis par un regard étonné. 


- Le gluten... me rappella-t-elle.

- Merde ! Quelle conne, j'avais complètement oublié. 


Ruben était intolérant au gluten, et si Laeti m'avait renseigné sur le contenu de sa commande j'aurais pu être sûre à 100% qu'il s'agissait bien de lui.


- Tu retourneras au Mad's demain, m'indiqua Dawn. Moi je continuerai mes recherches de mon côté. 

- Pourquoi moi ?


Dawn eût l'air agacée par ma question. Elle détourna le regard.


- Ne m'oblige pas à le dire, fit-elle.


Je compris alors de quoi elle voulait parler. Ruben la fuyait alors qu'il semblait plus disposé à entrer en contact avec moi : d'où son arrivée à Sweet Amoris quelques jours seulement après la mienne.


- C'est d'accord, j'irai."



***



"Répète ça ? fit Alexy.

- Votre Libby déteste ma soeur, ma mère et... toute ma famille en fait, et elle a fait muter ma tante pour que Dawn soit obligée de rester ici avec moi.


Les jumeaux échangèrent un regard médusé. 


- Répète ça ??? me demanda encore Alex.

- Ça m'avait étonnée que vous ne m'ayez pas reparlé de l'épisode de mercredi dernier, avouai-je.


Ils avaient pourtant été les seuls à percevoir la tension entre Libby et moi durant le repas.


- On avait l'impression qu'il fallait attendre, expliqua Armin. Ça fait quatre jours que t'es encore plus à l'ouest que d'habitude.


Je n'eus même pas envie de le nier. Revoir Libby avait gratté la couche de peinture dont j'avais recouvert mes souvenirs de Richard.


- Enfin bref, j'ai pas envie de vous faire de peine mais votre Libby est la pire des enflures qui soit.

- On sait, me répondirent-ils en choeur.

- Hein ???


Les jumeaux avaient pourtant l'air d'apprécier la protégée de leur grand-mère, enfin c'est ce que j'avais cru. 


- On l'a jamais sentie, expliqua Alexy. Et notre père est du même avis. 

- De toute façon, quand mamie aime bien quelqu'un c'est rare que papa aussi, ajouta Armin.


Je fus instantanément soulagée par cette nouvelle. C'était comme si le fait que la pire ennemie de ma famille ait un lien avec les jumeaux m'eût donné l'impression qu'une barrière avait été glissée entre nous. 

J'avais désormais l'impression que cette barrière avait été soulevée pour qu'ils passent tous les deux de mon côté. 


- Ce que je pige pas c'est ce que Libb's gagne en obligeant ta soeur à rester là.

- Facile, répondis-je à Armin. Libby est extrêmement jalouse de Dawn, en partie parce qu'elle a réussi son ascension sociale à la capitale. Libby a essayé d'adopter Paris, mais Paris n'a pas voulu d'elle et...

- ... et en empêchant ta soeur d'y retourner elle a sa revanche, devina Alexy.

- Je comprends. Et vu que maintenant elle fait de nouveau partie du clan Vanderbilt, elle va pouvoir acheter son adoption parisienne et se donner l'illusion d'être Jane Birkin, poursuivit Armin.


J'acquiesçai.

J'avais dit la vérité aux jumeaux, mais je ne parvenais pas à la compléter. En réalité, Libby n'avait jamais cessé d'appartenir au clan Vanderbilt. Tout ce qu'elle avait raconté à la grand-mère des jumeaux, cette histoire comme quoi elle et sa mère Pietra avaient quitté son père Lino pour s'exiler en province, c'était du flan. Libby Vanderbilt était actrice, elle passait même souvent à la télévision. Son père et elle avaient fait croire à l'ensemble des médias qu'ils s'étaient violemment disputés, alors qu'ils s'entendaient parfaitement. 

Ce que je ne comprenais pas, c'était pourquoi Libby s'était donné la peine de se rapprocher de Christine, la mamie d'Armin et Alexy, et de s'occuper d'elle pendant des années...


Par ailleurs, j'avais surtout évité de donner aux jumeaux la raison clé du plan de Libby : elle ne voulait pas uniquement éloigner Dawn de Paris, elle voulait l'éloigner de Ruben. Elle n'était visiblement pas au courant qu'il était venu à Sweet Amoris, pensant qu'il était dépendant de Paris au point de toujours devoir y revenir sous trois semaines à tout casser. Elle ne le connaissait décidément pas du tout. 

Ruben était amoureux de Paris. Il y était né, y avait évolué, et s'y était installé avec Dawn, sa muse. Pourtant, il n'était pas rare que, comme tout parisien, sa passion pour la ville ne finisse par s'estomper de temps à autre. Il savait comment remédier à cela : il partait. Son premier tatouage, sur le cou, le long de la rangée de croix chrétienne qu'il avait en commun avec Dawn et moi, illustrait la bougeotte qui le caractérisait : il s'était fait tatouer "leaving, living", c'est à dire "partir, vivre".

Il lui suffisait de passer quelques jours en province où à l'étranger pour qu'il redevienne fou de la capitale. Voilà pourquoi il avait, toute son enfance, fait des allers-retours entre Paris et Morpert : il avait besoin d'alterner pour ne pas que son âme parisienne ne se fane.

Néanmoins, cela ne voulait pas dire qu'il se sentait obligé de remonter sur Paris dès que le manque de faisait sentir. Ruben était fort. Il savait supporter le manque, il savait organiser ses priorités. Et malgré le malin plaisir qu'il semblait prendre en la faisant galérer à le rechercher partout, Dawn était au sommet de sa liste. Peut-être que Libby le connaissait très mal, mais s'il y avait bien une chose qu'elle avait compris chez lui, c'était ça. 


- Tes parents ne veulent vraiment pas te laisser seule ? me demanda Alexy. T'es à seulement un an de la majorité. 


Je secouai la tête de gauche à droite. 


- Mon père n'est pas contre, expliquai-je, mais ma mère culpabilise énormément de m'avoir laissée pour faire le tour de l'Asie. Si en plus elle sait que je suis toute seule, elle ne profitera pas du voyage et elle reviendra ici. C'était un peu son rêve de alors j'ai aucune envie de lui gâcher ça. 


Je comprenais parfaitement que ma mère fusse rassurée par la présence de Dawn. Même si elle et mes parents s'étaient perdus vue lorsqu'elle avait seize ans, ils savaient comment ils l'avaient élevée, et Dawn m'avait toujours beaucoup protégée.

Mes parents étaient au courant de notre querelle, donc je supposais qu'ils espéraient une réconciliation en obligeant Dawn à rester avec moi. Malheureusement, plus ça allait et plus ma soeur avait l'air d'étouffer à Sweet Amoris.


- Kruger ! Galienne ! Stand up ! nous ordonna notre prof de littérature anglaise.


Nous réalisâmes alors que tous les autres élèves s'étaient levés pour accueillir notre directrice. 


- J'ai l'impression qu'elle devient plus sphérique de jour en jour, railla Armin en se levant.

