Alien : La dérive du Fortune

Chapitre 7 : Passager à bord

1809 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Dans le sas de décompression, Corday, qui avait enfilé son uniforme de la compagnie, n’avait pas encore retrouvé la force de se lever. Elle s’était affaissée contre son siège, le dos en compote et la tête entre ses genoux. Elle relâcha un soupir long et tremblant. Ses muscles, tendus comme des arcs, la lançaient pour la rappeler à la réalité de ses limites. Elle avait l’impression que son corps pesait des tonnes. Chaque respiration lui tirait la poitrine et chaque expiration était laborieuse. Elle passa une main sur son front moite, essuyant la sueur qui perlait de ses tempes. Elle était encore un peu groggy après les montagnes russes que Foster lui avait fait subir. Mais elle était encore plus brisée dans son âme. Elle devait à tout prix se ressaisir. Elle releva doucement la tête malgré une tension dans la nuque. Le bouton d’ouverture était si loin. Un petit effort et elle serait libérée de cette cellule qui puait la calamine. Elle se leva en s’appuyant sur un siège et se déplaça avec la lenteur de quelqu’un qui avait lutté contre les limites de son corps.

Elle avait survécu. Elles avaient toutes les deux survécu. Mais à quel prix? Elle sentait une boule monter dans sa gorge. Une vague d'émotions qu’elle n’avait pas anticipée menaçait de lui faire perdre pied. Ses mains, encore tremblantes, peinaient à défaire son casque. Elle tenta de garder son calme, mais sa voix trahissait déjà les sanglots qui pointaient. La culpabilité pesait lourd dans son estomac. Elle s’essuya une dernière fois les yeux avant d’appuyer sur la commande d’ouverture du sas. Elle entra dans l’accueil du pont inférieur. Tout y était si silencieux qu’elle s’imaginait être seule et abandonnée à bord de ce vaisseau fantôme. Ses doigts encore engourdis se refermèrent sur la poignée hydraulique de la porte qu’elle abaissa. L’action produisit un léger sifflement d’air comprimé et les portes du sas commencèrent à se fermer en coulissant latéralement.

Puis, elles stoppèrent net, laissant le sas à moitié ouvert et émettant un cliquetis mécanique en boucle. À les entendre, les vérins forçaient tant bien que mal à fermeture.

Corday fronça les sourcils et sentit son cœur repartir de plus belle dans un emballement incontrôlable. Elle leva les yeux.

Là, à moitié dans l’ombre, une main aux doigts longs et effilés bloquait le panneau de droite. Les griffes s'enfonçaient dans le métal avec une force terrifiante, tordant le cadre de la porte.

La terreur figea Corday, ses pensées se bousculaient, cherchant une explication rationnelle à ce qu’elle voyait. Mais aucune ne venait. Ses jambes se mirent à trembler tandis que son instinct lui hurlait de prendre la fuite. Dans la panique, son corps capitula, ses jambes cédèrent et elle tomba à la renverse. Mais son regard ne lâchait pas la créature. Le crâne démesuré de l’alien franchit le seuil de la porte. Il se déplaçait indolemment en marchant sur le plafond du sas puis se laissa tomber à quatre pattes sur le sol avec la délicatesse d’un fauve. Il venait de faire ses premiers pas dans le Fortune. Les panneaux du sas se refermèrent derrière lui après quelques soubresauts. Il déploya son corps de géant comme pour s’étirer après avoir voyagé dans une posture inconfortable. Et ça devait avoir été le cas. Recroquevillé dans un recoin au-dessus de Corday, il avait passé tout ce temps avec elle. Il avait même dû se glisser à l’intérieur avant elle. Corday n’en revenait pas de ne pas l’avoir remarqué. Elle commença à se déplacer à reculons, frottant ses bottes sur le sol grillagé et en appui sur ses mains. L’alien tournait sa lourde tête dans toutes les directions. Il était en train d’étudier le terrain. Il feula avec une intonation stridente puis regarda vers le haut. Quelque chose avait capté son attention. La grille sur laquelle rampait Cordait tinta quand glissa son pied droit. L’alien l’entendit et inclina sa tête en suivant la progression de sa proie. Il donnait l’impression qu’il savait déjà que quoi qu’elle fasse, il la rattraperait. Sans bouger d’un cil, il fouetta la paroi avec la pointe affûtée de sa queue dans un claquement à percer les tympans. Dans le même temps, Corday pivota sur ses talons et se mit à courir à toute vitesse, chaque fibre de son corps criant à la fuite. Elle prit la coursive à sa gauche et escalada l’échelle qui la mena au pont médian.


La chasse venait de commencer.


Une fois le sommet atteint, elle emprunta le couloir bâbord en filant comme une balle. Chaque enjambée était un supplice. Elle activa la communication avec le cockpit sur sa montre.

— Foster ! Il y en a un à bord ! Il est derrière moi ! Ferme les portes derrière moi ! Vite ! cria-t-elle, la panique qui couvrait chacun de ses mots.

 

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Dans le cockpit, Foster qui jusque-là était concentrée sur le paramétrage du trajet de retour, sursauta en entendant le cri de Corday dans l’intercom. Son regard se porta sur le moniteur des caméras intérieures.

