♠ ♦ Alice in Wonderland ♥ ♣

Chapitre 30 : ♠ ♦ Se relever en cas d'échec ♥ ♣

1276 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/01/2017 20:47

Que faire ? Son esprit ne contient plus que cette unique question. De temps en temps, d'autres interrogations viennent chatouiller ses pensées. Quel était cet étrange phénomène ? Kotaro était-il réellement en train de pleurer ? En ce moment-même, les Rebelz sont-ils prêts à se battre ou savourent-ils leur victoire, une tasse de thé à la main ? Étais-je vraiment capable de les tuer ? Pour une raison qui lui échappe à lui-même, il parvient à faire fuir ces agaçantes phrases de ses pensées d'un simple geste de main rageur. Mais l'une d'entre elles reste ancrée à son cerveau, résonnant dans ses oreilles de plus en plus fortement. Que faire ? Le Valet de Cœur finit par se lever de son lit, à bout de nerf. Il fait les cents pas. Il les a déjà fait, il y a un quart d'heure de cela, avant de s'affaler, complètement déboussolé. Il réfléchit, arrange ses lunettes, réfléchit encore. Soudain, il se tourne vers un coin de sa chambre. Le manche cassé de sa hache y est appuyé faiblement. Il serre le poing. D'un geste plein de haine, il envoie valser tous les objets posés sur sa commode. Que des merdes sans intérêt, pense-t-il, regardant avec colère les statuettes de flamants roses, les cartes à jouer et l'échiquier tombés au sol.

À part cette incessante question qui le torture, il ne pense à rien. Ni au Roi de Cœur, ni aux Rebelz, ni à personne d'autre... Il tape du poing contre le mur. Serrant la mâchoire, son regard croise son reflet dans un miroir mural. Il se regarde longuement. Il ne se reconnaît plus. Il ne sait même plus qui il est.

« Tu n'es pas capable de tuer ta vraie famille... »

Son cœur a violemment bondi dans sa poitrine. Cette phrase. Prononcée par la douce voix déchaînée de Marshall Tokuchi, l'un des trois garçons qui l'a élevé comme un petit papa, alors que le Wonderland tout entier semblait s'écrouler sur eux, les Rebelz...

Alors je suis un Rebelz ? , se demande-t-il à lui-même. Il est perdu. Il possède une immense fureur contre ce clan, qui l'a laissé partir sans tenter de le ramener, de prendre sa main pour le stopper. Il n'a toujours pas avalé le mal que chacun d'entre eux lui a fait suite à son départ précipité... mais il en a aussi marre de cette situation, empoisonnante, étouffante.

Ma place est auprès d'eux ? Il est loin d'être sûr de cela... Mais je suis un Heartace, mon poste est forcément au Royaume de Cœur. De cela non plus, il n'est pas très sûr, étant donné son enfance passée loin, très loin de cet imposant château et de ces services rendus à Sa Majesté. Il passe une main dans ses cheveux nerveusement. Il inspire un grand coup...




Les poings férocement serrés, mordillant sa lèvre sans même s'en rendre compte, le jeune Valet de Cœur se dirige dans l'immense salle du trône. Kotaro est assis sur son somptueux siège, tapotant l'accoudoir frénétiquement du bout des doigts, remuant sa jambe droite sous le stress qui le ronge. Il se tourne avec dédain vers Togano, qui s'approche de plus en plus de lui d'une démarche assurée. Il soupire, comme si la simple présence de son allié l'exaspérait, et se lève pour paraître encore plus supérieur à lui.

« Votre Majesté. J'ai à vous parler. C'est très important. »

La voix grave de Togano résonne encore dans l'interminable pièce. Kotaro hausse un sourcil interrogateur, et comprend au regard d'ébène de son Valet qu'il souhaite parler en privé. En un claquement de doigt, il fait comprendre à tous ses serviteurs de les laisser seuls.

« Je t'écoute... » En relevant le menton avec mépris, Kotaro pointe le sol du doigt. Togano comprend et se jette à genoux sur les marches, pour s'adresser à son supérieur. Ce dernier esquisse un sourire satisfait, en coiffant sa mèche à l'aide de son peigne préféré, le numéro 47, celui en or véritable serti de rubis taillés en forme de cœur.

« J'ai eu une idée, Votre Altesse. Un plan, plus précisément, qui pourrait permettre au Royaume de Cœur de se relever de ce coup que lui ont asséné les Rebelz...

-Aller, explique... murmure Kotaro en regardant ses ongles, de plus en plus intéressé.

-Lorsque j'étais à deux doigts de les tuer, j'ai perçu dans leurs yeux un sentiment nouveau à mon égard, et je pense que vous l'avez vu aussi. Je leur manque. Ils avaient espoir que je les sauve. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils avaient l'air de vouloir me faire passer de leur côté... n'était-ce pas ce que vous avez ressenti ?

-Évidemment, lance Kotaro le regard perdu droit devant lui et les yeux grand écarquillés.

-C'est ceci qui est à l'origine de mon plan, figurez-vous. Je pense que je devrais me rendre au Château de Pique quelques temps. Seul. »




Kotaro, l'esprit totalement embrouillé à cause des événements récents, a un moment d'hésitation, ne comprenant pas de suite où Togano voulait en venir.

« Tu ne comptes quand même pas les affronter tout seul ? Hurle-t-il, à bout de nerf.

-Non, bien sûr que non, continue Togano en arrangeant ses lunettes. Je vais faire ce qu'ils attendent de moi : me rallier à eux. »

Un mauvais sourire s'affiche sur ses lèvres. Le Roi de Cœur semble agréablement étonné.

« Poursuis, je te prie.

-Je leur ferai croire que je compte me racheter, revenir à leurs côtés.

-Comment comptes-tu faire ?

-Ce ne sera pas difficile : ce sont mes amis d'enfance, ils rêvent de me voir ramper jusqu'à eux de nouveau ! Une fois là-bas, je les espionnerai. Je pourrai ainsi vous écrire, vous racontant dans mes lettres tout ce qu'ils mijotent dans leur abominable camp de vermines !

-Quelle idée ingénieuse ! Murmure Kotaro en se frottant les mains. Il se calme soudainement. Mais dis-moi... qui me dit qu'une fois là-bas, ils ne vont pas t'embrigader dans leur clan, et que tu ne me trahiras pas ?

-Vous doutez de moi ? Le ton de Togano se fait plus sec, sa colère augmentant brusquement. Vous ne me faites pas confiance ? Vous ne l'avez donc pas vu, la hache s'abattre sur la nuque d'Alice ? Certes, un étrange phénomène a fait qu'ils ont tous survécu, mais j'étais prêt à les tuer. À enfin me venger ! À les punir du mal qu'ils m'ont fait... ils m'ont laissé partir sans tenter de m'en empêcher... et m'ont fait souffrir pour mon départ.

-Ton cœur en saigne toujours. Dit posément Kotaro pour calmer le jeu intelligemment.

-En effet... Après avoir quelques secondes baissé les yeux dans un silence, il lève son regard vers le jeune tyran. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir me laisser accomplir ceci. Je vous le demande comme un service. Je dois avoir ma revanche, nourrir leur espoir, pour les écraser plus facilement. »

Kotaro n'a même pas réfléchi. Il s'est contenté de sourire avec cruauté, et de murmurer :

« Vas-y, Togano. Va réduire les Rebelz à néant. »


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