- J'ai une annonce à faire, déclara la grosse meringue. Notre établissement va avoir la chance d'accueillir trois élèves étrangers pendant quelques semaines, dont un restera toute l'année.


Sur ces mots, Lysandre se tourna vers moi et croisa mon regard. 


- Ils viennent respectivement de la Suède, de Martinique et d'Australie. Tâchez de leur réserver un accueil exemplaire, ils débuteront les cours mercredi.


Nous pûmes enfin nous asseoir. Mon téléphone vibra presque dès que j'entrai en contact avec ma chaise.

Comme je m'en doutais, Lysandre me donnait rendez-vous pour que nous préparions l'article que nous avions à écrire sur les trois arrivants.


Samedi, ça te va ?

Samedi.




***



J'avais réussi à m'éclipser le midi en prétextant vouloir manger avec ma soeur pour discuter un peu au lieu d'aller au réfectoire avec Armin et Alexy. Ils s'étaient réjouis de voir que nous nous étions "rapprochées", et ça m'avait fait mal au coeur de leur mentir.


"Salut la miss, me salua Laeti à l'entrée du Mad's.


Elle prenait sa pause clope, appuyée contre la façade du café. 


- Comment ça se fait que les jumeaux soient pas avec toi ? m'interrogea-t-elle avec une moue.

- Je viens retrouver quelqu'un, mentis-je. Sinon euh... Le garçon qui t'avait jetée, le tatoué, tu m'as bien dit qu'il avait l'habitude de manger ici ?


Elle acquiesça. 


- Merci de me rappeller que je me suis pris un gros râteau, pleurnicha-t-elle. Il est en train de manger au moment même où on parle.

- O-ok, merci à plus. 


Je me ruai à l'intérieur. Le Mad's était un grand café très branché, il y avait énormément de monde. Je cherchai la tête blonde de Ruben au milieu de tous les clients, fouillant du regard chacune des tables. 

Il est peut-être allé aux toilettes ? Ou bien il est à l'étage...


Je jetai un oeil à la mezzanine, et il y avait un blond avec un pull en laine bleu marine en train de picorer des frites dans son assiette. Il avait, comme l'avait dit Laeti, des yeux verts, mais cela n'avait rien à voir avec ceux de Ruben qui étaient vert bouteille. Ceux de ce garçon étaient couleur émeraude, et son teint hâlé les faisait ressortir. Il avait un tatouage à la racine du cou : un tribal. Quelle horreur, jamais Ruben ne se serait fait faire de tatouage tribal. 

Je voulais être sûre que c'était bien de lui dont Laeti m'avait parlé. Il était, certes, aussi beau qu'elle me l'avait dit, mais il me fallait en avoir le coeur net. 

Je m'éclaircis la gorge.


- Heu, excuse moi, l'interpellai-je. Tu n'aurais pas fichu un râteau à l'une des serveuses récemment ?


Très bizarre comme approche, mais c'était tout ce que j'avais.

Le garçon leva les yeux vers moi et me fit un sourire à tomber. 


- Mmh, la grande bleue avec des barrettes partout ? fit-il. Pas mon style. 


Il se leva alors de sa chaise et je pus voir qu'il était extrêmement grand. À vu d'oeil, un mètre quatre vingt dix.


- Par contre, toi...


J'avais tout ce qu'il me fallait, pourtant je décidai de rester un peu plus longtemps avec ce bel inconnu.


- Moi c'est Dakota, se présenta-t-il, mais appelle moi Dake. Et toi ?

- Aurore, répondis-je.

- Tu sais Aurore, t'as des techniques de drague très... originales.


Je préférais qu'il croit que j'avais envie de l'aborder plutôt que de lui expliquer la véritable raison de ma question.


- Je t'en prie, fit-il en désignant la chaise face à la sienne.


J'avais justement prévu de commander quelque chose à manger, histoire de ne pas me faire cuisiner par les jumeaux à cause des gargouillis de mon ventre. 

Dake fit signe à un serveur et me commanda la même chose que lui.


- Tu vas voir, ce truc est vachement bon.

- C'est qu'une salade césar avec des frites, raillai-je.

- De là où je viens, ça n'existe pas les salades-machin.

- "De là d'où tu viens" ? répétai-je.


C'est alors que je me souvins que Laeti avait dit avoir vite remarqué que Dake n'était pas d'ici. 

Il posa ses deux avant-bras bronzés sur la table.


- L'Australie, ma belle, répondit-il.


Si loin que ça ??? Il parlait parfaitement bien français.


- En tout cas, il fait vraiment froid dans votre pays. Je sais pas comment tu fais. 


Il désigna mon haut transparent sous lequel j'avais mis un large soutien-gorge en dentelle noire.


- Enfin, c'est pas pour me déplaire, ajouta-t-il avec un sourire en coin.


Je ne savais pas quoi penser de ce garçon. Je le trouvais à la fois un peu lourd et super sexy.


- Eh ben, t'es plutôt direct, observai-je en appuyant ma tête contre le dos de ma main.

- Je l'avoue, c'est pas mon truc d'y aller par quatre chemins. 


Il passa sa langue sur ses lèvres.


- C'est pas pour me déplaire, répondis-je en imitant son intonation.

- Je sens qu'on va bien s'amuser tous les deux, Aurore. Quitte à passer un an ici, autant que ce soit en bonne compagnie.


J'avais l'impression d'être en boîte et de draguer après avoir un peu trop bu. C'était facile, il n'y avait pas de prise de tête avec ce genre de mecs. C'était de ça dont j'avais besoin : les poètes ténébreux, c'est sympa, mais parfois il faut lâcher prise. 


- Sinon, parle moi un peu de toi Aurore. 


Vu comme ça, on aurait pu s'attendre à un kéké inintéressant qui voulait juste faire semblant de s'intéresser à moi, mais il y avait quelque chose de profond dans son regard : il ne me posait pas cette question juste pour me la poser. 


- Tu sais, répondis-je, y'a pas grand-chose à savoir sur moi. J'ai 17 ans, je suis arrivée en ville il y a un mois et... C'est tout.


J'aurais pu lui dire que je vivais seule avec ma soeur mega-bonne mais ça revenait à lui demander de venir nous violer cette nuit.


- Les gens qui ont des tatouages comme les tiens ont toujours quelque chose à raconter, répondit Dake. Après, tout dépend leur envie ou non de parler d'eux. 


Il avait résumé ma vie en deux phrases. 


- Et toi, t'as quoi à raconter ? l'interrogeai-je. 

- Mon oncle est prof de sport remplaçant un lycée pas loin, et je viens passer un an ici pour un programme d'échange, je vis chez lui. Par contre, c'est vachement mal fichu ce bordel : le lycée qui m'accueille veut à tout prix que je fasse comme les autres et que j'habite dans une famille de locaux, pas chez de la famille à moi. Et ils m'ont encore proposé personne... faudrait savoir.


Un lycée mal organisé ?


- Ce serait pas le lycée Sweet Amoris ?

- Ouais, répondit-il toujours avec son sourire en coin. C'est ton lycée ?


J'acquiesçai en lui piquant une frite. Il me fit alors un large sourire hollywoodien qui me fit le trouver encore plus sexy.