— Quoi ?! répondit-elle dans la confusion et l'effroi.

— Foster ! Un de ces monstres est dans le vaisseau ! Ferme les portes derrière moi ! hurla-t-elle, son souffle saccadé par l’effort et la peur.

Foster ouvrit frénétiquement le programme de verrouillage des portes. Encouragée par l’adrénaline, elle débloqua les commandes d’accès de sécurité sans réfléchir. À sa gauche, un moniteur affichait la position de l'émetteur de la montre de Corday, un point lumineux avançant à vive allure à travers les couloirs bâbord du Fortune. Le monstre, lui, n'était pas visible, mais elle le cherchait sur les caméras.

— Ddd… d’accord ! J’ai les autorisations. Lui, où il est ? demanda-t-elle, la voix tremblante, essayant de garder une once de contrôle.

— Il a passé les portes B-5 et B-6 et je fonce vers la B-8 vers la salle des machines ! J’ai une courte avance sur lui, haleta Corday, sa voix à peine audible entre deux souffles rapides.

Foster, estomac noué, fixait son regard sur la progression de Corday, se préparait à fermer la porte B-7 et la B-8 une fois que Corday l’aurait franchie. Le point lumineux se dirigeait vers la salle des machines. Chaque seconde semblait interminable. Enfin, elle vit le signal arriver à destination. Elle enclencha aussitôt le verrouillage du compartiment, puis isola la zone dans laquelle l’alien semblait se trouver.

 

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Derrière Corday, la porte se referma avec un soupir sec et un sifflement confirma qu’elle était scellée. Elle essuya du revers de la main la sueur de son front avant de reprendre son souffle.

— Bordel, c’était juste. J’arrive ! Isole les accès au cockpit sur les accès tribord et ouvre-moi un chemin vers toi. On va se confiner et trouver un moyen de se débarrasser de cette saloperie, dit-elle d'une voix rauque, à peine remise du sprint.

— Okay. Tu peux y aller , dit Foster, mais fais attention parce que je ne le vois nulle part sur les caméras.

— Je pense que tu as réussi à le piéger. Attention, il peut marcher au plafond, il est rapide et très flexible. Juste au cas où, verrouille les iris des accès à la ventilation. 

— C’est bon, c’est fait. Cours, maintenant.

Corday reprit son sprint, son corps épuisé, mais poussé par la peur. Elle avait pas mal de chemin à parcourir avant d’arriver au pont supérieur. Se savoir couverte par Foster ne la rassurait pas pour autant. Elle jetait de temps à autre un coup d'œil derrière elle, craignant de voir surgir la créature à chaque tournant.

 

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Foster surveillait les caméras de sécurité, son doigt prêt à sceller la porte du cockpit dès que Corday serait à l’intérieur. Elle pouvait la voir se faufiler à travers les tuyaux de la salle des machines, se frayer un accès à la soute et contourner un couloir non sécurisé en direction de la cale du train d'atterrissage avant. Mais toujours aucun signe du monstre. Même pas un mouvement sur la caméra qui surveillait la section entre B-7 et B-8. 

 Soudain, une alarme retentit, perçant le silence oppressant. Les flashes d’alerte se mirent à clignoter en projetant des éclats stroboscopiques contre les murs. La voix synthétique de MAMAN, d’un calme incongru et glaçant, avertit l'équipage d’un nouveau danger.

— Alerte, brèche dans la zone moteur auxiliaire tribord. Alerte, brèche dans les conduits T-14, T-15, T-16.

Foster tressaillit, ses yeux passant nerveusement d’un écran à l’autre. Sur le moniteur, une série de lignes rouges clignotait l’une après l’autre, signalant la propagation des brèches. Une sueur froide coula le long de sa tempe. Elle regarda où en était Corday. Elle se trouvait à mi-chemin et escaladait l'échelle qui la menait au pont intermédiaire.

— Comment ça, il y a des brèches à tribord ? demanda Corday d’une voix grave et tendue.

Foster sentait que le danger se rapprochait à chaque bip lumineux. Elle réalisa avec horreur ce qui était en train de se passer, son esprit commençant à assembler les pièces de ce puzzle terrifiant. Elle n’osa pas répondre à Corday. Il ne fallait pas qu’elle dévie de sa route.

— Il est entré par le train d'atterrissage, murmura-t-elle, sa voix se brisant sous la pression de la terreur croissante.

MAMAN, toujours imperturbable, annonça :

— Confinement des zones moteur bâbord B-20, B-19 et B-18. Fermeture et verrouillage des portes d’accès à l’entretien moteur. Dysfonction des conduits de ventilation vers B-7. Trappe ouverte en B-7.

Le souffle court, Foster cligna des yeux plusieurs fois, refusant de croire ce qu’ils voyaient. 

— Il se passe quoi ? Réponds-moi, demanda la voix de Corday dans un trémolo produit par une défaillance de l’intercom.

Foster ne pouvait détourner les yeux de l’écran, ses doigts se crispaient au point de se planter dans ses paumes.

— Ramène-toi vite ! Il y en a un autre qui vient de libérer le premier ! Ils vont essayer de te prendre à revers ! hurla-t-elle, le stress atteignant un point culminant.


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