- On va VRAIMENT s'amuser tous les deux, ajouta-t-il. 


Je sentis qu'il était en train de me faire du pied à travers mon collant. Sans y répondre, je le laissai faire. Cela sembla l'amuser.

Dake et moi fonctionnions de la même manière avec les personnes du sexe opposé. C'était la première fois que je rencontrais un garçon qui était si franc avec ses intentions. Cela était loin de me faire peur : je n'étais pas une sainte-nitouche.


Ma salade arriva.


- Techniquement, t'es nouvelle ici toi aussi. Les gens sont comment ?

- J'ai rencontré pas mal de gens assez sympas, mais y'en a que deux dont je me sens vraiment proche. À part eux, les autres ne m'intéressent pas plus que ça pour le moment. 


Dake arqua les sourcils. 


- "Eux" ? répéta-t-il. Attention je vais être jaloux.


Je me surpris à rire à sa réplique débile. J'allais pas devenir une cruche écervelée quand même ?


- L'un d'entre eux est gay, et l'autre est seulement un ami, expliquai-je. 

- Mon ex aussi était seulement une amie avant qu'on passe quatre mois ensemble.


Quatre mois ? Il avait l'air aussi volage que George Duroy ; je lui aurais donné un record maximum de deux semaines. 


- Tu caches mal ton étonnement, observa-t-il en me faisant toujours du pied.

- Je sais, souris-je. 


Il se contendit de me répondre par un regard amusé.


- Tu trouves pas qu'il y a beaucoup de monde ici ? observa-t-il. La prochaine fois, faudra qu'on aille dans un endroit plus tranquille. 


Il me fit un clin d'oeil et redoubla les caresses avec son pied. 

Je compris instantanément qu'il faisait exprès d'exagérer, cela me fit rire. 

Je décidai d'entrer dans son jeu. 


- Mmh, t'as raison, fis-je. On se fera un ciné, on choisira un vieux film d'auteur bien long. 

- Oh-ho, tu lis dans mes pensées en plus. 


Je disais ça pour rire, mais une partie de moi était sérieuse. Je me mordis la lèvre inférieure. 


- En tout cas, si un jour t'as besoin de quelqu'un pour décompresser, je suis là. 


Comment savait-il que ma tête était au bord de l'explosion ces temps-ci ?


- Je suis très observateur, répondit-il à mon regard interrogateur. Et toi, tu te prends beaucoup trop la tête.


Lorsque je finis ma salade, je sortis le plus naturellement possible mon porte-monnaie pour régler l'addition, mais Dake arrêta mon geste. 


- C'est moi qui t'ai commandé ça alors c'est moi qui paie, me dit-il. Tu pourras me rembourser... En nature.


Il me fit un autre clin d'oeil et je pouffai de rire devant ses techniques de drague de beauf.


- Ou alors tu me donnes ton numéro, ajouta-t-il.

- J'allais le faire de toute façon.


Pas pour m'amuser, mais parce que ce serait plus pratique en vue de l'article que Lysandre et moi avons à écrire en partie sur lui. 


- Je dois retourner au lycée, l'informai-je. J'ai encore cours cet aprem. Contente de t'avoir rencontré, Dake.

- Plaisir plus que partagé, Aurore.


Il me fit un baise-main et je pus quitter le Mad's.

À la seconde où je franchis le seuil du café, Dawn m'appela.


"C'était pas Ruben, fis-je directement après avoir décroché. 

- Je sais, le répondit-elle. Il est à l'hôpital.


Je m'immobilisai au milieu de la route, manquant de faire tomber mon téléphone tant ma main était devenue raide.

Dawn poussa un soupir. 


- Il s'est fait renversé par une voiture.

- Où est son hôpital ? m'empressai-je de lui demander. 

- C'est l'hôpital Sainte-Luce. Mais il n'a rien de grave, d'après eux. 


Dawn me paraissait incroyablement détendue malgré la situation. Cela ne lui ressemblait tellement pas !


- Je veux y aller, lui dis-je en commençant à lever un peu la voix. 

- Ruben refuse les visites, il a seulement accepté que je sois prévenue.

- HEIN ? Comment ça il refuse les visites ? Ça l'amuse d'inquiéter les gens comme ça ?!


Dawn poussa un autre soupir. 


- Oui, fit-elle doucement, c'est un enfoiré. Mais si tu savais à quel point je suis soulagée. 

- Soulagée ? m'indignai-je. Ruben est à l'hôpital et toi t'es soulagée ???

- Oui.


Dawn ne leva pas la voix face à mon ton accusateur, elle resta très calme. Trop calme.


- Il n'a rien, poursuivit-elle. Et maintenant je sais où il est.

- Alors tout ce qui t'intéresse c'est d'être...

- Au moins, je suis sûre qu'il est en sécurité", me coupa Dawn.


Elle était sincère. Dawn s'inquiétait pour Ruben plus que pour son propre enfermement à Sweet Amoris par Libby. Et dire qu'elle me faisait croire depuis le début que tout ce qui l'intéressait c'était de le retrouver pour son intérêt personnel... Pourquoi jouait-elle les garces ainsi ?



***



Je rejoins tranquillement les jumeaux devant le lycée, à notre place habituelle. Castiel n'était pas là, et j'avais enfin pu faire le trajet depuis le loft sans qu'il me taxe mon petit-dej et me submerge de questions sur mes amours, Ruben et Dawn.


"Alors comme ça on sèche toute l'après-midi et on tente sa chance avec le tatoué qui a jeté Libby ?


Je déglutis. Comment Alexy savait-il que j'étais avec Dake au lieu de manger avec Dawn comme je l'avais dit aux jumeaux ?


- Laeti, m'indiqua-t-il.

- Raaaah, qu'elle balance celle là ! pestai-je.


Et moi quelle idiote ! Comment avais-je pu oublier la serveuse ? Elle allait me voir avec Dake à coup sûr, avant de tout aller raconter à ses clients préférés. J'aurais dû m'y attendre. 


- J'espère que tu nous as pas menti pour rien, fit Alexy en croisant les bras. T'as au moins eu son numéro ?

- Oui, avouai-je en levant les yeux au ciel. Et de toute façon il arrive au lycée aujourd'hui. 


Les jumeaux ne cachèrent pas leur étonnement. 


- Tu l'as même convaincu de s'inscrire ici ? plaisanta Armin. Eh ben...

- T'es bête, pouffai-je. C'est l'un des étudiants du programme d'échange, celui qui vient d'Australie. Et...


Je jetai un oeil aux alentours pour voir si Peggy n'était pas dans les parages. N'ayant aucune envie d'expliquer aux jumeaux que je m'étais retrouvée au Mad's à cause de mon envie de savoir si le garçon dont Laeti avait parlé était Ruben, j'étais obligée de sortir l'excuse du club de journalisme pour me justifier aux jumeaux. J'avais horreur de ces méthodes, et mentir aux deux seules personnes auxquelles je m'étais attachée à Sweet Amoris me fendait le coeur, mais je m'y sentais obligée. 

Peggy nous avait prévenu que tout membre du club qui parlerait du futur programme du journal du lycée se verrait soumis à des représailles de sa part, alors mieux valait éviter de se faire remarquer. 


- ... et le club de journalisme m'a demandé d'écrire un article sur lui et les deux autres, avouai-je. J'ai profité qu'il soit au Mad's pour anticiper et me le mettre dans la poche. Tiens, c'est lui d'ailleurs. 


Je désignai du menton le grand blond bronzé. Il était entouré par une foule de filles, lui posant des questions dans un anglais douteux tout en gloussant comme des cruches. Il m'aperçut de loin et me fit un signe, ce qui fit se retourner vers moi certaines filles de sa basse-cour.


- Ça y est, t'es l'ennemi public numéro un, observa Armin.

- Je veux bien que le motif de ton entrevue avec lui soit scolaire, concilia Alexy, mais ne me fais pas croire que le fait qu'il soit bombesque ne t'a pas forcé la main.


Je passai ma main dans mes cheveux. 


- C'est surtout ça en fait", avouai-je.



***



J'étais en bas de l'immeuble des frères Mogarra. Le reste de la semaine était vite arrivé : nous étions déjà samedi. Entre-temps, je n'avais eu aucune nouvelle de Ruben, et Dawn ne m'avait plus parlé de lui. 

Je sonnai, et la voix de Leigh s'adressa à moi


- Oui ?

- Salut, c'est Aurore, je dois bosser sur un truc avec Lysandre.

- Tiens ? Bonjour Aurore ! Je t'ouvre. 


Il avait l'air légèrement surpris, Lysandre ne l'avait visiblement pas prévenu de ma venue. 

Un grand *BIIIIIIP* se fit entendre et je poussai la porte pour pénétrer dans le somptueuse hall marbré du bâtiment. Un parfum muscé embaumait l'air, mêlé à celui des magnolias qui, dans des pots de béton couleur encre de chine, encadraient un grand ascenseur dans des tons ivoires.

Je me mis à monter les marches de l'escalier, partiellement recouvertes par un long tapis de velours bleu marine liseré de blanc immaculé


Arrivée devant la porte d'entrée en somptueux bois de chêne dont les gravures et le raffinement des détails m'avait frappée lors de ma première visite, je réalisai que mes Doc Martens, mon perfecto en cuir noir et mon foulard à motifs psychédéliques noué en turban autour de mon crâne contrastaient largement avec le décor. 

Leigh m'ouvrit avant même que je ne sonne.


"Entre, je t'en prie ! Comment vas-tu ? J'adore ta tenue ! Ne fais pas attention au bordel, je suis en plein travail.


Il avait effectivement un mètre de couture autour du cou, et sa chemise était légèrement déboutonnée, probablement pour qu'il soit plus à l'aise. 

Je m'exécutai avant d'enlever mes Doc à l'entrée. 


- Lysandre est sous la douche, m'informa-t-il. Il va pas tarder PARCE QUE ÇA FAIT UN MOMENT QU'IL SQUATTE LA SALLE DE BAIN ET QUE L'EAU C'EST PAS GRATUIT, cria-t-il à l'intention de son frère. 


On perçut la voix du principal intéressé raisonner à travers le grand couloir de la demeure, au milieu du bruit de l'eau qui coulait à flot :


- J'arrive, j'arrive, répondit-il.


En me faisant m'installer sur l'un des confortables canapés en cuir noir du séjour, Leigh me proposa un café, que je refusai poliment. 


- Ne te dérange pas pour moi, lui dis-je. Continue de travailler.

- Ne t'inquiète pas, je suis assez productif pour me permettre de servir mes invités, assura-t-il.


Quelle hospitalité, on aurait dit Sebastian dans Black Butler.

Mon oeil fut attiré par les trois mannequins couture qui trônaient devant la cheminée, au milieu des patrons de robes et des chutes de tissus. Leigh y avait épinglé des productions à lui. 


- C'est vraiment sublime, commentai-je en me levant pour mieux voir.

- Je bosse sur la collection printemps-été à venir, ravi que mon travail te plaise ! J'ai encore beaucoup de retouches à faire, sur cette veste en particulier.


Il désigna le mannequin du milieu, habillé d'un blazer oversize entièrement couvert de sequins. Les épaulettes étaient extrêmement travaillées, et Leigh avait fait un dégradé de sequins qui partait du noir en haut et se fondait avec l'argenté du bas en passant par le prune, le parme et le gris anthracite. Le tout se mélangeait avec une subtilité digne d'un créateur accompli. 


- Waouh, fis-je en examinant le vêtement sous toutes les coutures. Si Martin Margiela et Karl Lagerfeld avaient un enfant ensemble, il porterait cette veste. 

 

Ma comparaison pourtant flatteuse fit grimacer Leigh.


- Seigneur, glapit-il, je déteste Martin Margiela.


J'eus un hoquet. Margiela était génial, et le quart de mon dressing provenait de chez-lui.


- Elle n'est pas encore terminée, fit-il en observant la veste. Je veux qu'en la voyant même Miranda Priestly se trouve fagotée comme une touriste Allemande. 

 - C'est bien parti pour, répondis-je. On dirait que tu l'as découpée à même un cristal d'améthyste brute.


Le mannequin d'à côté était vêtu d'une magnifique robe en crêpe bleu roi. Elle était brodée sur le bas, et on voyait bien que c'était à la main. La forme du vêtement était simplissime : larges manches t-shirt, col carré, tombé vaporeux. Pourtant, les détails des découpes et la broderie ton-sur-ton qui les encadrait la rendaient divine. Leigh n'avait pas encore cousu le corps de la robe avec les manches qui étaient maintenues par des épingles à têtes rondes. 


- Pour celle-ci, j'hésite encore entre des manches simples et larges qui s'arrêtent juste au-dessus du coude, des bretelles perforées dans le même style que le reste ou bien des manches en crochet style McQueen pour Kate Middleton.


Je fis un pas en arrière, me grattai le menton en observant les manches que Leigh avait épinglées. 


- Pourquoi ne pas faire un col cheminée à la Valentino avec des manches trompettes ? Avec le tissus en crêpe ça tiendra assez bien.

- Oui... oui ! C'est une excellente idée ! T'es géniale Aurore, par contre il faudra ajouter des élastiques sur le bas des manches pour les froncer et donner l'effet trompette. Et...

- ... je suis désolé d'interrompre votre coup de foudre textile mais... salut Aurore, fit Lysandre en m'adressant un petit sourire.


Il avait une simple serviette autour de la taille, et une autre jetée sur ses épaules. Ses cheveux humides y faisaient perler quelques gouttes dont certaines s'écrasaient dans son cou, glissant le long de ses trapèzes saillants. Son torse découpé par ses muscles congestionnés aurait confirmé à Alexy ce qu'il pensait déjà du physique du jeune homme. Lysandre était beau, beau à en tomber par terre.

J'avais déjà remarqué son aise devant la nudité lorsqu'il avait pénétré dans le showroom où Rosalya, en sous-vêtements, et moi, en jean et soutien-gorge, nous trouvions le dimanche précédent. Sans parler des photos nues qu'il avait pris de Rosa durant un shooting ayant pour thème Les Mains Libres, alias la bible des cuisses écartées et des tétons en folie. 

Cela ne m'avait pas dérangé : Dawn ayant passé au moins la moitié de sa vie à se promener devant moi en tenue d'Ève, j'étais aussi accoutumée au manque de pudeur qu'un soviétique à la vodka. J'étais même reconnaissante à Lysandre de m'offrir le spectacle de son corps d'Apollon, mes yeux se délectaient de ce qu'ils voyaient. Où était le mal ? 


- Salut, répondis-je en m'efforçant de le regarder dans les yeux. Tu vas bien ?


Il m'adressa un sourire plus large.


- Très bien et toi ? Desolé de me présenter dans cette tenue mais Leigh a fermé notre dressing à clé, m'informa-t-il en insistant sur les termes qui accusaient son frère. 


Leigh m'expliqua que son showroom avait été repeint la veille et que toutes ses créations avaient été provisoirement placées dans le dressing commun des deux frères. Celui-ci avait été fermé à clé afin que Rosalya ne puisse pas voir les toutes nouvelles pièces de Leigh car il voulait qu'elle les découvre en même temps que les autres spectateurs du défilé à venir. 


- D'ailleurs, tu es invitée d'office, ajouta gentiment Leigh.

- Leigh... rappela Lysandre.

- Oh, c'est vrai, la clé. 


Il partit en direction du porte-manteau à l'entrée, écartant les vestes qui y étaient accrochées.


- Lys', apostropha-t-il. C'est toi qui m'as emprunté mon duffle-coat noir ?

- Ton duffle-quoi..? répéta Lysandre ahuri.

- J'avais rangé les clés du dressing dans l'une de ses poches, j'en suis sûr et certain.


Les deux frères échangèrent soudain un regard exaspéré. 


- Rosalya, tranchèrent-ils en choeur. 


Je ne pus réprimer un éclat de rire qui fit légèrement sourire Lysandre.


- Elle m'emprunte toujours mes vêtements, fit-il, je vais lui passer un de ces savons quand elle va rentrer !

- J'espère bien, elle m'oblige à travailler avec Aurore en serviette de bain ! fit Lysandre.


Je me retint de lui dire que c'était loin d'être pour me déplaire. 


- Hein ? Mais non, je vais l'engueuler parce que ce duffle-coat doit avoir l'air abominable sur ses épaules toutes menues ! J'espère qu'elle avait vraiment froid parce que je refuse de la laisser s'habiller comme Dan Humphrey qui va à la bibliothèque un jour de pluie. 


Lysandre fixa son frère en pinçant les lèvres, puis il porta son attention sur moi. 


- Si tu veux qu'on annule, je comprendrais, fit-il en passant sa main dans ses cheveux. Je suis très occupé avec la musique et tout ça mais je peux essayer de m'arranger avec Cast' pour qu'on puisse reporter, je sacrifierai un peu de mon temps ce qui est tout à fait normal vu les circonstances.


En bougeant, il avait fait tomber le pan de la serviette qui recouvrait son épaule droite qui, par sa divine musculature, résumait à elle seule tout le reste de son corps. Passer toute une après-midi à bosser avec un demi-dieu à moitié nu ?


- Non-t'inquiète-ça-me-va, m'empressai-je de répondre. 

- Tu es sûre ? C'est nickel alors.

- Tu as au moins un bas de pyjama à enfiler, non ? l'interrogea Leigh.

- Je dors en caleçon depuis que je sais marcher, répondit Lysandre.

- C'est déjà ça, fit Leigh en revenant à ses épingles et ses patrons. Va enfiler des sous-vêtements pour cacher ton engin avant que cette serviette ne déserte la zone.


Lysandre secoua la tête en souriant.


- Bon, me dit-il. Veuillez me suivre mademoiselle. 


Je m'exécutai sans broncher. Derrière moi, je sentis Leigh qui m'attrapa le bras.


- Pssst. Essaie de te concentrer, hein !


Je lui répondis par un regard amusé. 


- J'ai entendu, fit Lysandre qui marchait devant moi.




***



Lysandre avait enfilé un caleçon. Il me vit me diriger vers son bureau, encadré par une immense étagère où étaient disposés trois appareils photo reflex, une multitude de vinyles de rock psyché et de metal et des livres tous plus cultes les uns que les autres : Camus, Balzac, Zola, Wilde, Hemingway, Woolf, Voltaire, Brontë... la liste était longue. 


- Un vrai littéraire, commentai-je. On s'installe où ?

- Sur le lit ? proposa-t-il.


Je lui fis face. Lysandre Mogarra, en caleçon, m'invitait à partager son lit King Size. Avait-il des arrières pensées ? Je me surpris à espérer que ce fusse le cas.

Je le rejoignai sur son matelas confortable couvert par une grosse couverture gris foncé.


- Bon, laisse moi juste le temps d'attraper mon Mac et on attaque ce fichu devoir, fit-il.


Il se pencha par-dessus le lit pour attraper son Macbook qui était par terre. Je l'avais déjà remarqué en lui emboîtant le pas dans le couloir, mais il avait un magnifique tatouage sur le dos qui représentait trois sortes d'ailes mêlées. Les ombrages étaient incroyables. Le tout se fondait parfaitement avec le dos de Lysandre : on aurait dit qu'il était né avec.


- Ça n'a pas grand-chose à voir avec ce pourquoi on est là, commençai-je, mais... ton tatouage, tu l'as fait faire chez qui ? Il est magnifique. 


Lysandre releva ses yeux bicolores de l'écran qu'il venait d'allumer pour les plonger dans les miens. 


- Merci, répondit-il dans un sourire. C'est un certain Oliver Peck qui m'a tatoué.


Mes yeux s'arrondirent.


- LE Oliver Peck ? répétai-je. Le géant du tatouage ? Le mari de Kat Von D ?

- Celui là même, fit Lysandre amusé par mon excitation. Je l'ai rencontré par hasard pendant une convention du tatouage, on a un peu discuté et il a eu l'air de bien aimer mon avis sur le concept. Il m'a proposé de me tatouer sur place. 

- Ça y est je suis jalouse. 


Il m'adressa un grand sourire. Même son sourire était divin. Il était parfait, décidément. 


- On boucle les questions bateaux d'abord ? me demanda-t-il. Nom, prénom, âge, pays d'origine et tout ce qui s'en suit. Je t'ai vu avec l'élève australien, cette semaine. Ce sera encore plus facile de l'approcher si tu le connais bien. 


Il m'avait vue avec Dake ? Pourtant, on ne s'était pas beaucoup montrés ensemble. Toutes les fois où il venait m'aborder une foule de groupies se ruait sur lui.


- O-ouais. On fera des espèces de cartes d'identité et ensuite un article plus approfondi.

- Mmh... ça a l'air pas mal, fit Lysandre en passant sa langue sur sa lèvre inférieure. 


Bon sang, il était vraiment trop sexy. Je me demandais comment j'avais pu ne pas le remarquer. J'avais passé déjà un mois dans la classe de ce garçon à tomber, et je n'avais même pas remarqué à quel point il était beau. Au premier abord, je l'avais seulement trouvé mignon. 

Mes yeux ne purent s'empêcher de détailler son visage pendant qu'il tapait activement sur le clavier. Ses cils, fournis et foncés, encadraient ses beaux yeux perçants dont la singularité les rendait uniques. Son iris droite, d'un profond vert émeraude, et son iris gauche, couleur noisette extrêmement claire, presque moutarde, se mariaient parfaitement tout en étant contrastées. Je ne comprenais pas comment quiconque aurait pu ne pas en être envoûté comme un cobra par la flûte d'un charmeur de serpents. En y plongeant mes propres yeux, j'avais l'impression de lire une énigme impossible à résoudre, de me faire poser, sans pouvoir y répondre, la charade du Sphinx dans le mythe d'Oedipe. Lysandre était à l'image de son regard, intriguant. 

Ses cheveux, bien qu'encore humides, n'étaient pas plats et sans forme comme ceux de tout mortel sortant de la douche. Ils étaient décoiffés, légèrement en bataille à cause de la manie que Lysandre avait de sans cesse y passer sa main. Cela lui donnait une coiffure d'après-sexe qui aurait fait virer de bord Ellen DeGeneres. Les pointes noires, les racines ivoires, l'oeil émeraude, l'autre doré. Le paradoxe demeurait. 

Son nez, c'était assez bizzare à dire, mais son nez était tout simplement parfait. Il avait des angles définis mais extrêmement doux. Chez lysandre tout était dans le contraste, c'était son centre de gravité. 

Tandis que je continuais de l'observer, il se caressa la lèvre avec son pouce, sa lèvre ni trop pulpeuses ni trop fine, parfaitement définie et symétrique. 

Il leva ses yeux vers moi, ce qui me fit aussitôt émerger de mon songe.


- J'ai écrit quelques questions bidons pour les formalités que je t'ai citées avant, m'expliqua-t-il. Voyons si nous sommes sur le même avis : qu'est-ce qu'on doit dire et ne surtout pas dire dans cet article selon toi ?


Ok. Je devais me concentrer, c'était à mon tour de parler. Lysandre avait toujours ses yeux plongés dans les miens et il m'était impossible de soutenir son regard. J'avais l'impression que ses iris aspiraient mon âme comme l'aurait fait le baiser d'un détraqueur.


- Par principe, je refuse de publier des choses qu'ils veulent garder secrètes, commençai-je en tentant de garder un peu de contenance. Liberté d'expression ou pas, je suis pas Perez Hilton.


Lysandre esquissa un sourire et appuya son menton princier contre la paume de sa main. 


- Il faudrait leur demander leur ressenti par rapport au pays en général : ambiance en comparaison avec leur patrie, comment ils voient les français maintenant, comment ils les voyaient avant. Ce serait intéressant de comparer les différent stéréotypes véhiculés sur nous : ils viennent de trois continent différents, je pense que ça risque d'être trois versions aux antipodes les unes des autres. 


Il pouvait pas arrêter de me fixer avec ces yeux là ? J'arrivais vraiment pas à le regarder... Personne ne m'avait jamais mise dans cet état simplement en utilisant ses yeux !


- Et sinon, poursuivis-je, s'ils nous disent tous les trois la même chose, on écrira un paragraphe qui dira que malgré la distance et le décalage culturel les français sont vus, aussi bien par les Jamaïcains que les Australiens, comme des gobeurs d'escargots avec des marinières et des bérets, ou tout autre stéréotype du mime des rues de Montmartre pendant l'époque de Gainsbarre. Ça dépendra de ce qu'ils nous sortent.


Lysandre baissa sa tête et enfouit davantage son visage dans sa main, cachant les deux tiers de sa bouche Je ne voyais plus que ses deux sublimes iris entourées par ses immenses franges de cils. Ses yeux étaient plissés, comme s'il trouvait quelque chose amusant. C'était moi qui le faisais rire ??? Bon sang Aurore, arrête un peu de dire des conneries !


- E-et je suppose que sainte Peggy attend de nous des questions comme "quel est ton type de fille ?" ou bien "aimes-tu les longues promenades nocturnes ?", mais on va lui montrer qu'on n'est pas sur Adopteunmec.com en essayant de donner un peu de profondeur à ces pauvres bizus. Enfin bon, s'ils sont vraiment débiles là on pourra difficilement cacher la misère sans faire de désinformation. 


Je ne voyais plus que ses yeux, et périmètre que j'arrivais à regarder sans flancher s'était ridiculement réduit. Mes iris ne savaient plus où se plonger et eurent la merveilleuse idée d'aller du côté du torse-sculptural-divin-parfait-somptueux de Lysandre, avant de revenir, en réalisant ce qu'ils faisaient, vers son visage dont les yeux me toisaient toujours. 

Lysandre releva la tête, et son regard quitta enfin le mien pour s'abandonner sur ma bouche, mon cou et enfin mes clavicule nues. Il replongea ses yeux dans les miens, et le temps de son voyage oculaire mon coeur avait déjà fait dix tours sur lui même avant de revenir à sa place. 


- C'est exactement ce que je pense, dit-il enfin. On dirait que tu as lu dans mes pensée, Aurore.


Si j'avais été le genre de fille qui rougit malgré elle, j'aurais été plus colorée que Angry Bird.

Quand Lysandre prononçait mon nom, de sa voix suave et harmonieuse, c'était comme s'il le décorait d'arabesques et de sequins.


Il poussa un peu l'ordinateur vers moi, ce qui l'obligea à se rapprocher pour pouvoir écrire. 

Voyant que je restais accroupie dans un coin du lit, il me fit signe d'approcher en tapotant la place à côté de la sienne.


Je pris donc place, m'allongeant sur le ventre. En appui sur mes avant-bras.

Il étendit son corps à côté du mien et se mit à taper une synthèse de tout ce que j'avais dit. 

Il s'interrompit.


- Tu préfères peut-être écrire toi-même ? me consulta-t-il.

- Heu, non ça ira, ta plume est beaucoup plus agréable à lire que la mienne. 


Il eût un petit sourire en coin que je ne parvins pas à interpréter. Voulait-ce dire "oui, j'avoue, j'écris bien mieux que toi" ou bien "parle pour toi" ? Ce garçon était décidément un mystère à lui tout seul. 


- On permutera ensuite, proposai-je. Je vais pas te laisser faire tout le boulot. 

- Mais, tu as fait bien plus que tu ne le crois.


J'allais lui demander en quoi, mais...


- Tu plaisantes ou quoi ?! Ce duffle-coat me donne un look masculin-féminin hyper branché !

- Pas-du-tout. On dirait que tu as rétréci au lavage ! Emprunte-moi une veste de costume, la prochaine fois : ça fera Kate Moss, Poppy Delevingne, Agyness Deyn ! Là on dirait juste une journaliste de TF1 envoyée au nord de la Finlande pour faire un sondage sur le résultat des législatives !


Je me mordis la langue pour ne pas rire de l'altercation de Leigh et Rosa, qui était visiblement rentrée. Lysandre acheva la phrase qu'il était en train de taper, puis il se redressa. 


- On va aller saluer cette chère cleptomane, fit-il dans un sourire. J'ai quelque chose à récupérer."



***



"Je trouve que ça fait très Catherine Deneuve, moi ! se défendit Rosa en croisant les bras sur sa poitrine.

- Catherine Deneuve porte des trench-coats, pas des duffle-coat pour homme deux fois trop grands ! Enlève ce manteau, maintenant.

- Non. Je vais le garder TOUTE la journée. Je dirais même toute la semaine ! Tiens, Lysandre d'amour, ça va ? Pourquoi t'es en caleço...


Elle s'interrompit en me voyant arriver derrière lui. Son regard se fit malicieux. 


- Mmmh, je vois, fit-elle. Salut Aurore, tu venais rendre visite à Lyschou ? Il t'a très bien accueillie à ce que je vois !

- Ne tire pas de conclusion hâtive Rosa, intervint le principal intéressé, tu as seulement emporté la clé du dressing en même temps que le duffle-truc de Leigh.

 

Les yeux de Rosalya s'illuminèrent instantanément ; Leigh, désespéré, plaqua sa main sur son visage.


- J'ai l'impression que j'aurais mieux fait de me taire, observa Lysandre.

- Alors ça tu peux le...

- Leigh, coupa Rosalya. Si tu veux récupérer ta clé, tu dois me dire que ton duffle-coat me va très bien.


Le styliste se mit à rire en agitant l'index face à lui. 


- Alors ça, tu peux courir, fit-il. J'ai des principes !

- C'est une blague ? s'indigna Lysandre. Dépêche lui de lui dire ce qu'elle veut entendre avant que j'attrape la crève. 


Rosalya approuva, mais Leigh n'avait pas l'air enclin à céder. 


- On augmentera le chauffage, décida-t-il. Je récupèrerai ma clé pendant que madame dormira. 

- J'avais justement prévu de passer le restant de mes jours ET de mes nuits dans ce manteau, fit Rosalya, et tu sais à quel point j'ai le sommeil léger, alors bonne chance à toi.


Elle s'éloigna vers la cuisine.


- Vous voulez quoi pour ce dîner ? questionna-t-elle.

- Une chemise et un pantalon, fit Lysandre. S'il te plaît.


Leigh poussa un long soupir avant de porter son attention sur moi.


- Tu restes ce soir, évidemment ??? Il faut que je puisse discuter de mode avec quelqu'un pendant le dîner pour oublier que Rosalya est habillée comme Mamette.

- Tu es TRÈS mal parti pour récupérer ta clé ! cria celle-ci depuis la cuisine.

- Habillée comme MAMETTE ! répéta Leigh.


Lysandre s'approcha.


- Libre à toi de te sauver de cette maison de fous, m'informa-t-il.


Ces mots auraient pu suggérer qu'il n'avait pas très envie que je passe la soirée chez eux, mais son regard bicolore me semblait chaleureux et bienveillant.



***



"C'est la première fois que je rate mon gratin dauphinois, gémit Rosa en prenant une autre part de pizza.

- Ça doit être à cause du duffle-coat. Le dieu de la mode s'est rangé de mon côté et t'a maudite.


Elle fit un doigt à Leigh.

Si, cinq heures plus tôt, quelqu'un m'avait décrit le tableau au milieu duquel je me trouvais, je n'y aurais jamais cru. Et pourtant, j'étais bel et bien affalée sur un canapé du salon des Mogarra, mangeant des pizzas devant South Park entre un sublime Lysandre Mogarra en caleçon et une Rosalya Kerr-Wilden toujours dans son duffle-coat pour homme, pendant que Leigh Mogarra insultait chaque épingle qui le piquait alors qu'il mangeait sa pizza en cousant. 


- Alors comme ça, Aurore, tu as une soeur qui est modèle d'après ce que Rosa m'a dit ? me questionna Leigh.

- Oui, répondis-je. Elle s'appelle Dawn et elle est encore plus tatouée que moi.


Rosalya me jeta un regard de reproche.


- Ah bon ? fit-elle. Tu me l'as même pas dit qu'elle était tatouée !

- Elle n'allait pas te balancer tout son CV, fit Lysandre en baillant légèrement.


Rosalya, jouant avec les boutons du duffle-coat, fit mine d'imiter Lysandre en grimaçant. 


- En tout cas j'aimerais beaucoup la rencontrer, me dit-elle. C'est pas souvent qu'on me parle d'une autre fille qui pose nue. Je suis sûre qu'on s'entendait très bien. 


Je me mis alors à imaginer la rencontre de Rosalya avec Dawn.


- Ce qui est sûr, c'est que tu ne peux que l'adorer ou la haïr, expliquai-je. Il n'y a pas de juste-milieu avec Dawn.

- D'ailleurs, si elle est intéressée, elle pourrait défiler pour ma nouvelle collection, fit Leigh. Mon mannequin vedette est devenu un vrai cure-dents à force de ne manger que du Konjac.


C'est sûr qu'avec le physique svelte mais athlétique et la poitrine voluptueuse de Dawn, Leigh n'aurait pas eu ce problème. 


- Bon, Lyschou, tu nous apporte les victuailles ?

- Je m'apprêtais justement à le faire, Rosa, répondit Lysandre en allant vers la cuisine. 


Je ne savais pas si c'était son tatouage qui embellissait son dos musclé ou bien l'inverse, mais cette pertie de son corps était tout à fait sculpturale. Et il avait de ces fesses en plus...

Lysandre était comme une statue de la Grèce antique à qui on aurait donné vie.


- Qu'est-ce que tu préfères comme alcool ? m'interrogea Rosa.

- Et attention à ce que tu réponds sinon on ne va pas s'entendre ! plaisanta Leigh. 


Je réfléchis un instant.


- Mmh... le Whisky single malt japonais, tranchai-je.

- Mais c'est qu'elle s'y connaît, observa Rosa en ébouriffant mes cheveux.


Leigh abandonna ses croquis pour s'approcher de moi d'un pas sollenel, ce qui fit rire Rosalya.


- Houla Aurore, fit-elle, là t'as pas intérêt à insulter son...

- Et le vin rouge, la coupa Leigh, t'en penses quoi ?


Il me fixait de ses grands yeux noirs comme un cowboy prêt à dégainer son flingue pendant un duel.


Je me redressai pour réduire la distance entre nous : étant assise sur le canapé alors que Leigh était debout, je me sentais comme une naine. Me lever ne changea pas grand-chose : mon mètre soixante-cinq faisait bien pitié face au mètre quatre vingt minimum qu'il devait mesurer.


- C'est pas mal le vin rouge, commençai-je... enfin, passé 55 ans et quand on aime le goût du vinaigre balsamique. 


Rosalya poussa un petit cri de terreur et Leigh écarquilla les yeux en pointant vers moi un index sermonnateur.


- T'es inconsciente Aurore, fit Rosa en riant. S'il y a bien une chose qu'il ne faut pas critiquer devant Leigh c'est bien le vin rouge !

- Non non Rosa, intervint Leigh. Elle a le droit de s'exprimer voyons, liberté d'expression. Mais maintenant tu vas subir le châtiment que je réserve aux palets comme le tien.


Oh non... qu'est-ce qui allait encore m'arriver. 

Lysandre entra à ce moment là, avec tout un attirail de bouteilles, de verres et de shots.


- Lys', l'apostropha Leigh, on va avoir besoin de la fée verte.

- J'en connais une qui n'aime pas le vin rouge, compris-t-il aussitôt en retournant dans la cuisine.


Rosalya me tapota l'épaule en guise de réconfort.


- Tu devrais prévenir ta soeur que tu risques de découcher cette nuit, me conseilla-t-elle.


Lysandre revint avec dans ses mains... une bouteille d'absinthe.


- Hein ?! m'écriai-je. Vous m'avez prise pour Charles Baudelaire ? Ce truc est tellement concentré en alcool que je suis sûre qu'on peut l'utiliser comme détergent ! Je tiens sûrement mieux l'alcool que vous tous réunis, mais si vous dosez comme des soviétiques je risque de finir aux urgences.


Leigh ouvrit l'un des tiroirs du buffet.


- Où est la cuillère ?"



***



Pouaaaaah, ma tête pèse officiellement dix tonnes. On dirait que quelqu'un a remplacé mon cerveau par une boule de bowling.

Pourquoi j'arrive pas à ouvrir complètement yeux ? Mes paupières seraient collées ensemble parce que j'ai dormi sans me démaquiller ?

D'ailleurs, je suis où ?!

Oh, je reconnais ce tapis à imprimé hindi, c'est celui du salon des Mogarra. J'aurais donc effectivement découché.

Cette absinthe est vraiment redoutable... pourquoi je suis allée insulter le vin rouge de Leigh, moi ? Quelle idiote, je me suis faite bizuter.

Mais... mais pourquoi je peux pas me lever ? Cette couverture pèse pourtant pas bien lourd. D'ailleurs, qui m'a couverte ? Et pourquoi j'ai l'impression d'être en sous-vêtements ??? 

Oh, peut-être parce que tu ES en sous-vêtements, Aurore.


Je rassemblai le peu d'énergie que javais pour faire glisser ma main sous la couette et tâter ce qui me retenait. Je dus me retenir de pousser un cri en comprenant qu'il s'agissait d'un bras, fermement plaqué autour de ma taille.


J'ai été mise en position latérale de sécurité, et celui qui a dormi avec moi voulait probablement éviter que je ne bouge durant mon sommeil... à moins que ce fusse juste un geste de... oh bordel ! Et si on avait... ???

Cela expliquerait pourquoi je suis à moitié nue, et il faut avouer que ça colle tout à fait comme hypothèse. Je ne sais même pas qui c'est, et si c'était Leigh ?! Le bordel que ça mettrait avec Rosalya...

Bon, Aurore, calme-toi, ne tire pas de conclusions hâtives. Là, maintenant, t'as juste l'impression que Travis Barker a joué un solo de batterie sur ton crâne. 

Qu'est-ce que...


Le bras qui m'encerclait ressera encore son étreinte. 


Ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit soit d'un garçon, soit d'une fille qui adore aller faire du soulevé de terre en salle de sport.

Berk, j'ai un goût absolument infect dans la bouche. C'est peut-être la pire gueule de bois de ma vie après celle du nouvel an chez Ruben, il y a deux ans.


J'eus tout à coup un flashback de la veille : j'avais justement prononcé le nom de Ruben, j'en étais sûre. Mais impossible de me rappeler à qui j'en avais parlé. 


Je doute que Leigh s'amuse à dormir avec une autre fille que Rosa, en sous vêtements. Peut être qu'elle avait l'air ridicule dans son duffle-coat, mais ce n'est pas une raison. Ces deux là s'aiment et ça se voit, c'est limite badant pour les célibataires comme moi. D'ailleurs, je sais pas comment fait Lysandre pour tenir la chandelle toute l'année. 

Donc si mon raisonnement s'avère correct, ce serait avec Lysandre que j'aurais dormi. J'aimerais bien me retourner pour pouvoir voir son visage, mais ma tête est tellement, mais alors tellement lourde. Mon pauvre foie a dû être mis à rude épreuve, déjà que d'habitude il lui en faut beaucoup pour que je finisse par ne me rappeler de rien avec en prime la tête dans le cul, la bouche pâteuse et les yeux collants...


Quelqu'un entra dans l'appartement, faisant grincer l'imposante porte d'entrée. Cette personne pénétra ensuite dans le salon, avant de poser sur la table basse un sachet de viennoiseries et deux cappuccinos du Coffee Shop de la rue attenante à l'appartement. 

À cause de la couette qui me couvrait la moitié du visage, je ne pus distinguer son visage, mais je compris qui s'agissait de Rosalya lorsqu'elle se pencha pour ramasser les cadavres de bouteilles, me laissant alors voir ses long cheveux argentés et le bas du duffle-coat de Leigh, qu'elle s'était décidément résignée à garder jusque dans sa tombe.

Elle s'approcha pour voir si je dormais encore, et je lui fis un petit sourire pour qu'elle comprenne malgré mes paupières presque closes que ce n'était pas le cas.


- Salut la gazière, chuchota-t-elle. Tu as une mine affreuse.


Je lui répondis par un long soupir qui signifiait que j'étais déjà au courant.


- Si tu veux aller prendre une douche, n'aie pas peur de le réveiller, fit-elle en désignant le fameux propriétaire du bras qui m'empêchait de bouger. Il a un sommeil de plomb on dirait. 


Je rassemblai alors toute les forces du monde pour me redresser, mais à peine avais-je soulevé la tête que j'eus l'impression d'être à moi seule une tranchée pendant une bataille de la guerre 14-18.

Je retombai alors instantanément sur le canapé, ce qui fit rire Rosa.


- Le réalisateur du clip de Thriller a appelé, il aimerait bien récupérer son actrice vedette, claironna la voix de Leigh depuis l'un des couloirs de l'appartement.


Je devais vraiment avoir une tête de déterrée


- Allez... tous... vous faire foutre, parvins-je à articuler alors que mon visage était écrasé contre le cuir du canapé.

- Bon, c'est pas que ça me pose un problème particulier d'aller chez Castiel à moitié à poil, mais la morale publique n'a pas l'air d'accord. 


Cette voix... impossible. 


Pourquoi j'avais l'impression que cette voix appartenait à Lysandre ? Peut-être que les concerts de Motorhead et August Burns Red m'avaient altéré l'ouïe, mais j'étais sûre que sa voix ne provenait pas de derrière-moi. Lysandre ne pouvait pas être à deux endroits à la fois !

Mais alors...

Cette fois, je me redressai d'un coup, sans réfléchir. 


- Qu'on me tue, s'il vous plaît", fis-je médusée en découvrant l'identité de celui avec qui j'avais passé la nuit. 

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